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26/11/2014 | FRANCE | N°13/00489

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 26 novembre 2014, 13/00489


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 26 Novembre 2014

(n° 11 , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/00489 MPDL



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Mai 2009 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 08/15046







APPELANT

Monsieur [Z] [U]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Mich

el HENRY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0099







INTIMEE

SOCIETE FRANCE TELEVISIONS venant aux droits de la S.N.T. FRANCE 3

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Halima AB...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 26 Novembre 2014

(n° 11 , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/00489 MPDL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Mai 2009 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 08/15046

APPELANT

Monsieur [Z] [U]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Michel HENRY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0099

INTIMEE

SOCIETE FRANCE TELEVISIONS venant aux droits de la S.N.T. FRANCE 3

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Halima ABBAS TOUAZI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0208

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Octobre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente

Madame Catherine BRUNET, Conseillère

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Lynda BENBELKACEM, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, présidente et par Madame Lynda BENBELKACEM, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Les faits et la procédure

La Cour d'appel de Paris, chambre 6/6 est saisie, dans le cadre d'un renvoi après arrêt de Cassation, du 9 janvier 2013 , de la procédure opposant, M. [Z] [U], à la Société France Télévisions venant aux droits de la SNT France 3.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Paris, section activités diverses chambre 3, en date du 19 mai 2009, qui,

- vu sa saisine du 17 décembre 2008, disait tous les faits antérieurs au 17 décembre 2003 prescrits, - et relevant également que tous les contrats de travail à durée déterminée, dits d'usage et dénommés « contrat de travail à durée déterminée d' intermittent technique »avaient été signés par M. [Z] [U], déboutait celui-ci de sa demande de requalification en contrat à durée indéterminée à temps plein et en conséquence de sa demande de rappel de salaire et indemnité de requalification.

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris, en date du 15 février 2011, qui a infirmé le jugement déféré, requalifié les relations de travail entre les parties en contrat à durée indéterminée à temps partiel et condamné la Société France Télévisions à payer à M. [Z] [U] les sommes suivantes :

-2500 € d'indemnité de requalification,

-13 524 € d'indemnité légale de licenciement,

-5292 € d'indemnité compensatrice de préavis, congés payés de 10 % en sus,

-45 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle sérieuse,

-2500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

la cour ordonnant en outre le remboursement par la Société France Télévisions à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à M. [Z] [U] dans la limite de six mois.

Vu l'arrêt de la Cour de Cassation du 9 janvier 2013, qui a cassé et annulé l'arrêt sus visé de la cour d'appel de Paris, mais seulement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein et du paiement d'un rappel de salaire consécutif ainsi qu'en ce qu'il a limité le montant des indemnités de requalification et de rupture, remettant sur ces points la cause et les parties en l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et renvoyant la procédure devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Vu le motif de cassation, selon lequel la cour d'appel ayant constaté que les contrats de travail à temps partiel ne répondaient pas aux exigences de l'article L3123-14 du code du travail, ne pouvait écarter la présomption de travail à temps complet qui en résultait sans constater que l'employeur faisait la preuve de la durée de travail exacte, mensuelle ou hebdomadaire, convenue.

Devant la formation de renvoi de la cour d'appel, M. [Z] [U] demande à la cour de :

-infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris,

-ordonner la requalification des contrats de travail à durée déterminée successifs en contrat à durée indéterminée à temps plein,

-condamner la Société France Télévisions à payer à M. [Z] [U] les sommes suivantes :

*7920 € d'indemnité de requalification,

*106 851 € de rappel de salaire depuis le 1er janvier 2004 jusqu'à la date du 5 avril 2009, congés payés de 10 % en sus,

-constater le caractère irrévocable du principe des condamnations au paiement d'indemnités de préavis et de licenciement ainsi que d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

sur le quantum des sommes dues :

-condamner la Société France Télévisions à payer à M. [Z] [U] :

*30 369 € d'indemnité légale de licenciement,

*11 880 € d'indemnité compensatrice de préavis, congés payés de 10 % en sus,

*95 044 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

le tout avec capitalisation des intérêts et la condamnation de la Société France Télévisions à payer à M. [Z] [U] 8000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile .

