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27/11/2014 | FRANCE | N°13/15199

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 27 novembre 2014, 13/15199


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 27 NOVEMBRE 2014



(n° , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/15199



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Avril 2013 -Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 10/11780



APPELANTE



SA LE CRÉDIT LYONNAIS

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représentée et assistée

de Me Frédéric LEVADE de l'AARPI CHAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0462



INTIMÉES



Madame [F] [X] veuve [Q]

représentée par Monsieur [M] [Y], ès qualité de tuteur,

demeurant [Adresse 1]...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 27 NOVEMBRE 2014

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/15199

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Avril 2013 -Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 10/11780

APPELANTE

SA LE CRÉDIT LYONNAIS

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée et assistée de Me Frédéric LEVADE de l'AARPI CHAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0462

INTIMÉES

Madame [F] [X] veuve [Q]

représentée par Monsieur [M] [Y], ès qualité de tuteur,

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée et assistée de Me Grégoire HALPERN, avocat au barreau de PARIS, toque: E0593

SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me François MARTINEAU de la SCP LUSSAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0077

Assistée de Me Etienne GASTEBLED, avocat au barreau de PARIS, toque : P0077, Substitué par Me Farida MOUICI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0077

SA LA BANQUE POSTALE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-Philippe GOSSET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0812

Assistée de Me Laure BOURDIGU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0812

CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU

représentée par son président domicilié a cet effet audit siège

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Fanny DESCLOZEAUX de la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0298

Assistée de Me Henri BODIN, avocat au barreau de La Roche sur Yon

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 Septembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente de chambre

Madame Caroline FÈVRE, Conseillère

Madame Muriel GONAND, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Josélita COQUIN

ARRET :

- Contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, président et par Madame Josélita COQUIN, greffier présent lors du prononcé.

Vu le jugement rendu le 25/04/2013 par le tribunal de grande instance de Paris qui a condamné in solidum le CRÉDIT LYONNAIS et la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU à payer à Monsieur [M] [Y], en qualité de tuteur de Madame [F] [Q], la somme de 79.000 € à titre de dommages et intérêts, a débouté les parties du surplus de leurs demandes, a ordonné l'exécution provisoire, a dit que dans leurs rapports entre eux, le CRÉDIT LYONNAIS et la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE [Localité 7], sont tenus des condamnations prononcées à leur encontre à proportion de 50 % chacun, a condamné le CRÉDIT LYONNAIS et la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU à payer à Monsieur [M] [Y], en qualité de tuteur de Madame [F] [Q], la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Vu l'appel interjeté par le CRÉDIT LYONNAIS à l'encontre de ce jugement ;

Vu les conclusions signifiées le 08/09/2014 par le CRÉDIT LYONNAIS qui demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné in solidum avec la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU à payer à Monsieur [M] [Y] en qualité de tuteur de Madame [F] [Q] la somme de 79 000 euros à titre de dommages et intérêts, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [M] [Y] ès qualités de tuteur de Madame [F] [Q] du surplus de ses demandes, en conséquence, de débouter Madame [F] [X] veuve [Q] représentée par Monsieur [M] [Y] ès qualités de tuteur de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, formulées à son encontre, à titre subsidiaire, de dire que le comportement de Madame [F] [X] veuve [Q] a concouru à la survenance du dommage allégué, de dire qu'il ne saurait être tenu, le cas échéant conjointement avec la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU, envers Madame [F] [X] veuve [Q], représentée par Monsieur [M] [Y] ès qualités de tuteur, d'une somme qui ne saurait excéder la moitié du préjudice subi, de dire en toutes hypothèses que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU devra le garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, à titre infiniment subsidiaire, de dire que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU devra contribuer à la dette pour moitié au moins des sommes qui seront mises à sa charge, en tout état de cause, de condamner tout succombant à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux entiers dépens ;

Vu les conclusions signifiées le 22/09/2014 par la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU ( le CRÉDIT MUTUEL) qui demande à la cour de réformer purement et simplement le jugement en ce qu'il l'a condamné in solidum à payer à Monsieur [M] [Y] en qualité de tuteur de Madame [F] [Q] la somme de 79 000 € à titre de dommages et intérêts, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [M] [Y] en qualité de tuteur de Madame [F] [Q] du surplus de ses demandes, et par voie de conséquence, à titre principal de débouter purement et simplement Madame [F] [X] veuve [Q], représentée par Monsieur [Y] [M], ès qualités de tuteur, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en ce quelles sont dirigées à son encontre, à titre subsidiaire, de dire que le comportement de Madame [F] [X] veuve [Q] et de Monsieur [M] [Y], ès qualités, ont concouru à la survenance et l'aggravation du dommage allégué, de dire en conséquence, qu'elle ne saurait être tenue, le cas échéant conjointement avec les autres établissements financiers envers Madame [X] veuve [Q], représentée par son tuteur, d'une somme qui ne saurait excéder la moitié du préjudice subis, de dire, en toutes hypothèses, que le CRÉDIT LYONNAIS, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE et la BANQUE POSTALE devront la relever indemne de la totalité des condamnations qui pourront être prononcées à son encontre, à titre plus subsidiaire, si les autres établissements bancaires n'étaient pas condamnés à la relever indemne de toutes demandes, fins et condamnations, de dire que le CRÉDIT LYONNAIS, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE et la BANQUE POSTALE devront contribuer à la dette pour la moitié au moins des sommes qui seront mises à sa charge, en tout état de cause, de condamner tout succombant à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en tous les dépens ;

