Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 1
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2014
(n°14/228, 19 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/13513
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mars 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/04212
APPELANTE
SAS SCA TISSUE FRANCE
Immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 702.055.187
Prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Assistée de Me Sophie MICALLEF de l'AARPI HOYNG MONEGIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0512
INTIMÉES
SAS SIPINCO
Immatriculée au RCS d'Angers sous le numéro 328 971 809
Prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753
Assistée de Me Michèle TRESSE, avocat au barreau de DIJON
SAS GLOBAL HYGIÈNE
Immatriculée au RCS de Dijon sous le numéro 301 331 054
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753
Assistée de Me Michèle TRESSE, avocat au barreau de DIJON
COMPOSITION DE LA COUR :
Après le rapport oral dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile et en application des dispositions des articles 786 et 907 du même code, l'affaire a été débattue le 08 octobre 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Benjamin RAJBAUT, président, chargé d'instruire l'affaire, et Madame Anne-Marie GABER, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Benjamin RAJBAUT, président,
Madame Anne-Marie GABER, conseillère
Madame Nathalie AUROY, conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Karine ABELKALON
ARRET :
contradictoire
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président et par Madame Karine ABELKALON, greffier présent lors du prononcé.
***
Vu le jugement rendu contradictoirement le 14 mars 2013 par le tribunal de grande instance de Paris.
Vu l'appel interjeté le 04 juillet 2013 par la SAS SCA Tissue France, nouvelle dénomination de la SAS Georgia Pacific France.
Vu les dernières conclusions de la SAS SCA Tissue France, transmises le 01 septembre 2014
Vu les dernières conclusions de la SAS Global Hygiène et de la SAS Sipinco, transmises le 01 août 2014.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 16 septembre 2014.
Vu l'autorisation donnée aux parties par la cour à l'audience du 08 octobre 2014 de faire parvenir une note en délibéré concernant la décision de la chambre de recours de l'OEB sur l'opposition formée contre le brevet européen n° EP 1 799 083.
Vu la note transmise le 15 octobre 2014 par la SAS SCA Tissue France.
M O T I F S D E L ' A R R Ê T
Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ;
Considérant qu'il suffit de rappeler que la SAS Georgia Pacific France (aujourd'hui dénommée SCA Tissue France) appartient au groupe américain Georgia Pacific Inc., un des premiers producteurs mondiaux de produits en ouate de cellulose, et commercialise les produits de la marque Lotus ;
Qu'elle a déposé le 21 juillet 2005 le brevet européen n° EP 1 799 083 désignant la France, et en a obtenu la délivrance le 14 avril 2010 sous l'intitulé 'Distributeur de papier toilette dans lequel est logé le rouleau de papier toilette et le distributeur' ;
Qu'elle commercialise le produit issu de ce brevet auprès des professionnels sous la dénomination 'SmartOne', ainsi que le papier toilette correspondant ;
Que les sociétés Sipinco et Global Hygiène exercent une activité de transformateurs de ouate de cellulose en produits d'hygiène et fournissent leurs clients en papier toilette, papier d'essuyage, papier à usage médical et produits accessoires, à usage domestique, médical ou professionnel ;
Qu'estimant qu'en commercialisant en France des distributeurs de papier toilette reproduisant les revendications de son brevet, les sociétés Sipinco et Global Hygiène avaient contrefait son brevet, la SAS Georgia Pacific France a fait procéder le 08 février 2011 à des saisies-contrefaçon dans leurs locaux ainsi que dans les locaux d'une maison familiale rurale à [Localité 4] ;
Qu'elle a ensuite fait assigner ces deux sociétés les 09 et 10 mars 2011 devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon des revendications 1 à 9 de son brevet EP 1 799 083 ;
Que parallèlement un recours en opposition contre ce brevet est en cours devant l'OEB à l'initiative de la SAS Global Hygiène ;
Considérant que le jugement entrepris a, en substance :
dit n'y avoir lieu à jonction avec l'instance relative au modèle communautaire de distributeur de papier toilette,
dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de l'OEB statuant sur l'opposition de la SAS Global Hygiène,
dit que la partie française du brevet européen EP 1 799 083 B1 est nulle pour insuffisance de description (revendications 1 à 9),
dit que la SAS SCA Tissue France est irrecevable à agir sur le fondement de la contrefaçon dudit brevet,
rejeté la demande reconventionnelle en dommages et intérêts des sociétés Sipinco et Global Hygiène,
dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné la SAS SCA Tissue France à payer à chacune des deux défenderesses la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
I : SUR LA DEMANDE DE SURSIS À STATUER :
Considérant que la SAS SCA Tissue France reprend devant la cour sa demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision de la chambre de recours technique de l'Office européen des brevets (OEB) dans la procédure d'opposition formée à l'encontre du brevet EP 1 799 083 ;
Qu'elle fait valoir que le prononcé d'un arrêt par la cour de céans avant l'intervention de la décision de la chambre de recours technique de l'OEB emporte le risque de décisions contradictoires, cette procédure en cours ayant lieu entre les mêmes parties et étant fondée sur les mêmes moyens ;
Considérant que les sociétés Global Hygiène et Sipinco s'opposent à cette demande en rappelant que la décision de l'OEB ne peut s'imposer à l'ordre judiciaire ;
Considérant qu'en cours de délibéré, comme il l'a été demandé par la cour, il a été indiqué que le 13 octobre 2014 la chambre de recours technique de l'OEB a confirmé la décision du 06 août 2013 de la division d'opposition de l'OEB rejetant l'opposition formée contre le brevet EP 1 799 083 et maintenant ledit brevet tel que délivré, sans modification ;
Considérant dès lors que la demande de sursis à statuer est devenue sans objet ;
II : SUR LA VALIDITÉ DU BREVET EP 1 799 083 :
Le domaine technique de l'invention :
Considérant que l'invention du brevet contesté est intitulée 'Distributeur de papier toilette dans lequel est logé un rouleau, le rouleau de papier toilette et le distributeur' ;
Considérant que le breveté rappelle que dans les lieux publics notamment, les distributeurs de papier toilette comprennent généralement un boîtier dans lequel est monté un rouleau d'une bande de papier qui est dévidé par un orifice de distribution, la bande de papier comportant des prédécoupes transversales à la direction de son déroulement, définissant des feuilles rectangulaires qui peuvent être détachées individuellement ;
