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20/11/2014 | FRANCE | N°12/05085

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 20 novembre 2014, 12/05085


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 20 novembre 2014 après prorogation

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/05085

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Avril 2012 par le Conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 08/06720





APPELANTE

SA ERIC SOCCER

[Adresse 1]

représentée par Me Fiodor RILOV, avocat au barreau de PARIS, toque : P0157



INTIMEE

S

- Monsieur [J] [V] [E] (décédé)



- Madame [Y] [N] épouse [V] [E] ayant-droit de Monsieur [J] [V] [E]

[Adresse 2]



- Mademoiselle [Z] [V] [E] ayant-droit de Monsieur [J] [V...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 20 novembre 2014 après prorogation

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/05085

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Avril 2012 par le Conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 08/06720

APPELANTE

SA ERIC SOCCER

[Adresse 1]

représentée par Me Fiodor RILOV, avocat au barreau de PARIS, toque : P0157

INTIMEES

- Monsieur [J] [V] [E] (décédé)

- Madame [Y] [N] épouse [V] [E] ayant-droit de Monsieur [J] [V] [E]

[Adresse 2]

- Mademoiselle [Z] [V] [E] ayant-droit de Monsieur [J] [V] [E]

[Adresse 2]

- Mademoiselle [G] [V] [E] ayant-droit de Monsieur [J] [V] [E]

[Adresse 2]

Non comparantes, Représentées par Me Joëlle HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0206

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 Mars 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président

Madame Evelyne GIL, Conseillère

Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Evelyne GIL, conseillère faisant fonction de Présidente et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'appel régulièrement formé par la société Éric SOCCER contre un jugement du conseil de prud'hommes de PARIS en date du 27 avril 2012 ayant statué sur le litige qui l'a opposé à [J] [V] [E] ;

Vu le jugement de départage déféré ayant :

- dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par [J] [V] [E] s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- constaté que la moyenne des 3 derniers mois de salaire s'élève à 38'461,54 €,

- condamné la SA Éric SOCCER à payer aux consorts [V] [E] les sommes de :

- 38'461,54 € au titre du salaire du 17 avril au 16 mai 2008,

avec intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2008 sur 17'160,92 € et à compter du

11 décembre 2009 sur le surplus,

- 3 846,15 € à titre de congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2009,

- 115'384,62 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 11'538,46 € à titre de congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2008,

- 24'038,46 € à titre de prorata de 13ème mois,

- 2 403,85 € à titre de congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2012,

- 10'069 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

avec intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2008,

- 76'923,08 € € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

- 100 € à titre de dommages et intérêts pour non remise des documents de rupture,

- 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les consorts [V] [E] du surplus de leurs demandes et la SA Éric SOCCER de sa demande reconventionnelle et de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné cette dernière aux dépens ;

Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :

La société Éric SOCCER SA, appelante, poursuit:

- l'infirmation du jugement entrepris,

- le débouté des ayants droit de [J] [V] [E] de l'intégralité de leurs demandes,

- leur condamnation à lui payer les sommes de :

- 3 000 € au titre de l'exercice abusif de l'action,

- 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en sus des entiers dépens ;

[Y] [N] veuve de [J] [V] [E],

[Z] [V] [E], née le [Date naissance 2] 1989,

[G] [V] [E], née le [Date naissance 1] 1993,

ayants droit intimés de [J] [V] [E], décédé le [Date décès 1] 2010; concluent :

- à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il porte condamnation au paiement de rappels de salaire et de congés payés à titre de prorata de 13ème mois, des indemnités compensatrices de préavis et de congés payés sur préavis, et de l'indemnité légale de licenciement,

- à sa réformation sur le montant des condamnations prononcées à titre de rappels de salaire et de congés payés et à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

- y ajoutant, à la condamnation de la société Éric SOCCER SA à lui payer les sommes de:

- 41'666,67 € à titre de rappel de salaire,

- 4 166,66 € à titre d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire,

- 692'307 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

- 149'650 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la non remise des documents de rupture du contrat de travail,

- 83'333,34 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- au débouté de la société Éric SOCCER de toutes ses demandes,

- à sa condamnation aux intérêts au taux légal à compter du jugement du 27 avril 2012 et aux entiers dépens.

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Éric SOCCER SA est une société holding ayant pour activité la gestion administrative, financière et juridique des sociétés dans lesquelles elle détient une participation et, parmi elles, la Société Anonyme Sportive Professionnelle OLYMPIQUE DE MARSEILLE (O.M) dont elle détient 100 % des actions.