La Société France Télévisions demande à la cour de :

-confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en date du 19 mai 2009 en ce qu'il a débouté M. [Z] [U] de sa demande de requalification à temps complet.

En conséquence,

-le débouter de ses demandes de rappel de salaire

-dire la Société France Télévisions recevable et bien-fondée en sa fixation d'un salaire mensuel brut de référence de 3030 €

-limiter l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 9090 € congés payés de 909 € en sus

-limiter l'indemnité de licenciement à la somme de 22 304 €

-ramener à de plus justes proportions le montant de l'indemnité de licenciement sans cause réelle ni sérieuse

-débouter M. [Z] [U] de ses autres demandes.

Vu les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Les motifs de la Cour

Sur le contexte

M. [Z] [U] a travaillé pour la Société France Télévisions France 3, aux droits de laquelle vient la Société France Télévisions , à compter du 1er juin 1983, en qualité de chef opérateur son-vidéo, dans le cadre de 769 contrats à durée déterminée successifs, d'une durée comprise entre un jour et plus d'un mois, occupant selon ses dires une activité continue depuis 26 ans pour la Société France Télévisions avec une rémunération en dernier lieu de 154,6 euros par jour.

Le 17 décembre 2008, M. [Z] [U] a sollicité la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée devant le conseil de prud'hommes de Paris.

La Société France Télévisions refusant de reconnaître sa qualité de salarié titulaire d'un CDI, M. [Z] [U] a postulé le 30 janvier 2009 à un poste de technicien supérieur en électronique.

Il a toutefois vu sa candidature refusée sans explication et plaide que la Société France Télévisions organise une politique de précarité qui touche des centaines de collaborateurs.

La Société France Télévisions a cessé de faire appel à M. [Z] [U] à l'issue d'un contrat à durée déterminé expirant le 5 avril 2009, dans des circonstances que le salarié analyse comme une mesure de rétorsion. M. [Z] [U] a alors élargi sa demande devant le CPH précédemment saisi, en y ajoutant diverses demandes consécutives à cette rupture de la relation de travail.

Sur la requalification des contrats de travail en contrats à temps complet

La requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée tout comme la prescription des sommes sollicitées pour la période antérieure au 17 décembre 2003 étant définitivement acquises, de même que le remboursement par la Société France Télévisions aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [Z] [U] depuis le jour de son licenciement et dans la limite légale de 6 mois, le salarié soutient un contrat à durée indéterminée à temps plein avec les conséquences financières en résultant indiquées dans ses conclusions.

Par application des dispositions de l'article L3123-14 du code du travail, le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit qui doit mentionner la durée hebdomadaire, ou le cas échéant mensuelle prévue, et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine, les semaines du mois, les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiquées par écrit au salarié.

À défaut, l'emploi est présumé à temps complet et il appartient à l'employeur de rapporter la preuve d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et de sa répartition sur la semaine le mois, d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

M. [Z] [U] soutient donc une requalification en contrat de travail à temps complet sur l'ensemble des périodes travaillées.

La Société France Télévisions plaide que M. [Z] [U] n'a jamais été recruté par des contrats de travail à durée déterminée à temps partiel mais par une série de contrats à durée déterminée journaliers, chacun d'eux se succédant après une période d'inactivité. Elle soutient en conséquence qu'en poursuivant une demande de requalification en contrat à durée indéterminé à temps complet, M. [Z] [U] sollicite en réalité un rappel de salaire pour les périodes non travaillées entre chaque contrat à durée déterminée.

Elle en conclut, à juste titre, que la question posée à la cour concernant la demande de rappel de salaire est de déterminer si le salarié a droit ou non à une rémunération complémentaire pour les périodes interstitielles pendant lesquelles il n'a pas fourni de prestations ou ne s'est pas tenu prêt à en fournir, fait qu'il n'était d'ailleurs pas tenu de faire. Or pour l'employeur le salarié ne justifie pas s'être constamment tenu à disposition, pendant ces périodes interstitielles et ne peut donc en réclamer le paiement. Il conclut donc, comme l'a fait précédemment la cour d'appel à un contrat à durée indéterminée à temps partiel.

