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20/11/2014 | FRANCE | N°13/06054

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 20 novembre 2014, 13/06054


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 20 NOVEMBRE 2014



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/06054



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Février 2013 - Tribunal de Commerce de BOBIGNY - 5ème chambre - RG n° 2009F00949





APPELANTES



SA AIRCELLE

ayant son siège social [Adresse 10]

[Adresse 10]>
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



SA ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY (FRANCE)

ayant son siège social [Adresse 11]

[Adresse 11]

pr...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 20 NOVEMBRE 2014

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/06054

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Février 2013 - Tribunal de Commerce de BOBIGNY - 5ème chambre - RG n° 2009F00949

APPELANTES

SA AIRCELLE

ayant son siège social [Adresse 10]

[Adresse 10]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

SA ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY (FRANCE)

ayant son siège social [Adresse 11]

[Adresse 11]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

SA CNA INSURANCE

ayant son siège social [Adresse 5]

[Adresse 5]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Société XL INSURANCE

Société de droit Anglais dont l'établissement en France est situé [Adresse 7]

ayant son siège social [Adresse 9]

[Adresse 9]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

SA GENERALI IARD

ayant son siège social [Adresse 8]

[Adresse 8]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Société HELVETIA COMPAGNIE SUISSE D'ASSURANCE

Société de droit suisse dont l'établissement en France est situé [Adresse 2]

ayant son siège social [Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentées par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

Assistées de Me Bruno SEYBOLD, avocat au barreau de PARIS, toque C1771, substituant Me Sylvie NEIGE, avocat au barreau de PARIS, toque C1771

INTIMEES

Société HENRY JOHNSONSONS & CO LIMITED

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

SA AXA FRANCE IARD

ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 3]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentées par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Assistées de Me Cyril BOURAYNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0369

PARTIES INTERVENANTES :

Société MID AMERICA OVERSEAS INC

ayant son siège social [Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Société de droit américain prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Jean-Didier MEYNARD de la SCP BRODU CICUREL MEYNARD, à la Cour, toque : P0240

Assistée de Me Vy loan HUYNH-OLIVIERI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0132

SOCIETE ENVOYE SPECIAL NORMANDIE

ayant son siège social [Adresse 12]

[Adresse 12]

[Adresse 12]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

régulièrement assignée, n'ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Octobre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente de chambre,

Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président, chargé du rapport

Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER

ARRÊT :

- défaut.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

Faits et procédure

Le 18 octobre 2007, la société Aircelle a acheté auprès de la société Cytec USA, 800 mètres de tissu en fibre de carbone, imprégnés de résine polymère destinés à la fabrication d'éléments de réacteurs. Ces éléments doivent être conservés à -18° C et la société Aircelle en a confié le transport depuis les Etats-Unis jusqu'à son site de production en France, à la société Henry Johnson, commissionnaire de transport.

La société Henry Johnson a sous-traité le transport terrestre aux Etats Unis et le transport aérien à la société Mid America Overseas, elle-même commissionnaire, et le transport terrestre final à la société Envoyé Spécial. La société Mid America Overseas a elle-même sous-traité le transport terrestre aux Etats Unis à la société Four Star Courier, et le transport aérien depuis [Localité 1] vers [Localité 2], à la société American Airlines.

Le contrat prévoyait une durée de transit entre la sortie d'usine et la livraison à Aircelle de l'ordre de 36 à 48 heures, avec une tolérance maximale de 48 à 72 heures, la marchandise devant être conservée à froid pendant le transport.

La société Cytec, fournisseur de la marchandise, l'a mise à disposition le 16 juin 2008. Deux colis, arrivés écrasés à l'aéroport de [Localité 1], ont été reconditionnés par Cytec. La marchandise a été expédiée par avion le 23 juin 2008. La société Mid America Overseas a obtenu auprès de la société L & L Propac les recharges de produit réfrigérant pour le stockage de la marchandise.

