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04/12/2014 | FRANCE | N°13/15644

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 04 décembre 2014, 13/15644


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 04 DECEMBRE 2014



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/15644



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Avril 2013 -Tribunal de commerce de PARIS - RG n° 2011014007





APPELANTE



SA BPE

prise en la personne de son représentant légal, son président du conseil d'administra

tion, domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentée et assistée de Me Bruno AMIGUES de l'Association AMIGUES, AUBERTY, JOUARY & POMMIER, avocat au barreau...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 04 DECEMBRE 2014

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/15644

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Avril 2013 -Tribunal de commerce de PARIS - RG n° 2011014007

APPELANTE

SA BPE

prise en la personne de son représentant légal, son président du conseil d'administration, domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée et assistée de Me Bruno AMIGUES de l'Association AMIGUES, AUBERTY, JOUARY & POMMIER, avocat au barreau de PARIS, toque : J114

INTIMES

Monsieur [N] [E]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Assisté de Me Stéphane CHOISEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : R013

Madame [K] [X] épouse [E]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Assistée de Me Stéphane CHOISEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : R013

SARL VILLA MARIE LOUISE agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Assistée de Me Stéphane CHOISEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : R013

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Octobre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente de chambre

Madame Caroline FÈVRE, Conseillère

Madame Muriel GONAND, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Josélita COQUIN

ARRET :

- Contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, président et par Madame Josélita COQUIN, greffier présent lors du prononcé.

Vu le jugement rendu le 04/04/2013 par le tribunal de commerce de Paris qui a condamné la société BANQUE PRIVÉE EUROPÉENNE à payer à la société VILLA MARIE LOUISE à titre de dommages et intérêts la somme de 13.000 €, a débouté les époux [E] de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, a débouté la société VILLA MARIE LOUISE et les époux [E] de leur demande de dommages et intérêts au titre de fautes de gestion imputées à la BPE, a condamné la BPE à payer la somme de 5.000 € à la VILLA MARIE LOUISE au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a ordonné l'exécution provisoire du jugement, a débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au dispositif, a condamné la BPE aux dépens ;

Vu l'appel interjeté par la société BPE à l'encontre de ce jugement ;

Vu les conclusions signifiées le 08/09/2014 par la BPE qui demande à la cour de dire et juger qu'elle n'a commis aucune faute à l'occasion du prêt consenti le 02/06/2008 à la société VILLA MARIE LOUISE, de dire et juger que la société VILLA MARIE LOUISE et les époux [E] ne prouvent pas l'existence et le montant des préjudices qu'ils allèguent, de dire et juger qu'il n'existe pas de lien de causalité direct et immédiat entre les fautes qui lui sont reprochées et les préjudices allégués, ce faisant, de débouter la société VILLA MARIE LOUISE et les époux [E] de toutes leurs demandes, d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser la somme de 13.000 € à titre de dommages et intérêts à la société VILLA MARIE LOUISE, d'infirmer aussi le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer 5.000 € à la VILLA MARIE LOUISE au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de confirmer le jugement entrepris pour le surplus, de condamner solidairement la société VILLA MARIE LOUISE et les époux [E] à lui verser la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens;

Vu les conclusions signifiées le 19/09/2014 par la société VILLA MARIE LOUISE et les époux [E] qui demandent à la cour de les recevoir en l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité de la BPE à leur égard, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité la condamnation de la BPE à une somme de 13.000 € et en ce qu'il les a déboutés de leurs autres demandes, et statuant à nouveau, de dire et juger que la BPE a commis une faute en manquant à son obligation de mise en garde et à son devoir de conseil à leur égard, de dire et juger que la BPE a commis des fautes à leur égard, de dire et juger que la BPE a engagé sa responsabilité envers eux, en conséquence, de condamner la BPE à leur payer la somme de 282.738,28 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi lié à la perte de chance de ne pas conclure les prêts et de ne pas avoir perçu les loyers et d'avoir dû engager des frais de remise en état, sauf à parfaire avec intérêt de retard au taux légal à compter du 27/07/2010, date de la mise en demeure, de condamner la BPE à payer à la société la somme de 25.123,84 € en réparation du préjudice qu'elle a subi et résultant du manque à gagner du fait de la conclusion du nouveau bail commercial avec intérêts de retard à compter du 27/07/2010, de condamner la BPE à payer aux époux [E], la somme de 157.500 € à titre de préjudice fiscal, de condamner la BPE à leur payer la somme de 24.840 € en réparation du préjudice subi au titre des fautes de gestion commises par la BPE ainsi que de la perte de confiance qui en est résulté avec intérêt au taux légal à compter du 27/07/2010, de condamner la BPE de toutes ses demandes, fins et conclusions, de condamner la BPE à payer à leur société la somme de 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner la BPE à payer aux époux [E], la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner la BPE aux entiers dépens ;