La Cour de Cassation a toutefois jugé que la cour d'appel « qui ne pouvait écarter la présomption de travail à temps complet ... sans constater que l'employeur faisait la preuve de la durée du travail exacte, mensuelle ou hebdomadaire convenue, a violé le texte de l'article L3123-14 du code du travail ».

La cour considère que les 769 contrats à durée déterminée signés avec le salarié étant en effet des contrats journaliers, plusieurs contrats en général journaliers pouvant s'enchaîner sans interruption, ce système aboutissait à contourner l'obligation de l'employeur de rapporter la preuve d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et d'autre part, de sa répartition sur la semaine ou le mois.

Il en résulte aux yeux de la cour que l'employeur qui, en ce qui le concerne, avait nécessairement une bonne visibilité quant aux prestations qu'il souhaitait faire accomplir par M. [Z] [U] ne rapporte pas en revanche, du fait du découpage systématique de ces prestations en contrats journaliers dont l'enchaînement pouvait en réalité durer jusqu'à un mois , la preuve de la durée du travail exacte en réalité convenue entre les parties

Au-delà, ce système présentait un inconvénient grave pour le salarié dans la mesure où celui-ci, même quand il était affecté à une mission sur plusieurs jours, ne voyait celle-ci confirmée qu'au jour le jour, avec la signature d'un nouveau contrat journalier et n'avait aucune visibilité ni certitude quant à la durée de sa mission ni quant à la durée de la période ultérieure pendant laquelle il resterait son contrat. Le salarié soutient, sans que cela soit sérieusement contredit, que le plus souvent ses collègues et lui-même n'étaient appelés que le matin pour le jour même, les dates de début et de fin de mission, quand elles étaient transmises au salarié, ne l'étant qu'à titre indicatif et faisant fréquemment l'objet de modifications, un certain nombre de contrats journaliers n'étant d'ailleurs transmis que plusieurs jours après celui auquel ils s'appliquaient.

Il devait en conséquence se tenir en permanence à disposition de son employeur, le système choisi par l'employeur de contrats journaliers renforçant encore l'incertitude du salarié même s'il était affecté en réalité à une mission pouvant porter sur une période de plusieurs jours, voire semaines.

En conséquence, l'employeur ne rapporte pas la preuve, avec le système qu'il a choisi de mettre en oeuvre de contrats journaliers, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle en réalité convenue pour chaque mission avec le salarié.

En outre, du fait de ce système de contrats journaliers, il est encore moins établi que lorsque sont signés des contrats à durée déterminée correspondant à la durée d'une mission, que le salarié avait la possibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

La cour considère qu'exiger de M. [Z] [U], comme tente de faire le Société France Télévisions, qu'il rapporte la preuve de s'être tenu à sa disposition permanente, équivaut en réalité à lui demander de rapporter une preuve négative, alors qu'en l'espèce, l'absence non utilement contredite par la Société France Télévisions de tout autre employeur , la multiplicité des contrats à durée déterminée, mais aussi le fait que l'employeur n'invoque ni n'établit aucune impossibilité, ni aucun refus de M. [Z] [U] de répondre positivement à une proposition de contrat à durée déterminée, confirment que celui-ci se tenait effectivement et constamment à disposition de l'employeur.

En conséquence, la cour retiendra un contrat à durée indéterminée à temps complet, c'est-à-dire couvrant également les périodes interstitielles.

Elle octroiera en conséquence au salarié, par application de l'article L1245-2 du code du travail une indemnité de requalification qui sera fixée à 5000 €.

Sur le rappel de salaire dû à M. [Z] [U]

M. [Z] [U],tout en sollicitant un contrat à durée indéterminée à temps plein soutient qu'il peut prétendre à un salaire calculé sur la base du tarif journalier applicable aux intermittents, en tout cas pour les périodes pendant lesquelles il a bénéficié de CDD, les modalités contractuelles, fixées par chacun des CDD prévalant et les règles réservées au CDI n'étant selon lui applicables que pour les périodes interstitielles. Son tableau produit en pièce 53, sur lequel il se fonde pour solliciter un rappel de salaire du 1er janvier 2004 jusqu'au 5 avril 2009 de 106 851 €, congés payés en sus, est élaboré sur cette base.

Il sollicite la reconnaissance d'un salaire contractuel brut de 3960,26 euros au moment de la rupture salaire.

