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27/11/2014 | FRANCE | N°14/14417

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 27 novembre 2014, 14/14417


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRÊT DU 27 NOVEMBRE 2014



AUDIENCE SOLENNELLE



(n° 388, 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/14417



Décision déférée à la Cour : Décision du 29 Avril 2014 rendue par le Conseil de l'ordre des avocats de [Localité 1]





DEMANDEUR AU RECOURS :



Monsieur [S] [V]

[Adresse 2]r>
[Localité 2]

Comparant

Assisté de Me Vincent ASSELINEAU, avocat au Barreau de Paris, toque R130







DÉFENDEUR AU RECOURS :



LE CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DE PARIS

[Adresse 1]

[Localité 1]

...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRÊT DU 27 NOVEMBRE 2014

AUDIENCE SOLENNELLE

(n° 388, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/14417

Décision déférée à la Cour : Décision du 29 Avril 2014 rendue par le Conseil de l'ordre des avocats de [Localité 1]

DEMANDEUR AU RECOURS :

Monsieur [S] [V]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Comparant

Assisté de Me Vincent ASSELINEAU, avocat au Barreau de Paris, toque R130

DÉFENDEUR AU RECOURS :

LE CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DE PARIS

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me Hervé ROBERT, avocat au Barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Octobre 2014, en audience publique sur demande de Monsieur [S] [V], devant la Cour composée de :

- Monsieur Jacques BICHARD, Président

- Madame Marie HIRIGOYEN, Président

- Madame Sylvie MAUNAND, Conseiller

- Mme Marie-Claude HERVE, Conseiller

- Madame Marie-Sophie RICHARD, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Melle Sabine DAYAN

MINISTÈRE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au Procureur Général, représenté lors des débats par Mme Marie Noelle Michel TEILLER, Avocat Général, qui a fait connaître oralement son avis lors des débats et n'a pas déposé antérieurement de conclusions écrites.

DÉBATS : à l'audience tenue le 09 Octobre 2014, ont été entendus :

- Madame Sylvie MAUNAND, en son rapport

- Me Vincent ASSELINEAU, conseil de Monsieur [S] [V], en sa plaidoirie

- Me Hervé ROBERT, avocat représentant le Conseil de l'Ordre des avocats au Barreau de PARIS, en ses observations

-Mme Marie Noelle Michel TEILLER, avocat Général, en ses observations

-Monsieur [S] [V], en ses observations, ayant eu la parole en dernier

Par ordonnance du 11 Septembre 2014, le Bâtonnier de l'ordre des avocats du Barreau de Paris a été invité à présenter ses observations

ARRÊT :

- contradictoire

- rendue publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mme Fatiha MATTE, greffier présent auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

* *

Par arrêté du 29 avril 2014, la formation administrative du Conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Paris siégeant en formation restreinte a rejeté la demande d'inscription au barreau de Paris de M.[S] [V].

Cette décision a été notifiée par lettre recommandée du 30 avril 2014 avec accusé de réception du 7 mai 2014 à M. [V].

Celui-ci a formé un recours au greffe de la Cour d'appel le 20 mai 2014.

M.[V], comparant, sollicite que l'audience soit publique.

Aux termes d'écritures déposées et soutenues à l'audience, M.[V] demande de constater qu'il remplit les conditions posées par l'article 98 alinéa 3 du décret 91-1197 du 29 novembre 1991 et de l'autoriser à s'inscrire au barreau de Paris.

Le Conseil de l'Ordre a, par écritures du 24 septembre 2014, soutenues à l'audience, sollicité la confirmation de la décision du 29 avril 2014.

Le Ministère public qui n'a pas déposé de conclusions écrites, souhaite voir confirmer la décision entreprise estimant que M.[V] ne remplit pas les conditions de l'article 98 3° du décret du 29 novembre 1991 qui doit s'interpréter strictement s'agissant d'une voie dérogatoire à l'accès à la profession d'avocat.

Monsieur [V] a eu la parole en dernier.

