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02/12/2014 | FRANCE | N°13/17555

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 02 décembre 2014, 13/17555


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 1



ARRÊT DU 02 DECEMBRE 2014



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/17555



Décision déférée à la Cour : Sentence rendue à Paris le 16 mai 2013 par le tribunal arbitral constitué sous l'égide de la Chambre de commerce internationale de MM. [Z] et [N], arbitres, et de Mme [S], présidente



DEMANDERESSE AU RECOURS

:



S.A.S. FIBRE EXCELLENCE

prise en la personne de ses représentants légaux



[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1

ARRÊT DU 02 DECEMBRE 2014

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/17555

Décision déférée à la Cour : Sentence rendue à Paris le 16 mai 2013 par le tribunal arbitral constitué sous l'égide de la Chambre de commerce internationale de MM. [Z] et [N], arbitres, et de Mme [S], présidente

DEMANDERESSE AU RECOURS :

S.A.S. FIBRE EXCELLENCE

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat postulant du barreau de PARIS, toque: L0044

assistée de Me Stéphane PAGES, substituant Me Joël ALQUEZAN, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : A 305

DÉFENDERESSE AU RECOURS :

S.A.S. TEMBEC

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0034

assistée de Me Philippe HAMEAU, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque J39

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 octobre 2014, en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de :

Monsieur ACQUAVIVA, Président

Madame GUIHAL, Conseillère

Madame DALLERY, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame PATE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur ACQUAVIVA, président et par Madame PATE, greffier présent lors du prononcé.

Le 19 mars 2010, deux sociétés holding de droit français, FIBRE EXCELLENCE SAS (FIBRE EXCELLENCE), et TEMBEC FRANCE SAS (TEMBEC) ont conclu un contrat portant sur l'acquisition par la première des titres de trois sociétés détenues par la seconde : Tembec Saint-Gaudens SAS, Tembec Tarascon SAS et la Société d'exploitation des bois du Sud-Ouest.

Un différend étant survenu entre les parties, TEMBEC, le 1er décembre 2010 a sollicité un expert indépendant, conformément aux prévisions contractuelles, afin de déterminer le montant du fonds de roulement net à la réalisation. Toutefois, FIBRE EXCELLENCE ayant, en application de la clause compromissoire, engagé une procédure d'arbitrage le 8 décembre 2010, l'expert a suspendu ses travaux.

Par une sentence rendue à Paris le 16 mai 2013, le tribunal arbitral constitué sous l'égide de la Chambre de commerce internationale de MM. [Z] et [N], arbitres, et de Mme [S], présidente, a décidé, avec exécution provisoire, que le tribunal arbitral n'était pas compétent pour statuer sur le fonds de roulement net, dont la détermination était confiée par le contrat à un expert indépendant, a ordonné aux parties de reprendre la procédure d'expertise indépendante, et a rejeté toute autre demande, en particulier celle tendant à voir dire que TEMBEC avait commis un dol ou une fausse déclaration intentionnelle.

La sentence revêtue de l'exequatur par une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris du 12 août 2013 a été signifiée le 16 août 2013 à FIBRE EXCELLENCE qui a formé un recours en annulation à son encontre le 2 septembre 2013.

Par des conclusions signifiées le 29 septembre 2014, FIBRE EXCELLENCE demande à la cour de donner acte à TEMBEC qu'elle reconnaît le caractère international de l'arbitrage, d'annuler la sentence pour constitution irrégulière du tribunal arbitral, de rejeter les demandes de la partie adverse et de la condamner à lui payer la somme de 75.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par des conclusions signifiées le 10 septembre 2014, TEMBEC demande à la cour de déclarer irrecevable et subsidiairement mal fondé le moyen d'annulation et de condamner la partie adverse à lui payer 100.000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive et 75.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Invitées à s'expliquer sur la qualification de l'arbitrage, TEMBEC, par une note en délibéré déposée le 12 novembre 2014, et FIBRE EXCELLENCE, par une note déposée le 14 novembre 2014, ont soutenu que la sentence revêtait un caractère international.