L'employeur soutient au contraire que la base de salaire applicable après requalification en CDI à M. [Z] [U] doit être établie en référence aux droits des salariés placés sous contrat à durée indéterminée.

Sur cette base, ce salaire brut de référence devrait être fixé selon l'employeur à la somme de 3030 € par mois, et le rappel de salaire dû pour l'ensemble de la même période à M. [Z] [U] serait limité à 5710,60 euros, congés payés en sus.

Ce rappel de salaire soutenu par l'employeur, par référence au salaire d'un contrat à durée indéterminée, intègre le fait que le salarié, qui justifiait d'une ancienneté supérieure à 10 ans, aurait bénéficié d'un passage automatique en B21-1 en application de l'accord collectif d'entreprise du 8 février 2001.

Cependant pour le calcul de ce rappel l'employeur procède à la déduction des autres salaires perçus, des indemnités de chômage au titre du régime des intermittents et des congés spectacles.

En ce qui concerne les sommes retenues par l'employeur, M. [Z] [U] rappelle à juste titre qu'en tout état de cause, si le salaire pris pour référence est celui payé aux salariés sous contrat à durée indéterminée, il convient d'y ajouter les primes d'ancienneté conventionnelle qu'il n'a jamais perçues .

En effet, la cour considère que, la relation de travail étant requalifiée en contrat à durée indéterminé à temps complet, il convient d'appliquer à cette relation requalifiée, et pour la totalité de la période considérée, l'ensemble des règles applicables au contrat à durée indéterminée.

Le salaire brut de référence de M. [Z] [U] doit donc être fixé sur la base qui aurait été la sienne s'il avait été engagé en vertu d'un contrat à durée indéterminée, en y incluant, compte tenu de sa grande ancienneté, la prime d'ancienneté et les autres primes annuelles statutaires qu'il n'a jamais perçues.

Au vu des éléments produits par les parties, et à la suite des débats, la cour, après avoir requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein, arrêtera plusieurs principes :

- le contrat requalifié en contrat à durée indéterminée doit dès lors se voir appliquer pour le rappel des sommes dues, et pour toute sa durée, l'ensemble des règles relatives à la rémunération applicable aux salariés relevant d'un contrat à durée indéterminée ;

- les rappels de salaires dus à M. [Z] [U] doivent intégrer non seulement le salaire de base, ce salaire de base progressant comme pour les autres salariés, mais être complété par les primes d'ancienneté et les autres primes annuelles statutairement prévues.

- les sommes versées à titre de congés spectacles, dans le cadre des contrats à durée déterminée, doivent effectivement être déduites, tout comme les sommes versées en rémunération des CDD, lors du calcul des sommes restant dues après application des modalités de rémunération des CDI.

-en revanche, les sommes perçues par le salarié au titre des ASSEDIC, ne doivent pas être déduites lors du calcul des rappels de salaire. En effet, par le système de contrats à durée déterminée qui lui était appliqué, le salarié a consommé ses droits à allocation chômage au fil des années, perdant ainsi le bénéfice de ces droits alors que, s'il avait bénéficié ab initio d'un contrat à durée indéterminée, il aurait accumulé au fil des années des droits à allocations chômage qu'il aurait pu faire valoir dans leur intégralité, lors de la rupture de son contrat de travail.

La cour ne disposant pas dans le cadre de la présente procédure de l'ensemble des moyens permettant de fixer sur la base de ces principes le rappel des salaires dus, elle surseoira à statuer et renverra le dossier pour ré-ouverture des débats après que les parties aient refait leur calcul sur la base des principes arrêtés ci-dessus.

De même, s'agissant de l'indemnité légale de licenciement et du préavis, indemnités toutes deux d'ores et déjà acquises au salarié et non discutées dans leur principe, leur calcul devra être opéré après détermination du salaire mensuel brut de référence, en tenant compte, s'agissant de l'indemnité légale de licenciement, de l'ancienneté de 27 ans dont bénéficiait M. [Z] [U] au moment de la rupture. L' indemnité de préavis sera complétée de 10 % de congés payés.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

Le salarié invoque , sans en tirer les conséquences, la nullité de son licenciement comme intervenu en réponse à sa saisine du conseil de prud'hommes tendant à voir requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée, stratégie récurrente de la Société France Télévisions constituant une atteinte au droit fondamental d'ester en justice.

