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04/12/2014 | FRANCE | N°13/05023

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 04 décembre 2014, 13/05023


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 04 DECEMBRE 2014



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/05023



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Février 2013 - Tribunal de Commerce de MEAUX - RG n° 2010/02297





APPELANTE



SA ZIEGLER FRANCE

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

prise en la personne de s

es représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentée par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL Cabinet SEVELLEC, avocat au barreau de PARIS, toque : W09

Assistée de Me ...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 04 DECEMBRE 2014

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/05023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Février 2013 - Tribunal de Commerce de MEAUX - RG n° 2010/02297

APPELANTE

SA ZIEGLER FRANCE

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL Cabinet SEVELLEC, avocat au barreau de PARIS, toque : W09

Assistée de Me Bruno PERRACHON, avocat au barreau de LYON

INTIMEE

SAS MEN AUTOS

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

Ayant pour avocat plaidant Me Françoise PAEYE, avocate au barreau de MEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Septembre 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Colette PERRIN, Présidente de chambre chargée du rapport et Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente de chambre

Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président

Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller

Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

Faits et procédure

La société Men Autos a pour activité la vente de pièces détachées, l'enlèvement ainsi que l'achat et la vente de véhicule.

Courant avril 2008, la société Men Autos a demandé à la société Ziegler France d'assurer le transport par bateau d'un container à destination de [Localité 2]. Le transport maritime a été confié à la société MSC, et un container contenant 80 moteurs d'occasion de voiture a été chargé sur un bateau le 7 mai 2008. Ce container est arrivé au port de [Localité 2] le 22 mai 2008.

Le destinataire, la société Habib Elatif n'a pas procédé aux formalités de dédouanement en Tunisie et s'est donc désintéressée de l'importation. La société Men Autos s'est donc efforcée de trouver d'autres acquéreurs potentiels. La société Ziegler a donc demandé à plusieurs reprises à la compagnie maritime de modifier le destinataire porté sur le connaissement. Aucun des acquéreurs présentés n'a donné suite.

En décembre 2009, la société Ziegler a abandonné la marchandise aux autorités douanières tunisiennes et a envoyé à la société Men Autos une facture de 20.266,60 € de frais afférents au transport, de détention et de stationnement. La société Men Autos a refusé de régler cette facture.

C'est dans ces conditions que le 19 octobre 2010, la société Ziegler a fait assigner la société Men Autos aux fins d'obtenir le versement du prix du transport.

Par jugement du 5 février 2013, le tribunal de commerce de Meaux a :

- reçu la société Ziegler France en sa demande, au fond la dit mal fondée,

- jugé que la demande présentée par la société Ziegler France est prescrite,

- déclaré irrecevable la demande présentée par la société Ziegler France,

- débouté la société Ziegler France de l'ensemble de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la décision,

- condamné la société Ziegler France à payer à la société Men Autos la somme de 500 € TTC au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté le 12 mars 2013 par la société Ziegler France contre cette décision.

Vu les dernières conclusions signifiées le 2 mai 2014 par la société Ziegler France par lesquelles il est demandé à la Cour de :

- réformer le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

- dire et juger que l'action de la société Ziegler France à l'encontre de la société Men Autos n'es pas frappée par la prescription annale ;

- dire et juger que la société Ziegler France n'a commis aucune faute au préjudice de la société Men Autos ;

- dire et juger en tout état de cause irrecevable et non fondée les demandes de la société Men Autos ;

En conséquence,

- condamner la société Men Autos à verser à la société Ziegler France :

* la somme en principal de 20.266,60 € outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 décembre 2009,

* la somme en principal de 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,

* la somme de 7.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante soutient qu'un donneur d'ordre doit payer au commissionnaire les frais exposés par celui-ci pour le transport et la conservation des marchandises et que ne s'applique pas en l'espèce la prescription annale, l'arrivée au port ne pouvant constituer la livraison au destinataire. Elle fait observer que, sans instructions de la part de la société Men Autos, elle a dû abandonner la marchandise aux autorités douanières et qu'elle en a informé le donneur d'ordre le 22 décembre 2009, date à compter de laquelle le délai de prescription annale a pu commencer à courir.

Elle fait valoir que, contrairement à ce que le tribunal de Meaux a considéré, elle n'a jamais tenté de remettre la marchandise à la société Clinique des Engins, le fait d'avoir modifié les documents de la marchandise en fonction des demandes de la société Men Autos ne constituant pas une preuve de tentative de livraison auprès des potentiels destinataires qui se sont tous désistés auprès de la société Men Autos, de sorte qu'il n'y a pas eu de livraison possible.