SUR CE

Considérant que par acte sous seing privé du 2 juin 2008, BPE a consenti à la société VILLA MARIE LOUISE, qui exerce l'activité de loueur en meublé professionnel, deux prêts totalisant 565 341 euros, pour financer notamment l'acquisition de deux studios dépendant d'une copropriété, la résidence hôtelière [1], sise à [Adresse 3], construite et vendue par la société Viainvest, filiale du promoteur Vianova ;

Considérant que tous les copropriétaires de la résidence [1], et notamment la société VILLA MARIE LOUISE, ont donné à bail commercial leurs appartements, à la société Atrium Tourisme qui assurait l'exploitation de la résidence;

Considérant que la compagnie d'assurances Saska, filiale du groupe Axa, garantissait aux copropriétaires, le paiement des loyers du bail commercial, en cas de défaillance de la société Atrium Tourisme ;

Considérant que le 01/04/2009, ATRIUM a été placée en redressement judiciaire, puis le 01/07/2009, en liquidation judiciaire, laissant impayés les loyers dus à la VILLA MARIE LOUISE ; que la compagnie d'assurance de son côté a refusé de prendre en charge le sinistre à raison des graves négligences qu'aurait commises son courtier, Provalliance, ayant entraîné la nullité de la police d'assurance ; que la compagnie d'assurance Saska a proposé quand même aux copropriétaires un dédommagement partiel de 35,5 % des loyers impayés ; que la société VILLA MARIE LOUISE a décliné cette offre ;

Considérant qu'un nouveau bail commercial a été conclu le 17 août 2009, entre la société VILLA MARIE LOUISE et la société Amotour , aux termes duquel le loyer annuel a été ramené à la somme de 13.106,20 € TTC ; qu'il avait été prévu que cette dernière effectuerait les travaux de remise en conformité avec l'argent des loyers qui ne seraient pas versés jusqu'en décembre 2002 ; qu'en réalité la société Amotour a fait appel le 18 mars 2011 à un sous exploitant, la société [Localité 3] qui a été placée le 13 janvier 2012 en redressement judiciaire ; que le fonds de commerce de la société [Localité 3] a été cédé à la société [Adresse 4] qui est entrée en conflit avec la société Amotour ; que par ailleurs, la société Amotour a été condamnée par ordonnance de référé du 2 octobre 2013 à payer aux copropriétaires de la résidence, les loyers depuis le 17 août 2009 ;

Considérant que par acte du 02/07/2011, la VILLA MARIE LOUISE, Monsieur et Madame [E] ont assigné la BPE devant le tribunal de commerce de Paris en responsabilité ;

Considérant que le jugement déféré a été rendu dans ces circonstances ;

Considérant que les premiers juges ont déclaré que la BPE avait commis une faute, distincte du non respect d'une obligation de mise en garde, à l'origine du préjudice subi par la VILLA MARIE LOUISE, et ce, en n'avertissant pas les époux [E] qu'elle n'avait pas vérifié la situation financière d'Atrium alors qu'elle s'était entremise dans l'opération et avait consenti des prêts pour sa réalisation ; qu'ils ont estimé qu'ils disposaient d'éléments suffisants pour fixer ce préjudice à la somme de 13.000€ ; qu'ils ont débouté les époux [E] de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive au motif que la BPE n'a pas fait preuve de mauvaise foi, que sa résistance n'est ni abusive, ni injustifiée ; qu'ils ont également débouté les époux [E] de leur demande de dommages et intérêts au titre de fautes de gestion imputables à la BPE dès lors que ces derniers ne justifient pas d'une erreur commise par la banque dans le déblocage des fonds et que l'indemnité de remboursement anticipé des prêts était librement fixée par la convention ;

