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27/11/2014 | FRANCE | N°12/07026

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 27 novembre 2014, 12/07026


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 27 Novembre 2014

(n° 3 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/07026



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Mai 2012 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY RG n° 08/02627





APPELANTE

Me [R] [L] - Liquidateur amiable de la SA L.K.B. INTERNATIONAL

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par

Me Alain EPELBEIM, avocat au barreau de PARIS, toque : B0510

SA L.K.B. INTERNATIONAL

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Alain EPELBEIM, avocat au barreau de PARIS, toqu...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 27 Novembre 2014

(n° 3 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/07026

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Mai 2012 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY RG n° 08/02627

APPELANTE

Me [R] [L] - Liquidateur amiable de la SA L.K.B. INTERNATIONAL

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Alain EPELBEIM, avocat au barreau de PARIS, toque : B0510

SA L.K.B. INTERNATIONAL

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Alain EPELBEIM, avocat au barreau de PARIS, toque : B0510

INTIMEE

Madame [T] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Bruno AUBRY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0428

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Septembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Murielle VOLTE, Conseillère

Greffier : Madame Céline BRUN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Martine ROY ZENATI, Présidente et par Monsieur Franck TASSET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Mme [T] [Z] a été engagée par la société Leroy par contrat à durée indéterminée du 1er avril 1978 en qualité d'employée de comptabilité. Elle a été mutée au sein de la sa LKB International le 1er janvier 1985. La convention collective applicable est celle des Industries Charcutières, étendue par arrêté du 9 juillet 1990.

Mme [Z] a été licenciée pour motif économique par lettre du 27 février 2008. Son salaire mensuel brut moyen, calculé sur les douze derniers mois, s'élevait à 1.965,66 euros.

Estimant que son licenciement était nul en ce qu'il aurait été motivé par son appartenance syndicale, et à tout le moins que le motif économique invoqué ne serait pas fondé, Mme [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny de demandes de dommages et intérêts.

Par jugement du 15 mai 2012, notifié le 19 juin 2012, le conseil a :

- dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné en conséquence la société LKB International à verser à Mme [T] [Z] les sommes de :

. 25.000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

. 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- ordonné à la société LKB International de rembourser à Pôle Emploi une somme correspondante à un mois d'indemnité de chômage,

- débouté du surplus des demandes,

- condamné la société LKB International aux dépens.

La sa LKB International a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 9 juillet 2012.

Désormais représentée par son liquidateur amiable, M. [L] [R], elle demande à la Cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de dire que le licenciement économique obéit bien à une cause réelle et sérieuse, de débouter en conséquence Mme [Z] de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que le licenciement de la salariée a été motivé par des difficultés économiques qui se sont manifestées sans discontinuité depuis 2002, et la nécessité de réorganiser l'entreprise pour assurer un meilleur contrôle de la gestion des stocks consécutif à des écarts de stocks inexpliqués, en vue de sauvegarder sa compétitivité ; qu'ayant demandé aux salariés occupant des fonctions administratives ou comptables de remplir une fiche de poste, il est apparu que Mme [Z] se trouvait en situation de sous-activité ; qu'elle a alors envisagé de supprimer son poste de travail ainsi que celui de Mme [J], qui occupait un emploi comparable, de répartir leurs tâches entre d'autres membres du personnel, et de créer deux emplois portant sur la mise en place d'un contrôle de qualité pour permettre un meilleur contrôle des stocks ; que la suppression du poste de travail de Mme [Z] est effective et que cette dernière n'est pas fondée à prétendre que deux comptables effectueraient depuis des heures supplémentaires en invoquant une pièce n°30 qu'elle n'a pu s'approprier que dans des conditions frauduleuses et dont elle demande qu'elle soit écartée des débats ; qu'il a été proposé à Mme [Z] un reclassement à un poste au sein du service magasin pour y exercer des attributions destinées à renforcer le contrôle qualité qu'elle a refusé par lettre du 19 décembre 2007 ; que par courrier du 24 décembre 2007, elle lui a encore proposé un poste de livreur que la salariée a également refusé le 23 janvier 2008 ; qu'enfin, le 30 janvier 2008, alors que le comité d'entreprise avait émis un avis favorable au licenciement de la salariée, elle l'a informée qu'elle entendait surseoir au déclenchement de la procédure en lui proposant de travailler par roulement avec sa collègue sur le poste initialement proposé mais avec un horaire modifié, ce qu'elle a également refusé ; que contrairement à ce qu'a retenu le conseil de prud'hommes, elle a rempli l'obligation de reclassement qui lui incombe.