Que les distributeurs les plus répandus comprennent une ouverture, ou fenêtre, au moins de la largeur du papier toilette, disposée en position basse sur le distributeur, par lequel on dévide le papier, le dévidage s'effectuant en tirant sur l'extrémité libre du papier qui correspond à la couche externe du rouleau ; lorsque l'utilisateur possède une certaine quantité de papier, il peut la découper grâce par exemple, à un bord de coupe de l'ouverture du distributeur ;
Que pour l'exploitant du distributeur de papier et par conséquent pour son concepteur, l'un des enjeux principaux de la définition des caractéristiques du distributeur et de son rouleau est la minimisation de la consommation de papier, l'inconvénient du dispositif étant la liberté qu'a l'utilisateur du papier de dévider une grande quantité de feuilles de papier en tirant sur l'extrémité de la bande de façon continue, ce qui se traduit par un gâchis de papier considérable, puisque l'utilisateur dévide plus de papier qu'il n'en a besoin ;
Qu'une solution consiste à imposer à l'utilisateur un dévidage du papier feuille à feuille, l'art antérieure proposant dans le domaine du papier cuisine ou d'essuyage, des distributeurs feuille à feuille à dévidage central ; le papier est dévidé à partir du centre du rouleau et extrait par l'orifice d'une buse généralement de forme tronconique et de faible section de sortie pour imposer la distribution feuille à feuille ;
Que si l'application au papier toilette du principe des distributeurs à dévidage central de papier d'essuyage peut semble évidente, sa mise en oeuvre se heurte à une série d'inconvénients du fait des caractéristiques inhérentes au papier toilette standard, dans le domaine des produits pour collectivités, nécessitant une buse présentant un orifice de sortie de très faible diamètre, afin d'assurer la distribution feuille à feuille, dont l'inconvénient est d'une part la difficulté de la mise en place initiale du papier dans la buse et d'autre part le fait qu'en sortie d'une telle buse, le papier toilette était totalement froissé, se présentant sous la forme d'une ficelle désagréable pour l'utilisateur qui devait la déplier pour pouvoir l'utiliser ;
Que l'utilisation de papier toilette au format du papier d'essuyage avec un orifice de sortie de buse plus grand, garantissant la distribution feuille à feuille, pose à nouveau le problème de surconsommation de papier, le format des feuilles étant alors trop grand pour l'utilisation qui en était faite ;
Considérant que l'invention se propose de remédier à ces inconvénients en proposant un distributeur de papier toilette feuille à feuille, avec une buse de distribution qui délivre des feuilles de papier peu froissées en sortie de la buse, ce qui les rend agréables d'utilisation, tout en assurant par ailleurs une consommation minimale de papier ;
La solution préconisée par l'invention :
Considérant que pour parvenir à l'invention, le brevet propose un distributeur de papier, comprenant un boîtier dans lequel est logé un rouleau d'une bande de papier comprenant des prédécoupes transversales à la bande définissant des feuilles de papier rectangulaires, dont la largeur est transversale et la longueur longitudinale, le boîtier comportant un orifice de distribution, par lequel la bande de papier est dévidée, la largeur d'une feuille étant comprise entre 125 mm et 180 mm et le rapport de la largeur d'une feuille sur sa longueur étant compris entre 0,45 et 1 ;
Que le papier est un papier toilette et que le distributeur comporte une buse avec l'orifice de distribution agencée, avec le rouleau de papier, pour que les feuilles de papier se dévident une à une et sortent avec un froissement réduit à la sortie de la buse, le papier étant consommé de façon optimale et agréable ;
Qu'en proposant une nouvelle proportion entre la largeur et la longueur des feuilles de papier, il est possible non seulement d'assurer une distribution feuille à feuille du papier, mais aussi de permettre à la feuille de papier de se défroisser d'elle-même en sortie de buse quand on tire sur elle, tout en conservant une surface de feuille standard et donc en évitant une surconsommation de papier ;
Considérant que le brevet se compose de neuf revendications qui se lisent comme suit :
'1. Distributeur de papier, comprenant un boîtier (6) dans lequel est logé un rouleau (3) d'une bande de papier (2), qui comprend des prédécoupes (4) transversales à la bande (2) définissant des feuilles de papier rectangulaires (5), dont la largeur (l) est transversale et la longueur (L) longitudinale, le boîtier (6) comportant un orifice de distribution (10), par lequel la bande de papier (2) est dévidée, la largeur (l) d'une feuille (5) étant comprise entre 125 mm et 180 mm et le rapport de la largeur (l) d'une feuille (5) sur sa longueur (L) étant comprise entre 0,45 et 1, de préférence entre 0,5 et 0,65, caractérisé en ce que ledit papier est un papier toilette et ledit distributeur comporte une buse (9) avec ledit orifice de distribution (10), ladite buse (9) et ledit rouleau de papier (3) étant agencés pour que les feuilles de papier (5) se dévident une à une et sortent avec un froissement réduit à la sortie de la buse (9), le papier étant consommé de façon optimale et agréable.
2. Distributeur selon la revendication 1, dans lequel le dévidage se fait à partir du centre du rouleau (3).
3. Distributeur selon l'une des revendications 1 et 2, dans lequel la buse (9) est de forme tronconique, son orifice de petit diamètre étant l'orifice de distribution (10), situé à l'extérieur de la buse (9) par rapport au boîtier (6).
4. Distributeur selon l'une des revendications 1 à 3 dans lequel, le boîtier (6) étant fixé sur un support (7), l'axe du rouleau (3) est perpendiculaire à ce support (7).
5. Distributeur selon l'une des revendications 1 à 4, dans lequel la largeur (l) des feuilles (5) est comprise entre 135 et 150 mm.
6. Distributeur selon la revendication 5, dans lequel le diamètre de l'orifice de distribution (10) de la buse (9) est compris entre 6 et 8 mm, de préférence égal à 7 mm.
7. Distributeur selon l'une des revendications 5 et 6, dans lequel le taux de perforation des prédécoupes (4) de la bande (2) est compris entre 12 et 30 %, de préférence entre 14 et 20 %.
8. Distributeur selon l'une des revendications 5 à 7, dans lequel le rapport de la force d'extraction du papier toilette hors de la buse (9) sur la force de déchirure des tenons maintenant deux feuilles adjacentes (5) de la bande (2) est supérieur strictement à 1, de préférence compris entre 1,1 et 2.
9. Distributeur selon l'une des revendications 5 à 8, dans lequel le papier toilette est un papier à un ou deux plis, en ouate de cellulose, chaque pli ayant un grammage compris entre 14 et 30 g/m², de préférence entre 15 et 20 g/m².'
