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27/11/2014 | FRANCE | N°13/04894

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 27 novembre 2014, 13/04894


REPUBLIQUE FRANCAISE

Au nom du Peuple français







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRET DU 27 Novembre 2014

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/04894



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Janvier 2013 par le tribunal de grande instance d'EVRY - RG n° 12/00192





APPELANTS



Monsieur [Y] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté et assisté de Me Carole-Anne LE PETIT LEBON, avocat

au barreau de PARIS, toque: B0604



GAEC DE COURTY, représenté par M. [Y] [C]

[Adresse 3]

[Adresse 3]



Représentée et assistée de Me Carole-Anne LE PETIT LEBON, avocat au barreau de PARIS, ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRET DU 27 Novembre 2014

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/04894

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Janvier 2013 par le tribunal de grande instance d'EVRY - RG n° 12/00192

APPELANTS

Monsieur [Y] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté et assisté de Me Carole-Anne LE PETIT LEBON, avocat au barreau de PARIS, toque: B0604

GAEC DE COURTY, représenté par M. [Y] [C]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée et assistée de Me Carole-Anne LE PETIT LEBON, avocat au barreau de PARIS, toque: B0604

INTIMEES

CONSEIL GENERAL DE [Localité 4]

Hôtel du Département

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représenté et assisté de Me Jean DI FRANCESCO de la SCP URBINO-SOULIER , CHARLEMAGNE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES ([Localité 4]) SERVICE DU DOMAINE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Madame Evelyne NEWLAND, Commissaire du gouvernement, en vertu d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Septembre 2014, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Christian HOURS, Président de chambre, spécialement désigné pour présider cette chambre par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de PARIS,

Madame Denise JAFFUEL, Conseillère, Conseiller désignée par Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de PARIS

Monsieur [V] [D], Juge de l'Expropriation au Tribunal de Grande Instance de PARIS désigné e conformément aux dispositions de l'article L. 13-1 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique

GREFFIÈRE : Madame Amandine CHARRIER, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Monsieur Christian HOURS, président et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision à été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE

La cour statue sur l'appel formé par M.[Y] [C], le 12 mars 2013, d'un jugement du juge de l'expropriation d'Evry, du 28 janvier 2013, ayant, sur la demande du Conseil général de [Localité 4], autorité expropriante dans le cadre d'acquisitions foncières destinées à réaliser, par la RD 837, le contournement nord de la Ville de [Localité 5], sur les communes de [Localité 6], [Localité 2], [Localité 1] et [Localité 5], fixé de la façon suivante les indemnités revenant à M.[Y] [C], exploitant différentes parcelles dans le cadre du Gaec de Courty :

- une indemnité d'éviction de 27 677 euros pour les parcelles [Cadastre 9] [Cadastre 10], [Cadastre 24], [Cadastre 25], [Cadastre 26], [Cadastre 27], [Cadastre 28], [Cadastre 29], [Cadastre 30] [Cadastre 31], [Cadastre 32], [Cadastre 33] [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 17], [Cadastre 18], [Cadastre 19], [Cadastre 20], [Cadastre 21], [Cadastre 22], [Cadastre 23], [Cadastre 36], [Cadastre 37], [Cadastre 38] et [Cadastre 41], à [Localité 5], d'une superficie de 27 677 m² ;

- une indemnité de déformation des parcelles de 2 500 euros pour les parcelles [Cadastre 27] et [Cadastre 21] ;

- une indemnité pour coupure du réseau d'irrigation de 11 866,33 euros,

- ainsi qu'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens étant supportés par l'autorité expropriante.

Les autres demandes ont été rejetées.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

- déposées au greffe par l'appelant le 30 avril 2013 et notifiées le 30 avril 2013 à l'expropriant, ainsi qu'au commissaire du gouvernement (AR respectivement datés des 3 et 6 mai 2013) ;

- déposées au greffe le 28 mai 2013 par le Conseil général de [Localité 4] et notifiées le 3 juin à l'appelant et au commissaire du gouvernement (AR datés respectivement du 11 et du 5 juin 2013) ;

- adressées par le commissaire du gouvernement le 29 mai 2013, reçues le 30 mai 2013 et notifiées le 31 mai 2013 à l'appelant et à l'intimé (AR datés du 4 juin 2013),

Etant précisé que l'appelant à déposé au greffe, le 27 juin 2013, un mémoire complémentaire notifié le 28 juin 2013 à l'expropriant et au commissaire du gouvernement (AR signés le 2 juillet 2013).