Vu les conclusions signifiées le 23/09/2014 par Madame [Q], représentée par Monsieur [Y], qui demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné solidairement le CRÉDIT LYONNAIS et la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU à lui verser à la somme de 79.000 € à titre de dommages-intérêts, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que dans leur rapport entre eux, le CRÉDIT LYONNAIS et la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU sont tenus des condamnations prononcées à leur encontre à proportion de 50 % chacun, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas dit et jugé que la BANQUE POSTALE et la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ont commis des fautes de nature à engager leur responsabilité civile à son encontre, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas dit et jugé que la BANQUE POSTALE et la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE lui ont causé un préjudice incontestable, en conséquence, d'infirmer le jugement entrepris et condamner solidairement la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE et la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D' YEU à lui verser la somme de 2.000 € avec intérêts au taux légal à compter de la date de débit du chèque litigieux, d'infirmer le jugement entrepris et condamner solidairement la BANQUE POSTALE et la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU à lui verser la somme de 27.000 € avec intérêts au taux légal à compter du 22 août 2006, d'infirmer le jugement entrepris et condamner la BANQUE POSTALE à lui verser la somme de 18.600 €, avec intérêts au taux légal depuis la date de l'assignation, en tout état de cause, d'infirmer le jugement entrepris et condamner solidairement CRÉDIT LYONNAIS, la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE et la BANQUE POSTALE à lui verser la somme de 20.000 € au titre du préjudice moral subi par cette dernière, de condamner chacune des banques à lui verser la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, de débouter en tout état de cause chacune des intimées de toutes leurs demandes et prétentions, de condamner le CRÉDIT LYONNAIS, la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU, la SOCIÉTÉ GÉNÉRAL et la BANQUE POSTALE aux entiers dépens ;

Vu les conclusions signifiées le 12/02/2014 par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE qui demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [M] [Y] ès qualités de tuteur de Madame [F] [Q] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre elle, à titre subsidiaire, de débouter Monsieur [M] [Y] agissant ès qualités de tuteur de Madame [F] [Q] de sa demande de condamnation solidaire à son égard à lui régler une somme de 20.000 € au titre d'un prétendu préjudice moral, de débouter la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU de l'ensemble de ses demandes dirigées contre elle, de condamner le CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, et y ajoutant, de condamner toute partie succombante à lui payer une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens ;

Vu les conclusions signifiées le 20/12/2013 par la BANQUE POSTALE qui demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que sa responsabilité ne pouvait être engagée au titre de sa responsabilité contractuelle, dès lors, de débouter purement et simplement Monsieur [Y] et la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions, de réformer le jugement déféré en ce qu'il ne lui a alloué aucune somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à titre subsidiaire, et dans l'hypothèse où la cour devait réformer le jugement et considérer que sa responsabilité serait engagée, de condamner la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU à la garantir de toute condamnation en application des dispositions de l'article 1382 du code civil, en tout état de cause, de condamner in solidum en leur qualité d'appelant incident Monsieur [Y] es qualité de tuteur de Madame [F] [X], veuve [Q] et la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU, à lui verser la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

SUR CE

Considérant que début 2007, le fils de Madame [X] veuve [Q], née le [Date naissance 1]1921, Monsieur [M] [Y], a découvert que sa mère, qui vivait seule sur l'[Localité 6], avait, du 1/9/2005 au 2/4/2007, effectué d'importants versements de fonds, d'un montant total de 188.000 €, à l'aide de chèques émis sur les comptes bancaires dont elle était titulaire auprès de la BANQUE POSTALE, de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE et du CRÉDIT LYONNAIS, qui avait été approvisionné, pour ce dernier, par les fonds qu'elle détenait initialement sur un Plan Epargne Actions et sur des contrats d'assurance-vie qu'elle avait clôturés et résiliés, le 18/05/2006 et le 13/10/2006, au profit d'un autre habitant de l'Ile d'Yeu, Monsieur [V] [N], et qu'elle avait opéré des retraits d'argent, entre octobre 2005 et janvier 2007, sur le compte qu'elle avait ouvert auprès de la BANQUE POSTALE pour un montant total de 18.600 € ;

Considérant que Monsieur [M] [Y] a déposé plainte le 16/02/2007 pour abus de faiblesse auprès des services de gendarmerie de l'Ile d'Yeu ;

Considérant qu'une mesure de protection a été ordonnée par le juge d'instance des Sables d'Olonne le 18/10/2007, que Monsieur [Y] a été désigné en qualité d'administrateur légal de sa mère sous contrôle judiciaire ;

Considérant que l'enquête puis l'instruction pénale ont établi que tous les chèques, pour un montant total de 188.000 €, avaient été encaissés par Monsieur [N] sur un compte ouvert par lui le 13/07/2006 auprès de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU ; que Monsieur [N] a ensuite établi huit chèques pour un montant total de 72.000 € au profit d'une amie, Madame [K] [E] ;

Considérant que sur commission rogatoire du juge d'instruction, les enquêteurs ont procédé le 05/04/2007 à la saisie de la somme de 80.000 € sur le compte de Monsieur [N] ouvert à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU ;

Considérant que par décision du 20/05/2010, le tribunal correctionnel des Sables d'Olonne a retenu la culpabilité de Monsieur [N] et de Madame [E] pour avoir commis un abus de faiblesse au préjudice de Madame [Q], entre le 01/09/2005 et le 02/04/2007, ayant conduit celle-ci à leur remettre d'importantes sommes d'argent pour un montant total de 188.616 €, et condamné chacun d'eux à la peine de deux ans d'emprisonnement ainsi qu'à payer solidairement la somme de 189.000 € à titre de dommages et intérêts à Madame [Q], dont pourrait être déduite la somme de 80.000€ bloquée à la demande du juge d'instruction ;