Considérant que la BPE fait valoir que la société VILLA MARIE LOUISE et ses deux associés sont des emprunteurs avertis ; que la société VILLA MARIE LOUISE est une société commerciale exerçant l'activité de loueur en meublé professionnel ; qu'elle a pour associés Monsieur [N] [E] (54 ans), directeur général de la Mutuelle MPGS et Madame [K] [E] (56 ans), ancienne directrice juridique de la société Conseil Européen Courtage, et actuellement directrice déléguée du groupe d'assurances MNCAP, c'est à dire des cadres supérieurs, responsables d'entreprises spécialisées dans le conseil et la mutualisation des risques, qui en raison de leur expérience professionnelle et des connaissances nécessairement acquises dans le domaine des investissements patrimoniaux, connaissent mieux que quiconque les avantages mais aussi les risques d'une acquisition immobilière placée sous le régime de "loueur en meublé professionnel" ; que la plaquette de présentation de la Mutuelle MPGS (site www.mpgs.fr) montre que Monsieur [E] conduit en tant que directeur "la sélection et la mise en 'uvre des produits (de placement), l'analyse du risque, la surveillance actuarielle, le suivi juridique, etc." ; que les collaborateurs de Monsieur [E] sont analystes financiers et consultants en gestion financière ; que l'équipe est dédiée à la gestion de trésorerie de la mutuelle, les investissements ou placements financiers, les relations bancaires et les opérations d'arbitrage/rapprochement ; que le groupe MNCAP (site www.mncap.fr) dont Madame [E] assure la direction est courtier en assurances de prêt, et spécialisé dans l'analyse du risque crédit ; qu'à ce titre, Madame [E] travaille régulièrement avec des partenaires bancaires dont elle maîtrise les besoins, tels que le Crédit immobilier de France et la Banque Patrimoine et Immobilier; qu'elle ajoute que les époux [E], propriétaires de leur résidence principale, avaient déjà réalisé en 2003 un investissement immobilier à [Adresse 5] (Martinique), placé sous le statut fiscal de la loi Girardin ; et que pour payer moins d'impôts et augmenter leur patrimoine, ils ont aussi investi, sous le régime fiscal de "loueur meublé professionnel", dans une résidence à [Localité 5] et dans une résidence EHPAD dans la région de [Localité 4] ; qu'elle insiste sur le fait que Monsieur [E] gère pour le compte de son employeur, une importante foncière dénommée [W] qui acquiert et exploite par baux commerciaux des immeubles, notamment des biens et droits immobiliers sis à [Localité 6], dans un objectif de défiscalisation ; qu'elle conclut que la société VILLA MARIE LOUISE et ses associés ne sont donc pas des emprunteurs profanes, mais bien au contraire des emprunteurs tout particulièrement expérimentés et avertis, rompus aux opérations d'investissements défiscalisés, et pleinement capables de mesurer le risque de non paiement des loyers auquel tout investisseur est évidemment confronté ; qu'elle soutient qu'elle n'a commis aucune faute lors de l'octroi du prêt, qu'elle n'était débitrice à l'égard de l'emprunteur d'aucun devoir de mise en garde, qu'elle ne détenait aucune information que la société VILLA MARIE LOUISE aurait ignorée, que par ailleurs, le contrat de prêt ne comporte aucune clause lui faisant obligation de vérifier la situation financière de la société chargée d'exploiter la résidence ou de s'assurer du paiement des loyers, que le tribunal, en faisant peser sur elle une obligation distincte du devoir de mise en garde, a dénaturé le contrat et ce, sans aucun fondement, qu'en tout état de cause, aucune faute ne pourrait être retenue contre elle à ce titre, que les difficultés rencontrées par les époux [E] sont le fruit d'événements fortuits et indépendants d'elle, qu'elles ne pouvaient être envisagées au moment du financement ; qu'elle estime n'avoir pas non plus commis de faute lors du déblocage des fonds, qu'elle était en droit de refuser la mainlevée du nantissement sur le contrat d'assurance-vie de Madame [E], dès lors qu'il garantissait les concours mis en place, qu'au surplus, la société VILLA MARIE LOUISE aurait pu utiliser la somme correspondant au remboursement de la TVA pour financer les travaux supplémentaires; qu'elle prétend en outre, que l'indemnité contractuelle de remboursement anticipée n'est pas excessive, qu'elle a été librement acceptée par l'emprunteur, qu'au surplus, les prêts litigieux ne sont pas soumis aux dispositions du code de la consommation ; que subsidiairement, elle soutient que les intimés n'ont pas subi de préjudice, que la perte de loyer ne lui est pas imputable, qu'elle résulte du conflit opposant un locataire à son sous-locataire, que les intimés ne rapportent pas la preuve de travaux de remise en état, que les charges de gardiennage ne la concernent pas, que le prêt leur a permis d'acquérir deux studios, que le différentiel de loyer invoqué fait partie des aléas habituels d'une location, que si les époux [E] sont privés du bénéfice du statut de loueur en meublé professionnel, c'est parce que leurs revenus professionnels excèdent leurs revenus fonciers ; que très subsidiairement, elle fait valoir que les faits qui lui sont reprochés n'ont joué aucun rôle causal, que le défaut de paiement des loyers résulte du redressement judiciaire de la société Atrium et du refus inopiné de la compagnie d'assurance de garantir les loyers ;