Les demandes et offres des parties sont reprises dans le tableau infra.

Préjudices (en euros)

M.[C]

Conseil gal de [Localité 4]

Commissaire du gouvernement

éviction terre

31 323,70

27 677 terre et taillis (confirmation)

27 238

éviction taillis

369

cf supra

0

déformation parcelles

2 875

0 subst confirmation

confirmation

rétrécissement parcelles

9 462,80

0

0

rupture d'unité d'exploitation

17 089

0

0

coupure du réseau d'irrigation

11 866,39

(confirmation)

confirmation

confirmation

allongement de parcours

76 168

sbst 6 231

0

0

pertes liées à l'irrigation

133 273

sbst 103 499

0

0

Une expertise est sollicitée à titre subsidiaire parM.[C], ainsi en tout état de cause qu'une indemnité de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation du département de [Localité 4] aux dépens qui comprendront les frais d'expertise de M.[T].

MOTIFS DE L'ARRET :

' Sur la recevabilité de l'appel et des écritures

Considérant à titre liminaire que la recevabilité de l'appel de M.[C] n'est pas contestée ;

Considérant s'agissant de la recevabilité des mémoires complémentaires, que l'article R13-49 du code de l'expropriation est d'ordre public et que le juge doit relever la déchéance prévue à l'alinéa 1er ou l'irrecevabilité prévue aux alinéas 2 et 3 en cas de dépôt de mémoires ou de pièces au-delà des délais ouverts à l'appelant, à l'intimé et au commissaire du gouvernement pour conclure ;

Considérant qu'aucun mémoire, aucune pièce n'est désormais admis après l'expiration des délais prévus aux alinéas 1,2 et 3 de l'article R 13-49 , quel que soit leur contenu ;

Considérant toutefois que le Conseil général de [Localité 4] ayant formé appel incident sur la question des indemnités pour déformation des parcelles [Cadastre 21] et [Cadastre 27], le principe du contradictoire commande que soit admis le mémoire de M.[C] déposé le 27 juin 2013, mais uniquement sur le point du jugement contesté par l'expropriant ;

' Sur la description du bien exproprié

Considérant qu'il s'agit d'emprises portant sur une superficie de 27 677 m², dont 27 238 m² en nature de culture et 369 m² en nature de taillis, pris sur une exploitation de polyculture par le Gaec de Courty, d'une superficie totale de 222 hectares ;

' Sur l'indemnisation de l'exploitant évincé

Considérant que, conformément aux dispositions de l'article L 13-15 du code de l'expropriation, les biens expropriés doivent être estimés au jour du jugement de première instance, soit le 28 janvier 2013, selon leur usage effectif un an avant l'ouverture de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique, soit le 12 juin 2002, aucune contestation n'existant entre les parties sur ces points ;

Considérant qu'il convient d'examiner successivement les chefs de préjudice invoqués par M.[C], appelant ;

' l'indemnité d'éviction :

Considérant que M.[C] revendique la valeur de 1,15 euros le m², figurant dans le protocole d'accord intervenu, le 22 février 2012, entre, d'une part, le Département de [Localité 4] et, d'autre part, la Chambre départementale d'agriculture d'[Localité 3], la Fédération des associations de propriétaires et agriculteurs d'[Localité 3], la Fédération des syndicats d'exploitants agricoles d'[Localité 3], les Jeunes agriculteurs d'[Localité 3] ; qu'il estime qu'il n'y a pas lieu de tenir compte de la réserve apportée par le protocole, consistant à prévoir que ce montant ne peut pas être supérieur à l'indemnité de dépossession par m² payée par le département au propriétaire; qu'il estime cette clause inapplicable comme spoliatrice et contraire aux dispositions de l'article L13-13 du code de l'expropriation ;

Considérant que le Conseil général de [Localité 4] soutient que le montant d'1 euro le m² est justifié par le classement en zone NC des terres et les éléments de comparaison cités par le commissaire du gouvernement ; que, dans la mesure où M.[C] demande le montant retenu dans le protocole, il est tenu d'en respecter l'ensemble du contenu ;