Considérant que Madame [E] a fait opposition à cette décision et a de nouveau été condamnée à la même peine et aux mêmes condamnations civiles par jugement du 17/03/2011 ; que sur appel de Monsieur [N] la cour d'appel de Poitiers a, par arrêt du16/12/2010, confirmé le jugement et ordonné la mainlevée de la somme bloquée sur le compte ouvert à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU et son attribution à Monsieur [Y] en qualité de tuteur de Madame [Q], à hauteur de 80.000 € ;

Considérant que par actes d'huissier en date des 26 et 27/07/2010 et du 12/08/2010, Madame [Q], représentée par son fils Monsieur [Y], en qualité de tuteur, a fait assigner la BANQUE POSTALE, le CRÉDIT LYONNAIS, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE et la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU devant le tribunal de grande instance de Paris en responsabilité ;

Considérant que le jugement déféré a été rendu dans ces circonstances ;

Considérant que les premiers juges ont déclaré que la responsabilité contractuelle de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE n'était pas engagée dès lors qu'il n'était pas démontré qu'elle ait manqué à son obligation de vérification de la régularité du chèque et de vigilance quant à l'opération exécutée ; qu'ils ont débouté Monsieur [Y] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la BANQUE POSTALE au motif qu'il n'était pas établi, au vu des mouvements de fonds comme à l'occasion des retraits d'argent effectués au guichet de Madame [Q], qu'elle n'avait pu ignorer que ces opérations procédaient d'une infraction ou que Madame [Q] n'était manifestement pas en état d'y consentir réellement ; qu'ils ont en revanche estimé que le CRÉDIT LYONNAIS avait manqué à son obligation de vigilance et avait contribué, par sa faute, à la dissipation de fonds au profit d'un tiers, et ce, en s'abstenant d'obtenir une confirmation de Madame [Q] avant de décaisser le montant des trois chèques litigieux ; qu'ils ont par ailleurs dit que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU avait engagé sa responsabilité délictuelle en donnant les moyens à Monsieur [N] de se livrer à des opérations préjudiciables à Madame [Q] ;

Considérant que l'instruction pénale a établi que Madame [Q] avait été abordée en 2005, par Monsieur [N], qui, alors qu'elle venait de faire ses courses, s'était proposé pour l'aider à les transporter ; que par la suite, il avait réalisé, contre rémunérations, de menus travaux dans la maison qu'elle occupait et où, petit à petit, il lui avait rendu des visites de plus en plus fréquentes, qui étaient devenues quotidiennes en 2006 ; que Monsieur [N] avait pris l'habitude de faire les courses, de prendre la carte bancaire de Madame [Q] pour régler les emplettes et lui rapporter de l'argent ; qu'il avait commencé par bénéficier de certaines acquisitions, notamment courant 2005, Madame [Q] lui avait acheté un scooter d'une valeur de 2299 euros, avait en 2006 bénéficié de chèques d'un montant important dont le paiement avait été facilité par le fait que Monsieur [N] avait écrit une lettre de clôture de comptes au CRÉDIT LYONNAIS, que Monsieur [N], qui a été condamné à deux reprises pour des faits de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, a connu en détention Madame [K] [E], qui avait fait des études d'infirmière, et avait été condamnée à 7 ans d'emprisonnement pour infraction à la législation sur les stupéfiants et 5 ans pour complicité de vol avec arme, que le couple était venu s'installer à l'Ile d'Yeu au cours de l'année 2000 chez une personne âgée et sous curatelle, que contraints de quitter le domicile de cette personne après la découverte par la famille de celui-ci de faits de spoliation, le couple avait jeté son dévolu sur Madame [Q], que les revenus de Monsieur [N] étaient constitués par le RMI, soit 588 € par mois, que Monsieur [N] exerçait un fort ascendant sur Madame [Q] et qu'il l'isolait du reste de sa famille et de ses connaissances, que lors de sa première audition, Madame [Q] a dit ne pas se souvenir de la cause des mouvements de fonds intervenu sur ses comptes bancaires, avant d'indiquer avoir fait un chèque de 75.000 € à Monsieur [N] lors d'une période d'instabilité psychologique, lui avoir laissé sa propre carte bancaire, l'avoir aidé financièrement ; qu'au cours de la deuxième elle a déclaré avoir peur de Monsieur [N] qui la menaçait et lui mettait souvent 'la larme à l'oeil', et craindre ses représailles ; qu'elle précisait qu'il lui avait demandé de financer une maison où ils auraient vécu ensemble et finissait par admettre qu'elle avait été trompée ;

Considérant que le docteur [G] [S], Psychiatre des hôpitaux qui a examiné Madame [Q], le 25/5/2007 a conclu que l'examen de l'intéressée faisait apparaître que Madame [Q] présentait une démence vasculaire dissociée évoluant depuis plusieurs années, affectant son équilibre intellectuel mais n'affectant pas la crédibilité de ses déclarations, que le traumatisme consécutif aux faits consistait, d'une part, dans le fait que Madame [Q] avait été affectée par le saccage opéré au domicile qu'elle occupait , mais surtout, d'autre part, par une peur diffuse modérée et une peur plus spécifique de l'auteur et en particulier de représailles de sa part, qu'à ce jour et durant la période de commission des faits dont elle a été victime (entre le 1/9/2005 et le 2avril 2007), Madame [Q] doit et devait être considérée en raison, à la fois de son âge et d'une déficience physique, au sens de l'article 223-15-2 du code pénal, comme une personne vulnérable, qu'à ce jour elle devait être placée sous un régime de protection de majeur ;