SUR CE, LA COUR

Considérant que l'article 98 3° du décret du 29 novembre 1991 dispose que :

' Sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat :

3° les juristes d'entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein d'un service juridique d'une ou plusieurs entreprises...' ;

Considérant que les dispositions de ce texte sont dérogatoires à l'accès réglementé à la profession d'avocat et sont, à ce titre, d'interprétation stricte;

Considérant que la dispense prévue par l'article précité suppose la réunion de deux conditions cumulatives, la première vise la durée à savoir huit années de pratique professionnelle et la seconde la nature de la pratique professionnelle qui doit être exercée au sein d'un service juridique d'une ou plusieurs entreprises ;

Considérant que, relativement à la durée de sa pratique, M.[V] se prévaut de quatre périodes d'exercice professionnel à savoir :

- du 21 juin 1989 au 27 mars 1991 ( 20 mois et 6 jours) en qualité de juriste en droit des contrats d'intégration de systèmes de la société PARMAX ELECTRONICS au Quebec (Canada) ;

- du 1er juillet 1993 au 17 février 1997 ( 42 mois et 17 jours), juriste en droit des contrats de télécommunications de la société FRANCE TELECOM FCR puis TRANSPAC ;

- du 20 janvier 1997 au 18 juillet 1997 ( 5 mois et 28 jours), juriste au sein de la Chambre de Commerce Internationale, chef de division en droit des télécommunications et des technologies de l'information ;

- du 1er janvier 2001 au 4 février 2004 ( 37 mois et 4 jours) , juriste au sein de la société CAP GEMINI avec deux missions, la conceptualisation et les mises à jour du contrat d'alliance avec le partenaire MICROSOFT , la rédaction des contrats informatiques pour les clients majeurs de CAP GEMINI ;

Considérant que le total de ces durées dépasse la durée requise de huit années ;

Considérant toutefois que seuls peuvent bénéficier des dispositions dérogatoires de l'article 98 3° précitées, les juristes d'entreprise justifiant d'une pratique professionnelle d'au moins huit ans exercée sur le territoire français ;

Considérant qu'une simple réponse ministérielle à une question écrite ne saurait lier la Cour, celle-ci ne constituant en aucun cas le droit positif ;

Considérant que la période passée par M.[V] au Canada ne peut, dès lors, être prise en compte ; qu'il s'ensuit que la durée totale des périodes à retenir n'est plus que 7 ans 1 mois et 19 jours et qu'en conséquence, la condition de durée de la pratique professionnelle exigée par le texte n'est pas remplie par M.[V] ;

Considérant que cette condition faisant défaut, la demande d'inscription au barreau de Paris de M.[V] ne peut qu'être rejetée ;

Considérant que, par ailleurs, le service juridique au sein duquel le juriste d'entreprise exerce ses fonctions doit être un service spécialisé chargé dans l'entreprise uniquement des problèmes juridiques de celle-ci ;

Considérant qu'il convient de relever qu'à supposer que la période au Canada ait pu être prise en compte, l'emploi de M.[V] au sein de la société PARMAX consistait aux termes de la lettre du 2 novembre 1989, en une participation à la gestion du contrat d'approvisionnement des systèmes de propulsions IMCS à intégrer sur les frégates canadiennes de patrouille, à un suivi opérationnel du sous-traitant CAE Electronics en termes de conformité avec le contrat ( contenu technique, normes militaires, coûts, délais, risques ...) et à des négociations avec le sous-traitant des changements au contrat en liaison avec les équipes d'ingénieries matérielles et logicielles ;

Considérant que l'activité juridique ne ressort pas clairement de cette énonciation qui vise essentiellement les aspects techniques des contrats éventuellement passés et l'opération globale d'approvisionnement des frégates canadiennes de patrouilles ;

qu'au surplus, la fonction ne s'exerce pas dans le cadre d'un service juridique spécifique à l'entreprise ;

Considérant que la simple attestation d'un collègue non juriste indiquant que M.[V] s'occupait des aspects juridiques du contrat de sous-traitance est insuffisante à établir la réalité de la pratique professionnelle invoquée ;