Le 25 juin 2008, la société Aircelle a réceptionné la marchandise. Invoquant une rupture de la chaîne du froid rendant le produit impropre à son utilisation, elle a émis des réserves auprès du commissionnaire de transport, la société Henry Johnson. Une expertise amiable a été diligentée à l'initiative de la compagnie d'assurance Axa, assureur de la société Henry Johnson, expertise dont les conclusions ont été contestées par la société Aircelle.

En l'absence d'accord entre les parties, la société Aircelle a assigné les sociétés Henry Johnson et Axa devant le tribunal de commerce de Bobigny, par acte d'huissier en date du 22 juin 2009. Le 25 juin 2009, la société Henry Johnson a assigné en garantie devant ce même tribunal les sociétés Envoyé spécial Normandie, Mid America Overseas, American Airlines Four Star Courier et L & L Propac.

Mid America Overseas ayant soulevé l'incompétence du tribunal au profit du tribunal fédéral de l'Illinois, le tribunal de commerce de Bobigny s'est déclaré compétent par jugement du 15 juin 2010, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 décembre 2010.

Par jugement rendu le 19 février 2013, le tribunal de commerce de Bobigny a :

dit la société Aircelle et ses assureurs non fondés en leurs demandes et les en a déboutés ;

débouté toutes les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

condamné la société Aircelle et ses assureurs à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes de 8.000,00 euros et 5.000,00 euros respectivement aux sociétés Henry Johnson et Mid America Overseas.

La société Aircelle et ses assureurs les sociétés Allianz Global Corporate § Speciality, CNA Assurance, XL Insurance, Generali IARD et Helvetia Compagnie Suisse d'Assurance ont interjeté appel de ce jugement le 26 mars 2013.

Le 1er août 2013, la société Henry Jonhnson et son assureur Axa ont assigné la société Mid America Overseas et la société Envoyé Spécial Normandie.

La société Aircelle et ses assureurs Allianz Global Corporate § Speciality, CNA Assurance, XL Insurance, Generali IARD et Helvetia Compagnie Suisse d'Assurance, par leurs dernières conclusions signifiées le 23 septembre 2013, demandent à la Cour de :

confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a déclaré la société Aircelle et ses assureurs recevables à agir ;

l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau :

dire que la société Henry Johnson, commissionnaire de transport, ne peut pas opposer la fin de non-recevoir de l'article L133-3 du code de commerce,

En conséquence,

déclarer les appelantes recevables à agir ;

dire que la survenance des dommages au cours du transport engage l'entière responsabilité de la société Henry Johnson ;

en conséquence, dire les demandes des appelantes bien fondées ;

condamner in solidum la société Henry Johnson et son assureur Axa à payer aux assureurs de la société Aircelle la somme de 114.040,84 euros au principal, avec intérêts de droit à compter de l'assignation et capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil ;

les condamner in solidum à payer aux mêmes la somme de 6.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 La société Aircelle et ses assureurs soutiennent qu'elles disposent bien d'un intérêt à agir, en ce qui concerne :

- tant la société Aircelle, qui a personnellement subi les conséquences dommageables de la perte de la marchandise, en tant que destinataire ;

- que les assureurs qui étaient tenus, aux termes de la police d'assurance souscrite, d'indemniser Aircelle pour les dommages subis, ce qu'ils ont fait le 8 juillet 2009, et qui indiquent rapporter la preuve de la réalité du paiement effectué par un courtier d'assurance, comme il est d'usage dans la profession, et du paiement final de la somme par les assureurs, qui sont de ce fait subrogés dans les droits de la société Aircelle et ont donc intérêt à agir.

Les appelantes soutiennent à titre subsidiaire que, si la Cour venait à considérer que les assureurs ne rapportent pas la preuve du paiement et qu'ils ne sont donc pas subrogés dans les droits de la société Aircelle, cette dernière demeurerait recevable à agir.