Considérant que le commissaire du gouvernement fait valoir que la partie évincée ne fait état d'aucun terme de comparaison probant en faveur d'une valeur de la terre à 1,15 euro le m², les prix médians sur le sud de [Localité 4] étant largement inférieurs à 1 euro ; que le prix de 1,50 euro le m² réglé par le département de [Localité 4] pour la parcelle [Cadastre 11] à [Localité 2] est injustifié et exorbitant, eu égard au marché local des terres agricoles ; que, contrairement à ce que soutient M.[C], seule une infime minorité de propriétaires ont contesté le prix de 1 euro le m² qui leur a été proposé ; qu'enfin seules les parcelles en nature de terre doivent être indemnisées, celles en taillis, non exploitées, n'étant d'aucun rapport, ce qui permet de chiffrer, sans qu'il soit besoin de recourir à une mesure d'expertise, l'indemnité d'éviction à hauteur de 27 238 m² X 1 euro = 27 238 euros ;

Considérant que l'indemnité d'éviction est destinée à dédommager de la perte définitive de revenus, ainsi que de celle des fumures et arrière-fumures ; qu'elle est calculée sur la base de la marge brute du compte-type exploitant établi par l'administration fiscale ;

Considérant que le juge d e l'expropriation choisit souverainement la méthode d'évaluation qui lui parait la plus appropriée au regard de la situation du terrain ;

Considérant qu'il est loisible de se fonder sur la méthode d'évaluation prévue par un protocole d'indemnisation des exploitants agricoles, qui constitue une source de renseignements importante dans un domaine technique, même s'il n'a pas de caractère obligatoire en cas de procédure judiciaire ; qu'il convient cependant alors d'en respecter les termes, sous peine de le dénaturer;

Considérant que, précisément, le protocole précité chiffre l'indemnité d'éviction retenue à 1,15 euro au m², sous réserve que ce montant ne soit pas supérieur à l'indemnité de dépossession par m² payée par le département au propriétaire, dont il n'est pas contesté par les parties qu'elle a, en définitive, été fixée à 1 m² ;

Considérant que M.[C] veut réécrire le protocole et supprimer la limite qu'il contient ; qu'il ne peut toutefois choisir pour une même indemnité de retenir les points qui lui sont favorables et d'éliminer ceux qui ne le sont pas, le protocole constituant un ensemble qui doit être apprécié comme tel ;

Considérant que si M. [C] estime le chiffre d'1 euro insuffisant pour constituer la juste indemnisation de son éviction, il lui appartient de rapporter la preuve que son préjudice direct, matériel et certain est d'un montant supérieur ;

Considérant d'une part, que force est de constater que pour critiquer cette limite d'1 euro qui constituerait le prix de la terre, il se borne, dans ses premières conclusions devant seules être prises en compte sur ce point, à fournir une référence unique d'un prix de 1,50 euro le m² offert par le département pour une parcelle [Cadastre 11] située sur la commune de [Localité 2]; que cet élément parfaitement isolé, concernant un terrain de loisirs, disposant d'une façade sur la route départementale 49, situé au bord de l'eau et proche d'une zone urbanisée, est insuffisant à établir que le montant d'1 euro ne correspond pas au prix de la terre dans le sud de [Localité 4], étant rappelé que les parcelles dont s'agit sont classées en zone NA ;

Considérant d'autre part, qu'il n'offre pas de démontrer, dans son mémoire du 30 avril 2013, que son véritable préjudice, en termes de perte de marge brute, serait supérieur à cette somme d'1 euro le m², qui lui est offerte et qui a été acceptée par la plupart des propriétaires et exploitants concernés par l'opération ;

Considérant dans ces conditions qu'il convient de retenir ce chiffre d'1 euro qui est proposé pour l'ensemble des parcelles, y compris celles en nature de taillis, qui ne sont pourtant d'aucun rapport ;

Considérant dans ces conditions qu'il convient de confirmer la décision du premier juge sur ce point ;

' l'indemnité de déformation :

Considérant que, s'agissant des pointes existant dans les parcelles à l'issue de l'opération, M.[C] demande à la cour de calculer l'indemnité sur la base d'1,15 euro le m² pour les parcelles [Cadastre 21] et [Cadastre 27] ; que, s'agissant des rétrécissements, il soutient que les parcelles [Cadastre 39], [Cadastre 41], [Cadastre 21], [Cadastre 20], [Cadastre 18], [Cadastre 17] et [Cadastre 15] constituent un îlot rétréci à moins de 48 mètres et qu'il est, dès lors, fondé à demander une demi-indemnité d'éviction sur les superficies concernées ;