Considérant que la société VILLA MARIE LOUISE et les époux [E] soutiennent que la banque a commis une faute en manquant à son devoir de mise en garde et de conseil en ne les avertissant pas de la situation d'Atrium, que la banque fait preuve de mauvaise foi en prétendant que cette société ne rencontrait pas encore de difficulté financière lors de la mise en place de l'opération, que pourtant, depuis leur achat, ils n'ont perçu aucun loyer et ont dû faire face à des dépenses supplémentaires de remise en conformité, que la banque, à l'origine de cette opération, est responsable de la situation qui en est résulté, qu'à tout le moins, la BPE a fait preuve d'une négligence blâmable ; qu'ils prétendent ne pas être des emprunteurs avertis, que salariés dans des mutuelles, leur activité est étrangère à la gestion de patrimoine et aux opérations financières, que leurs autres acquisitions citées par l'appelante sont concomitantes à celle litigieuse, qu'elles leur ont également été proposées par la BPE, que si la banque n'est pas tenue à leur égard d'un devoir de mise en garde, elle n'est pas exonérée de ses fautes de négligence ; qu'ils estiment avoir subi un préjudice résultant du montage de l'opération, correspondant à la perte de chance de ne pas souscrire le prêt et lié à la non perception des loyers permettant de financer les prêts outre les frais engagés pour la remise en conformité de la résidence et estimé à 80.433,18 €, somme à laquelle ils ajoutent le coût du prêt souscrit pour financer les deux studios, soit un total de 282.738,28 €, qu'ils invoquent un préjudice complémentaire lié au manque à gagner annuel dû à la situation de nouveau bail, qu'ils évaluent à la somme 25.123,84 €, qu'ils prétendent également avoir subi un préjudice du fait de la résistance abusive de la banque, qu'ils réclament 25.000 € de dommages et intérêts à ce titre ; que par ailleurs, ils soutiennent avoir subi un préjudice résultant de la légèreté et de la désinvolture de la banque dans les relations qu'elle entretient avec eux, qu'ils avaient confiance dans la BPE, qu'à cause des erreurs de la banque, ils ont dû chercher des solutions alternatives pour financer les travaux, que pourtant elle ne leur a proposé aucune solution, qu'en conséquence, ils ont été contraint de vendre leur bien à la Réunion, que la BPE a refusé de débloquer les sommes du compte d'épargne de Madame [E] au motif que ce compte avait été nanti à son profit, que toutefois, Madame [E] venait d'y effectuer un apport important, qu'ils ont appris la mainlevée du nantissement du compte à effet en 2008 et ce, seulement en 2011, qu'ils sollicitent pour ce préjudice une somme de 24.840 €, qu'ils reprochent enfin à la banque d'être à l'origine de la perte de leur statut de loueur meublé professionnelle dans la mesure où les loyers n'ont pas été réglés, qu'ils réclament donc une somme de 157.500€ au titre du préjudice fiscal subi ;