SUR QUOI :

Sur la qualification de l'arbitrage :

Considérant que le contrat qui contient la clause compromissoire et dont l'exécution est l'objet du litige soumis aux arbitres prévoit que la société néerlandaise Paper Excellence BV est garante de l'acquisition de titres par la société de droit français FIBRE EXCELLENCE SAS; qu'il en résulte que l'opération ne se dénoue pas économiquement dans un seul pays, de sorte que l'arbitrage est international et que le moyen d'annulation sera examiné au regard des dispositions de l'article 1520 du code de procédure civile;

Sur le moyen d'annulation tiré de l'irrégularité de la composition du tribunal arbitral (article 1520 2° du code de procédure civile) :

FIBRE EXCELLENCE fait valoir que la sentence résulte d'un délibéré auquel M. [N] a participé, alors qu'il envisageait depuis plusieurs mois de quitter le cabinet d'avocats auquel il appartenait pour rejoindre celui qui assistait TEMBEC dans la procédure arbitrale. Elle ajoute que l'acceptation par la Cour de la Chambre de commerce internationale de la démission de cet arbitre n'a pas purgé l'irrégularité, dès lors que le projet de sentence était, à cette date, adopté par le tribunal arbitral comprenant l'intéressé, lequel n'a pas été remplacé en violation du règlement d'arbitrage.

Considérant qu'aux termes de l'article 1466 du code de procédure civile : 'La partie qui, en connaissance de cause et sans motif légitime, s'abstient d'invoquer en temps utile une irrégularité devant le tribunal arbitral est réputée avoir renoncé à s'en prévaloir';

Considérant que les modalités de présentation de tels moyens au cours de l'instance arbitrale sont fixées, le cas échéant, par le règlement d'arbitrage auquel les parties ont convenu de se soumettre;

Considérant que le contrat d'acquisition de titres conclu le 19 mars 2010 comporte un article 10.15 qui stipule que tous les litiges découlant du contrat ou s'y rapportant sont tranchés définitivement conformément au règlement d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale par trois arbitres nommés conformément audit règlement;

Considérant que l'article 12 de ce règlement, dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 1998, prévoit, en son paragraphe 1 : 'Il y a lieu à remplacement d'un arbitre en cas de décès, de récusation, de démission acceptée par la cour ou à la demande de toutes les parties', et en son paragraphe 5 : 'Après la clôture des débats, plutôt que de remplacer un arbitre décédé ou destitué par la Cour en application de l'article 12 paragraphes 1 et 2, la Cour peut décider, quand elle l'estime approprié, que les arbitres restants continueront l'arbitrage. Pour se décider, la Cour tient compte des observations des arbitres restants et des parties et de tout autre élément qu'elle considère pertinent dans les circonstances';

Considérant que le tribunal arbitral constitué de M. [Z], arbitre désigné par FIBRE EXCELLENCE, de M. [N], arbitre désigné par TEMBEC et de Mme [S], présidente, a été confirmé par la Cour de la Chambre de commerce international le 23 mars 2011; que l'audience de plaidoiries a eu lieu le 30 mai 2012 et a été suivie de quelques échanges; que dans la procédure arbitrale, FIBRE EXCELLENCE était assistée par des avocats du cabinet Bredin Prat, et TEMBEC par des avocats du cabinet Orrick Rambaud Martel;

Considérant que le 28 février 2013, M. [N] a mis à jour sa déclaration d'indépendance auprès des parties et de la Chambre de commerce international dans les termes suivants : 'Depuis plusieurs mois, j'ai entretenu des discussions avec mon cabinet actuel ainsi qu'avec d'autres cabinets, portant sur la possibilité que je quitte le cabinet Herbert Smith Freehills Paris LLP pour en rejoindre un autre. L'un d'entre eux était Orrick Rambaud Martel', cabinet que M. [N] a effectivement rejoint le 30 avril 2013;

Considérant que le 27 mars 2013, le conseil de FIBRE EXCELLENCE a adressé aux membres du tribunal arbitral un courriel qui énonçait :

'Nous faisons suite à la lettre de Monsieur [N] en date du 28 février 2013 dans laquelle ce dernier a informé les parties qu'il est actuellement en négociation avec le cabinet Orrick Rambaud Martel en vue de rejoindre potentiellement ce cabinet en tant qu'associé.