Elle conteste avoir eu connaissance de l'adhésion syndicale de Mme [Z] avant l'engagement de la procédure de licenciement économique et l'avoir licenciée en raison de cette appartenance, allégation qui ne repose sur aucun élément objectif et vérifiable. Elle rappelle qu'il existe dans l'entreprise d'autres organisations syndicales que celle à laquelle elle a adhéré et que le comité d'entreprise, auquel siégeait un délégué syndical, a émis un avis favorable au licenciement économique de Mmes [Z] et [J].

Sur l'ordre des licenciements, elle indique que, bien que n'y étant pas contrainte en raison des refus consécutifs de la salariée d'accepter les modifications proposées, elle est en mesure de justifier objectivement de son choix sur la base de critères socio-économiques, privilégiant les charges de famille et la situation des salariés les plus vulnérables.

Mme [T] [Z] demande à la Cour d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a écarté toute discrimination syndicale et de le confirmer en ce qu'il a reconnu le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Elle sollicite en conséquence la condamnation de la sa LKB International à lui payer la somme de 47.175,84 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, ou à titre subsidiaire, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre infiniment subsidiaire, elle demande le paiement de la somme de 5.000 euros au titre du non respect des critères de licenciement.

Elle soutient avoir été victime de discrimination syndicale et rappelle que la section syndicale FO a été créée dans l'entreprise à son initiative et à celle de sa collègue, Mme [J], en juin 2007, ce dont l'employeur a été informé ; qu'alors qu'elle comptabilisait 30ans d'ancienneté et avait toujours entretenu d'excellentes relations avec celui-ci, c'est à partir du moment où elle a commencé à exercer des activités syndicales qu'il a décidé de la licencier.

Elle fait valoir que les difficultés économiques évoquées par la sa LKB International ne sont pas sérieuses, alors qu'elle n'en a pas fait état lors de la réunion du comité d'entreprise du 14 décembre 2007, que le chiffre d'affaires était en hausse en 2007 par rapport à celui de 2006, et qu'il n'est pas démontré que sa pérennité ait nécessité la suppression de son emploi.

Elle invoque que la proposition de reclassement faite le 23 novembre 2007 était déraisonnable car représentait des tâches habituellement dévolues à un manutentionnaire ; que l'entreprise ne lui a pas proposé d'emploi relevant de la même catégorie ni équivalent à celui qu'elle occupait, alors que cela aurait été possible ; qu'enfin les dispositions de l'article L. 1233-5 du code du travail et 46 de la convention collective n'ont pas été respectées car aucun critère n'a été fixé par l'employeur pour l'ordre des licenciements.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DECISION

1) sur la nullité du licenciement :

Attendu que l'article L. 2141-5 du code du travail fait interdiction à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière, notamment, de rupture du contrat de travail ; que l'article L. 1132-1 édicte un principe de non-discrimination, directe ou indirecte, en raison des activités syndicales du salarié ; que l'article L. 1134-1 prévoit que, lorsque survient un litige en raison de la méconnaissance de ces règles, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, et qu'au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