Considérant que, tout en considérant qu'il n'y a qu'un angle inférieur à 60°, le département demande la confirmation du jugement sur ce point ; qu'il conclut au rejet de l'indemnité pour rétrécissement, affirmant qu'aucun détail n'est fourni sur les superficies ;

Considérant que le commissaire du gouvernement conclut à la confirmation du jugement sur ces deux points ;

Considérant que l'expropriant concluant à la confirmation du jugement sur l'indemnité pour pointes, la cour ne peut que faire droit à cette demande, au demeurant justifiée ; que le jugement doit être confirmé sur ce point ;

Considérant sur le rétrécissement que M.[C] fournit les renseignements suivants précis, non contestés utilement par l'expropriant et le commissaire du gouvernement et non contraires aux observations du juge de l'expropriation lors de son transport sur les lieux ;

Considérant ainsi qu'il ressort des éléments fournis par l'appelant, en particulier du registre parcellaire graphique, que, à la suite de l'éviction :

- la parcelle [Cadastre 15] sera réduite à 35 m sur 1 917 m²,

- la parcelle [Cadastre 21] sera réduite à 34 m sur 4 092 m²,

- la parcelle [Cadastre 35] sera réduite à 35 m sur 1 102 m²,

- la parcelle [Cadastre 18] sera réduite à 36 m sur 1 545 m²,

- la parcelle [Cadastre 19] sera réduite à 36 m sur 909 m²,

- la parcelle [Cadastre 39] sera réduite à 48 m sur 2 605 m²,

- la parcelle [Cadastre 41] sera réduite à 45 m sur 3 992 m² ;

Considérant qu'il ne peut être pris en compte la parcelle [Cadastre 39], l'indemnisation n'étant due que si la largeur de la zone est réduite à moins de 48m, de sorte qu'il convient de retenir les autres parcelles pour une superficie totale de 13 852 m²;

Considérant que, conformément au protocole dont l'application est sollicitée à bon droit sur ce point par l'appelant, l'indemnisation, égale à une demi- indemnité d'éviction, s'élève à la somme de 13 852 X 1 euro X 0,50 = 6 926 euros ; que le jugement doit être infirmé sur ce point ;

' l'indemnité pour rupture d'exploitation

Considérant que M.[C] se prévaut d'une rupture d'unité d'exploitation, le registre parcellaire graphique permettant de constater que :

- l'îlot 102 est coupé en deux par l'emprise (parcelles [Cadastre 34]-[Cadastre 1]-[Cadastre 2]-[Cadastre 3]-[Cadastre 4]-[Cadastre 5]-[Cadastre 6]) pour 78 160 m²,

- l'îlot 6 sera séparé du siège de l'exploitation par la nouvelle voie (parcelles [Cadastre 12] et [Cadastre 8] pour 38 300 m²),

-l'îlot 103 sera également séparé du siège de l'exploitation (parcelles [Cadastre 40] et [Cadastre 7] pour 32 040 m²,

soit, au total, une superficie concernée de 148 600 m², pour laquelle il convient de verser une indemnité, correspondant, selon le protocole, à 10 % de l'indemnité d'éviction;

Considérant que le Conseil général de [Localité 4] assure que le rétablissement des communications est assuré ; que les engins agricoles sont autorisés à emprunter ou traverser la voie nouvelle et que l'accès aux parcelles cultivées se fait par les chemins de désenclavement ; qu'il n'existe pas d'éléments probants sur les superficies en cause ; qu'une indemnité n'est due que si un îlot de culture est scindé par l'emprise, ce qui n'est pas le cas des îlots 6 et 103 ;

Considérant que le commissaire du gouvernement déplore le manque d'éléments formels sur le devenir de l'exploitation (nouvel accord d'échanges, remembrement), qu'il indique ne pas être en mesure de se prononcer sur la réalité du préjudice, de sorte qu'il conclut à la confirmation du jugement sur ce point ; que si la cour devait accéder à la demande, il propose de fixer l'indemnité à 10 680 euros car, selon le protocole, elle est dégressive ;

Considérant que le protocole, auquel l'appelant se réfère, prévoit une indemnisation pour rupture d'unité d'exploitation, laquelle est constituée, dès lors qu'un îlot d'exploitation, composé d'une ou de plusieurs parcelles contiguës et exploitées d'un seul tenant, est scindé du reste de l'exploitation par l'emprise de l'ouvrage ; que l'indemnité correspond à un pourcentage de l'indemnité d'éviction 'appliqué à la superficie séparée du siège de l'exploitation ou, en l'absence, à la superficie détachée la plus petite' ;