Orrick Rambaud Martel étant le conseil de la Défenderesse, la Demanderesse considère que cette situation impacte clairement l'indépendance de M. [N]. La demanderesse n'a aucun doute quant aux efforts que M. [N] fournit afin d'appliquer les normes professionnelles les plus élevées dans tous les dossiers, y compris ceux où il est nommé arbitre. Néanmoins, des négociations portant sur un poste potentiel au sein de l'entité conseil de la partie l'ayant nommé dans un arbitrage crée nécessairement un conflit d'intérêts que la Demanderesse ne peut accepter.

Les parties font maintenant face à une situation très sensible où l'un des membres du tribunal arbitral est contesté en attendant la sentence. Or, compte tenu des spécificités du dossier et que cette sentence est une première étape dans la procédure, après examen approfondi, la Demanderesse est convaincue qu'il n'existe aucune autre alternative que de solliciter la démission de Monsieur [N]';

Considérant que ce dernier a présenté sa démission par un courriel envoyé le 2 avril 2013 aux autres membres du tribunal arbitral ainsi qu'à la Cour de la Chambre de commerce international;

Considérant que le même jour, la présidente du tribunal arbitral a adressé aux conseils des parties un courriel qui énonçait :

'Au nom du tribunal arbitral, j'accuse réception de la lettre de la Demanderesse datée du 27 mars 2013 sollicitant la démission de Monsieur [N] à la suite de sa révélation du 28 février 2013.

Sans préjudice de ce qui a été mentionné ci-dessus, le Tribunal souhaite informer les Parties que le projet de sentence est actuellement soumis au processus d'examen de la Cour internationale d'arbitrage de la C.C.I et, qu'en vertu de l'article 22 (1) des Règles d'arbitrage, la procédure d'arbitrage est dite clôturée depuis le 27 septembre 2012, à la suite du dernier échange ayant eu lieu entre les Parties, concernant les coûts, les demandes et la version actualisée de la déclaration d'indépendance et d'impartialité du Président';

Considérant que la Cour de la Chambre de commerce international a écrit aux conseils des parties par courriel du 4 avril 2013 :

'Le Secrétariat vous informe que Monsieur [C] [N], par une lettre datée du 2 avril 2013, a présenté sa démission en tant que co-arbitre. Nous notons qu'une copie de la lettre de M. [N] a été envoyée directement aux parties, ainsi qu'aux autres Arbitres.

En vertu de l'article 12 (1) des Règles d'arbitrage, la Cour sera invitée, lors de l'une de ses prochaines séances, à examiner la démission de Monsieur [N] et, le cas échéant, à fixer ses honoraires.

Nous vous invitons à formuler toutes observations ou commentaires que vous auriez concernant ce qui a été exposé ci-dessus, ainsi qu'en application de l'article 12 (5) des Règles d'arbitrage, avant le 12 avril 2013";

Considérant que FIBRE EXCELLENCE n'a pas répondu à ce courriel;

Considérant que lors de sa session du 2 mai 2013, la Cour de la Chambre de commerce internationale a accepté la démission de M. [N] et décidé que les arbitres restants continueraient l'arbitrage en application de l'article 12.5 du règlement d'arbitrage; que la sentence a été rendue le 16 mai 2013, en cet état, par les deux arbitres demeurés en fonction;