Il rappelle d'ailleurs qu'en dépit de 2 courriers de sa part en date du 30 avril 2009 et du 22 décembre 2009( P43-1 et 43-2), la Société France Télévisions ne lui a plus fourni de travail, lui répondant le 19 janvier 2010 (P44) qu'elle ne le considérait pas comme son salarié.

Il soutient de manière fondée que le contrat de travail ayant été requalifié en contrat à durée indéterminée, sa rupture sans forme, sans procédure et sans motif, produit les effets d' un licenciement dépourvu de cause réelle sérieuse, ce qui n'est pas remis en cause par l'arrêt de la Cour de Cassation.

Cette rupture, en l'absence de tout autre justification de l'interruption des relations professionnelles entre les parties si ce n'est, effectivement, la saisine du conseil de prud'hommes le 17 décembre 2008 s'analyse comme un licenciement à tout le moins dépourvu de cause réelle sérieuse. Cette rupture imputable à l'employeur, est donc intervenue le 5 avril 2009, date de la remise d'un certificat de travail par la Société France Télévisions à M. [Z] [U] , date qui n'a jamais été suivie d'autres propositions de contrat par l'employeur, en dépit d'un courrier adressé le 30 avril 2009 par M. [Z] [U] à la Société France Télévisions la mettant en demeure de lui fournir du travail (P43-1).

La cour, disposant d'ores et déjà d'éléments suffisants pour fixer le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, due à M. [Z] [U], compte tenu des circonstances de l'espèce, de l'ancienneté de 27 ans du salarié, de son âge lors de la rupture du contrat de travail et de ses possibilités de retrouver un emploi dans des conditions satisfaisantes, fixera à 95 000 € la somme due à celui-ci par la Société France Télévisions en conséquence de cette rupture qui emporte les effets d'une rupture dépourvue de cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du CPC

Il sera sursis à statuersur les demandes relatives aux indemnités sollicitées en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que sur les dépens.

Décision de la Cour

En conséquence, la Cour,

INFIRME la décision du Conseil de prud'hommes de Paris dans toutes ses dispositions.

et statuant à nouveau et y ajoutant :

REQUALIFIE les contrats de travail à durée déterminée successifs de M. [Z] [U] en un contrat à durée indéterminée à temps plein, dont la rupture entraîne les conséquences d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse

CONSTATE le caractère irrévocable du principe des condamnations au paiement d'indemnité de préavis, de licenciement, ainsi que d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ainsi que de la condamnation de l'employeur à rembourser aux organismes concernés les allocations chômage versées au salarié dans la limite de six mois.

CONDAMNE la Société France Télévisions à payer à M. [Z] [U]  :

- 5000 € à titre d'indemnité de requalification

- 95 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

Ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision et capitalisation.

DIT que le contrat requalifié en contrat à durée indéterminée entraîne application pour la fixation du salaire brut mensuel de référence et pour le calcul des rappels de salaires, de l'ensemble des règles relatives à la rémunération applicable aux salariés bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée.

DIT que les rappels de salaires dus à M. [Z] [U] doivent intégrer le salaire de base, ce salaire de base progressant comme pour les autres salariés, et être complétés par les autres primes annuelles statutairement prévues.

DIT que les sommes versées à titre de congés spectacles, dans le cadre des contrats à durée déterminée, doivent être déduites, tout comme les sommes versées en rémunération des CDD, lors du calcul des sommes restant dues après application des modalités de rémunération des CDI.

DIT que les sommes perçues par le salarié au titre des ASSEDIC, ne doivent pas être déduites lors du calcul des rappels de salaire.

Pour le surplus surseoit à statuer et renvoie la procédure à l'audience du 24 mars 2015 à 13h30 pour réouverture des débats, ordonnant aux parties de refaire leurs comptes sur les bases arrêtées ci-dessus en ce qui concerne :

- le salaire mensuel brut de référence, l'indemnité légale de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis,

-le rappel des salaires dus du 1er janvier 2004 au 5 avril 2009.

RÉSERVE les dépens et les indemnités sollicitées en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 13/00489
Date de la décision : 26/11/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°13/00489 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-26;13.00489 ?
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