[J] [V] [E] était membre du conseil de surveillance de la société anonyme OLYMPIQUE DE MARSEILLE. Il a démissionné de ses fonctions et, par délibération du 2 février 2005, le conseil de surveillance de cette société, prenant acte de sa démission, a décidé de le nommer, à compter de cette date, membre du directoire, directeur général et vice-président du directoire de la société OLYMPIQUE DE MARSEILLE jusqu'au 2 février 2007, date d'expiration de ses fonctions, étant rappelé que le président du directoire était Pape [H] qui était également responsable du département sportif.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée signé le 7 février 2005, la société Éric SOCCER SA a engagé à compter de cette date [J] [V] [E], à temps complet, en qualité de ' directeur du développement en charge des relations avec les filiales', moyennant une rémunération brute annuelle de 500'000 € versée sur 13 mois. En son dernier état, la rémunération brute mensuelle du salarié s'élevait à 38'573,70 €.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 10 janvier 2008, [J] [V] [E] a mis fin à son mandat social de directeur général de la société OLYMPIQUE DE MARSEILLE et à tous les autres mandats sociaux qu'il exerçait au sein du groupe de l'OLYMPIQUE DE MARSEILLE.

Par lettre recommandée du 1er février 2008 suivie de plusieurs courriers confirmant son offre, le président du conseil d'administration de la société Éric SOCCER lui a proposé de continuer à exercer sa mission à l'intérieur du groupe Olympique de Marseille en qualité de détaché aux fonctions de directeur financier, reportant directement au directoire de l'Olympique de Marseille SASP, les éléments de son contrat de travail du 7 février 2005 restant inchangés.

[J] [V] [E], estimant qu'il ne pouvait exercer les fonctions proposées de directeur financier détaché au sein du groupe OM dans le cadre de son contrat de travail qui lui impartissait des tâches et un objectif précis, a sollicité la conclusion d'un avenant à son contrat de travail.

Refusant un tel avenant, la société Éric SOCCER l'a mis en demeure de reprendre son poste le 7 avril, puis le 16 avril 2008.

Par lettre recommandée du 5 mai 2008 présentée le 9 mai 2008, elle l'a convoqué à se présenter le 14 mai 2008 à un entretien préalable à une mesure de licenciement envisagée à son égard.

Par lettre recommandée du 16 mai 2008, [J] [V] [E] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur pour défaut de paiement de son salaire depuis un mois et absence de fourniture de mission en rapport avec son contrat de travail.

Il a saisi le conseil de prud'hommes de PARIS, le 11 juin 2008, de ses demandes en paiement de rappels de salaire et de congés payés, d'indemnités de fin de contrat et de dommages-intérêts.

Statuant sur l'exception d'incompétence soulevée par la société Éric SOCCER au motif de l'absence de validité du contrat de travail, le conseil de prud'hommes de PARIS, par jugement du 11 décembre 2009, s'est déclaré compétent pour juger le litige.

Saisie d'un contredit formé par la société Éric SOCCER, la cour d'appel de PARIS, par arrêt du 9 septembre 2010, a rejeté le contredit et renvoyé l'affaire devant le conseil de prud'hommes de PARIS pour qu'il soit statué au fond.

[J] [V] [E] est décédé le [Date décès 1] 2010. Sa veuve et ses deux filles ont informé la société Éric SOCCER qu'elles reprenaient l'instance en leur qualité d'ayants droit.

Les parties ont développé à l'audience leurs moyens et présenté leurs demandes, tels que formulés dans leurs conclusions respectives.

SUR CE

- Sur le contrat de travail

La société Éric SOCCER conteste tant l'existence que l'exécution du contrat de travail,

' absorbées ' par le mandat social que détenait [J] [V] [E] au sein du directoire de la société.

Aux termes du contrat de travail qui lui a été consenti le 7 février 2005, [J] [V] [E] devait en sa qualité de ' directeur du développement en charge des relations avec les filiales ', placé sous la responsabilité de la direction générale de la société, mettre notamment en oeuvre les moyens nécessaires à une bonne connaissance de l'image l'entreprise et de ses actions à l'extérieur, élaborer et assurer le contrôle de toutes les opérations nécessaires à la promotion de cette image, y compris recruter des équipes nécessaires pour le seconder dans ces tâches. Il avait également pour objectif principal de réduire les charges du groupe et de parvenir, dès l'année 2005/2006, à un équilibre d'exploitation consolidé, après amortissement normal et exceptionnel des joueurs.