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L 614-12 du code de la propriété intellectuelle, la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138, §1 de la Convention de Munich du 05 octobre 1973 ;
La définition de l'homme du métier :
Considérant que selon la SAS SCA Tissue France l'homme du métier est un technicien des papiers toilette et de leurs distributeurs à destination des collectivités tandis que pour les sociétés Global Hygiène et Sipinco l'homme du métier de référence est celui des feuilles d'essuyage au sens large, sous forme de rouleau - englobant les feuilles de papier toilette - et de leurs distributeurs permettant un dévidage feuille à feuille du papier ;
Considérant que l'homme du métier est celui qui possède les connaissances normales de la technique en cause et est capable, à l'aide de ses seules connaissances professionnelles, de concevoir la solution du problème que propose de résoudre l'invention ;
Considérant qu'en l'espèce l'homme du métier est un spécialiste des papiers toilette et de leurs distributeurs à destination des collectivités, connaissant les différences existant entre les différents types de papiers d'hygiène et cherchant à résoudre le problème posé, à savoir concevoir un distributeur de papier toilette feuille à feuille, avec une buse de distribution qui délivre des feuilles de papier peu froissées en sortie de la buse ;
La demande de nullité pour insuffisance de description des revendication 1 à 9 :
Considérant que les sociétés Global Hygiène et Sipinco concluent à titre principal à la confirmation du jugement entrepris qui a annulé la partie française du brevet européen pour défaut de clarté et insuffisance de description ;
Qu'elles font valoir qu'aucun passage du texte du brevet ne permet de définir précisément la signification des termes 'avec un froissement réduit à la sortie de la buse, le papier étant consommé de façon optimale et agréable', le brevet ne définissant pas précisément les caractéristiques techniques permettant d'aboutir à un tel résultat et la manière de quantifier le froissement réduit et la consommation agréable et optimale du papier ;
Qu'il en résulte selon elles que l'homme du métier ne peut exécuter l'invention à la lecture de l'intégralité du brevet ;
Considérant que la SAS SCA Tissue France réplique que l'homme du métier trouve dans le texte du brevet l'ensemble des éléments techniques permettant de réaliser l'invention, à savoir le papier spécifique, les éléments du distributeur de papier et la manière de les combiner et qu'il est ainsi à même, à la lecture du brevet, de réaliser l'invention, de sorte que la description est suffisante ;
Qu'elle ajoute que les caractéristiques de froissement réduit et de consommation optimale et agréable ne sont pas essentielles par rapport aux autres caractéristiques techniques de la revendication 1 ;
Considérant que les articles 83 et 138 b) de la convention de Munich exigent que le brevet doit exposer l'invention 'de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter' ;
Considérant que l'homme du métier doit ainsi trouver dans la description du brevet les moyens de reproduire l'invention à l'aide de ses connaissances professionnelles normales par le jeu de simples opérations d'exécution et que la description qui ne satisfait pas à cette exigence vicie le brevet et le rend annulable ;
Considérant que la suffisance de description doit s'apprécier en se fondant sur l'ensemble du brevet ;
Considérant que le brevet décrit les différents éléments du distributeur de papier, objet de l'invention, constitué d'un boîtier de forme cylindrique dans lequel est logé le rouleau de papier toilette de même forme se dévidant par l'intermédiaire d'un orifice de distribution comportant une buse de forme tronconique d'un diamètre compris en 6 et 8 mm ;
Qu'il décrit également la nature du papier toilette utilisé (en ouate de cellulose d'un grammage compris entre 14 et 30 g/m²), la largeur des feuilles de papier (entre 125 et 180 mm), le rapport de la largeur d'une feuille sur sa longueur (entre 0,45 et 1), le taux de perforation des prédécoupes de la bande de papier (entre 12 et 30 %) et le rapport de la force d'extraction du papier toilette hors de la buse sur la force de déchirure des dents de deux feuilles adjacentes (supérieur strictement à 1) ;
Que le brevet décrit encore l'agencement des différents éléments du boîtier et du rouleau de papier toilette dont l'extrémité libre de la bande est insérée dans la buse de façon à en faire saillie par son orifice de distribution ;
Considérant que la caractéristique du 'froissement réduit' des feuilles de papier à la sortie de la buse est le résultat de l'agencement de ces différents éléments techniques, décrits objectivement au brevet, et s'entend de l'absence de forme en 'ficelle' du papier sortant de l'orifice de la buse de l'art antérieur décrit au paragraphe [0008] de la description ;
Considérant de même que la caractéristique d'une consommation 'optimale et agréable' du papier est également le résultat de cet agencement et s'entend d'une part de la minimisation de la consommation de papier par l'utilisateur par rapport à l'art antérieur décrit aux paragraphes [0004] et [0007] et d'autre part du caractère désagréable de la sortie du papier sous forme de 'ficelle' nécessitant son déplissage pour pouvoir l'utiliser tel que résultant de l'art antérieur décrit au paragraphe [0008] susvisé ;
Considérant que la caractéristique de la revendication 1 est ainsi décrite de façon suffisamment claire et complète pour l'homme du métier ;
Considérant que le jugement entrepris qui a prononcé la nullité de la partie française du brevet européen EP 1 799 083 pour insuffisance de description de ses revendications 1 à 9 sera en conséquence infirmé ;
Considérant que les sociétés Global Hygiène et Sipinco seront dès lors déboutées de leur demande principale en annulation de la partie française du brevet européen EP 1 799 083 pour défaut de clarté et insuffisance de description ;
La demande de nullité de la revendication 1 du brevet pour absence d'activité inventive :
Considérant que les sociétés Global Hygiène et Sipinco soulèvent à titre subsidiaire la nullité de la revendication 1 du brevet pour absence d'activité inventive au regard des brevets Ames US 3,973,695 (D1) et [N] et a. FR 2 761 252 (D2) cités dans le brevet comme art antérieur le plus proche et des brevets King GB 2 308 114 (D3), Eberle US 5,215,211 (D4), Johnson US 5,785,274 (D5), Ogg et a. US 5,114,771 (D6), Int. Cellucotton Products Company GB 643,350 (D7) et Granger FR 2 530 941 (D8) ;
Qu'elles soutiennent que le document D1 décrit toutes les caractéristiques de la revendication 1 sauf la mention spécifique que le papier distribué peut être du papier toilette et qu'il ne décrit pas une buse ;
Que le document D2 divulgue également du papier toilette tel que défini dans le brevet et que de ce fait la revendication 1 du brevet est dépourvue d'activité inventive sur la base du document D1, des connaissances générales de l'homme du métier et de l'enseignement du document D2 ; que de telles caractéristiques sont également décrites dans D3 qui divulgue une buse permettant la séparations des feuilles une à une et qu'il en est de même avec D4 ;
