RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 27 Novembre 2014
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/11321
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Octobre 2012 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 10-01519
APPELANTE
SAS KUEHNE + NAGEL
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Marie DE LA GASTINE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107
INTIMEE
URSSAF ILE DE FRANCE
Division des recours amiables et judiciaires
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par M. [S] en vertu d'un pouvoir spécial
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 1]
[Adresse 1]
avisé - non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 septembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Fatima BA, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Marion MELISSON, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la société Kuehne Nagel d'un jugement rendu le 18 octobre 2012 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à l'URSSAF d'Ile de France.
LES FAITS, LA PROCÉDURE, LES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;
Il suffit de rappeler qu'à la suite d'un contrôle de l'application de la législation de sécurité sociale par la société Kuehne Nagel, l'Urssaf a notamment réintégré dans l'assiette des cotisations dues par cette société,les sommes versées au titre de l'attribution de bons d'achat par le comité d'entreprise et du contrat de prévoyance collective conclu le 1er janvier 2005; qu'il en est résulté un redressement de cotisations sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008; que l'Urssaf a adressé, le 19 mars 2010, une mise en demeure de régler les sommes de 1.095.315 euros en cotisation et 111.722 euros en majorations de retard; que la société a contesté devant la commission de recours amiable ces deux chefs de redressement s'acquittant des sommes des chefs non contestés; que sa demande ayant été rejetée , elle a saisi la juridiction des affaires de sécurité sociale.
Par jugement du 18 octobre 2012, le tribunal des affaires de sécurité sociale a débouté la société Kuehne Nagel de sa demande d'annulation des chefs de redressement contestés après avoir rejeté le moyen tiré de l'irrégularité des opérations de contrôle.
La société Kuehne Nagel fait déposer par son conseil des conclusions tendant à infirmer le jugement; elle conteste tout d'abord la régularité de la procédure, et sur le fond soutient l'annulation du seul redressement opéré au titre du contrat de prévoyance collective, ne remettant plus en cause celui relatif aux bons d'achat; sur le redressement en litige , elle demande que soit reconnu le caractère collectif de l'accord , à titre subsidiaire, de juger que seule la différence de cotisations patronale entre le régime fermé et le régime unique ( soit 0,175% du plafond mensuel de la sécurité sociale) pour les salariés ouvriers/employés est susceptible d'être réintégrée dans l'assiette des cotisations et par voie de conséquence d'annuler partiellement le redressement opéré.
Elle conclut enfin à la condamnation de l'Urssaf à lui payer la somme de 3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'Urssaf de Paris-région parisienne devenue l'Urssaf d'Ile de France fait déposer par sa représentante des conclusions de confirmation du jugement ,en estimant que la souscription du contrat de prévoyance collective litigieux ne bénéficie pas de l'exonération prévue par l'article L 242-1, alinéa 6, pour le financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance dans la mesure où le caractère collectif dudit accord, s'agissant de la catégorie des ouvriers employés, n'a pas été respecté.
Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les conclusions des parties régulièrement communiquées, oralement soutenues et visées par le greffe à l'audience du 26 septembre 2014, conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de leurs demandes, moyens et arguments.