Elles soutiennent par ailleurs :

- que la forclusion pour défaut de réserve dans un délai de trois jours après la livraison ne s'applique :

* qu'au seul contrat de transport terrestre national, que le commissionnaire de transport ne peut donc s'en prévaloir, sauf lorsqu'il voit sa responsabilité recherchée du seul fait de son substitué, transporteur terrestre national, hypothèse dans laquelle il peut opposer la forclusion à son donneur d'ordre ;

* qu'aux actions en responsabilité contre le voiturier pour avarie ou perte partielle de la marchandise, et non en cas de perte totale, ce qui est le cas ;

- que c'est à tort que le commissionnaire de transport Henry Johnson oppose la forclusion de la demande du destinataire, alors que sa responsabilité est en l'espèce recherchée, non pour son substitué, mais pour son fait personnel.

Sur le fond, la société Aircelle et ses assureurs soutiennent que la société Henry Johnson, tout comme ses substitués, est présumée responsable des dommages constatés à destination, que le commissionnaire savait que le transport devait être rapide et effectué à une température négative, que la marchandise a néanmoins été maintenue pendant sept jours à température ambiante et s'est, de ce fait, trouvée inutilisable.

Enfin, elle fait valoir que la société Henry Johnson a manqué à son devoir de commissionnaire, en n'accomplissant aucune diligence pour tenter de réduire le dommage causé à la marchandise et donc à la société Aircelle.

La société Henry Johnson et son assureur la société Axa France IARD, par conclusions signifiées le 15 septembre 2014, demandent à la Cour de réformer le jugement rendu le 19 février par le tribunal de commerce de Bobigny uniquement en ce qu'il a jugé valablement subrogée dans les droits de la société Aircelle ses assureurs, et : 

- à titre principal,

de déclarer l'action des assureurs de la société Aircelle ou subsidiairement la société Aircelle elle-même irrecevable pour défaut de droit d'agir ;

de confirmer le jugement pour le surplus en ce qu'il a débouté les sociétés Aircelle et ses assureurs pour forclusion ;

- à titre subsidiaire,

de débouter les sociétés Aircelle et ses assureurs de leurs demandes, faute pour elles de rapporter la preuve de l'existence d'un dommage à la livraison ;

- à titre plus subsidiaire,

.de les débouter de leurs demandes en raison du conditionnement et du chargement défectueux, exonératoire de la responsabilité de la société Henry Johnson ;

- en tout état de cause,

de condamner in solidum les sociétés Envoyé spécial Normandie et Mid America Overseas, ou l'une à défaut de l'autre, à garantir intégralement les sociétés Henry Johnson et AXA de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à leur encontre ;

de condamner toute partie succombante à leur payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés Henry Johnson et Axa font valoir :

- que les assureurs ne rapportent la preuve ni du paiement de la société Aircelle par le courtier AON France, ni du paiement des compagnies d'assurance au courtier ;

- que les compagnies d'assurance ne sont donc pas en mesure de justifier d'une subrogation légale ;

- que le défaut de subrogation des assureurs ne redonne pas pour autant un droit à agir à la société Aircelle dès lors que celle-ci démontre avoir été désintéressée à hauteur de 114.040,84 euros ;

- qu'en conséquence, les demandes tant des assureurs que de l'assurée doivent être déclarées irrecevables.

