La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/11/2014 | FRANCE | N°13/18985

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 28 novembre 2014, 13/18985


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 11



ARRÊT DU 28 NOVEMBRE 2014



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/18985





Sur renvoi après un arrêt de la Cour de cassation prononcé le 14 mai 2013 emportant cassation d'un arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris (pôle 5 - chambre 11) le 16 mars 2012, sur appel d'un jugement rendu 17 mars 2010 par le Tribunal de commerce

de PARIS, sous le n° RG 2008033407.



APPELANTE



SA FORPLEX INDUSTRIE, immatriculée RCS de Bethune n° B 398 847 137, agissant poursuites et diligences ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11

ARRÊT DU 28 NOVEMBRE 2014

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/18985

Sur renvoi après un arrêt de la Cour de cassation prononcé le 14 mai 2013 emportant cassation d'un arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris (pôle 5 - chambre 11) le 16 mars 2012, sur appel d'un jugement rendu 17 mars 2010 par le Tribunal de commerce de PARIS, sous le n° RG 2008033407.

APPELANTE

SA FORPLEX INDUSTRIE, immatriculée RCS de Bethune n° B 398 847 137, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Catherine BELFAYOL BROQUET de la SCP IFL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0042,

Représentée par Me Stéphane ROBILLIART, avocat au barreau de LILLE, avocat plaidant

INTIMÉE

SAS CRISTAL FRANCE SAS (MIC THANN SAS) SAS CRISTAL FRANCE SAS (MIC THANN SAS), immatriculée RCS de Mulhouse n° 440 140 309, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de l'AARPI BONNELY LEVY PELIT-JUMEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119

Représentée par Me Leslie ULMER de la SELARL ORION Avocats & Conseils, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant substituant Me Sébastien BENDER de la SELARL ORION Avocats & Conseils, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Octobre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Janick TOUZERY-CHAMPION, Présidente de chambre, chargé du dossier

Monsieur Paul André RICHARD, Conseiller hors classe

Madame Marie-Annick PRIGENT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : lors des débats : Madame Orokia OUEDRAOGO

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Janick TOUZERY-CHAMPION, présidente, et par Madame Patricia DARDAS, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Dans le cadre d'un projet d'extension de ses installations industrielles, la société Cristal Millennium Inorganic Chemicals Thann (aujourd'hui dénommée Millennium Inorganic Chemicals Thann dite par abréviation Cristal) procède à un appel d'offres pour un broyeur Type FV 5, auquel la société Forplex Industrie (dite par abréviation Forplex) répond le 10 décembre 2007 par une offre d'un montant de 319.514€, avec livraison effective fin avril 2008. Le 24 décembre 2007 la première société passe commande à la seconde d'un broyeur FV5, avec une livraison impérative pour le 30 avril 2008.

Le 14 janvier 2008, la société Forplex accuse réception de cette commande et fait mention d'une date de livraison au plus tard le 16 juin 2008.

Le 24 janvier 2008 la société Cristal prend connaissance d'une nouvelle contrainte technique à savoir la mise en place d'un équipement supplémentaire (une trémie tampon ou alvéolaire), qui entraîne une modification de l'agencement des appareils au sein de l'atelier et un surcoût important dont aucune société n'accepte la prise en charge financière.

Le 28 janvier suivant pour tenter de trouver une solution, la société Cristal organise une réunion de concertation à laquelle la société Forplex refuse de participer.

Le 4 février 2008, la société Cristal informe la société Forplex qu'en raison de divergences sur des éléments essentiels (date de livraison et mise en place d'un équipement supplémentaire de la vente projetée), elle met fin aux négociations.

Soutenant qu'un contrat a été conclu entre les parties la société Forplex fait assigner la société Cristal en résiliation fautive dudit contrat et en paiement de dommages et intérêts devant le Tribunal de commerce de Paris, lequel par jugement du 17 mars 2010 :

- déboute la société Forplex de ses demandes en retenant une absence d'accord sur les conditions essentielles du marché à savoir la date de livraison et les conditions techniques,

- condamne la société Forplex à payer à la société Cristal la somme de 3.000€ en vertu de l'article 700 du code de procédure civile .

Par arrêt du 16 mars 2012, la Cour d'appel de Paris :

- infirme ledit jugement,

- estime que la société Cristal a commis à l'égard de la société Forplex une rupture abusive de pourparlers,

- condamne la société Cristal à payer à la société Forplex la somme de 50.000€ à titre de dommages et intérêts, outre une indemnité de 8.000€ en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur pourvoi de la société Cristal, la Cour de cassation selon arrêt du 14 mai 2013 casse et annule en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris en considérant qu' en statuant, sans répondre aux conclusions de la société Cristal qui soutenait que la demande en paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive des pourparlers constituait une demande nouvelle devant être déclarée irrecevable, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile'.