SUR CE, LA COUR
Sur la non respect des règles de forme,
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article R243-59 du code de la sécurité sociale, qu'à l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle; que ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés; qu'il indique également au cotisant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu'il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix ;
Que lorsque l'employeur a répondu aux observations avant la fin du délai imparti, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai et avant qu'il ait été répondu par l'inspecteur du recouvrement aux observations de l'employeur ou du travailleur indépendant;
Que l'inspecteur du recouvrement transmet à l'organisme chargé de la mise en recouvrement le procès-verbal de contrôle faisant état de ses observations, accompagné, s'il y a lieu, de la réponse de l'intéressé et de celle de l'inspecteur du recouvrement;
Considérant, en l'espèce, qu'une lettre d'observations a été adressée à la société Kuehne Nagel le 2 novembre 2009;
Que celle ci a fait valoir ses observations par courrier du 2 décembre 2009;
Que les inspecteurs du recouvrement ont répondu le 10 décembre 2009 en indiquant : "les éléments transmis par courrier du 2 décembre 2009 relatifs au contrôle du 23 novembre 2009 ne permettent pas de réexaminer votre dossier";
Que le procès verbal de contrôle a été transmis à l'organisme du recouvrement le 11 décembre 2009 et la mise en demeure notifiée à la société Kuehne Nagel le 9 mars 2010;
Considérant que la société Kuehne Nagel invoque la nullité de la procédure de contrôle aux motifs que l'Urssaf n'a pas respecté le principe du contradictoire en ne répondant pas aux observations de l'entreprise, la réponse des inspecteurs du recouvrement, telle qu'elle a été formulée, s'analysant en une absence de réponse;
Considérant toutefois, comme l'a retenu à bon droit le tribunal des affaires de la sécurité sociale que l'article R243-59 du code de la sécurité sociale s'il impose une réponse des inspecteurs du recouvrement aux observations du cotisant , n'exige pas qu'ils répondent point par point à ses contestations dès lors qu'ils ont préalablement, dans la lettre d'observations adressée à la société, mentionné avec précision les anomalies constatées avec pour chaque chef de redressement l'année , les bases et les montants des redressement, les cotisations correspondantes avec un tableau détaillant leur montant et leur taux pour chacun des redressement opérés, et indiqué le contenu des textes législatifs et réglementaires; qu'il en résulte que l'employeur était parfaitement informé de l'étendue de la nature et du montant de son obligation ;
Qu'aucun manquement au principe du contradictoire ne peut donc être relevé et le jugement sera sur ce point, confirmé ;
sur le fond,
Considérant que la société Kuehne Nagel ne conteste plus la disposition du jugement qui a confirmé le redressement relatif aux bons d'achat;
Que ne subsiste dans les débats que le chef de redressement n° 15 concernant le contrat collectif de prévoyance, pour un montant de 927.877 euros dont l'Urssaf conteste le caractère collectif ;
Considérant qu'en application de l'article L 242-1, alinéa 6, du code de la sécurité sociale, dans ses dispositions en vigueur, sont exclues de l'assiette de cotisations mentionnées au premier alinéa, les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance versées au bénéfice de leurs salariés lorsque ces garanties entrent dans le champ des articles L 911-1 et L 911-2 du présent code, revêtent un caractère obligatoire et bénéficient à titre collectif à l'ensemble des salariés ou à une catégorie établie à partir de critères objectifs ;
Que l'exonération prévue au titre du financement des prestations de retraite et de prévoyance ne s'applique donc qu'aux contributions patronales versées dans le cadre de contrats collectifs assurant aux salariés le bénéfice de garanties complémentaires à celles servies par le régime général de la sécurité sociale;
Considérant, en l'espèce, que les inspecteurs de l'Urssaf ont constaté que la société ACR Logistics, par trois accords collectifs du 6 février 2006, a mis en place un régime de prévoyance complémentaire "remboursement de frais médicaux" à adhésion obligatoire, pour chaque catégorie de personnel: ouvriers-employés , agents de maîtrise, agents de haute maîtrise et cadres, avec une participation salariale et patronale identique à l'intérieur de chaque catégorie ;
Que s'agissant plus spécifiquement de la catégorie des ouvriers- employés, seule en litige, la participation salariale était limitée à 0,91 euros soit 0,035% du plafond mensuel de sécurité sociale avec deux options offertes pour le salarié, la part patronale étant fixée à 1,235 % du plafond ;