Considérant que, relativement à la période pendant laquelle M.[V] a travaillé chez FRANCE TELECOM, le certificat de travail remis indique un emploi d'ingénieur d'affaires ; que l'attestation fournie par son chef hiérarchique, M.[G], directeur chez FRANCE TELECOM, mentionne qu' 'il avait pour activité la réalisation de solutions de réseaux de télécommunications internationaux voix et données 'sur mesures' pour de grandes entreprises françaises et étrangères. Les activités de M.[V], à titre principal juridiques, consistaient en la rédaction, la négociation et le suivi de contrats de services dans l'objectif de prévenir les risques clients opérationnels et financiers et d'éviter d'éventuels contentieux ... Il était chargé de suivre les évolutions législatives et réglementaires du secteur des télécommunications pour prise en compte dans les engagements du groupe FRANCE TELECOM envers ses clients. Il intervenait en liaison avec les services technico-commerciaux et financiers. Sa formation d'ingénieur était nécessaire à la compréhension des services commercialisés...' ;

Considérant que cette attestation est fournie par un directeur qui ne mentionne pas être le directeur du service juridique de la société FRANCE TELECOM ; qu'il résulte de la description du poste de M.[V] telle qu'elle est libellée que celui-ci n'avait pas une activité juridique exclusive et que sa qualification d'ingénieur avait une importance certaine pour la compréhension des contrats sur le plan technique ce qui prive son intervention de son caractère seulement juridique ;

Considérant que, de même l'attestation fournie par Mme [E], responsable des grands comptes chez FRANCE TELECOM fait référence à la négociation et à la contractualisation supposant la mise en place des paramètres et indicateurs de réalisation et d'exploitation ainsi que les conditions financières ce qui dépasse largement l'aspect juridique des contrats ; qu'elle ajoute qu'il travaillait à la traduction contractuelle des engagements et à la négociation de ceux-ci jusqu'à l'acceptation par les parties ; que cela implique que sa pratique professionnelle n'était pas exclusivement juridique ;

Considérant que la troisième période concerne une pratique au sein de la Chambre de Commerce Internationale ; que le certificat de travail versé aux débats évoque une fonction de chef de division au sein du département Policy Commissions ; que la description du poste communiquée est rédigée en langue anglaise et n'a pas fait l'objet d'une traduction ; qu'en tout état de cause, il apparaît que l'activité était celle de conseil en matière de technologies et télécommunications ; que le poste ne faisait pas partie d'un service juridique dédié ;

Considérant qu'enfin, le certificat de travail de M.[V] au sein de la société CAP GEMINI vise une activité d'ingénieur en chef et plus particulièrement pour les années 2001 à 2004, celle de Microsoft business director ; que là encore, il ne s'agit pas d'un emploi au sein du service juridique de la société ;

Considérant que la cour ne saurait retenir l'attestation de M.[P], simple collègue de M.[V], exerçant une fonction de consultant au sein de l'entreprise et mentionnant seulement qu'ayant partagé son bureau, il savait qu'il négociait sur l'alliance microsoft et pilotait de manière opérationnelle les accords entre les deux partenaires qui formalisaient les domaines de coopération technologique ; qu'il a indiqué que M.[V] sécurisait des contrats généralement complexes ;

que la notion de sécurisation en matière de contrat n'a pas de définition juridique et qu'elle peut recouvrer diverses choses notamment relativement aux aspects techniques du contrat et pas seulement relativement à ceux de nature juridique ;

Considérant dès lors que la condition de pratique professionnelle n'est pas plus remplie par M.[V] que celle de la durée de cette pratique ;

Considérant que la Cour confirme donc la décision qui lui est déférée ;

Considérant que, succombant, M.[V] doit supporter les dépens de l'instance ;

PAR CES MOTIFS :

Confirme l'arrêté du conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Paris du 29 avril 2014 ;

Laisse les dépens à la charge de M.[V].

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 14/14417
Date de la décision : 27/11/2014

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°14/14417 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-27;14.14417 ?
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