Elle indique que la société Men Autos envoie régulièrement des marchandises par voie maritime, qu'elle connaît les frais que peut engendrer le stationnement de containers dans un port et qu'en toute hypothèse sa contestation sur ces frais cela ne la dispensait pas de payer les frais de transport eux-mêmes.

Elle oppose d'ailleurs que la demande de dommages et intérêts de la société Men Autos se heurte à la prescription annale puisque le point de départ de la prescription est le 22 décembre 2009 et que la société a rendu ses premières conclusions bien après cette date.

Elle indique enfin que la société Ziegler n'a fait que re-facturer la société Men Autos des sommes que la société MSC lui a elle-même facturées.

Vu les dernières conclusions signifiées le 3 septembre 2014 par la société Men Autos par lesquelles il est demandé à la Cour de :

- confirmer le jugement rendu le 5 février 2013 par le tribunal de commerce de Meaux en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- dire et juger prescrites les demandes présentées par la société Ziegler France à l'encontre de la société Men Autos,

En conséquence,

- déclarer irrecevables les demandes présentées par la société Ziegler France,

- débouter la société Ziegler France de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que la société Ziegler France a commis une faute lors de l'exécution de ses obligations contractuelles à l'égard de la société Men Autos,

- condamner la société Ziegler France à régler à la société Men Autos la somme de 20.266,60 € à titre de dommages et intérêts,

- ordonner en ce cas la compensation des créances respectives de chacune des parties,

En tout état de cause,

- débouter la société Ziegler France de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Ziegler France à payer à la société Men Autos la somme complémentaire de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée soutient que toutes les actions auxquelles le contrat peut donner lieu, tant contre le voiturier ou le commissionnaire que contre l'expéditeur ou le destinataire, sont prescrites dans le délai d'un an et que les frais de stockage étant liés au contrat de transport, sont soumis au même délai. Elle affirme que ce délai court à compter du jour où les marchandises sont remises ou offertes au destinataire sans qu'il soit nécessaire qu'elles soient acceptées ce qui, selon elle, a été le cas en l'espèce, puisque les destinataires se sont désistés.

Elle considère, à titre subsidiaire, que la société Ziegler ne justifie pas du bien fondé de sa demande en paiement de la somme de 20.266,60 €, puisqu'elle se contente de produire des factures et des correspondances dont les montants ne correspondent pas.

A titre infiniment subsidiaire, elle oppose que la société Ziegler était chargée d'effectuer les formalités de douanes dans le cadre de son contrat de commissionnaire de transport. Il appartenait donc à la société Ziegler de l'informer des conséquences d'une absence de dédouanement et de des différents frais engagés au titre du stockage notamment.

Enfin, elle indique qu'elle a le droit de présenter une fin de non-recevoir sans que cela puisse être qualifié de résistance abusive et injustifiée.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile

MOTIFS

Sur la prescription :

Considérant que la société Men Auto soutient que l'action en paiement de la société Ziegler est prescrite sur le fondement de l'article L133-6 du code de commerce qui en matière de transport prévoit une prescription annale.

Considérant que la société Ziegler fait valoir que ce délai ne peut s'appliquer dans la mesure où la marchandise est seulement arrivée au port de [Localité 2] ce qui ne peut constituer une livraison.

Considérant que l'article 133-6 du code de commerce dispose que :

«Les actions pour avaries, pertes ou retards auxquelles peut donner lieu contre le voiturier le contrat de transport sont prescrites dans le délai d'un an sans préjudice des cas de fraude ou d'infidélité.

Toutes les autres actions auxquelles peut donner lieu ce contrat tant contre le voiturier ou le commissionnaire que contre l'expéditeur ou le destinataire sont prescrites dans le délai d'un an.

Le délai de ces prescriptions est compté dans le cas de perte totale du jour où la remise de la marchandise aurait dû être effectuée et dans les autres cas du jour où la marchandise aura été remise ou offerte au destinataire».

Considérant que la marchandise étant bien arrivée au port de [Localité 2], le délai de prescription doit être décomptée du jour où elle aura été remise ou offerte au destinataire.

Considérant que la marchandise devait être remise à la société Habib Elatif ; qu'il n'est pas contesté que celle-ci s'est désistée ; que dès lors la société Men Auto ne peut prétendre que la marchandise lui a été remise, ni même qu'il y ait eu offre de remise puisqu'il n'y a pas eu refus de réception de la part de ce client, son désistement étant manifestement intervenu avant.

Considérant que la société Men Auto ne peut le nier dans la mesure où elle a recherché un nouvel acquéreur et a adressé dès le 26 mai 2008 à la société Ziegler une facture au nom de la société « Clinique des Engins » à Beja ; que pour autant la société Men Auto ne démontre aucun accord avec cette société qui aurait justifié d'une remise ou d'une offre de remise de la marchandise par la société Ziegler puisqu'elle reconnaît que ce nouveau client s'est lui aussi désisté.