Attendu qu'il ressort des pièces produites aux débats par Mme [Z] que l'assemblée constitutive de la section syndicale FO au sein de la société LKB International s'est tenue le 20 juin 2007, et que Mme [O] a été élue secrétaire, Mme [J] trésorière et Mme [Z] archiviste ; que par courrier recommandé du 21 juin 2007, l'union départementale de Seine-Saint-Denis du syndicat FO a informé la société de cette création et de la désignation de Mme [O] en qualité de déléguée syndicale ; que cette dernière a attesté le 5 juin 2008 que M. [H] [R], directeur général de la société, était informé que Mmes [J] et [Z] faisaient partie de la section syndicale 'du fait de déplacements avec elles dans le local syndical à plusieurs reprises et également sur le tract du 8 janvier 2008" ; que M. [L] [D], chauffeur-livreur, de même que M. [P] [Q], magasinier, et Mme [V], démissionnaire au 30 juin 2008, attestent de manière identique que l'employeur était informé de cette appartenance syndicale de Mme [Z]'puisque celle-ci se déplaçait dans le local syndical au vu et au su de la direction, distribuant également des tracts en vue des prochaines élections' ; que deux tracts produits aux débats, ainsi que le compte rendu syndical FO de la réunion du CE du 14 décembre 2007 démontrent que les élections professionnelles se sont déroulées au mois de mars 2008 et la campagne a débuté le 25 janvier 2008 ; que le tract diffusé le 8 janvier 2008 au nom de la déléguée syndicale FO informe les salariés de ce que la direction a 'fait des propositions à deux employées administratifs en leur proposant un reclassement soit dans le magasin et plus récemment en tant que livreur' en faisant état de leur qualité de syndiquées ; que pour autant, rien ne permet de retenir qu'antérieurement à ce tract du 8 janvier 2008, et en supposant même qu'il ait été porté à la connaissance de l'employeur, celui-ci ne pouvait ignorer l'appartenance syndicale de Mme [Z] au jour où il lui a adressé la première proposition de reclassement, soit le 23 novembre 2007, le compte rendu de la réunion du CE du 14 décembre 2007 n'en faisant pas état ;

Attendu qu'à défaut d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, la demande de nullité du licenciement sur ce fondement a à juste titre été écartée par les premiers juges ;

2) sur le caractère réel et sérieux du motif économique :

Attendu que la lettre de licenciement fixant les limites du litige, il convient de rappeler que Mme [Z] a été licenciée par courrier du 27 février 2008 aux motifs suivants :

'Votre licenciement est consécutif au refus réitéré que vous avez exprimé la première fois dans votre lettre du 19 décembre 2007 d'accepter notre proposition du 23 novembre 2007 portant sur la modification de votre contrat de travail relatif à un changement d'emploi et de service afin d'exercer un contrôle de qualité au service magasin et à votre décision de ne pas tenter d'explorer avec nous une autre solution de reclassement ; ladite proposition étant causée, dans un secteur en crise, par la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise actuellement compromise,

. en premier lieu par des difficultés économiques qui se sont manifestées depuis 2002 .../...et depuis 2004 par des déficits d'exploitation successifs accumulés par l'entreprise .../..., entraînant un résultat courant avant impôts négatif .../... et même des pertes comptables depuis trois ans .../..., ce qui induit un nécessaire redressement de la situation comptable pour conserver notamment la confiance de nos banquiers et de nos fournisseurs ;

. en second lieu par des écarts de stocks significatifs qui pèsent de façon notable sur les résultats d'exploitation depuis plusieurs années .../...

. et rendue nécessaire en troisième lieu, par une meilleure organisation et répartition du travail au sein de l'entreprise,

/ entraînant la suppression de 2 emplois administratifs dans la catégorie des aides-comptables et assimilés devenus inutiles du fait des mutations technologiques (en l'occurrence la sur-informatisation de nos outils comptables et de gestion),

/ et la création au service magasin de deux autres emplois dont les attributions consistent

en un contrôle de qualité, en vue de renforcer le personnel qui y est employé - ce qui se justifie par l'existence d'un fort turn over et par une insuffisance du personnel dans ce service au regard de la multitude des tâches administratives et de manutention à accomplir - avec pour objectif de favoriser la stabilité de l'emploi en améliorant l'efficacité de ce service en permettant d'alléger de façon significative la charge importante de travail du responsable du magasin qui serait déchargé d'une grande partie des tâches administratives.' ;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; qu'une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi ; que le juge prud'homal est tenu de contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, mais ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu'il effectue dans la mise en oeuvre de la réorganisation ; que le motif économique doit s'apprécier à la date du licenciement, mais qu'il peut être tenu compte d'éléments postérieurs à cette date pour permettre au juge de vérifier si la réorganisation était nécessaire ou non à la sauvegarde de la compétitivité ;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient par un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ; que les offres de reclassement proposées au salarié doivent écrites et précises ; que le manquement par l'employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse et ouvre droit au profit du salarié au paiement de dommages et intérêts ; qu'il appartient à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens ;