Qu'elles font valoir également une autre approche par l'enseignement combiné du document D1 et du document D5 qui divulgue un distributeur de papier toilette comportant une buse ;
Considérant que la SAS SCA Tissue France réplique que les documents cités concernent des distributeurs soit de papier d'essuyage, soit de papier toilette sans qu'on puisse indifféremment les utiliser tant pour l'un que pour l'autre et que l'homme du métier qui connaît les caractéristiques propres aux différents types de papier n'assimilera pas les uns aux autres ;
Qu'elle conteste que le document D1 puisse être l'état de la technique le plus proche, seul pouvant l'être un distributeur de papier toilette alors que D1 divulgue un distributeur de lingettes humides et ne concerne pas du papier toilette ; qu'en outre D1 ne comprend pas de buse ;
Qu'elle ajoute que les documents D2, D3, D4 et D5 ne sont pas davantage pertinents, aucun de ces documents ne pouvant être combinés avec D1 ; que D2 ne concerne pas du papier toilette mais un matériau fibreux, que D3 concerne du papier de cuisine plus large, que D4 ne concerne pas du papier toilette, n'aborde pas le problème du froissement de la feuille et que D5 ne divulgue qu'une pièce tubulaire sans enseigner une distribution feuille à feuille ;
Qu'elle en conclut qu'au vu des documents antérieurs invoqués, les sociétés intimées ne rapportent pas la preuve d'une part, de l'existence des caractéristiques de la revendication 1 et d'autre part, que l'homme du métier aurait, sans faire preuve d'activité inventive, combiné ces caractéristiques pour parvenir à la solution brevetée et qu'ainsi la revendication 1 est valable ;
Considérant que l'article 56 de la convention de Munich du 05 octobre 1973 dispose qu'" une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique " ;
Considérant qu'il sera rappelé que l'homme du métier est un spécialiste des papiers toilette et de leurs distributeurs à destination des collectivités, connaissant les différences existant entre les différents types de papiers d'hygiène et cherchant à résoudre le problème posé, à savoir concevoir un distributeur de papier toilette feuille à feuille, avec une buse de distribution qui délivre des feuilles de papier peu froissées en sortie de la buse ;
Le document D1 (brevet Ames) :
Considérant que ce document a trait à un 'récipient-distributeur' pour tissus humectés dans lequel une bande de tissu perforée traitée est placée et où un seul morceau de tissu est délivré en séparant le premier morceau de tissu, partiellement découvert, du reste de la bande ;
Qu'il est expressément indiqué que les tissus humectés concernés sont destinés au nettoyage de salles de bains ou analogues ou pour être utilisés en cours de voyages ;
Que le récipient-distributeur divulgué par ce document comporte un corps de récipient pour contenir une bande de tissu perforé ayant une extrémité supérieure ouverte, un chapeau fixé de façon amovible dans lequel est pratiqué un orifice de distribution à travers lequel le bout du premier morceau de tissu de la bande peut être passé pour se trouver exposé extérieurement à la surface supérieure du chapeau ;
Que dans ce document la largeur de chaque morceau de tissu est transversale et sa largeur longitudinale et si le rapport de la largeur sur la longueur est comprise entre 0,56 et 1,99 ;
Considérant que l'état de la technique le plus proche à sélectionner doit être pertinent, c'est-à-dire qu'il doit correspondre à une utilisation semblable et appeler le moins de modifications structurelles pour parvenir à l'invention revendiquée ;
Considérant que le document D1 précise expressément que l'invention divulguée ne concerne pas le matériau particulier utilisé pour le tissu (page 6, lignes 35 à 37), qu'en effet les neuf revendications du brevet Ames ne portent que sur le 'récipient-distributeur' lui-même sans aucune référence à la bande de tissu, à son taux de perforation et aux dimensions de chaque feuille ;
Qu'il apparaît en conséquence que le document D1 ne divulgue aucun des éléments caractérisants de la revendication 1, qu'il s'agisse de la référence à du papier toilette ou de l'existence d'une buse sur l'orifice de distribution à travers laquelle les feuilles de papier se dévident une à une avec un froissement réduit ;
Considérant dès lors que le problème à résoudre n'est pas suggéré par l'enseignement du document D1 ;
Le document D2 (brevet [N] et a.) :
Considérant que ce document a trait à un système de distribution feuille à feuille d'un matériau fibreux, tel qu'un chiffon d'essuyage, une serviette ou un essuie-mains en papier ou en non-tissé, que l'on dévide à partir du centre d'une bobine et au travers d'un orifice de distribution de forme conique ;
Que le problème que le brevet [N] et a. se propose de résoudre est de proposer un système de distribution dont le taux de réussite d'extraction une à une des feuilles est supérieur ou égal à 90 % et d'assurer un fonctionnement optimum de ce système pendant une plus longue période d'utilisation, malgré l'usure de la paroi du cône constituant l'organe de distribution, par le frottement de la matière fibreuse ;
Considérant que le problème à résoudre par l'homme du métier n'est pas suggéré par l'enseignement du document D2 qui n'aborde à aucun moment la question du froissement réduit des feuilles de papier toilette à la sortie du cône de distribution ; qu'en outre ce cône est défini à la description comme un 'organe de distribution en soi connu' dont la précision concernant son diamètre est 'de moindre importance' ;
Considérant d'autre part que le document D2 ne divulgue aucune précision quant au format des feuilles de papier, en particulier le rapport entre leur largeur et leur longueur ;
Considérant en conséquence que l'enseignement du document D1 combiné au document D2 ne divulgue pas les caractéristiques de l'invention et ne suggère pas à l'homme du métier de reproduire de manière évidente de telles caractéristiques, compte tenu du problème à résoudre qui n'est pas suggéré par l'enseignement de ces deux documents ;
Les documents D3 (King) et D4 (Eberle) :
Considérant que le document D3 concerne un rouleau distributeur de feuilles à dévidage central permettant une distribution contrôlée des feuilles une à une ; que le problème qu'il se propose de résoudre est de proposer un rouleau formé à partir de deux bandes ayant chacune des lignes de faiblesse décalées les unes par rapport à celles de l'autre de telle sort qu'en utilisation, les deux bandes sont distribuées à travers une ouverture d'un distributeur, avec une bande faisant saillie plus loin que l'autre en raison du décalage des lignes de faiblesse, permettant ainsi une distribution unitaire des bandes alternées ;
Que le système distributeur décrit dans ce document se compose d'une jante pouvant se présenter sous la forme d'un tronc de cône, s'étendant autour d'une ouverture au travers de laquelle passent les deux bandes de tissu ;