Henry Johnson et Axa soutiennent que l'action de la société Aircelle est en tout état de cause forclose, faute pour elle d'avoir émis des réserves dans le délai qui lui était imparti ; elles précisent que la société Aircelle et ses assureurs ne sauraient invoquer, pour écarter l'application de la forclusion, ni la faute personnelle du commissionnaire de transport, ni la perte totale de la marchandise, que même dans le cas où elles se fonderaient sur une hypothétique faute de la société Henry Johnson, le délai de forclusion resterait applicable. Elles ajoutent que le fait que la marchandise ait été considérée comme inutilisable 15 jours après sa livraison, ne s'apparente pas à une perte totale, mais à une perte partielle, ce qui exclut qu'il soit fait échec à la forclusion. Elles prétendent que la présomption de responsabilité du commissionnaire pour son fait personnel ou celui de ses substitués, ne vaut que pour les dommages signalés comme établis ou existants lors de la livraison, et non 10 jours après, et qu'en conséquence, la société Aircelle ne prouve pas l'existence du dommage à la livraison. Elles ajoutent qu'à défaut, se produit au moment de la livraison, un renversement de la charge de la preuve, et que c'est donc à la société Aircelle de prouver que la livraison n'a pas été conforme, ce qu'elle ne fait pas dès lors qu'il ressort du rapport d'expertise que la durée de vie du produit est de dix jours à température ambiante, que le transport a duré neuf jours, que la marchandise a été exposée à une température ambiante d'au maximum sept jours, qu'il n'est donc pas démontré que les marchandises étaient inutilisables à la livraison, d'autant que la société Aircelle ne l'a remise à la température de conservation optimale que le lendemain, que, si la marchandise avait été placée au froid immédiatement après la livraison, elle aurait été conservée en l'état car elle aurait passé moins de dix jours à conservation ambiante, que c'est donc Aircelle qui est à l'origine de son propre dommage. Elles précisent que la faute de la société Aircelle est également établie en ce que le moyen de conditionnement choisi par Aircelle n'était pas adapté à la marchandise, qu'il ressort en effet des relevés de température joints au rapport d'expertise que la température initiale de la marchandise était positive, puis a été abaissée à -16°C, pour ne jamais descendre en dessous, ce qui prouve que, même avant d'être remise au transporteur, la marchandise n'a jamais atteint -18° C, preuve du caractère inadapté du conditionnement choisi, de sorte que la société Henry Johnson est exonérée de toute responsabilité.

Elles réfutent par ailleurs tout manquement du commissionnaire de transport à un quelconque devoir de conseil, la société Aircelle étant un professionnel expérimenté et un tel devoir, limité en tout état de cause au champ de l'opération de transport, ne concernant pas le conditionnement.

En ce qui concerne par ailleurs le stockage à l'aéroport de [Localité 1], le non-maintien de la marchandise en chambre froide n'est nullement le fait d'un des commissionnaires, mais résulte d'une part du fait que l'affectation des chambres froides de l'aéroport aux seules denrées alimentaires, d'autre part du refus de la société Cytec, lors du retour de deux colis, de récupérer l'ensemble de la marchandise pour la conserver dans ses locaux. Il ne peut enfin être reproché aux deux commissionnaires de n'avoir pas été diligents car, pour optimiser la conservation des marchandises, ils ont procédé, à leur frais, au rechargement de la carboglace.

Les sociétés Henry Johnson et Axa soutiennent enfin que si la Cour venait à déclarer le commissionnaire de transport responsable, cela ne pourrait être qu'au titre du fait de ses substitués, qu'en cette hypothèse, la société Henry Johnson et son assureur seraient fondés à appeler en garantie lesdits substitués, la société Envoyé Spécial Nord et la société Mid America Overseas. Elle fait valoir que la société Mid America Overseas ne peut se prévaloir de l'application des conditions générales qui renvoient à la loi américaine, en ce qu'elle ne les a jamais communiquées à la société Henry Johnson, qui n'a donc pas pu les accepter. Par ailleurs, elles précisent qu'en application de la convention de Rome, c'est le droit français qui présente le plus de liens avec l'affaire et est donc applicable. Même à défaut, la responsabilité de Mid America Overseas en tant qu'agent commissionnaire au regard du droit américain devrait être retenue, en ce que la société Mid America Overseas a manqué à son obligation qui était de conserver les marchandises à des températures négatives.

La société Mid America Overseas, par dernières conclusions signifiées le 10 septembre 2014, demande à la Cour de :

.déclarer irrecevable l'action des sociétés Henry Johnson et Axa France en tant que dirigée contre la société Mid America Overseas ;