Attendu qu'il résulte du rapport sur le projet de licenciement présenté par le directeur général de la société au comité d'entreprise consulté le 25 janvier 2008, que l'activité de l'entreprise, qui consiste dans le négoce, en tant que grossiste, en salaison, charcuterie et produits traiteurs, et qui emploie 117 personnes réparties sur 7 établissements dont 54 au siège social, connaissait des pertes comptables depuis 2004, et une baisse du chiffre d'affaires entre 2002 et 2006 ; que le résultat courant avant impôts de l'exercice 2006 était resté négatif et s'était élevé à -29.492 euros ; que le résultat de l'exercice 2006 s'était soldé dans ces conditions par une perte comptable de 33.376 euros en grande partie amortie par un résultat exceptionnel résultant de produits exceptionnels sur des opérations de gestion, et atteignait 39.845 euros en 2005 et 29.439 euros en 2004 ; qu'ainsi à la clôture de l'exercice 2006, la situation de l'entreprise est apparue préoccupante sur le plan de sa compétitivité ; que la situation arrêtée au 30 septembre 2007 montrait des résultats d'exploitation déficitaires de nature à entraîner une perte comptable prévisionnelle de plus de 150.000 euros, une stagnation du chiffre d'affaires par rapport à celui de 2006 (20.468.767 euros en 2007 contre 20.435.193 euros en 2006) ; que c'est dans ce contexte que l'employeur a envisagé des mesures de réorganisation pour assurer la pérennité de l'entreprise ; que suite à un contrôle interne mettant en évidence des insuffisances concernant la gestion des stocks, se manifestant par des écarts significatifs entre les stocks comptable et physique (écart négatif de 83.579,10 en 2006 et de 69.905,51 au 30 septembre 2007), il a été projeté d'intervenir sur une réduction sensible de la masse salariale et de l'écart des stocks par un contrôle plus étroit, avec pour objectif comptable immédiat de réduire les charges d'environ 100.000 euros, notamment par la suppression de 1 à 2 équivalents temps plein et une diminution notable des écarts négatifs entre les stocks ; qu'après un audit interne, il est apparu que seuls les emplois administratifs pouvaient faire l'objet de cette réorganisation et que, la charge de travail était répartie de façon inégale entre les personnels administratifs, ceux appartenant à la catégorie des aides comptables ou assimilés se trouvant en situation de sous activité du fait des mutations technologiques et notamment de l'informatisation des outils comptables et de gestion ;

Attendu que le comité d'entreprise consulté, au vu de ce rapport et des documents comptables produits en vue de son information, a rendu l'avis suivant :

'Le Comité d'Entreprise a entendu et compris les difficultés économiques et financières de l'Entreprise, les propositions faites aux deux membres du personnel administratif destinées à améliorer la rentabilité de la société et à éviter une aggravation de la situation entraînant inévitablement des licenciements secs ; en conséquence, malgré la difficulté de donner un avis, le projet de licenciement collectif pour motif économique de deux personnes sur une même période de 30 jours est approuvé' ;

Attendu qu'il résulte de ces éléments et des documents comptables produits aux débats que le licenciement de Mme [Z] n'est pas inhérent à la personne de la salariée et résulte d'une cause économique ;

Attendu que le 23 novembre 2007 la société lui a notifié une proposition de modification de son contrat de travail pour motif économique, à compter du 1er janvier 2008, dans les conditions suivantes :

- horaires de travail : fixe du lundi au vendredi de 4 heures 30 à 11 heures 30

- durée de travail inchangée : 151 heures 67 par mois ;

- rémunération brute mensuelle : 2.013,73 euros incluant prime d'ancienneté et la prime de froid d'un montant de 54,26 euros ( au lieu d'une rémunération brute mensuelle de 1.959,47  € )

- affectation : changement de service, en vue d'une nouvelle affectation au service magasin,