Considérant que le document D4 concerne un distributeur de matériau en feuille pour lequel l'angle entre l'axe le long duquel un matériau en feuille est distribué et le récipient de distribution peut être changé ;
Que le problème que ce document se propose de résoudre est de permettre une installation flexible du distributeur de feuilles et la fourniture d'un distributeur à différents endroits sur le récipient du distributeur de feuilles, d'empêcher le blocage des feuilles au sein du distributeur, de permettre un accès facile à un chemin de feuilles dans le distributeur, de stabiliser le rouleau d'alimentation de feuilles contenues dans le distributeur et de permettre une installation facile des rouleaux d'alimentation de remplacement des feuilles ;
Que le moyen de distribution décrit dans ce document comprend un entonnoir faisant saillie par lequel le matériau en feuille s'étend depuis l'alimentation à travers deux ouvertures ;
Considérant que le problème à résoudre par l'homme du métier n'est pas davantage suggéré par l'enseignement des documents D3 et D4 qui ne divulguent notamment aucune précision quant au format des feuilles de papier, en particulier le rapport entre leur largeur et leur longueur ;
Considérant dès lors que l'enseignement du document D1 combiné soit au document D3, soit au document D4, ne divulgue pas davantage les caractéristiques de l'invention et ne suggère pas à l'homme du métier de reproduire de manière évidente de telles caractéristiques, compte tenu du problème à résoudre qui n'est pas suggéré par l'enseignement de ces documents ;
Le document D5 (Johnson) :
Considérant que ce document concerne un dispositif pour contenir et distribuer du papier toilette afin d'améliorer l'enceinte de confinement et de distribution du papier en fournissant un distributeur rouleau statique qui permet le retrait d'une extrémité du papier libre à partir du centre du rouleau ;
Que le problème que ce document se propose de résoudre est de faciliter l'utilisation de produits en papier toilette à un seul pli de poids plus léger et économiques pour éviter le gaspillage économique et matériel ;
Que le moyen de distribution décrit dans ce document comprend une ouverture formée dans une saillie tel qu'un bec fixé ou formé dans le couvercle du dispositif dont le but est de protéger le rouleau de papier de l'humidité que l'on peut trouver dans une salle de bain ou une cuisine ;
Considérant qu'il n'est pas mentionné dans la description que ce bec serait de forme tronconique, la figure 3 montrant simplement que le bec est orienté vers le bas ainsi que précisé dans la description, et qu'il 'peut pivoter ou se déplacer indépendamment du couvercle' ;
Considérant que ce document ne divulgue aucune caractéristique du brevet et que l'enseignement du document D1 combiné au document D5 ne suggère donc pas à l'homme du métier de reproduire de manière évidente de telles caractéristiques, compte tenu du problème à résoudre qui n'est pas suggéré par l'enseignement de ces deux documents ;
Les documents D6 (Ogg et a.), D7 (Int. Cellucotton Products Company) et D8 (Granger) :
Considérant que le document D6 concerne un moyen pour perforer les produits de consommation en feuille ; que le document D7 concerne une bande de papier divisible enroulée en rouleau et ayant des lignes de faiblesse disposées pour faciliter la déchirure de longueurs prédéterminées ; que ces deux documents ne décrivent aucun dispositif de distribution de papier toilette ;
Considérant que le document D8 concerne un distributeur automatique de matériaux en bandes prédécoupées et enroulées ou pliées en Z dont le ou les orifices de sortie sont de section circulaire ou en forme de haricot à larges arrondis d'entrée et de sortie ; que ce document ne divulgue aucune des caractéristiques du brevet ;
Considérant au surplus que si les sociétés Global Hygiène et Sipinco mentionnent dans leurs conclusions les documents D6, D7 et D8, force est de constater qu'elles n'en tirent aucun argument quant à l'absence d'activité inventive soulevée ;
Considérant dès lors que l'invention faisant l'objet de la revendication 1 du brevet litigieux qui résout la difficulté technique d'éviter la délivrance de feuilles de papier toilette froissées en forme de ficelle à la sortie du distributeur et de minimiser la consommation de papier, nécessitait davantage que le simple exercice par l'homme du métier de ses capacités professionnelles d'exécutant et l'utilisation des enseignements de l'état de la technique pertinent ;
Considérant en conséquence que la revendication 1 du brevet contesté présente bien une activité inventive ;
La demande de nullité des revendications dépendantes :
Considérant que les sociétés Global Hygiène et Sipinco soulèvent la nullité des revendications dépendantes 2 à 9 pour défaut d'activité inventive en se fondant sur les mêmes documents ci-dessus analysés ;
Considérant que la revendication 2 se trouve placée sous la dépendance de la revendication 1 à laquelle elle renvoie directement, que la revendication 3 se trouve placée sous la dépendance des revendications 1 et 2, que la revendication 4 se trouve placée sous la dépendance des revendications 1 à 3, que la revendication 5 se trouve placée sous la dépendance des revendications 1 à 4, qu'ainsi les revendications 3 à 5 renvoient directement à la revendication 1 ;
Que la revendication 6 se trouve placée sous la dépendance de la revendication 5, que la revendication 7 se trouve placée sous la dépendance des revendications 5 et 6, que la revendication 8 se trouve placée sous la dépendance des revendications 5 à 7 et que la revendication 9 se trouve placée sous la dépendance des revendications 5 à 8, qu'ainsi les revendications 6 à 9 se trouvent également sous la dépendance de la revendication 1 à laquelle elles renvoient indirectement ;
Considérant en conséquence que les revendications 2 à 9 tirent leur validité du lien de dépendance les unissant à la revendication 1 elle-même valable ;
Considérant dès lors que les sociétés Global Hygiène et Sipinco seront déboutées de leur demande subsidiaire en annulation de la partie française du brevet européen EP 1 799 083 pour absence d'activité inventive ;
III : SUR LA CONTREFAÇON :
Considérant que dans la mesure où la validité du brevet EP 1 799 083 est établie, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a déclaré la SAS Tissue France irrecevable à agir sur le fondement de la contrefaçon du dit brevet et qu'il sera en conséquence statué sur les demandes présentées par la SAS Tissue France au titre de la contrefaçon du brevet EP 1 799 083 ;
Considérant que la SAS SCA Tissue France fait valoir que la SAS Sipinco offre et met dans le commerce des distributeurs de papier toilette et du papier toilette reproduisant les caractéristiques des revendications de son brevet EP 1 799 093, sans son consentement, commettant ainsi des actes de contrefaçon directe à son encontre au sens de l'article L 613-3 du code de la propriété intellectuelle ;