Considérant en conséquence que la marchandise n'ayant été offerte à aucun destinataire, le délai de prescription n'a couru que lorsque, faute d'instructions de la société Men Auto, la marchandise a dû être abandonnée aux autorités douanières tunisiennes en décembre 2009, étant alors perdue pour la société Men Auto ; qu'en conséquence la société Ziegler ayant assigné en paiement la société Men Auto le 19 octobre 2010, soit dans le délai d'un an elle n'était pas prescrite ; qu'il y a lieu d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré la demande en paiement de la société Ziegler prescrite.

Au fond :

Sur la faute alléguée par la société Men Auto à l'encontre de la société Ziegler :

Considérant que la société Men Auto soutient que la société Ziegler a commis une faute en ne l'informant pas de l'existence de frais de détention et de stationnement au port de [Localité 2].

Considérant que ce reproche n'empêchait pas la société Men Auto de régler au moins les frais de transport, la marchandise étant arrivée au port de [Localité 2] conformément à sa commande.

Considérant que la société Ziegler fait valoir que la société Men Auto réalise de telles expéditions de façon habituelle de sorte qu'elle ne pouvait ignorer l'existence même de ces frais qui ne relèvent pas de la société Ziegler mais des autorités portuaires locales et qui sont facturées par toutes les compagnies maritimes ; que d'ailleurs à réception de la facture, la société Men Auto n'a formulé aucune observation sur le montant facturé qui comportait d'une part les frais de transport, d'autre part les frais de stationnement.

Considérant que la société Men Auto savait parfaitement que les marchandises ne pouvaient pas être livrées faute d'acquéreur et que cette situation qui n'était pas imputable à la société Ziegler entrainait des frais que celle-ci devait régler ; qu'à la suite de l'incurie de la société Men Auto, incapable de trouver un acquéreur pour sa marchandise, la société Ziegler n'a eu d'autre solution que d'abandonner celle-ci aux autorités douanières tunisiennes ; que la société Men Auto ne saurait dès lors reprocher à la société Ziegler un stationnement au port de [Localité 2] dont elle est la seule responsable.

Considérant, au surplus, que, si la société Men Auto prétend rechercher la responsabilité de la société Ziegler, son action est soumise au délai de prescription annale de l'article L133-6 du code de commerce ; que le point de départ de ce délai doit être fixé au 22 décembre 2009, date de la demande en paiement au titre de la facture litigieuse ; que la société Men Auto a déposé ses premières conclusions après le 22 décembre 2010 de sorte qu'elle est en tout état de cause prescrite.

Considérant qu'il y a lieu en conséquence de débouter la société Men Auto de ses demandes à l'encontre de la société Ziegler.

Sur la facture en cause :

Considérant que la facture porte sur un montant de 20 266,60€ comprenant les frais de transport maritime depuis [Localité 1] jusqu'à [Localité 2] pour 3 264,55€ et des frais de stationnement pour la période du 23 mai 2009 au 31 juillet 2009 pour 17 002,05€.

Considérant que la société Ziegler justifie avoir réglé les factures qui lui ont été adressées par la compagnie maritime MSC au titre des frais de stationnement précités.

Considérant que la société Ziegler justifie du bien fondé de sa créance au paiement de laquelle sera condamnée la société Men Auto.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

Considérant que la société Ziegler fait valoir que la société Men Auto a résisté abusivement au paiement de sa facture.

Considérant que la société Men Auto soutient qu'elle était en droit de présenter une fin de non recevoir et des moyens de défense qu'elle estimait fondés.

Considérant que la fin de non recevoir de la société Men Auto a été reçue par les premiers juges ; qu'il n'est pas démontré qu'en persistant en cause d'appel sur cette même prétention, elle ait abusé de son droit ; qu'il y a lieu en conséquence de rejeter la demande de dommages et intérêts de la société Ziegler.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Considérant que la société Ziegler a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

Et, adoptant ceux non contraires des Premiers Juges,

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

INFIRME le jugement déféré.

CONDAMNE la société Men Auto à payer à la société Ziegler la somme de 20 266,60€ en principal avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 décembre 2009.

CONDAMNE la société Men Auto à payer à la société Ziegler la somme de 5 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

REJETTE toute autre demande, fin ou conclusion plus ample ou contraire.

CONDAMNE la société Men Auto aux entiers dépens.

Le Greffier La Présidente

B.REITZER C.PERRIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 13/05023
Date de la décision : 04/12/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°13/05023 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-04;13.05023 ?
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