Considérant que les intimés reprochent à la BPE d'avoir commis une faute en mettant en place une opération complexe ( montage d'une sarl en vue de bénéficier du statut de loueur en meublé imposant le choix d'un locataire commercial gérant de la résidence ), en les incitant à la conclure et en demandant aux époux [E] de se porter caution personnelle des prêts contractés, alors qu'avant même sa réalisation la BPE détenait ou aurait dû détenir des informations sur la viabilité du projet et l'état de versement des loyers ; qu'ils expliquent qu'ils ont rencontré la société Fipatrimmo (courtier et conseil en investissements défiscalisés) ainsi que la société Viainvest (promoteur) et la société Atrium Tourisme (gérant de résidence hôtelière), par l'entremise de BPE ; qu'ils ont investi alors que l'équilibre économique n'existait pas et que la banque, dont ils étaient des clients anciens, aurait dû les alerter sur les dangers de l'opération, en détaillant les risques prévisibles ; qu'ils soutiennent que la responsabilité de la BPE est incontestablement engagée pour un manquement avéré à son obligation de mise en garde et inexécution de son devoir de conseil ;

Considérant qu'essentiellement les intimés incriminent le comportement de la BPE qui ne leur a pas dit que pour le premier trimestre 2008, si la société Viainvest, elle même propriétaire de lots a bien perçu une somme de 155.329,42 €, 90%, des propriétaires individuels n'avaient reçu aucun loyer et ce depuis le 4ème trimestre 2007;

Considérant qu'ils précisent que la société VILLA MARIE LOUISE devait percevoir un loyer de 14.092,69 € et qu'elle n'a perçu aucune somme d'argent à ce titre;

Considérant qu'il n'est pas contesté que Monsieur [E] a assisté au siège de la BPE à une soirée de présentation organisée par la société FIPATRIMO qui portait sur la réalisation d'acquisitions immobilières à des fins locatives dans le but de constituer une épargne sous forme d'un revenu complémentaire à échéance de la retraite, dans le cadre du statut de loueur en meublé ; qu'à la suite de cela et pour réaliser les acquisitions immobilières, les époux [E] ont créé la société VILLA MARIE LOUISE dont ils sont associés, chacun à 50 % ; que la société a réalisé l'acquisition de quatre biens immobiliers dont les deux studios dans la résidence hôtelière de [Localité 3] et contracté les prêts litigieux auprès de la BPE dont les époux [E] sont cautions ; que l'opération consistait à faire acquérir des biens immobiliers moyennant des prêts dont le remboursement mensuel était couvert aux 2/3 par les loyers perçus, la différence incombant aux époux [E] ;

Considérant que la BPE conteste être à l'origine du montage ; qu'elle admet seulement que les époux [E] ont effectivement rencontré, dans ses locaux, la société FIPATRIMO, courtier en placements immobiliers défiscalisés, au cours d'une réunion d'information qu'elle a organisée sur un thème de gestion patrimoniale ; qu'elle déclare que les époux [E] se sont intéressés aux programmes immobiliers commercialisés par cette société, sans aucune interférence de sa part ; qu'ils ont librement décidé d'investir dans plusieurs programmes de leur choix, et ont librement opté pour un financement BPE ; qu'ils ont rencontré le promoteur (Viainvest) et l'exploitant de la résidence (Atrium Tourisme) sans son entremise ; qu'elle affirme qu'elle n'entretient aucun lien de partenariat avec les différents intervenants ; qu'elle ne s'est pas départie de son rôle de banquier, puisqu'elle est exclusivement intervenue pour financer le projet des époux [E] ; qu'elle nie avoir connu dès l'origine les difficultés financières de la société Atrium Tourisme, précise que la société Viainvest avait transmis la copie du chèque du règlement par la société Atrium de la somme de 155.433 euros au titre des loyers, comme gage de sérieux du programme, de sorte qu'elle pouvait légitimement penser que tous les loyers étaient versés aux copropriétaires et qu'il n'y avait pas lieu de s'interroger sur la situation financière de la société Atrium, d'autant que ses bilans ne révélaient aucune difficulté, et qu'elle avait été analysée et ratifiée par la compagnie d'assurance Saska, qui a accepté sans réserve de se porter garante du paiement des loyers ; qu'elle souligne qu'il n'existe aucun lien juridique entre elle- même, Viainvest, Fipatrimo et Atrium Tourisme ;