Qu'elle ajoute qu'en livrant et offrant de livrer en France du papier toilette que le client peut choisir d'utiliser dans un distributeur de type Lotus ou sans distributeur, la SAS Sipinco commet des actes de contrefaçon indirecte à son encontre au sens de l'article L 613-4 du dit code ; qu'étant importatrice des distributeurs incriminés et fabricante des rouleaux de papier, aucune mise en connaissance de cause préalable n'était nécessaire ;
Qu'elle précise en outre que la SAS Global Hygiène commet aussi des actes de contrefaçon indirecte en livrant et offrant de livrer sur le territoire français, des rouleaux de papier constituant des moyens de mise en oeuvre sur ce territoire, de l'invention, se rapportant à un élément essentiel de celle-ci ;
Considérant que les sociétés Global Hygiène et Sipinco répliquent que la SAS SCA Tissue France ne se livre à aucune démonstration de la contrefaçon en précisant que la partie caractérisante de la revendication 1 du brevet vise à protéger le résultat recherché et non les dimensions d'un rouleau de papier et que la SAS SCA Tissue France ne saurait chercher à s'approprier le principe d'une distribution centrale de papier et le diamètre de la buse de distribution du dérouleur ; que la reprise de caractéristiques du domaine public ne saurait constituer un acte de contrefaçon ;
Qu'elles contestent en outre toute contrefaçon par fourniture de moyens, n'ayant jamais mis en avant la compatibilité de leurs rouleaux avec un quelconque distributeur et qu'en toute hypothèse le consommateur est livre d'alimenter les distributeurs dont il a payé le prix avec les rouleaux de son choix ;
Considérant ceci exposé, qu'en application des dispositions du dernier alinéa de l'article 64 de la convention de Munich, la contrefaçon d'un brevet européen est appréciée conformément à la législation nationale soit, en l'espèce, aux articles L 611-1, L 613-3 à L 613-6 et L 615-1 du code de la propriété intellectuelle ;
Que l'article L 611-1, 1er alinéa dispose que le titulaire d'un brevet a un droit exclusif d'exploitation et que l'article L 613-3 interdit, sans le consentement du propriétaire du brevet, la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation ou bien l'importation ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet ;
Que l'article L 613-4 interdit également, sans le consentement du propriétaire du brevet, la livraison ou l'offre de livraison, sur le territoire français, à une personne autre que celles habilitées à exploiter l'invention brevetée, des moyens de mise en oeuvre, sur ce territoire, de cette invention se rapportant à un élément essentiel de celle-ci, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que ces moyens sont aptes et destinés à cette mise en oeuvre ;
Les faits de contrefaçon reprochés à la SAS Sipinco :
Considérant que la SAS SCA Tissue France soutient que la SAS Sipinco reproduit l'ensemble des caractéristiques de la revendication 1 de son brevet en commercialisant sous la référence 1520.01 du papier toilette présentant une découpe transversale, dont les feuilles sont de forme rectangulaire avec un rapport entre la largeur d'une feuille à la longueur est de 0,60, et en commercialisant sous la référence LI661BU un distributeur de papier caractérisé par la présence d'une buse servant d'ouverture pour le passage du papier avec un déploiement raisonnable ;
Qu'elle indique que la contrefaçon de la revendication 2 est établie du fait du dévidage dans le distributeur à partir du centre du rouleau ; que la contrefaçon de la revendication 3 est établie dans la mesure où la buse, située en saillie par rapport au boîtier, sert d'ouverture pour le passage du papier et présente une partie tronconique ; que la revendication 4 est contrefaite par le fait que l'axe du rouleau est perpendiculaire au support de fixation du boîtier ; que comme dans la revendication 5, la feuille de papier commercialisée par la SAS Sipinco a une largeur de 134 mm ; que comme dans la revendication 6, le diamètre du trou de la buse est d'environ 7 mm ; que comme dans la revendication 7, le taux de perforation des prédécoupes de la bande de papier est de 16,4 % ; que du fait des caractéristiques du papier, du taux de perforation ainsi que du diamètre de la buse, la revendication 8 est reproduite ; que comme dans la revendication 9, le papier est en deux plis en 100 % pure ouate de cellulose ayant un gramme de 15,g/m² par pli ;
Qu'elle ajoute que le papier toilette référencé 1520.01 est livré en France par la SAS Sipinco et peut être utilisé dans un distributeur de papiers de type Lotus ou sans distributeur selon le désir du client ; que ce papier est destiné à mettre en oeuvre l'invention, ses dimensions particulières n'étant adaptées à aucun autre distributeur de papier toilette existant ; qu'il ressort des revendications 1, 2, 7 et 9 que le papier incriminé constitue un moyen de mise en oeuvre de l'invention, se rapportant à un élément essentiel de celle-ci, dès lors qu'il participe au résultat de l'invention ; qu'est ainsi constituée selon elle une contrefaçon par fourniture de moyens des revendications 1, 2, 7 et 9 ;
Considérant que la SAS Sipinco réplique que la revendication 1 du brevet ne donne aucun monopole à la SAS SCA Tissue France sur un distributeur à buse centrale dont le principe n'est pas une nouveauté et que le distributeur incriminé ne contrefait aucune des revendications du brevet ;
Qu'en ce qui concerne les actes de contrefaçon par fourniture de moyens elle fait valoir que la mention 'compatibilité SmartOne' apposée sur une étiquette n'émane pas d'elle et qu'aucune mention de compatibilité de ses rouleaux avec les produits de la SAS SCA Tissue France n'a été découverte lors des opérations de saisie-contrefaçon ;
Considérant ceci exposé, qu'il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon diligentée le 08 février 2011 au siège social de la SAS Sipinco à Vern d'Anjou, que cette société commercialise sous la référence LI661BU un distributeur de papier toilette, importé auprès du fabricant turc Rulopak, dans lequel peut être logé le rouleau de papier qu'elle commercialise sous la référence 1520.01 ;
Considérant que ce distributeur de forme cylindrique avec un couvercle bombé comporte une pièce centrale blanc trouée (buse) servant d'ouverture pour le passage du papier, le trou central du boîtier correspondant à la buse ; que selon le procès-verbal, le papier toilette sort du distributeur avec un déploiement 'raisonnable' ;
Considérant que se trouvent ainsi reproduits les éléments caractérisants de la revendication 1 ;
Considérant que selon le procès-verbal et les photographies qui y sont annexées, le dévidage se fait à partir du centre du rouleau, reproduisant ainsi la revendication 2 ; qu'il est indiqué que la buse présente une partie tronconique dont l'orifice de petit diamètre est l'orifice de distribution situé à l'extérieur par rapport au boîtier, reproduisant ainsi la revendication 3 ; que l'axe du rouleau est perpendiculaire au support de la fixation du boîtier, reproduisant ainsi la revendication 4 ; que le diamètre de l'orifice de distribution de la buse est d'environ 7mm, reproduisant ainsi la revendication 6 ;
