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20/11/2014 | FRANCE | N°12/13994

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 20 novembre 2014, 12/13994


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5



ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2014



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/13994



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 juin 2012 - Tribunal de Commerce de BOBIGNY - 5ème chambre - RG n° 2009F0806





APPELANTE



SA [R]

ayant son siège social [Adresse 1]

prise en la personne de ses représentan

ts légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistée de M...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2014

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/13994

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 juin 2012 - Tribunal de Commerce de BOBIGNY - 5ème chambre - RG n° 2009F0806

APPELANTE

SA [R]

ayant son siège social [Adresse 1]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistée de Me Loïc ALRAN, avocat au barreau de CASTRES

INTIMÉE

SARL CARGO LOGISTIC

ayant son siège social [Adresse 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Olivier DECOUR de l'AARPI GODIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R259

Assistée de Me François CITRON de l'AARPI GODIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R259

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 juillet 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Colette PERRIN, Présidente, chargée du rapport et Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente

Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller

Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

Faits et procédure

La société [R] exerce une activité d'importation de poissons d'aquarium, de coraux et d'invertébrés marins.

La société Exel Freight et la société Cargo Logistic CLL (ci-après CLL) sont deux commissionnaires en douane, qui réalisent des opérations de dédouanement et se chargent d'accomplir les formalités douanières, telles que la rédaction de déclarations en douane.

Ces deux commissionnaires en douane ont été chargés successivement par la société [R] de mener à bien ces importations, faisant d'abord appel à la société Exel Freight jusqu'au 6 juin 2002, puis à la société CLL à compter de cette date jusqu'en avril 2004.

Lors de la rédaction de certaines déclarations en douane, la société CLL a déclaré les coraux vivants, qu'elle avait la charge d'importer, à la position tarifaire correspondant au « Corail et matière similaire, bruts ou simplement préparés mais non autrement travaillés ». Cette position tarifaire étant non soumise aux droits de douane.

Le 24 janvier 2005, la société [R] a fait l'objet d'un contrôle douanier au cours duquel l'administration douanière a constaté un mauvais référencement tarifaire et a reclassé les coraux à la position correspondant au «invertébrés aquatiques », qui s'avère, quant à elle, être soumise à un droit de douane de 3,8%.

La société [R] a contesté les infractions notifiées devant la commission de conciliation et d'expertise douanière, qui a rendu son avis le 6 décembre 2005.

Le 18 mars 2008, la société [R] a engagé un recours administratif.

Le 1er avril 2008, suite au recours, l'administration des douanes a proposé à la société [R] de régler le contentieux par le biais d'une transaction, qui a été acceptée.

La société [R] a estimé que la société CLL avait commis une faute professionnelle en établissant de mauvaises déclarations en douane, lui causant ainsi un préjudice devant lui être indemnisé.

C'est dans ces conditions que la société [R] a fait assigner devant le tribunal de commerce de Bobigny, le 8 avril 2009, pour tentative et le 11 mai 2009, par acte d'huissier, la société CLL pour voir engager sa responsabilité pour faute professionnelle et obtenir ainsi réparation.

Vu le jugement rendu le 5 juin 2012, le tribunal de commerce de Bobigny a :

- dit l'action de la société [R] contractuellement prescrite,

- débouté la société [R] de sa demande principale, la dit non fondée et n'y fait pas droit,

- condamné la société [R] à payer à la société CLL la somme de 3 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté par la société [R] le 23 juillet 2012 contre décision.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société [R] le 11 juin 2014, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- Réformer le jugement dont appel.

Et, statuant à nouveau :

- dire et juger les conditions générales de la Fédération des entreprises de Transport et de Logistique (TFL) ne sont pas opposables à la société [R].

- dire et juger que la société CLL a commis une faute en retenant une position douanière erronée,

- La condamner à payer à la société [R] la somme de 27.384 € en réparation du préjudice subi,

- débouter la société CLL de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions,

- la condamner à payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

L'appelante fait valoir que le tribunal a retenu, à tort, que son action était prescrite contractuellement suite à l'écoulement d'un délai d'un an dans la mesure où ce délai de prescription est prévu uniquement par l'article 11 des conditions générales de vente établies par la Fédération des entreprises de Transport (TLF) et que la société CLL ne démontre aucunement en l'espèce, qu'elle aurait consenti à l'application de telles conditions qui lui sont donc inopposables.

Elle affirme que son action, introduite en 2009, n'est pas prescrite au regard de la date du redressement, intervenu en janvier 2005, puisque le délai de prescription devant être retenu est le délai de droit commun prévu à l'article L 110-4 du code de commerce qui était de 10 ans à l'époque des faits.