Suivant conclusions signifiées le 3 décembre 2013, la société Forplex sollicite l'infirmation du jugement rendu le 17 mars 2010 :

-à titre principal,

estime qu'un contrat s'est formé entre les parties et que sa résiliation par la société Cristal le 4 février 2008 est constitutive d'une faute de sa part,

souhaite la condamnation de la société Cristal à lui payer à titre de dommages et intérêts les sommes suivantes :

* 74.521,38€ TTC correspondant aux frais d'études déjà engagés,

* 100.000€ à titre de dommages et intérêts pour la perte de gain subie,

* 7.452€ à titre de dommages et intérêts complémentaires compte tenu de la mauvaise foi de la société Cristal,

-à titre subsidiaire,

considère que la société Cristal a engagé sa responsabilité quasi délictuelle en

rompant abusivement les pourparlers,

sollicite sa condamnation à lui verser la somme de 81.973,38€ en réparation du préjudice subi, outre une indemnité de 15.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Par écritures signifiées le 21 janvier 2014, la société Cristal demande :

- la confirmation du jugement rendu le 17 mars 2010 en toutes ses dispositions,

- la condamnation de la société FORPLEX à lui verser la somme de 5.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Au soutien de sa demande d'infirmation du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 17 mars 2010, la société Forplex met en cause, à titre principal, la responsabilité contractuelle de la société Cristal sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil pour avoir mis fautivement fin à leurs relations. Elle fait valoir, en premier lieu, pour la première fois en cause d'appel, qu'elle a conclu valablement avec la société Cristal un contrat d'entreprise aux termes duquel elle s'est engagée à concevoir et à fabriquer un matériel spécifique- et non standard - suivant les indications techniques de sa cliente et du maître d'oeuvre de cette dernière et qu'elle a ainsi exécuté un travail en fonction des spécifications techniques fournies par son client et sous la maîtrise d'oeuvre de la société CICAL.

La société Cristal objecte que le contrat négocié entre les parties était un contrat de vente et non d'entreprise.

Il convient de rappeler que la société Cristal a confié le pilotage du projet d'extension de ses installations industrielles à une société d'engineering CICAL, que dans ce cadre, elle avait besoin de se procurer un broyeur Type FV5 et ses accessoires qu'elle a commandés à la société Forplex, de sorte que l'objet du contrat en cause porte sur une chose à livrer (un broyeur et ses accessoires) et non sur un ouvrage sur lequel seraient réalisées des prestations de service. Par ailleurs il est fait référence à plusieurs reprises dans le bon de commande aux conditions générales de vente et à la réserve de propriété sur la marchandise livrée. Les seules spécificités invoquées par la société Forplex sont en réalité

celles liées à l'installation du broyeur, dès lors qu'il doit s'insérer dans un ensemble, et non des spécificités de fabrication.

Dans ces conditions, la preuve d'un contrat d'entreprise n'est pas rapportée par la société Forplex.

Celle-ci estime, en second lieu, qu'à tout le moins un contrat s'est formée entre elles. Mais le tribunal de commerce de Paris, par des motifs pertinents que la Cour adopte, a retenu qu'eu égard aux profondes divergences entre les parties portant tant sur la date du délai de livraison que sur la prise en charge de contraintes techniques (trémie tampon) du marché,

qui sont des éléments déterminants et suffisants du consentement des parties, - sans même qu'il soit utile d'y ajouter un désaccord sur les conditions de paiement - le marché n'avait pas pu être conclu. Il ne peut y avoir eu rencontre de volontés entre l'offre du 17 décembre 2007 de la société Forplex et la commande du 14 décembre 2007 de la société Forplex, en l'absence d'accord sur un élément essentiel que constitue la date de livraison. En l'absence de formation d'un contrat, il n'y a pas lieu d'examiner l'argumentation portant sur la résiliation fautive.