Considérant qu'il résulte de la pièce 14 versée aux débats par la banque intitulée ' étude de Monsieur et Madame [E] Conseiller : [D] [R] ' que la société FIPATRIMO a joué un rôle fondamental dans la conception et la réalisation de cette opération de défiscalisation, et dans la commercialisation des programmes ; que ce document, dont il est précisé que la simulation a été réalisée avec 'TOPINVEST ', a été édité le 14/4/2008 ; qu'il est relatif au ' programme Global 2 Bussy et 1 [Localité 4] 1 [Localité 5] sous le régime Loueur en meublé professionnel ' ; qu'il est indiqué ' vous êtes mariés avec 4 parts fiscales et votre tranche marginale d'imposition est de 40 %. Vos revenus nets imposables sont de 142.425€ plus 500 € de revenus fonciers existant' ; qu'il est très détaillé, notamment sur l'investissement, et le financement ; qu'il est indiqué que l' apport personnel initial est de 0 € ; que les prêts sont détaillés mais que nulle part n'apparaît le nom de la BPE ; que sont décrites après les synthèses ' période d'épargne', ' période de rendement ', les simulations de trésorerie, d'exploitation, le détail des amortissements, la trésorerie pendant la période d'épargne et pendant la période de rendement, ainsi que l'incidence sur le revenu imposable ;

Considérant que les intimés produisent la plaquette de commercialisation éditée par la société VIANOVA ( pièce 3 ) ; qu'il y est indiqué : ' la rentabilité de votre investissement résulte d'un bail ferme de 11 ans passé avec la société Atrium Tourisme, spécialiste reconnu de la gestion des résidences Atrium Tourisme exploite votre résidence et assure le versement des loyers ' ; qu'elle ne fait aucune référence à la BPE, dont il n'est ni prouvé ni même allégué qu'elle ait financé l'acquisition de tous les lots de la résidence [Adresse 3] ;

Considérant ainsi qu'il est impossible d'affirmer que la BPE ait été à l'origine du ' package ' proposé aux époux [E] et que son rôle ait dépassé celui d'établissement dispensateur de crédit ; qu'il doit être considéré comme acquis que la BPE n'avait aucun lien de partenariat avec les entités qui sont intervenus dans l'opération, qu'elle ne disposait d'aucune information privilégiée sur leur situation ; qu'en toutes hypothèses il est manifeste que la banque n'avait aucun intérêt à financer un projet d'acquisition dont elle aurait connu l'absence de toute viabilité ;

Considérant que le contrat de prêt ne comporte aucune clause faisant obligation à BPE de vérifier la situation financière de la société chargée d'exploiter la résidence, ou de s'assurer du paiement des loyers ; qu' aucune obligation légale de ce type ne pèse sur un établissement bancaire qui finance une acquisition dans le cadre d'une opération de défiscalisation ; qu'il n'existe, contrairement à ce qu'ont dit les premières juges, aucune obligation à la charge de la banque, distincte du devoir de mise en garde ; qu'ainsi que le relève la banque, le contrat de prêt, le contrat de vente et le bail commercial sont des conventions distinctes, conclues à des dates distinctes, avec des intervenants distincts; que le risque de non-paiement du loyer, qui est inhérent à tout investissement locatif, pèse sur l'investisseur qui doit se renseigner sur la solvabilité de son locataire ;

Considérant qu'à supposer même, ce qui n'est pas le cas, que la banque ait commis une faute en ne vérifiant pas la solvabilité de l'exploitant et la réalité du paiement des loyers, ce qui aurait été difficile à réaliser, il y a lieu de retenir que le risque de non paiement des loyers était garanti par le contrat d'assurance ; qu'en l'espèce c'est la faute du courtier, qui est extérieure à la banque, qui a empêché la prise en charge par la compagnie d'assurance des loyers impayés ;

Considérant, ainsi que le soutient la banque, que tant la défaillance de la société Atrium Tourisme que le refus de garantie des loyers par la compagnie d'assurances, qui n'étaient pas envisageables à la date du financement et sont indépendants de la banque, sont à l'origine du préjudice subi par les intimés ;

Considérant d'autre part qu'il n'est pas contesté que le crédit octroyé par la banque n'était pas excessif au regard des facultés de remboursement des emprunteurs ; que dès lors la banque n'a pas failli à son devoir de mise en garde, sans qu'il soit besoin de dire si les emprunteurs étaient avertis ou pas ; que l'opération , ainsi que la simulation faite par la société FIPATRIMO le démontre, était cohérente avec la situation des époux [E] et leur objectif de défiscalisation ; qu'elle présentait un intérêt financier, patrimonial et fiscal manifestes ; qu'il ya lieu à cet égard de noter que les autres opérations financées par BPE ne posent aucun problème ;