Elle soutient que la société CLL a commis une faute professionnelle en établissant une déclaration erronée en douane, déclarant les coraux vivants importés à la position douanière correspondant à des coraux morts.

A cet égard, elle souligne que la société CLL tente d'alléguer à tort avoir dédouané les coraux importés sur la base des indications et des documents CITES d'importation qu'elle lui aurait remis.

Elle fait valoir qu'elle a subi un préjudice s'élevant aux droits et taxes payés ainsi qu'à l'amende puisqu'en se fiant à la fausse position douanière, choisie par la société CLL, elle n'a pas convenablement fixé ses tarifs de vente dans la mesure où elle n'a pas pu y intégrer le coût supplémentaire généré les droits de douane dont elle se croyait dispensée.

Elle soutient enfin que contrairement à ce qu'affirme la société CLL l'amende transigée avec l'administration des Douanes résulte uniquement de la fausse application de la position tarifaire, et non d'une prétendue fraude de sa part et qu'à ce titre la société CLL ne saurait s'exonérer de lui verser la somme de 23 122 € pour réparation.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Cargo Logistic CLL le 26 mai 2014, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- constater que la demande en Justice de la société [R] de mai 2009 est fondée sur une enquête de la douane achevée le 24 janvier 2005 ;

- dire et juger l'action de la société [R] prescrite à l'encontre de la société CLL ;

En conséquence

- confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Bobigny du 5 juin 2012 en toutes ses dispositions ;

Subsidiairement

- recevoir la société CLL en ses conclusions sur le fond ;

- constater que la société [R] importait en grande partie des coraux morts et non des coraux vivants ;

- constater qu'il n'a pas été contesté par l'administration que les coraux morts relèvent de la position tarifaire de la position 0508 du tarif douanier commun ;

- dire et juger que la société [R] aurait dû opposer à l'administration des douanes le fait qu'elle importait des coraux morts, ce qu'elle n'a pas fait ;

- constater que la société [R] aurait dû opposer à l'administration des douanes la règle 3 b) des règles générales d'interprétation de la nomenclature combinée, ce qu'elle n'a pas fait dans le cadre du litige douanier ;

- dire et juger, en conséquence, que les erreurs procédurales de la société [R] ne sont pas opposables à la société CLL ;

- constater que la société [R] n'apporte pas la preuve de son préjudice ;

- constater que l'amende douanière, infligée à la société [R] et acceptée par cette dernière, est consécutive à une fraude délictuelle qu'elle a personnellement commise et reconnue, à la commission de laquelle les commissionnaires en douane sont rigoureusement étrangers ;

En conséquence,

- débouter la société [R] de toutes ses demandes ;

Y ajoutant reconventionnellement

- condamner la société [R] à payer à la société CLL la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée fait valoir que les factures versées aux débats par la société [R] renvoient aux conditions générales établies par la Fédération professionnelle des entreprises de Transport (TLF) et que par le mandat de dédouanement conclu entre elles le 1er Janvier 2004, la société [R] les avait expressément acceptées de sorte que s'applique la prescription annale prévue par l'article 11 des conditions générales de TLF.

Elle affirme, par conséquent, que l'action de cette dernière est bien prescrite, en vertu de l'application de la prescription conventionnelle, puisque celle-ci commencé à courir à la date de survenance du prétendu préjudice, à savoir le redressement notifié le 24 janvier 2005, or la constatation de ce préjudice n'a donné lieu à aucune action en justice avant mai 2009.

Elle souligne avoir sollicité en 2010 la société [R] pour qu'elle lui communique les documents CITES de juillet et novembre 2002 et de janvier et mars 2003, décrivant précisément le caractère mort ou vivant des coraux, et soutient, à la lumière de ces documents, que contrairement à ce que prétend l'appelante la majorité d'entre eux était portait mention de coraux morts.

Elle estime que c'est intentionnellement et pour cacher sa seule faute personnelle que la société [R] exclut de la communication de pièces les permis CITES d'importation comportant la mention « COR » (morts) qui correspond à la mention « dead » sur les permis d'exportation.

Elle fait valoir que les attestations sur lesquelles se fonde la société [R] pour soutenir ses prétentions sont entachées d'un sérieux doute de probité dans la mesure où elles ont été produites, à la demande de la société [R], par Monsieur [G] (successivement employé par Exel Freight puis par CLL) qui s'avère être un ami personnel du dirigeant de la société [R].

Elle énonce qu'en sa qualité de nouveau commissionnaire de la société [R], dès lors que la réponse de la société Exel Freight (concernant la position tarifaire à appliquer aux coraux) lui avait paru 'étonnante', il incombait à cette dernière de lui donner l'instruction de contacter la Douane à fin de lever ce doute.