Considérant qu'il résulte des modalités d'indemnisation prévues que l'hypothèse de la séparation par l'emprise de l'ouvrage d'une parcelle du siège de l'exploitation est expressément envisagée; que, par conséquent, il n'est pas nécessaire, pour pouvoir prétendre à cette indemnité, que l'emprise partage en deux la parcelle ;

Considérant que, les superficies indiquées par M.[C] n'étant pas utilement contestées, il ressort du registre parcellaire géographique que l'emprise de la déviation créée va couper en deux l'îlot 102 et séparer les îlots 6 et 103 du siège de l'exploitation, de sorte que le principe de l'indemnité est justifié pour ces trois îlots ;

Considérant en revanche qu'il convient de respecter le caractère dégressif de l'indemnité prévue au protocole, ce qu'a fait le commissaire du gouvernement dans le calcul qu'il propose à titre subsidiaire, aboutissant, pour 148 600 m², à une indemnisation de 10 680 euros, chiffre que la cour retiendra ; que le jugement doit être infirmé sur ce point ;

' l'indemnité pour coupure du réseau d'irrigation,

Considérant qu'il n'existe aucun désaccord sur ce point entre les parties, de sorte que le jugement sera confirmé quant à l'indemnité allouée pour un montant de 11 866,39 euros;

' Sur le préjudice particulier résultant de l'éclatement des échanges et les préjudices incidents évoqués,

Considérant que M.[C] se prévaut d'un accord de 1998 conclu entre exploitants, d'échanges de terres dans un but de rationalisation des exploitations ; qu'il soutient, s'appuyant sur un rapport d'expertise amiable confiée par ses soins à M.[T], que l'emprise de la nouvelle voie va avoir pour conséquence de mettre à néant cet accord et de créer différents préjudices directs et certains comme l'allongement des parcours d'exploitation, le morcellement des parcelles, la perte de surface d'irrigation ;

Considérant que le Conseil général de [Localité 4] estime que les échanges de terre ne lui sont pas opposables ; que la convention dont il est fait état règle elle-même la question de l'expropriation en disposant que chaque agriculteur amputé des anciennes parcelles abandonnera une surface, équivalente en qualité de terre et valeur de points, dans les nouvelles parcelles qu'il cultive ; qu'il n'est aucunement établi que la mise en oeuvre de cette disposition serait impossible ; qu'aucune des parcelles expropriées appartenant ou exploitées par le GAEC de Courty (anciennes parcelles) n'a fait l'objet d'un échange ; que l'éclatement des échanges n'est qu'hypothétique et ne serait pas une conséquence directe de l'expropriation ; que les chiffres avancés ne sont pas justifiés ;

Considérant que la position du commissaire du gouvernement est sensiblement identique; qu'il fait valoir que, seule la situation juridique de l'exploitation, c'est à dire le relevé d'exploitation MSA, peut servir de base à une indemnisation, alors que les indemnités pour allongement de parcours et morcellement se basent sur la situation effective (parcelles PAC) ;

Considérant que l'acte d'échange intervenu entre exploitants, sous signatures privées, n'est pas opposable à l'expropriant ; qu'en outre, il prévoit lui-même l'attitude à adopter dans l'hypothèse qui se présente d'une expropriation ; qu'il n'est nullement établi que la disposition prévue dans ce cas serait inapplicable, de sorte qu'il n'est justifié d'aucun préjudice certain ; qu'en outre, le préjudice résulté de la mise à néant d'un acte inopposable au Département de [Localité 4], du fait de l'expropriation, apparaît indirect ; qu'enfin, seule la situation juridique de l'exploitation, à savoir son relevé d'exploitation MSA, peut être pris en considération pour une éventuelle indemnisation, alors que l'appelant ne s'en prévaut pas;

Considérant en conséquent que le préjudice particulier résultant de l'éclatement allégué des échanges et les préjudices dont il est fait état, qui en découleraient, ne peuvent être indemnisés, par le juge de l'expropriation ; qu'il convient, sans qu'il soit besoin de recourir à une mesure d'expertise, de confirmer le jugement sur ce point ;

' Sur le préjudice d'allongement de parcours sollicité à titre subsidiaire pour l'exploitation, telle qu'elle existe actuellement

Considérant que M.[C] sollicite, en vertu du protocole, une indemnité pour les allongements subis par les îlots 102, 103, 106, 107 et 6 de la déclaration PAC ;