Considérant que Monsieur [Y], ès qualités, soutient que les banques, tant tirées ( le CREDIT LYONNAIS, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, la BANQUE POSTALE,) que présentatrice, (le CRÉDIT MUTUEL) ont commis des fautes de nature à engager leur responsabilité civile ; que les établissements contestent tout manquement, font valoir qu'elles n'ont manqué à aucune de leurs obligations et qu'elles ont l'interdiction de s'immiscer dans les affaires de leurs clients ;

- sur la responsabilité des établissements de crédit teneurs de comptes

1/ le CREDIT LYONNAIS

Considérant que Madame [F] [X] veuve [Q] est titulaire de deux comptes de dépôt n° 7152 Z et n° 57050 B dans les livres de l'agence n° 5135 du CREDIT LYONNAIS ; qu'elle a ouvert dans cette banque un PLAN EPARGNE EN ACTIONS (ci-après PEA) ; qu'elle a également souscrit, par l'intermédiaire du CREDIT LYONNAIS, auprès des Assurances FEDERALES VIE, un contrat d'assurance-vie ;

Considérant que le 19 juillet 2006, le 6 septembre 2006, 13 novembre 2006, Madame [F] [X] veuve [Q] a tiré des chèques d'un montant respectif de 33.000 euros, 33.000 euros, 75.000 euros à l'ordre de Monsieur [N] qui les a encaissés sur le compte de dépôt qu'il avait ouvert dans les livres du CREDIT MUTUEL DE l'ILE D'YEU ;

Considérant que ces chèques n'ont pu être émis que parce que Madame [Q] a rendu disponibles les fonds qu'elle détenait sur un PEA et sur un contrat d'assurance vie qu'elle a clôturé et résilié ;

Considérant ainsi que le soutient le CREDIT LYONNAIS que la clôture d'un d'un PEA et la réalisation d'un contrat d'assurance-vie, qui avaient plus de 8 ans, ne sont pas des actes qui constituent, en eux même, une anomalie apparente ; qu' au surplus, la banque était en possession de courriers émanant de Madame [F] [X] veuve [Q], en date du 18 mai 2006 et du 12 octobre 2006 qui disaient, pour le premier :

' suite à votre visite du 31/3/2006, et à notre entretien téléphonique du 16/5/2006, je vous confirme par la présente ma décision d'effectuer la réalisation de mes avoirs en actions, le total de cette opération se doit d'être déposé sur mon compte LCL (...) à [Localité 5]..' , pour le second : 'suite à mon appel téléphonique du 12/10/2006, je vous confirme par la présente que je désire effectuer la réalisation de mon compte assurance vie et déposer le détail sur mon compte' ;

Considérant que selon l'expert en écritures mandaté par le magistrat instructeur, le courrier du 18 mai 2006 est de la main de Madame [Q] ; qu'il ne comporte aucune trace d'hésitation, de reprise ou repentir ; que le second courrier est indiscutablement écrit et signé par Madame [Q] ; qu'il présente les mêmes caractéristiques que le premier;

Considérant qu'il résulte des termes mêmes des courriers que le CREDIT LYONNAIS s'est assuré de la volonté de Madame [F] [X] veuve [Q] de clôturer son PEA et de résilier le contrat d'assurance vie à l'occasion d'un rendez-vous et/ou d'une conversation téléphonique ; que le fait que la banque ait fourni un modèle de correspondance à Madame [Q] n'est pas de nature à faire suspecter la qualité de l'expression de la volonté de Madame [Q] mais reflète simplement la nécessité de mettre en forme une demande formulée par Madame [Q] ;

Considérant qu'il ne peut être pertinemment soutenu que le CREDIT LYONNAIS aurait dû avoir conscience de l'état de santé ou même de l'état de faiblesse de Madame [Q] aux mois de mai et octobre 2006 ;

Considérant qu'il doit être relevé, comme le fait le CREDIT LYONNAIS, ainsi que cela résulte du dossier d'instruction, que dans le courant de l'année 2006, Madame [Q] est venu consulter son notaire, lequel a déclaré n'avoir décelé à cette époque aucune altération de la santé mentale de sa cliente ; que l'officier ministériel a précisé que Madame [Q], qui parlait avec détermination, lui avait indiqué qu'elle avait noué des relations amicales avec Monsieur [N], qu'elle lui avait remis récemment d'importantes sommes d'argent et s'interrogeait sur les questions qui auraient pu se poser à sa succession ; qu'il a ajouté que Madame [Q] avait un fort caractère et n'avait pas entendu ses recommandations de prudence à l'égard de Monsieur [N] en qui elle avait toute confiance ;

Considérant, ainsi que le rappelle le CREDIT LYONNAIS, que le paiement du chèque est obligatoire pour le banquier tiré s'il existe une provision suffisante et s'il n'a pas reçu d'opposition ; qu'en outre, en l'espèce, il n'est pas contesté que les chèques présentés au paiement par le CREDIT MUTUEL DE l'ILE D'YEU sont formellement réguliers, qu'ils comportent l'ensemble des mentions édictées par l'article L.131-2 du Code monétaire et financier ; que la signature qui est apposée est authentique ;

Considérant que le CREDIT LYONNAIS soutient , à juste titre, qu'il est tenu par un principe de non immixtion dans les affaires de son client ; que ni l'ancienneté des relations entretenues par la banque avec Madame [Q] ni les habitudes antérieures de celle-ci quant aux opérations qu'elle pratiquait sur son compte, ni le fait qu'elle liquide en un peu plus de trois mois, la quasi-totalité de ses avoirs et les transfère exclusivement vers le compte de Monsieur [V] [N] et se dépossède ainsi de la moitié de ses actifs bancaires, ne devaient conduire la banque à s'interroger sur la cause ou l'opportunité de l'émission des chèques qui étaient bien signés par le titulaire du compte ;