- attributions : contrôle de qualité portant notamment sur la réception et la vérification physique et comptable des marchandises, codification des bons de livraison et saisie informatique des entrées fournisseurs au HP 3000, contrôle du niveau des stocks, saisie informatique des inventaires et correctifs, et autres tâches relatives aux stocks et inventaires,

- lieu de travail inchangé ;

Attendu que par courrier du 19 décembre 2007, Mme [Z] a refusé cette modification de son contrat de travail dans les termes suivants : 's'il elle n'entraîne pas une baisse de ma rémunération, elle constitue un profond bouleversement de mes attributions dans l'entreprise', estimant que la réalité du motif invoqué serait incertaine et relevant que cette proposition intervenait peu de temps après la connaissance par l'employeur de son appartenance syndicale, ce qui n'est pas avéré ainsi que retenu ci-dessus ;

Attendu que par courrier du 24 décembre 2007, l'employeur a répondu '...avant de déclencher la procédure de licenciement économique, nous sommes prêts à explorer avec vous d'autres solutions de reclassement, par exemple l'affectation à un poste de livreur, si bien entendu vous en exprimez la volonté' ;

Attendu que par courrier du 23 janvier 2008, Mme [Z] a répondu être prête à rencontrer la direction afin de discuter des possibilités de reclassement qu'elle pourrait lui proposer ;

Attendu que, par courrier du 25 janvier 2008, l'employeur a accepté cette rencontre, malgré la convocation du comité d'entreprise, précisant :

'Sachez cependant que je n'ai pas de poste administratif à pourvoir dans l'immédiat, ni au siège ni même dans les autres établissements, à l'exception de l'emploi de 'contrôleur de qualité' que je vous ai proposé et que vous avez refusé. Pour vous convaincre de l'accepter, je suis prêt à discuter avec vous des modalités de celui-ci, au besoin en améliorant sensiblement les contreparties financières. Malheureusement, les autres emplois qui peuvent vous être proposés, tels que livreurs, sont le plus souvent sans rapport avec votre qualification.

Si vous acceptiez un tel poste, il pourrait toutefois être envisagé dans le cas où un poste administratif viendrait à se libérer ultérieurement, de vous le proposer en priorité, au besoin si vous n'avez pas la qualification nécessaire en proposant de suivre une formation . La mise en place d'un temps partiel au sein du service magasin pourrait également être explorée si vous êtes prête à l'accepter' ;

Attendu qu'ensuite d'une entrevue avec la salariée le 29 janvier 2008 après la tenue du comité d'entreprise, l'employeur lui a écrit le 30 janvier :

'Compte tenu des discussions que nous venons tout récemment d'échanger, en vue d'explorer d'autres possibilités de reclassement ou d'autres modalités que celles qui vous ont déjà été proposées../..., nous avons décidé de surseoir au déclenchement de notre projet de procédure de licenciement économique vous concernant.

C'est pourquoi, si vous avez des suggestions à nous soumettre, nous vous prions de bien vouloir nous les faire connaître par écrit dans les meilleurs délais, et en tout cas au plus tard sous huitaine, de façon à nous permettre de pouvoir nous prononcer' et poursuivait en proposant de nouveaux aménagements des horaires concernant la première proposition du 23 novembre 2007 ; que par courrier du 1er février 2008, Mme [Z] a réitéré son refus de la proposition de poste 'contrôle qualité' au service magasin, rappelant qu'elle occupait un poste d'aide comptable 'emploi administratif' depuis 30 ans dans l'entreprise et qu'il lui paraissait dégradant de poursuivre sa carrière au service magasin comme manutentionnaire ;

Attendu que la Cour relève d'une part que, contrairement à ce qu'a indiqué l'employeur dans son courrier du 30 janvier 2008, il n'appartenait pas à la salariée de lui faire des propositions en vue de son reclassement, cette obligation lui incombant exclusivement ; que d'autre part, une seule proposition de reclassement a été émise, celle de contrôleur de qualité, qui ne représentait pas un emploi équivalent à celui qu'elle occupait dès lors qu'il impliquait non plus des horaires de bureau mais particulièrement matinaux (4h30), en magasin, ainsi que de la manutention de marchandises ; que le poste de livreur, d'une qualification inférieure, n'a au demeurant pas fait l'objet d'une offre de reclassement détaillée ;