En tout état de cause,

débouter les sociétés Henry Johnson et Axa en toute autre partie de l'ensemble de leurs demandes en tant que dirigées contre la société Mid America Overseas ;

les condamner à payer chacune à la société Mid America Overseas la somme de 12.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Mid America Overseas soutient que la société Aircelle est forclose en son action pour ne pas avoir émis de réserve dans les délais de trois jours de la livraison, que la société Henry Johnson, en sa qualité de garante de la société Envoyé Spécial, transporteur terrestre en France, a bénéficié de cette forclusion et que celle-ci s'étend à l'appel en garantie formé à l'encontre de la société Mid America Overseas. Elle ajoute encore que la forclusion trouve bien à s'appliquer en ce que d'une part la société Aircelle recherche la responsabilité du commissionnaire de transport non seulement pour sa faute personnelle, mais aussi pour celle de ses substitués, d'autre part la preuve de la perte totale de la marchandise n'est pas rapportée par la société Aircelle puisque cette dernière ne fait état que d'une détérioration liée aux conditions de transport, qu'il y a donc eu perte partielle et que le destinataire était astreint à l'émission de réserves dans les trois jours de la réception, que la demande de la société Aircelle est irrecevable pour forclusion, et dès lors l'action en garantie des sociétés Henry Johnson et AXA n'a plus d'objet et est, par corollaire, également irrecevable.

Elle ajoute que dans la relation qui la lie à la société Henry Johnson, ce n'est pas le droit français qui s'applique, mais le droit fédéral américain, comme prévu dans les conditions générales de la société Mid America Overseas, qui stipule l'application en particulier du droit de l'Etat de l'Illinois.

Elle soutient que cette clause est parfaitement applicable à l'espèce, même dans l'hypothèse où il serait reconnu que la société Mid America Overseas n'a pas rempli de formalisme particulier, car une telle obligation de forme ne s'applique qu'à la clause attributive de compétence et non à la clause relative au droit applicable qui est en l'espèce invoquée. Elle affirme qu'au regard de la convention de Rome invoquée par la société Henry Johnson, le pays avec lequel les liens les plus étroits sont établis sont les Etats Unis, et non la France comme cette dernière le prétend. Que dès lors, le droit américain serait applicable, même dans le cas où la clause n'aurait pas de force obligatoire.

La société Mid America Overseas verse au débat une consultation d'avocat qui explique le régime du commissionnaire de transport aux Etats Unis. Il existe deux types de commissionnaire de transport aux Etats Unis : le commissionnaire - agent et le commissionnaire considéré comme un véritable transporteur. Le premier ne peut être tenu responsable que pour les fautes qu'il a lui-même commises, tandis que le second est en plus tenu des fautes de ses substitués, soit le même régime que le commissionnaire de transport en France. La société Mid America Overseas affirme entrer dans la première catégorie de commissionnaire, en tant que simple agent. Dès lors, elle n'est responsable vis-à-vis de la société Henry Johnson que pour ses fautes personnelles. Le préjudice allégué résulte du non-maintien à température des marchandises, ce qui est le fait du transporteur, et la société Henry Johnson ne rapporte pas la preuve d'une faute de la société Mid America Overseas en lien de causalité avec le préjudice allégué par Aircelle.

A titre subsidiaire, et si la cour venait à appliquer le droit français, la société Mid America Overseas invoque une faute de l'expéditeur, la société Cytec. Tout d'abord parce que la société Cytec n'a pas remis les marchandises à la température qu'elle préconisait, soit -18°, mais à la température de -14°c. De plus elle savait que le conditionnement ne permettait pas une durabilité de la marchandise de plus de 72 heures. Ce procédé de conditionnement est donc suffisant pour un transport normal, de 48 à 72 heures, mais insuffisant en cas d'événement imprévisible. Le défaut de conservation de la marchandise est également, selon elle, imputable à la société Cytec, qui était la mieux informée sur les conditions de stockage de sa marchandise et qui aurait dû prendre des dispositions pour en assurer la conservation, d'autant que c'est sa décision de reconditionner la marchandise qui a causé le retard à l'expédition.

A titre infiniment subsidiaire, la société Mid America Overseas invoque, comme cause exonératoire de sa responsabilité, une faute de la société Aircelle, laquelle n'a pas été suffisamment diligente dans la remise à température de la marchandise après réception, et n'a pas émis de réserve au moment de sa livraison, ce qui prouve qu'elle ne l'a pas vérifiée, et ce qui a irrémédiablement compromis toute chance de la maintenir en état, qu'Aircelle ne peut donc se prévaloir de la perte totale qu'elle invoque.