Considérant qu'il doit être souligné, que dans le cas présent, le CREDIT LYONNAIS s'est assuré de la volonté de sa cliente de voir virer sur son compte de dépôts, les fonds qu'elle détenait sur le compte PEA ou sur le contrat d'assurance vie ; que le rachat du contrat d'assurances vie et la réalisation du PEA ont permis l'émission des chèques qui étaient dans la continuité des opérations sollicitées ; que la banque n'avait pas à demander confirmation pour l'émission des chèques, les opérations préalables ayant été confirmées par écrit ;

Considérant que l'audition du notaire révèle que Madame [Q] était tout à fait consciente d'avoir émis des chèques en faveur de Monsieur [N] ; qu'elle a réalisé ces opérations, délibérément ; qu'elle croyait seulement que les fonds, qu'elle avait remis volontairement, lui seraient remboursés ;

Considérant qu'en l'absence d'anomalie apparente et compte tenu de l'expression non équivoque de la volonté de Madame [Q], rien ne s'opposait ni au rachat et à la réalisation du PEA et du contrat d'assurances vie ni au règlement des chèques ;

Considérant en conséquence qu'aucune faute n'est démontrée ; que le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné le CRÉDIT LYONNAIS, in solidum avec la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU, à payer à Monsieur [M] [Y] en qualité de tuteur de Madame [F] [Q] la somme de 79 000 euros à titre de dommages et intérêts et que Monsieur [Y] ès qualités sera débouté de toutes ses demandes formées à l'encontre de cette banque ;

2/ la BANQUE POSTALE

Considérant que Monsieur [A] [Q] a procédé à l'ouverture d'un compte courant postal dans les livres de LA POSTE, aux droits de laquelle intervient aujourd'hui la BANQUE POSTALE, le 23 juillet 1945 ; que ce compte a été transformé en compte joint le 8 septembre 1986, Madame [F] [X] épouse [Q] en devenant co-titulaire ; qu'elle est devenue seule titulaire au décès de son époux ; que Madame [Q] a souscrit un contrat d'adhésion au service des cartes bancaires MasterCard à débit immédiat, le 10 novembre 2005;

Considérant que les faits litigieux sont l'émission d'un chèque d'un montant de 45.000 € par Madame [Q] le 22 août 2006 au profit de Monsieur [N], et des retraits de liquidités pour un montant total de 18.600 € d'octobre 2005 à janvier 2007;

Considérant que Monsieur [Y], ès qualités, soutient que la BANQUE POSTALE a nécessairement engagé sa responsabilité dans la mesure où le chèque de 45.000 € émis le 22 août 2006 par Madame [Q] n'aurait pas dû être débité sans alerte de la banque vis-à-vis de sa cliente compte tenu du montant de la somme, anormalement élevée et de l'historique du compte qui n'a jamais enregistré un tel montant et qu'en procédant sans réserve au débit du chèque la banque a failli à son obligation de surveillance dans le fonctionnement du compte ;

Mais considérant, ainsi que le fait justement valoir la banque, qu'un chèque est payable à vue par la banque tirée et que toute clause contraire est réputée non écrite, aux termes de l'article L 131-31 du Code monétaire et financier ; que la banque tirée doit régler un chèque régulièrement provisionné qui lui est présenté tant que la prescription n'a pas couru ; que le banquier doit s'assurer de l'apparence et de la régularité du titre ; qu'aux termes de l'article L. 131-38 du Code monétaire et financier, celui qui paie un chèque sans opposition est présumé valablement libéré ;

Considérant qu'en l'espèce, il n'est ni contesté ni contestable que le chèque litigieux a été émis par Madame [Q] ; que Madame [Q], ainsi qu'elle l'a spontanément dit à son notaire, a précisé que la remise était volontaire et qu'elle avait été effectuée à titre de prêt ; que l'opération a bien été initiée par Madame [Q] et correspondait à la volonté de la détentrice du compte et que le compte était approvisionné;

Considérant que le chèque ne présentait aucune anomalie apparente ; que la banque a l'interdiction de s'interroger sur les circonstances et les raisons dans lesquelles le titulaire du compte utilise ses liquidités disponibles ;

Considérant que la banque relève avec raison que Monsieur [Y] ès qualités, lui reproche de ne pas avoir décelé la déficience de l'état de santé mentale de sa mère ou sa vulnérabilité alors que pour la période considérée ses proches ne l'ont pas constatée non plus, alors que le chèque a été émis en période de vacances scolaires, époque à laquelle Monsieur [Y] indique que lui même ou des membres de sa famille se trouvaient auprès de Madame [Q] ; que son notaire non plus, qui s'est entretenu avec Madame [Q] à sa demande, n'a pas pointé de déficience ou de fragilité ;

Considérant en outre que le banquier a l'interdiction de s'immiscer dans les affaires de sa clientèle, même en cas de relations très anciennes ; qu'il n'a pas à s'interroger sur l'opportunité ou la cause d'un paiement, qui au surplus, en l'espèce est unique ;

Considérant s'agissant des retraits qui ont été opérés, qu'il y a lieu de relever, comme le fait la banque, que la majorité des fonds retirés du compte bancaire l'a été au guichet par Madame [Q] ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que tous les formulaires de retraits, effectués par Madame [Q] du 5 octobre 2005 au 3 janvier 2007, portent la signature de Madame [Q] ; qu'ils ne présentent aucune anomalie apparente ;

Considérant que la banque soutient à juste titre qu'elle n'avait aucune raison, en présence d'un compte largement créditeur de refuser à sa cliente, personne majeure, capable, qui justifiait de son identité, le droit de disposer de ses avoirs, comme elle l'entendait, et de retirer de manière ponctuelle des sommes d'argent, la banque ne pouvant être tenue pour responsable des agissements d'un tiers qui a agi en dehors de sa sphère d'intervention ;