La preuve de négociations occultes avec la société Hosokawa Alpine qui serait, selon la société Forplex, le véritable motif de la rupture, n'est nullement rapportée, s'agissant en effet d'un concurrent qui avait également participé à la procédure d'appel d'offres et avait donc connaissance de la prestation souhaitée par la société Cristal et avait soumis une offre aboutie. De plus la nouvelle commande a été passée le 7 février 2008 à un moment où la rupture entre les sociétés Forplex et Cristal était consommée puisque la société Forplex avait refusé de participer à une réunion technique le 28 janvier 2008 sur le site et que le même jour la société Cristal la mettait en demeure de remplir ses obligations contractuelles sous 72 heures, sous peine de résiliation de la commande. La circonstance que la nouvelle livraison a été fixée au 27 juin 2008 apparaît normale puisque la rupture des relations entre les sociétés Forplex et Cristal a retardé d'autant la nouvelle commande.

La décision des premiers juges sera en conséquence confirmée de ce chef.

A titre subsidiaire, la société Forplex reproche à la société Cristal d'avoir rompu fautivement les pourparlers sur le fondement de l'article 1382 du code civil et réclame à ce titre le paiement d'une somme de 81.973,38€ en réparation du préjudice subi.

La société Cristal soulève un premier moyen d'irrecevabilité de cette demande comme étant nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile, ce que conteste la société Forplex en application des dispositions de l'article 565 du code précité qui prévoit que 'les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent'.

La partie qui en matière de responsabilité civile invoque en appel les dispositions de l'article 1382 du code civil, après s'être fondée devant les premiers juges sur l'article 1134 et 1147 du même code, n'introduit pas une demande nouvelle, ces deux demandes tendant aux mêmes fins. Dès lors la demande subsidiaire en appel de la société Forplex, de condamnation pour rupture abusive de pourparlers qui ne diffère que par son fondement de celle de première instance tendant à la condamnation pour rupture abusive du contrat, n'est pas nouvelle, de sorte que ce moyen d'irrecevabilité ne saurait être accueilli.

Sur le fond, la société Forplex reproche à la société Cristal divers agissements fautifs précontractuels ; à cet effet elle fait valoir que la société Cristal, d'une part, a mené en parallèle et de manière dissimulée des négociations avec la société Hosokawa, d'autre part, a brutalement rompu les pourparlers après une longue période de négociation, enfin a rompu les pourparlers pour des motifs illégitimes, puisque, selon elle, la trémie n'était pas à sa charge financière, qu'elle en a indiqué la nécessité dès qu'elle a été en mesure de le faire, et que la condition du délai de livraison avait été en définitive acceptée par la société Cristal.

Il a déjà été répondu plus haut au premier motif invoqué, qui a été rejeté. Le troisième motif est inopérant puisque s'il était admis, il serait en contradiction avec la décision retenue par la Cour tenant à l'absence de formation d'un contrat entre les parties.

En revanche, il est établi que la société Cristal s'était engagée dans un processus de négociation très avancé lorsqu'elle a rompu les relations; en effet, les parties étaient en négociation depuis le mois de mai 2007 et la société Forplex avait du émettre plusieurs offres pour tenir compte des exigences techniques de la société Cristal et de son maître d'oeuvre (propositions des 23 juillet 2007 de 8 pages, 8 octobre 2007 de 9 pages, du 21 novembre 2007 de 11 pages, du 26 novembre 2007 de 11 pages). Cette attitude fautive ouvre droit pour la société Forplex à l'octroi de dommages et intérêts, que la Cour fixe, compte tenu des éléments d'appréciation en sa possession et des pièces justificatives versées (pièces 21 et 22 de la société FORPLEX) à la somme de 40.000€.

L'équité commande d'allouer à la société Forplex une indemnité de 8.000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement,

Infirme le jugement rendu le 17 mars 2010 par le tribunal de commerce de Paris,

Statuant à nouveau,

Dit recevable la demande de la société Forplex portant sur la rupture des pourparlers,

Condamne la société Cristal Millennium Inorganic Chemicals Thann (aujourd'hui dénommée Millennium Inorganic Chemicals Thann) à payer à la société Forplex Industrie la somme de 40.000€ à titre de dommages et intérêts,

Condamne la société Cristal Millennium Inorganic Chemicals Thann (aujourd'hui dénommée Millennium Inorganic Chemicals Thann) à payer à la société Forplex Industrie la somme de 8.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne la société Cristal Millennium Inorganic Chemicals Thann (aujourd'hui dénommée Millennium Inorganic Chemicals Thann) aux dépens qui comprendront les dépens de première instance, et de l'instance ayant abouti à l'arrêt cassé du 14 mai 2013, avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 13/18985
Date de la décision : 28/11/2014

Références :

Cour d'appel de Paris J2, arrêt n°13/18985 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-28;13.18985 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award