Considérant en conséquence que la banque n'a commis aucune faute ; que le jugement déféré sera sur ce point infirmé et que les intimés seront déboutés de leurs demandes ;

Considérant que les intimés demandent, ensuite, à la cour de sanctionner la BPE qui a eu un comportement fautif, et s'est ' avérée particulièrement légère et désinvolte dans ses relations avec eux ' ; qu'ils font tout d'abord valoir que la BPE leur avait consenti trois prêts, le troisième étant un prêt relais ayant pour but de compléter le paiement de l'acquisition, le temps pour la sarl de percevoir le remboursement de la TVA, ensuite, qu'à la suite d'une erreur la banque a débloqué en totalité les prêts 1

( destiné à l'acquisition) et 2 ( devant financer pour partie l'acquisition et pour partie les travaux ) de sorte que le prêt relais n'a jamais été mis en place et que lorsqu'il a fallu faire face au paiement des travaux ( 45.000 € environ) en mai 2010, il leur a fallu vendre un bien qu'ils avaient acquis à la Réunion pour trouver de nouveaux fonds, la BPE ne leur ayant proposé aucune solution et ayant refusé de donner mainlevée du nantissement sur le contrat d'assurance-vie de Madame [E] ; qu'ils affirment ensuite que la BPE, alors qu'ils étaient des clients anciens et fidèles, leur a consenti des prêts à des conditions défavorables ; que c'est ainsi qu'en 2009, elle a augmenté le montant de l'indemnité de remboursement anticipé en la chiffrant à un mois d'intérêt par année ; qu'ils rappellent que dans la mesure où les loyers n'ont pas été réglés, les avantages fiscaux du statut de loueur meublé ont été perdus ;

Considérant sur le premier point que la BPE objecte, à juste titre, que le remboursement de TVA d'un montant de 51 931 euros a été effectué dès le 21 juillet 2009, si bien que le crédit-relais n'avait plus d'objet et que la société VILLA MARIE LOUISE n' a pas réclamé la mise en place du crédit relais ; que, sur le second, elle rappelle, justement, que le nantissement du contrat d'assurance-vie de Madame [E] garantissait les crédits mis en place et que dès lors, elle n'a commis aucune faute en refusant d'accorder la mainlevée ; que sur le troisième, la banque fait valoir, exactement, qu'elle n'a fait qu'appliquer les stipulations contractuelles, qui font la loi des parties, et ne sont pas illicites, et qui prévoyaient que les emprunteurs peuvent librement rembourser par anticipation une partie ou la totalité de la somme prêtée, sous réserve du paiement d'une indemnité équivalente à "un mois d'intérêts par année de prêt sur la durée entière fixée à l'origine. Ces intérêts seront calculés au taux en vigueur du prêt à l'époque du remboursement anticipé, sur le seul capital remboursé par anticipation" ;

Considérant que le préjudice fiscal, ainsi que cela a été jugé plus haut, ne peut être imputable à la BPE ;

Considérant en définitive qu'aucune faute ne peut être reprochée à la BPE dans le déblocage des fonds et dans la gestion des prêts ; que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté les intimés de leurs demandes indemnitaires au titre des fautes de gestion imputées à la BPE ;

Considérant que les intimés doivent être déboutés de toutes leurs demandes formées à l'encontre de la BPE ;

Considérant que compte tenu du sort réservé au recours la demande indemnitaire formée par les intimés au titre de la résistance abusive ne peut qu'être rejetée;

Considérant que les intimés, qui succombent et qui seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel, ne peuvent prétendre à l'octroi de sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que l'équité commande au contraire qu'ils versent à ce titre la somme de 2.000 € à la BPE ;

Considérant que les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être infirmées ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la BPE à verser à la société VILLA MARIE LOUISE la somme de 13.000 € à titre de dommages-intérêts et celle de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il a condamné la banque aux dépens, le confirme pour le surplus,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute la société VILLA MARIE LOUISE, Monsieur [N] [E] et Madame [K] [X] épouse [E] de toutes leurs demandes dirigées contre la BPE,

Les condamne solidairement à payer la somme de 2.000 € à la BPE au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes des parties,

Condamne, solidairement, la société VILLA MARIE LOUISE, Monsieur [N] [E] et Madame [K] [X] épouse [E], aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés, pour ces derniers, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 13/15644
Date de la décision : 04/12/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°13/15644 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-04;13.15644 ?
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