Elle estime que, si cette diligence avait été accomplie par la société [R], cela l'aurait logiquement conduite à adresser une demande de renseignement tarifaire contraignant, mettant ainsi un terme à l'erreur de positionnement dans la nomenclature tarifaire des coraux importés.

Elle affirme, par conséquent, que c'est en connaissance de cause que l'appelante a laissé perdurer les importations sous la mauvaise position tarifaire pour bénéficier d'un taux de droits de douane nul et améliorer illégalement la rentabilité de son exploitation et la compétitivité de ses produits.

Elle fait valoir que les fautes de la société [R], qui a acquiescé au redressement douanier, sans discussion efficace ou sérieuse, sont la seule cause du préjudice qu'elle allègue et qu'elle ne saurait, en conséquence, prétendre le répercuter à son encontre.

Elle soutient également que, eu égard à sa demande de remboursement des droits de douanes, la société [R] ne peut se contenter de soutenir, sans le démontrer, que son préjudice résulterait du fait qu'elle n'aurait pas pu répercuter les droits de douane dans son prix de revente des coraux, et cela d'autant plus qu'elle a pu réaliser une marge plus importante en faisant l'économie desdits droits et accroître la compétitivité de son offre pour vendre davantage de coraux.

Enfin, elle expose d'une part que c'est le délit douanier concernant les permis CITES, distinct du litige sur l'espèce tarifaire, que la société [R] a reconnu et qui justifie à lui seul le montant élevé de la pénalité douanière qui lui a été personnellement infligée, et d'autre part, elle souligne quand acceptant cette pénalité la société [R] a reconnu avoir commis intentionnellement une fraude au droit douanier.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile

MOTIFS

Considérant que la société [R] n'a présenté en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué lequel repose sur des motifs pertinents, résultant d'une analyse correcte des éléments de la procédure, notamment des pièces contractuelles et de la juste application de la loi et des principes régissant la matière.

Considérant que la société [R] affirme que son action, introduite en 2009, n'est pas prescrite au regard de la date du redressement qui est intervenu en janvier 2005, puisque le délai de prescription devant être retenu est celui de droit commun prévu à l'article L 110-4 du code de commerce qui était de 10 ans à l'époque des faits, ramené à 5 ans par la loi du 22 juin 2008 ; qu'elle soutient que le délai de prescription prévu uniquement par l'article 11 des conditions générales de vente établies par la Fédération des entreprises de Transport (TLF) ne lui était pas opposable.

Considérant que la société CLL réplique que la société [R] avait expressément accepté les conditions générales de vente, par un mandat du 1er janvier 2004, prouvant ainsi sa parfaite connaissance des dites conditions à la date des importations et a fortiori au moment du contrôle douanier et que, par conséquent, son action est bien prescrite, en vertu de l'application de la prescription conventionnelle, puisque celle-ci commencé à courir à la date de survenance du prétendu préjudice, à savoir le redressement notifié le 24 janvier 2005 et aucune action en justice n'ayant été engagée avant mai 2009.

Considérant que, d'une part, la société [R] était en relations d'affaires avec la société CLL depuis 2002, d'autre part elle a expressément accepté les conditions générales de vente de la société CLL par un mandat du 1er février 2004 ; que si ce mandat est produit seulement en copie, celle-ci permet de constater qu'il comporte le cachet commercial de la société [R] et la signature de M. [K] [R], son dirigeant ; qu'au demeurant la société [R] n'a engagé aucune procédure pour faux ; qu'en conséquence il caractérise l'accord des parties.

Considérant en conséquence qu'il résulte de l'accord des parties qu'elles ont entendu appliquer à leurs relations les conditions générales de vente établies par la Fédération des entreprises de Transport (TLF) et donc un délai de prescription d'un an.

Considérant que, si ces dispositions prévoient que ce délai se décompte à partir de l'exécution du contrat, en l'espèce celui-ci n'a pu courir que lorsque le procès verbal d'infraction a été notifié en 2005 alors même que les relations entre les parties avaient cessé ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont fait courir ce délai à compter de la date de survenance du préjudice à savoir la date de notification du redressement, soit le 24 janvier 2005.

Considérant qu'il n'y a pas lieu d'examiner les moyens de la société [R] sur le fondement d'une faute commise par la société CLL.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Considérant que la société CLL a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré,

Y ajoutant

CONDAMNE la société [R] à payer à la société CLL la somme de 4 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la société [R] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente

B.REITZER C.PERRIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 12/13994
Date de la décision : 20/11/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°12/13994 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-20;12.13994 ?
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