Considérant que d'autre retraits ont été effectués au moyen de la carte bancaire de Madame [Q] ;

Considérant qu'il résulte du dossier d'instruction que Madame [Q] avait remis à Monsieur [N] et sa carte et son numéro de code aux fins de procéder à des retraits d'espèces ; qu'elle avait ainsi manifesté son accord pour l'imputation au débit du compte de la somme retirée puisque conformément à la convention de compte les opérations de retraits effectués à l'aide de la carte bancaire et le code secret associé sont présumées être réalisées par le porteur de la carte ; qu'en outre ni leur fréquence (9 opérations entre mai et juillet 2006) ni leur quantum (1.600 € en tout par sommes de 100, 200 ou 300 €) n'étaient de nature à alerter la banque, étant précisé que Madame [Q] n'a jamais contesté ces opérations ;

Considérant que les opérations de retrait litigieuses se sont déroulées sur une période allant d'octobre 2005 à janvier 2007 ; qu'elles ne sont ni anormales ni dans leur fréquence ni dans leur montant étant précisé que le compte a toujours été largement créditeur et que la banque ne pouvait s'opposer à de tels retraits, s'interroger sur leur utilité ou leur opportunité au regard de l'âge de Madame [Q] et de ses besoins, ou sur la mise en place d'une pratique nouvelle consistant en des retraits réguliers ;

Considérant en conséquence que le jugement déféré sera confirmé et que Monsieur [Y] sera débouté de son appel incident ;

3/la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE

Considérant qu'au cours du mois de juillet 2006, Madame [Q] a émis un chèque d'un montant de 5.000 € tiré le compte dont elle est titulaire dans les livres de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE depuis 1969, à l'ordre de Monsieur [V] [N] qui a été remis à l'encaissement par son bénéficiaire et porté le 26 juillet 2006 au débit du compte bancaire provisionné ouvert en faveur de Madame [Q] ; que cette opération n'a pas été contestée par le titulaire du compte ;

Considérant, ainsi que le soutient la banque, qu'elle avait l'obligation de procéder au paiement du chèque objet du litige, puisqu'il était provisionné et que cette opération ne présentait aucune anomalie matérielle apparente et qu'elle aurait exposé sa responsabilité dans la mesure où elle n'aurait pas respecté l'obligation de paiement qui est mise à sa charge ; qu'en effet il est constant que le chèque était signé de la main de Madame [Q] elle-même, qui ne faisait à l'époque l'objet d'aucune mesure de protection et qu'il ne présentait aucune anomalie matérielle apparente ; que lors de la présentation au paiement de ce chèque, le compte ouvert au profit de Madame [Q] présentait une provision suffisante pour le paiement de la totalité de son montant ; qu'en outre le paiement de ce chèque ne saurait être considéré comme une anomalie intellectuelle, et encore moins une anomalie manifeste, puisqu'il s'agit d'un seul et unique chèque, dûment provisionné, d'un montant de 5.000 €, ce qui constitue une opération courante et que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ne connaissait ni les autres opérations bancaires effectuées à la même époque sur les comptes ouverts dans d'autres banques ni les agissements du bénéficiaire du chèque ;

Considérant que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE soutient à juste titre que le devoir de non-ingérence lui interdisait de s'immiscer dans la gestion de son compte par Madame [Q] qui, à l'époque des faits, ne faisait l'objet d'aucune mesure de protection ; qu'elle devait s'interroger sur le caractère authentique de la signature et non pas sur la cause ou l'opportunité de l'émission du chèque, ou sur le caractère inhabituel de cette opération ; qu' au surplus la banque ne pouvait pas avoir conscience de la vulnérabilité de Madame [Q] ;

Considérant que le jugement déféré sera donc confirmé et que Monsieur [Y] ès qualités sera débouté de son appel incident ;

- sur la responsabilité du CRÉDIT MUTUEL en sa qualité de banquier présentateur de chèques

Considérant que le 13 juillet 2006, Monsieur [V] [N], a ouvert dans les livres de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU un compte de chèques individuel ;

Considérant que du mois de juillet 2006, époque de l'ouverture du compte, au mois d'avril 2007, le compte ouvert par Monsieur [N] dans les livres de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU sous le n° 15519.85244.07949073640.49 a enregistré au crédit les opérations suivantes ; que le 20 juillet 2006, Monsieur [V] [N] a remis à l'encaissement sur le compte ouvert à son nom dans les livres du CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU un chèque tiré par Madame [F] [Q] sur le compte ouvert par cette dernière dans les livres du CRÉDIT LYONNAIS daté du 19 juillet 2006 et libellé à son ordre d'un montant de 30.000€ ; que le 25 juillet 2006, Monsieur [V] [N] a remis à l'encaissement sur le compte ouvert à son nom dans les livres du CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU un chèque tiré par Madame [F] [X] [Q] sur le compte ouvert par cette dernière dans les livres de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE daté du 24 juillet 2006 et libellé à son ordre d'un montant de 5.000 € ; que le 22 août 2006, Monsieur [V] [N] a remis à l'encaissement sur le compte ouvert à son nom dans les livres du CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU un chèque tiré par Madame [F] [Q] sur le compte ouvert par cette dernière dans les livres de LA BANQUE POSTALE daté du 22 août 2006 libellé à son ordre d'un montant de 45.000 € ; que le 7 septembre 2006, Monsieur [V] [N] a remis à l'encaissement sur le compte ouvert à son nom dans les livres du CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU un chèque tiré par Madame [F] [Q] sur le compte ouvert par cette dernière dans les livres du CRÉDIT LYONNAIS daté du 6 septembre 2006 libellé à son ordre d'un montant de 33.000 € ; que ce chèque a donné lieu à un rejet par le CREDIT LYONNAIS pour défaut d'endos par les soins de Monsieur [N] ; qu'après régularisation, ce chèque a été de nouveau remis à l'encaissement et payé le 28 septembre 2006 ; que le 14 novembre 2006, Monsieur [V] [N] a remis à l'encaissement sur le compte ouvert à son nom dans les livres du CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU un chèque tiré par Madame [F] [Q] sur le compte ouvert par cette dernière dans les livres du CRÉDIT LYONNAIS en date du 13 novembre 2006 et libellé à son ordre pour un montant de 75.000 € ;