Attendu que la sa LKB International soutient qu'elle n'avait pas d'autre poste disponible pouvant convenir au reclassement de la salariée ; qu'elle produit le registre unique à l'ensemble des établissements de l'entreprise des entrées et sorties du personnel des années 2007 à 2010 ; qu'il ressort de l'examen de ce registre au cours d'une période précédant la notification de proposition de modification du contrat de travail et suivant le licenciement, que la société a embauché des magasiniers, livreurs, chauffeurs-vendeurs, commerciaux, emplois qui ne sont pas équivalents à celui occupé par Mme [Z] ; qu'une employée de comptabilité a été embauchée le 21 avril 2008 pour une durée déterminée de 4 jours ; que deux employées administratives ont été embauchées pour une durée déterminée d'un mois, en juillet pour l'une et en août 2008 pour la seconde, correspondant à des remplacements durant les congés annuels ; qu'un agent d'accueil a été engagé le 25 septembre 2008 ; qu'enfin deux comptables ont été embauchés les 27 octobre et 12 novembre 2008 ; que l'employeur explique qu'il s'est alors agi de remplacer M. [C] [A], démissionnaire par courrier du 30 mai 2008, et Mme [O] dont le contrat de travail a pris fin le 15 décembre 2008 ; que Mme [F], dont Mme [Z] suggère que le poste polyvalent qu'elle occupait aurait pu lui être proposé, n'a informé son employeur que par courrier du 30 mai 2008 avoir l'intention de faire valoir ses droits à la retraite à compter du 31 juillet suivant ; que le poste de standardiste de Mme [Y], dont la salariée indique qu'elle avait été engagée depuis cinq années, n'était pas disponible au jour de son licenciement ;

Attendu qu'il ressort des éléments qui précèdent que l'employeur a rempli son obligation de recherche de reclassement de la salariée à un emploi relevant de la même catégorie ou équivalent, disponible dans l'un des établissements de la société, étant rappelé que cette obligation n'implique pas qu'il soit proposé à la salariée un poste nécessitant une formation modifiant sa qualification initiale ; que dans ces conditions le licenciement de Mme [Z], dont le poste a été effectivement supprimé, ainsi que cela ressort du registre des entrées et sorties du personnel, est justifié par un motif économique réel et sérieux ; que le jugement sera infirmé de ce chef ;

3) sur l'ordre des licenciements :

Attendu que l'article L. 1233-5 du code du travail dispose :

'Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.

Ces critères prennent notamment en compte :

1° les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;

2° l'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ;

3° la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;

4° les qualités professionnelles appréciées par catégorie' ;

Attendu que l'article 46 de la convention collective nationale applicable reprend l'énumération de ces critères sans leur attribuer un ordre particulier ;

Attendu que l'employeur a soumis à la consultation du comité d'entreprise le 25 janvier 2008 l'ordre des licenciements envisagés ; que seule la catégorie professionnelle des 'aides comptables ou assimilés' étant concernée par le projet, il a été proposé de ne pas soumettre à Mme [S] qui relevait de la même catégorie professionnelle que Mmes [J] et [Z], une modification de son contrat de travail en raison de sa situation de parent isolé et de ses charges de famille (deux enfants à charge alors que Mme [Z] était mariée sans enfant à charge), et de ses qualités professionnelles plus étendues ; que M. [I], bien que ne relevant pas de la même catégorie professionnelle mais également en situation de sous-emploi a été exclu du projet en raison de sa situation de travailleur handicapé ; que Mme [Y], étant employée standardiste, ne faisait pas partie de la même catégorie professionnelle et ne présentait pas de situation de sous-emploi ; que dès lors Mme [Z] ne justifie pas d'un manquement de l'employeur au respect des dispositions conventionnelles et légales sur l'ordre des licenciements et doit être déboutée de sa demande d'indemnisation de ce chef ;

Attendu que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour

Infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau

Déboute Mme [T] [Z] de l'ensemble de ses demandes ;

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [T] [Z] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 12/07026
Date de la décision : 27/11/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°12/07026 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-27;12.07026 ?
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