Considérant que le Conseil général de [Localité 4] soutient qu'aucune justification n'est donnée; que le rétablissement des communications est assuré ; que les engins agricoles sont autorisés à emprunter ou traverser la voie nouvelle et que l'accès aux parcelles cultivées se fait directement par des chemins de désenclavement ;

Considérant que le commissaire du gouvernement se déclare incapable de proposer une indemnité pour un préjudice qui reste peu tangible à ce stade de la procédure ;

Considérant que le protocole prévoit le versement d'une indemnité, qui est fonction de la distance d'allongement, obtenue par comparaison de la distance entre le siège d'exploitation et l'entrée de la parcelle ou de l'îlot en cause, avant et après travaux, et de la superficie de la parcelle ou de l'îlot subissant cet allongement ; que l'indemnité est fixé à 520,40 euros x allongement aller en nombre de kilomètres x nombre d'hectares, l'allongement devant être d'au moins 0,5 km aller, soit 1 km aller et retour ;

Considérant qu'au vu du tableau figurant dans le mémoire de l'appelant, dont l'exactitude n'est pas utilement contestée, les îlots 102, 103, 106, 107, et 6 subiront, du fait des travaux, pour une partie de leur superficie, un allongement total des parcours, donnant lieu à l'application d'un coefficient de 11,9837, d'où une indemnité de 520 euros x 11,9837 = 6 231 euros ;

Considérant qu'il convient d'indemniser à cette somme, ce préjudice certain, résultant directement des opérations d'expropriation, le demandeur ne pouvant se satisfaire d'un projet hypothétique de remembrement qui aboutirait, s'il est mené à son terme, à une date inconnue, ni d'engagements imprécis de la partie expropriante, étant souligné par ailleurs que s'il est prévu que les engins agricoles pourront circuler sur la nouvelle voie, la date de livraison de celle-ci n'est pas précisée et il ne sera pas possible d'accéder à celle-ci immédiatement, à partir de n'importe quel endroit, sauf à faire courir un danger aux usagers de cette route ;

' Sur la perte de surface d'irrigation

Considérant que M.[C] allégue, se référant à une expertise amiable, un préjudice tenant à la perte de surface d'irrigation, que le département ne pourra pas rétablir ;

Considérant que le Conseil général de [Localité 4] fait valoir qu'il rétablira les réseaux d'irrigation qui seraient scindés, au droit de l'emprise ; qu'aucune explication n'est donnée à cette demande nouvelle ; qu'un calcul théorique ne peut être retenu ;

Considérant que le commissaire du gouvernement conclut à la confirmation du jugement ayant retenu que ce préjudice n'était pas certain, la décision de rétablir le système d'irrigation par l'exploitant n'étant pas connue au jour de l'audience ;

Considérant que le préjudice allégué n'est pas suffisamment caractérisé, l'expert amiable missionné par M.[C] se bornant à l'affirmer ; qu'une mesure d'expertise ne peut pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve qui lui incombe ; qu'il ne peut dès lors être fait droit à la demande d'indemnisation de l'appelant de ce chef ; que le jugement doit être confirmé sur ce point ;

' les frais irrépétibles et les dépens

Considérant que le Conseil général de [Localité 4] devra verser à M.[C] la somme de 2 000 euros pour compenser les frais irrépétibles exposés par celui-ci en cause d'appel;

Considérant que le Conseil général de [Localité 4] devra également supporter les dépens de première instance et d'appel, qui ne comprennent pas les frais d'expertise de M.[T], expert amiable ;

PAR CES MOTIFS

la cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

- confirme le jugement du juge de l'expropriation de [Localité 4] du 28 janvier 2013, sauf sur les indemnités de déformation, pour rupture d'exploitation, pour allongement de parcours,

- statuant à nouveau sur ces points, évalue les indemnités de la façon suivante :

- indemnité de déformation : 6 926 euros,

- indemnité pour rupture d'exploitation : 10 680 euros,

- indemnité pour préjudice d'allongement de parcours : 6 231 euros ;

- y ajoutant, condamne le Conseil général de [Localité 4] à payer à M.[C] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel, qui ne comprennent pas les frais d'expertise de M.[T], expert amiable.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 13/04894
Date de la décision : 27/11/2014

Références :

Cour d'appel de Paris G7, arrêt n°13/04894 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-27;13.04894 ?
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