Considérant que le procès-verbal de saisie-contrefaçon indique que le rouleau de papier toilette présente une découpe transversale de 224 mm en longueur et 134 mm en largeur, reproduisant ainsi la revendication 5, la différence d'un millimètre n'étant pas significative ; qu'il est constaté l'existence de 22 'tenons' dans la largeur de la découpe, ce qui correspond à un taux de perforation de 16,67 %, reproduisant ainsi la revendication 7 ; que selon les caractéristiques mécaniques du papier sec sa force de déchirure dans le sens de la machine est de 2,50 N, reproduisant ainsi la revendication 8 ; que le papier est à un ou deux plis, en ouate blanche, chaque pli ayant un grammage de 15,5 g/m², reproduisant ainsi la revendication 9 ;
Considérant en conséquence que la SAS Sipinco, en offrant et mettant dans le commerce un distributeur de papier toilette référencé LI661BU et un rouleau de papier référencé 1520.01, reproduisant l'ensemble des caractéristiques de l'invention objet du brevet EP 1 799 083, dont la SA SCA Tissue France est titulaire, sans son consentement, commet des actes de contrefaçon des revendications 1 à 9 de ce brevet, au sens de l'article L 613-3 du code de la propriété intellectuelle ;
Considérant qu'en ce qui concerne l'existence d'actes de contrefaçon indirecte par fourniture de moyens au sens de l'article L 613-4, il convient de relever que selon la SA SCA Tissue France elle-même son invention consiste en la nouvelle combinaison entre d'une part, part un papier toilette spécifique et d'autre part, l'utilisation d'une buse de distribution des feuilles associée à une bande de ce papier spécifique prédécoupée, de telle manière à avoir une distribution des feuilles une à une, avec un froissement réduit à la sortie de la buse (pages 10 et 11 de ses conclusions) ;
Considérant qu'il s'ensuit qu'il s'agit d'une invention de combinaison consistant dans l'association de moyens (papier toilette et buse) coopérant, en raison notamment de leur agencement particulier tel que décrit au brevet, en vue d'un résultat commun (distribution des feuilles une à une, peu froissées) ; que seul l'agencement des moyens coopérant entre eux en vue d'un résultat commun est protégé par le brevet ;
Considérant que dans un tel cas le moyen se rapportant à un élément essentiel de l'invention brevetée au sens de l'article L 613-4, ne peut consister dans l'un seulement des éléments combinés, pour le seul motif que ce moyen (en l'espèce le rouleau de papier) entre dans la constitution de l'invention et contribue au résultat qu'elle produit ;
Considérant au surplus qu'il ne saurait y avoir de contrefaçon par fourniture de moyens lorsque est fourni comme en l'espèce un consommable à intégrer au dispositif breveté, ce dernier existant indépendamment du consommable lui-même ;
Considérant enfin qu'il n'a été relevé aucun document émanant de la SAS Sipinco faisant état d'une compatibilité de ses rouleaux de papier toilette avec les distributeurs commercialisés par la SAS SCA Tissue France (anciennement Georgia Pacific France) ; qu'en effet la mention 'compatibilité Smartone' apposée sur des documents découverts à l'occasion de la saisie-contrefaçon effectuée le 08 février 2011 dans la Maison Familiale et Rurale de [Localité 4] n'est pas le fait de la SAS Sipinco, étant relevé que cette Maison Familiale et Rurale n'est pas sa cliente et qu'elle était fournie par une société GAMA 29 à laquelle elle est étrangère ;
Considérant que l'attestation du Président directeur général de la SODIP A. Reverdy selon laquelle la SAS Sipinco aurait 'présenté à la société SODIP A. REVERDY un rouleau de papier toilette référencé 1520.01 comme étant destiné à être utilisé dans des distributeurs de marque Smartone de la société Georgia Pacific FRANCE' ne saurait suffire à entraîner la conviction de la cour en l'absence de tout document objectif confirmant cette affirmation ;
Considérant en effet que cette affirmation n'est pas cohérente avec l'indication dans l'attestation que la SODIP A. Reverdy exploitait des distributeurs Rulopak qu'elle achetait également auprès de la SAS Sipinco de telle sorte que cette dernière n'aurait eu aucun intérêt à faire mention d'une compatibilité de ses rouleaux de papier 1520.01 avec les distributeurs de la SAS SCA Tissue France ;
Considérant dès lors que la seule livraison ou offre de livraison de rouleaux de papier toilette pouvant être intégrés au dispositif breveté ne saurait constituer un acte distinct de contrefaçon par fourniture de moyens ;
Considérant que la SAS SCA Tissue France sera donc déboutée de sa demande en contrefaçon par fourniture de moyens à l'encontre de la SAS Sipinco ;
Les faits de contrefaçon reprochés à la SAS Global Hygiène :
Considérant que la SAS SCA Tissue France reproche également à la SAS Global Hygiène des faits de contrefaçon indirecte dans la mesure où les rouleaux de papier référencés 1520.01 ainsi que les rouleaux de papier référencés I.366.Lnt reproduisent les caractéristiques du papier constituant un élément essentiel de l'invention objet du brevet n° EP 1 799 083 ;
Qu'elle fait valoir que ces papiers, qui sont destinés aux distributeurs SmartOne (ou leur copie) participent au résultat de l'invention objet du brevet et que selon la fiche technique des rouleaux référencés I.366.Lnt, ceux-ci sont dotés d'un mandrin extractible alors que les distributeurs de papier toilette SmartOne sont les seuls actuellement sur le marché, qui requièrent des rouleaux de papier toilette dotés de tels mandrins pour être mis en oeuvre ;
Qu'elle ajoute que ces papiers sont livrés sur le territoire français et sont destinés à être utilisés, notamment dans les distributeurs SmartOne et que de ce fait la SAS Global Hygiène commet des actes de contrefaçon par fourniture de moyens des revendications 1, 2, 7 et 9 du brevet n° EP 1 799 083 ;
Considérant que, comme la SAS Sipinco, la SAS Global Hygiène réplique qu'aucune mention de compatibilité de ses rouleaux avec les produits de la SAS SCA Tissue France n'a été découverte lors des opérations de saisie-contrefaçon ;
Qu'elle ajoute que le caractère extractible des mandrins n'entre pas dans le champ du brevet invoqué et qu'en outre les distributeurs de papier Lotus ne sont pas les seuls à fonctionner sans mandrin ;
Considérant ceci exposé, que pour les mêmes motifs que pour la SAS Sipinco, il sera indiqué que s'agissant d'une invention de combinaison, la seule livraison ou offre de livraison de rouleaux de papier toilette (au demeurant ne constituant qu'un consommable à intégrer au dispositif breveté) ne saurait constituer un acte de contrefaçon par fourniture de moyens au sens de l'article L 613-4 ;
Considérant au surplus pour les mêmes motifs relatifs notamment aux éléments découverts lors de la saisie-contrefaçon opérée dans la Maison Familiale et Rurale de [Localité 4], qu'il n'est pas davantage démontré que la SAS Global Hygiène aurait personnellement fait état d'une compatibilité des rouleaux référencés 1520.01 ou I.366.Lnt avec les distributeurs de la SAS SCA Tissue France ;
Considérant dès lors qu'en l'absence de démonstration d'actes de contrefaçon par fourniture de moyens, la SAS SCA Tissue France sera déboutée de l'ensemble de ses demandes en contrefaçon à l'encontre de la SAS Global Hygiène ;