Considérant que contre la fin de non-recevoir du moyen unique d'annulation, tirée par TEMBEC du défaut de réponse de son adversaire au courriel du secrétariat de la Cour de la Chambre de commerce international du 4 avril 2013, FIBRE EXCELLENCE fait valoir qu'elle a invoqué l'irrégularité de la composition du tribunal arbitral devant les arbitres, en demandant la démission de M. [N], dès qu'elle a connu les circonstances susceptibles d'affecter l'indépendance et l'impartialité de ce dernier; que la nécessité de procéder au remplacement d'un arbitre ne constitue pas un moyen distinct de la demande de démission; que l'acceptation de la démission de M. [N] n'a pu avoir pour effet de purger l'irrégularité tirée du conflit d'intérêts dès lors que cet arbitre a participé à la préparation de la sentence; enfin que la Chambre de commerce internationale n'a pas respecté son propre règlement puisque le courriel du 4 avril 2013 invitant les parties à présenter leurs observations sur l'application de l'article 12 (5) du règlement d'arbitrage a été envoyé avant même que la démission de M. [N] ait été acceptée par la cour d'arbitrage de la C.C.I, en violation de l'article 12 (1) et (5);

Mais considérant que s'il appartient au juge du recours d'apprécier, au regard de l'exigence d'indépendance et d'impartialité des arbitres, le bien-fondé de la mise en oeuvre de l'article 12 (5) précité du règlement d'arbitrage de la Chambre de commerce international, c'est à la condition que la partie qui critique l'application de ce texte ait formulé des objections lorsqu'elle a été utilement mise à même de le faire;

Considérant que, contrairement à ce que soutient FIBRE EXCELLENCE, la seule circonstance qu'elle ait demandé la démission de l'un des arbitres n'était pas de nature à la dispenser de prendre parti sur l'application de l'article 12 (5) du règlement d'arbitrage, dès lors que cette disposition, à laquelle elle s'était volontairement soumise, a précisément vocation à régir l'hypothèse de la poursuite de l'arbitrage après la clôture des débats avec les seuls arbitres restants, lorsque l'un d'eux est décédé, a été récusé ou a démissionné;

Considérant qu'il résulte des circonstances rappelées ci-dessus que FIBRE EXCELLENCE, en s'abstenant de répondre, dans le délai raisonnablement imparti, à l'invitation qui lui était faite de présenter des observations sur l'application de l'article 12 (5) du règlement, à une date où, d'une part, elle avait demandé la démission de l'un des arbitres, de sorte que la question de la poursuite éventuelle de l'arbitrage en l'absence de celui-ci se posait déjà au regard des prévision du règlement, peu important que la démission de l'intéressé n'ait pas encore été acceptée et où, d'autre part, elle savait que la sentence était déjà soumise à l'approbation de la Cour de la Chambre de commerce internationale, a, implicitement mais nécessairement, accepté que la décision fût rendue en l'état où elle se trouvait, sans réouverture des débats ni nomination d'un nouvel arbitre; qu'elle a ainsi renoncé à se prévaloir devant le juge de l'annulation du moyen d'irrégularité de la composition du tribunal arbitral tenant au défaut d'indépendance et d'impartialité de l'arbitre démissionnaire;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen unique d'annulation doit être écarté et le recours rejeté;

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive :

Considérant qu'il n'est pas démontré que l'exercice des voies de recours ait dégénéré en abus; que la demande sera rejetée;

Sur la demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile :

Considérant que FIBRE EXCELLENCE, qui succombe, ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamnée sur ce fondement à payer à TEMBEC la somme de 75.000 euros;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le recours en annulation de la sentence rendue entre les parties le 16 mai 2013.

Rejette la demande de dommages-intérêts.

Condamne la SAS FIBRE EXCELLENCE aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Condamne la SAS FIBRE EXCELLENCE à payer à la SAS TEMBEC la somme de 75.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 13/17555
Date de la décision : 02/12/2014

Références :

Cour d'appel de Paris A1, arrêt n°13/17555 : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-02;13.17555 ?
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