Considérant qu'au cours de la même période Monsieur [V] [N] a tiré divers chèques sur le compte ouvert dans les livres de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU au profit de Madame [K] [E] ; qu'il a ainsi émis le 19 septembre 2006 un chèque d'un montant de 4.000 €, le 7 octobre 2006, un chèque d'un montant de 5.000 €, le 10 octobre 2006, un chèque d'un montant de 30.000 €, le 10 octobre 2006, un chèque d'un montant de 10.000 €, le 27 décembre 2006, un chèque d'un montant de 20.000 €, le 11février 2007, un chèque d'un montant de 3.000 €, soit 6 chèques pour un montant total de 72 000 € ;

Considérant que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU rappelle, en premier lieu, qu'en matière d'ouverture de compte bancaire, le banquier n'est tenu de vérifier que la seule identité et adresse de celui qui veut devenir client ; qu'à cette obligation s'ajoute, en outre, l'obligation de consulter, s'il doit être délivré des formules de chèque, le fichier tenu par la Banque de France à cet effet ; qu'en ce qui concerne les modalités du fonctionnement du compte, le principe en la matière demeure celui de la non ingérence du banquier dans les affaires de son client ; que ce principe de non ingérence ne reçoit exception que dans l'hypothèse où il existe des anomalies apparentes qui n'auraient pas du échapper à un banquier normalement vigilant ; que la seule personne qui aurait pu chercher à remettre en cause les opérations de crédit était Madame [Q] elle-même, laquelle ne le voulait pas ; que le secret bancaire auquel elle est astreinte, lui interdisait de procéder à de plus amples démarches que celles qu'elle a effectivement réalisées ; qu'il n'est pas discuté que les chèques ont été émis par Madame [X] veuve [Q], laquelle disposait alors de la pleine capacité civile et dont la volonté était libre et éclairée ; qu'elle ajoute que Madame [Q] n'était pas sa cliente et qu'elle ne disposait d'aucun élément lui permettant d'apprécier si les opérations qu'elle effectuait présentaient, un caractère d'anormalité pour Madame [Q] ; qu'elle indique que sa propre famille n'a pas décelé la déficience psychique de Madame [Q] alors que la plupart des chèques ont été émis en période de vacances scolaires ou immédiatement après, c'est à dire à une époque où Madame [Q] n'était pas seule ;

Considérant que la banque justifie qu'elle a procédé aux vérifications d'usage lors de l'ouverture du compte et sollicité en particulier de l'intéressé le justificatif de son identité par la présentation d'une CNI ainsi que d'une domiciliation, par la fourniture d'une facture d'eau ; qu'elle a aussi interrogé le fichier central des chèques impayés ou irréguliers, lequel n'a révélé la moindre inscription du chef de Monsieur [N] ;

Considérant que s'il est exact qu'une banque ne peut pas subordonner l'ouverture d'un compte ou le maintien de celui-ci à un dépôt minimum, et qu'elle ne doit pas s'immiscer dans les affaires de son client, il n'en est pas moins vrai que la banque ne pouvait qu'être alertée par la remise, en un temps aussi court, moins de quatre mois, de chèques d'un montant important, tirés sur des banques différentes, d'un total de 188.000€, émanant de la même personne ;

Considérant que la cour relève que la banque reconnaît elle même qu'elle a estimé que le compte fonctionnait de façon anormale puisque, selon ses propres dires, au mois de

septembre 2006, elle a interrogé Madame [Q], qui n'était pas, contrairement à ce qu'a indiqué le tribunal, une de ses clientes, et qui, selon elle, a confirmé verbalement que ces chèques étaient réguliers et que la banque pouvait effectivement procéder à leur encaissement et qu'elle a, au mois de décembre 2006, questionné Monsieur [N], lequel lors de la première remise de chèque, pour un montant de 30.000 €, encaissé le 20 juillet 2006, a précisé qu'il s'agissait d'un don de Madame [F] [X] veuve [Q], qui le considérait comme son propre fils et qui entendait l'aider financièrement et qui a en outre précisé qu'il serait bénéficiaire d'autres chèques et qu'il n'entendait pas, en l'état, procéder à un quelconque placement ;

Considérant si la conversation téléphonique avec Madame [Q] n'a pas laissé de trace écrite, la pièce 5 versée aux débats par le CRÉDIT MUTUEL, démontre que la banque a établi une 'fiche de renseignements sur opérations bancaires concernant les opérations égales ou supérieures à 8.000 € ( Loi n90-614 du 12 juillet 1990)', c'est à dire ' se présentant dans des conditions inhabituelles de complexité, (ou) ne paraissant pas avoir de justification ou d'objet licite, (ou) être réalisées par un client occasionnel' ; que sur ce document, Monsieur [N] apparaît comme étant sans profession, ayant déposé 6 chèques de montants importants pour un total cumulé de 188.000 € , l'origine des fonds étant Madame [Q] [W] [Localité 1], et le destinataire étant lui même ; qu'il est encore précisé à propos des 'caractéristiques de l'opération