Qu'ils ont constaté que postérieurement, dans le cadre de la fusion entre la société ACR Logistics et la société Kuehne Nagel, ont été conclus avec les organisations syndicales :
- le 5 janvier 2007, un avenant "fermant" le régime de base des ouvriers- employés de sorte que ne restaient affiliés à ce régime que les salariés qui y étaient assujettis avant cette date soit à l'époque environ 800 salariés sur les 5.000 employés par la société ,
- le 30 juillet 2007, trois nouveaux accords collectifs à effet au 1er janvier 2008, instaurant le choix pour chacune des catégories de salariés entre trois niveaux de protection et prévoyant pour toutes les catégories professionnelles, un montant d'une cotisations salariale unique fixée à 0,53% du plafond mensuel de la sécurité sociale, et une même contribution patronale de1,43 % dudit plafond;
Qu'ils ont observé enfin que ces accords du 30 juillet 2007, conservaient pour la catégorie ouvriers- employés de la société ACR Logistics le régime " fermé" issu de l'accord du 5 janvier 2007, avec pour ceux ci le maintien d'une participation salariale avantageuse de 0,035 % du plafond mensuel et un taux de participation patronale de 1,235 % au lieu de 1,43;
Que relevant ainsi que la participation patronale était différente pour une même catégorie de salariés à savoir les ouvriers-employés selon leur date d'embauche, les inspecteurs du recouvrement ont estimé que le caractère collectif imposé par l'article L242-1 du code de la sécurité sociale n'était pas respecté ;
Mais considérant que la circonstance que le régime de prévoyance complémentaire ne bénéficierait qu'à un nombre restreint de personnes ne fait pas disparaître son caractère collectif dès lors que le champ d'application de la garantie ne découle pas de considérations intuitu personae, mais de l'application de critères généraux et objectifs, étrangers à toute discrimination et proportionnée au regard de l'objectif poursuivi ;
Considérant que contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal des affaires de la sécurité sociale , la catégorie des ouvriers-employés engagés avant le 5 janvier 2007 et relevant du régime dit 'fermé' constitue une catégorie objective de salariés, étrangère à toute discrimination et destinée à compenser un préjudice spécifique à cette catégorie de salariés;
Qu'en effet , la différence de traitement entre les ouvriers employés appartenant au groupe 'fermé' relevant des accords conclus antérieurement à la fusion entre la société ACR Logistics et la société Kuehne Nagel, est justifié par le préjudice subi par cette seule catégorie de salariés du fait de la mise en place du régime harmonisé le 30 juillet 2007 ; qu'il en effet démontré que l'augmentation de la participation salariale de ces derniers aurait engendré une importante diminution de leur rémunération nette, diminution non subie par les autres catégories de personnel ;
Que le critère objectif pour différencier les salariés à l'intérieur de la catégorie des ouvriers salariés employés, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, n'est pas celui de la date d'embauche ou de l'ancienneté mais celui du rattachement ou non au régime de base obligatoire à la date de sa fermeture puisque les ouvriers employés qui, en application de l'accord collectif du 6 février 2006 avaient accepté une option conduisant à une majoration de la participation salariale, n'étaient pas concernés par ce dispositif bien qu'embauchés antérieurement au 1er janvier 2007 ;
Qu'il en résulte que la catégorie de salariés relevant du régime fermé répondant à des critères clairs, précis et objectivement identifiables, le régime de prévoyance complémentaire "remboursement de frais médicaux" mis en place au sein de l'entreprise en faveur de l'ensemble des salariés de l'entreprise respecte le caractère collectif exigé par les dispositions précitées ;
Que dès lors le redressement ayant à tort été opéré, il sera annulé;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a validé ce chef de redressement ,
Qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la société Kuehne Nagel la charge de ses frais non répétibles ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré la procédure régulière et validé le redressement relatif aux bons d'achat,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau du chef infirmé,
Annule le chef de redressement n°15 opéré au titre du contrat de prévoyance conclu à partir du 1er janvier 2005,
Déboute la société Kuehne Nagel de sa demande au titre des frais non répétibles.
Le Greffier, Le Président,