La société Envoyé Spécial Normandie n'a pas constitué avocat.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes de la société Aircelle et de ses assureurs

Considérant qu'aux termes de l'article L 121-12 du code des assurances, 'l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.' ; qu'il s'infère de cette disposition que la subrogation légale ne peut jouer en faveur de l'assureur qu'à la condition que la preuve soit rapportée d'une part du paiement par ses soins de l'indemnité d'assurance, d'autre part d'un paiement effectué en exécution par lui de ses obligations contractuelles ;

Considérant que, sur la recevabilité de l'action de l'assurée, est produite la copie du chèque en date du 8 juillet 2009 émis pour un montant de 114.040,84 euros par le courtier d'assurance AON à l'ordre d'Aircelle et la lettre d'envoi de ce chèque faisant référence au sinistre en cause ; qu'il est ainsi justifié du paiement de l'indemnité à l'assurée ; que la société Airelle, qui ne réclame aucune autre somme que celle de 114.040,84 euros, a été remplie de ses droits ; qu'elle en conséquence est irrecevable à agir faute d'intérêt ; que le jugement sera infirmé en ce sens ;

Considérant que, sur la recevabilité des demandes des assureurs, les assureurs de la société Aircelle ne produisent aucune quittance subrogative ; que ne constitue la preuve du paiement des sociétés Allianz Global Corporate § Speciality, CNA Assurance, XL Insurance, Generali IARD et Helvetia Compagnie Suisse d'Assurance au courtier d'assurance ni la dispatch, qui ne concerne que la répartition de la charge d'indemnisation entre les co-assureurs, ni l'avis d'exécution d'un virement d'Allianz à AON en date du 24 juin 2009, avis qui ne porte aucune mention du sinistre concerné et dont le montant, de 96.934,71 euros, ne correspond pas à l'indemnité reçue par Aircelle ;

Qu'en l'absence de pièce justificative propre à établir que les assureurs ont indemnisé le courtier d'assurance au titre du préjudice objet du litige et se sont trouvés subrogés dans les droits de leur assurée, la Cour dira irrecevables les demandes des sociétés Allianz Global Corporate § Speciality, CNA Assurance, XL Insurance, Generali IARD et Helvetia Compagnie Suisse d'Assurance ; que le jugement sera infirmé en ce sens ;

Considérant que les condamnations prononcées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens seront confirmées ; que l'équité commande de condamner en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel :

- in solidum les sociétés Aircelle, Allianz Global Corporate § Speciality, CNA Assurance, XL Insurance, Generali IARD et Helvetia Compagnie Suisse d'Assurance à payer aux sociétés Henry Johnson et Axa France IARD la somme de 4.000,00 euros ;

- les sociétés Aircelle, Henry Johnson et Axa France IARD à payer à la société Mid America Overseas celle de 4.000,00 euros ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt de défaut et en dernier ressort,

INFIRME le jugement entrepris, sauf sur les condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens,

Statuant à nouveau,

DIT irrecevables les demandes des sociétés Aircelle, Allianz Global Corporate § Speciality, CNA Assurance, XL Insurance, Generali IARD et Helvetia Compagnie Suisse d'Assurance,

CONDAMNE, en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, in solidum :

- les sociétés Aircelle, Allianz Global Corporate § Speciality, CNA Assurance, XL Insurance, Generali IARD et Helvetia Compagnie Suisse d'Assurance à payer aux sociétés Henry Johnson et Axa France IARD la somme de 4.000,00 euros,

- les sociétés Aircelle, Henry Johnson et Axa France IARD à payer à la société Mid America Overseas la somme de 4.000,00 euros,

CONDAMNE in solidum les sociétés Aircelle, Allianz Global Corporate § Speciality, CNA Assurance, XL Insurance, Generali IARD et Helvetia Compagnie Suisse d'Assurance aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente

B.REITZER C.PERRIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 13/06054
Date de la décision : 20/11/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°13/06054 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-20;13.06054 ?
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