(caractère insolite ou inhabituel de l'opération )' qu'il s'agissait d'un nouveau client, que les dépôts étaient importants et réguliers, que d'autres remises étaient prévues de l'ordre de 75.000 € par opération ; qu'il était indiqué à propos de 'la description de l'opération et du motif de suspicion' que Monsieur [N] précisait l'origine des fonds comme étant 'une avance sur succession' faite par une 'mère adoptive', Madame [Q] [F] celle-ci serait d'ailleurs en train de vendre un immeuble sur [Localité 8] dont Monsieur [N] héritera de la totalité du fruit de la vente' ; que sur la fiche figure la mention ' déclaration !' ;

Considérant qu'il se déduit des propres écrits de la banque que le dépôt des 6 chèques d'un montant de 188.000 €, sur un compte récemment ouvert au nom d'une personne qui était sans emploi, a paru suspect, tout comme l'explication fournie par le titulaire du compte qui faisait état d'adoption et d'avance sur succession, et devoir relever de la procédure de déclaration ;

Considérant dès lors que le CRÉDIT MUTUEL est mal fondé à soutenir que la responsabilité du banquier ne peut être retenue que lorsque les chèques émis recèlent des anomalies apparentes identifiables par un banquier normalement diligent et que ces manquements sont généralement imputés au banquier tiré auquel est présenté le chèque et non au banquier du bénéficiaire qui ne dispose d'aucune information sur l'émetteur ou d'éléments lui permettant de déceler une anomalie, alors qu'il avait lui même pointé des anomalies dans le fonctionnement du compte ouvert en ses livres ;

Considérant que le CRÉDIT MUTUEL ne peut exciper du fait que ses obligations en matière de déclaration de soupçons n'ont pour seule finalité que la détection de transaction portant sur des sommes en provenance du trafic de stupéfiants ou d'activité criminelle organisée et ne sont pas destinées à la prévention d'autres types d'agissements frauduleux ; que la circonstance que la cour de cassation ait rappelé que la victime d'agissements frauduleux ne peut se prévaloir de l'inobservation d'obligations résultant de ces textes pour réclamer des dommages et intérêts à l'établissement financier, est inopérante en l'espèce ;

Considérant que le CRÉDIT MUTUEL, à la différence du CRÉDIT LYONNAIS, de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, et de la BANQUE POSTALE, a disposé d'une vision d'ensemble sur les faits de spoliation dont Madame [Q] était la victime puisqu'il a vu converger sur le compte que venait d'ouvrir Monsieur [N] en ses livres, des chèques d'un montant important tirés sur différentes banques ; que la justification de ces versements par le bénéficiaire était éminemment suspecte et laissait supposer, dès l'origine, la commission d'une infraction pénale commise au préjudice d'une personne âgée et

vulnérable ;

Considérant , certes, que le CRÉDIT MUTUEL ne pouvait procéder au blocage du compte mais qu'il lui appartenait, dès le mois de juillet 2006, date à laquelle les explications du bénéficiaire rendaient anormales les opérations, d'alerter le procureur de la République qui aurait pu immédiatement requérir l'ouverture d'une mesure de protection de Madame [Q] et faire diligenter une enquête pénale ; qu'en s'abstenant de le faire, la banque est à l'origine de la perte de chance subie par Madame [Q] de pouvoir conserver les sommes dont elle a été spoliée et que la cour estime devoir indemniser à hauteur de 70.000 €, précisions étant apportées que Monsieur [M] [Y] ès qualités ne prend en considération pour chiffrer son préjudice que les sommes ayant transité sur le compte ouvert par Monsieur [N], soit en l'espèce, à partir d'août 2006 ( 45.000 €, 33.000 € et 75.000 € ), que 80.000 € ont pu être saisis sur le compte et ont été restitués et qu'en cas de perte de chance la réparation du dommage ne peut être que partielle ;

Considérant préjudice moral sera évalué par la cour à la somme de 5.000 € ;

Considérant qu'aucune faute, ni de Madame [Q], ni des établissements de crédit, teneurs de ses comptes , n'étant démontrée, le CRÉDIT MUTUEL doit être débouté de ses demandes tendant à être exonéré du paiement de la moitié des dommages-intérêts alloués, et à être relevée indemne de toute condamnation mise à sa charge ou à ne supporter que la moitié de la dette, l'autre étant à la charge des banques tirées ;

Considérant en conséquence que le jugement déféré sera infirmé ;

Considérant que le CRÉDIT MUTUEL qui succombe et sera condamné aux dépens, ne peut prétendre à l'octroi de sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que l'équité commande au contraire qu'il verse à ce titre 5.000 € à Monsieur [Y] ès qualités ; que les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées ;

Considérant qu'aucune considération d'équité ne commande l'allocation de sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile au CRÉDIT LYONNAIS, à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE et à la BANQUE POSTALE ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré en ses dispositions relatives au CRÉDIT LYONNAIS et au CRÉDIT MUTUEL sauf en ce qui concerne ce dernier en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles, et également en ce qu'il a rejeté les demandes de Madame [Q] au titre du préjudice moral, le confirme pour le surplus,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE D'YEU à payer à Monsieur [M] [Y], représentant sa mère Madame [F] [X] veuve [Q], les sommes de 70.000 € au titre de la perte de chance, 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour son préjudice moral et 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute Monsieur [M] [Y], représentant sa mère Madame [F] [X] veuve [Q], de ses demandes à l'encontre du CRÉDIT LYONNAIS,

Rejette toutes autres demandes des parties,

Condamne la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE L'ILE d'YEU aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 13/15199
Date de la décision : 27/11/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°13/15199 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-27;13.15199 ?
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