IV : SUR LES MESURES RÉPARATRICES :
Considérant que du fait de la mise hors de cause de la SAS Global Hygiène, les demandes de réparation des préjudices de la SAS SCA Tissue ne peuvent concerner que la SAS Sipinco ;
Considérant que la SAS SCA Tissue France demande en premier lieu qu'il soit ordonné la cessation des actes de contrefaçon sous astreinte de 10.000 € par jour de retard, passé un délai de dix jours à compter de la signification du présent arrêt et en second lieu qu'il soit ordonné le rappel des circuits commerciaux de l'ensemble des produits livrés aux fins de confiscation, et ce sous astreinte de 10.000 € par jour de retard, passé un délai de dix jours à compter de la signification du présent arrêt ;
Qu'elle réclame en outre la somme de 150.000 € en réparation de son préjudice commercial et celle de 100.000 € en réparation de son préjudice moral ;
Considérant que la SAS Sipinco réplique que le préjudice commercial ne peut être déduit de son chiffre d'affaires et que le préjudice moral n'est pas démontré ; qu'elle s'oppose également à la mesure de rappel des produits, ceux-ci étant consomptibles ;
Considérant ceci exposé, que l'atteinte, par les actes de contrefaçon, au droit exclusif d'autoriser ou d'interdire l'exploitation du produit objet du brevet doit être sanctionnée pour que le breveté soit pleinement réintégré dans son droit ; qu'il convient ainsi de mettre fin à ces actes de contrefaçon en en interdisant la poursuite ou la reprise et ce, sous astreinte provisoire pour une durée de trois mois de 1.000 € par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt ;
Considérant que la liquidation de cette astreinte sera de la compétence du juge de l'exécution ;
Considérant en revanche que s'agissant de produits consomptibles, il n'y a pas lieu à ordonner le rappel des circuits commerciaux de l'ensemble des produits livrés, aux fins de confiscation ;
Considérant qu'en ce qui concerne la réparation du préjudice commercial subi du fait des actes de contrefaçon, la SAS SCA Tissue France n'évalue son préjudice qu'au regard des bénéfices réalisés par le contrefacteur sans fournir d'éléments justificatifs des éventuelles conséquences économiques négatives qu'elle aurait également subies ;
Considérant qu'il résulte du procès-verbal de saisie-contrefaçon effectuée au siège social de la SAS Sipinco que la masse contrefaisante est de 7.330 produits conditions par six rouleaux vendus au prix unitaire moyen de 10 € HT et de 72 distributeurs dont 60 ont été vendus ;
Considérant que les bénéfices réalisés par le contrefacteur ne sauraient être assimilés à son chiffre d'affaires ; qu'en fonction des éléments produits devant elle, la cour évalue le préjudice commercial subi par la SAS SCA Tissue France du fait des actes de contrefaçon à la somme globale de 25.000 € que la SAS Sipinco sera condamnée à lui payer ;
Considérant que les actes de contrefaçon causent également un préjudice moral à la SAS SCA Tissue France du fait notamment de la banalisation du produit objet de son brevet et de l'atteinte à son image du fait de la moindre qualité du papier contrefaisant ; que la cour évalue ce préjudice moral au vu des éléments de la cause à la somme de 15.000 € que la SAS Sipinco sera condamnée à lui payer ;
V : SUR LES AUTRES DEMANDES :
Considérant que si les sociétés Sipinco et Global Hygiène demandent reconventionnellement à la SAS SCA Tissue France la somme de 160.000 € en réparation du gain manqué du fait de la cessation de la fabrication des rouleaux de papier toilette incriminés depuis la délivrance de l'assignation, outre le fait que la SAS Sipinco est quant à elle déclarée coupable d'actes de contrefaçon, force est de constater qu'elles n'invoquent aucun fondement juridique à une telle demande et qu'en particulier elles n'articulent ni même n'allèguent une quelconque faute de la part de la SAS SCA Tissue France susceptible d'engager sa responsabilité délictuelle à ce titre ; qu'elles seront donc déboutées de ce chef de demande ;
Considérant que dans la mesure où chacune des parties n'obtient que partiellement gain de cause en leurs demandes respectives, l'équité ne commande pas le prononcé de condamnations au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Considérant que pour les mêmes motifs il sera jugé que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel ;
P A R C E S M O T I F S
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement ;
Déclare sans objet la demande de sursis à statuer ;
Infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau :
Déboute les sociétés Global Hygiène et Sipinco de leur demande principale en annulation de la partie française du brevet européen EP 1 799 083 pour défaut de clarté et insuffisance de description ;
Déboute les sociétés Global Hygiène et Sipinco de leur demande subsidiaire en annulation de la partie française du brevet européen EP 1 799 083 pour absence d'activité inventive ;
Dit qu'en offrant et mettant dans le commerce des distributeurs de papier toilette référencés LI661BU et des rouleaux de papier toilette référencés 1520.01, reproduisant l'ensemble des caractéristiques de l'invention objet du brevet EP 1 799 083, dont la SA SCA Tissue France est titulaire, sans son consentement, la SAS Sipinco a commis des actes de contrefaçon des revendications 1 à 9 de ce brevet, au sens de l'article L 613-3 du code de la propriété intellectuelle ;
Déboute la SA SCA Tissue France de ses demandes en contrefaçon par fourniture de moyens à l'encontre de la SAS Sipinco ;
Déboute la SA SCA Tissue France de l'ensemble de ses demandes en contrefaçon par fourniture de moyens à l'encontre de la SAS Global Hygiène ;
Fait interdiction à la SAS Sipinco, directement ou indirectement par toute personne physique ou morale interposée, de fabriquer, d'utiliser, de détenir, d'offrir en vente, de vendre, de livrer ou d'offrir de livrer des distributeurs de papier toilette avec du papier toilette, reproduisant les caractéristiques de l'invention objet du brevet EP 1 799 083, dont la SA SCA Tissue France est titulaire, et ce sous astreinte provisoire pour une durée de TROIS (3) MOIS de MILLE EUROS (1.000 €) par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt ;
Dit que la liquidation de cette astreinte sera de la compétence du juge de l'exécution ;
Déboute la SA SCA Tissue France de sa demande de rappel des circuits commerciaux des produits livrés aux fins de confiscation ;
Condamne la SAS Sipinco à payer à la SA SCA Tissue France la somme de VINGT CINQ MILLE EUROS (25.000 €) à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice commercial ;
Condamne la SAS Sipinco à payer à la SA SCA Tissue France la somme de QUINZE MILLE EUROS (15.000 €) à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
Déboute les sociétés Sipinco et Global Hygiène de leur demande reconventionnelle en paiement en réparation de leur manque à gagner ;
Dit n'y avoir lieu à prononcer de condamnations au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de la procédure de première instance et d'appel.
LE PRÉSIDENTLE GREFFIER