La description de la mission confiée au directeur du développement montre qu'il s'agissait de fonctions manifestement techniques consistant à promouvoir l'image du groupe et à en réduire les charges, de sorte qu'elles ne se confondaient pas avec les fonctions relevant de son mandat social. Ces fonctions se sont exercées sous l'autorité et la subordination de la direction générale de la société Éric SOCCER que [J] [V] [E] consultait lors des négociations qu'il menait, ainsi que cela ressort des échanges de courriels versés au dossier.

La société Éric SOCCER ne peut sérieusement soutenir que le contrat de travail n'est pas effectif en ce qu'il n'aurait pas été exécuté de février 2005 à avril 2008, alors qu'elle ne justifie d'aucune observation faite au salarié pour son absence ou son insuffisance de travail et alors qu'elle lui a régulièrement versé ses salaires jusqu'au 16 avril 2008.

Dans son arrêt définitif du 9 septembre 2010, la cour d'appel de PARIS a rejeté le contredit et fondé la compétence de la juridiction prud'homale sur l'existence d'un contrat de travail ayant uni [J] [V] [E] à la société Éric SOCCER par un lien effectif de subordination. Les moyens à nouveau développés par la société appelante au soutien de l'absence de contrat de travail qu'elle oppose aux ayants droit de l'intimé ne seront pas, en conséquence, retenus.

- Sur la rupture du contrat de travail et ses conséquences

La société Éric SOCCER n'a pas poursuivi la procédure de licenciement qu'elle a engagée le 5 mai 2008 par l'envoi de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement envisagé de [J] [V] [E].

Celui-ci a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur, le 16 mai 2008, invoquant la cessation du paiement de son salaire depuis un mois ainsi que l'absence de mission depuis la mi-janvier 2008.

Le grief tiré de l'arrêt du paiement des salaires est justifié par le dernier bulletin de paie délivré à [J] [V] [E] pour la période du 1er au 16 avril 2008.

Les nombreuses lettres du salarié du 10 janvier au 16 avril 2008 sollicitent la reprise de ses activités professionnelles dans le cadre d'un contrat de travail modifié tenant compte des nouvelles conditions dans lesquelles il devrait accomplir les missions confiées et démontrent qu'il était à la disposition de son employeur pour remplir des tâches correspondant à sa nouvelle position dans l'entreprise. La société Éric SOCCER ne pouvait exiger de son directeur du développement chargé des relations avec les filiales du groupe qu'il accepte son détachement au sein du groupe OLYMPIQUE DE MARSEILLE en qualité de directeur financier. S'agissant de la modification de son emploi, et donc d'un élément essentiel du contrat de travail, elle ne pouvait sanctionner son refus d'acceptation de la modification proposée par l'arrêt de la fourniture de travail et par la cessation du paiement de ses salaires. En procédant ainsi, elle a commis une faute dont la gravité ne pouvait permettre la poursuite de la relation de travail. La prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié est donc justifiée et c'est à raison que le conseil de prud'hommes a estimé qu'elle devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

Les premiers juges ont correctement fixé le montant du salaire et des congés payés dus jusqu'à la prise d'acte de la rupture, des rappels de salaire et de congés payés au titre du 13ème mois ainsi que les indemnités compensatrices de préavis, de congés payés sur préavis et l'indemnité légale de licenciement.

En considération des circonstances de la rupture, de l'ancienneté et de l'âge du salarié et au vu des éléments de préjudice versés au dossier, la réparation du dommage causé par la rupture aux torts de l'employeur sera portée à 100'000 €.

L'absence de remise au salarié ayant pris acte de la rupture des documents de fin de contrat de travail lui a causé un préjudice certain qui sera réparé par l'allocation de 5'000 € de dommages et intérêts.

En revanche, la preuve du préjudice résultant de la résistance abusive de la société appelante n'ayant pas été apportée, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages et intérêts formée de ce chef.

Il n'y a pas davantage lieu à dommages et intérêts au bénéfice de la société Éric SOCCER au titre de ' l'exercice abusif de l'action '.

- Sur la charge des dépens et les demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Succombant en son recours, la société Éric SOCCER sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés, les dispositions prises sur les dépens de première instance et les frais irrépétibles étant confirmées. Il y a lieu, en équité, d'accorder aux ayants droit de [J] [V] [E] le remboursement de leurs frais non taxables dans la limite de 3 000 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement déféré à l'exception du montant des condamnations prononcées à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et pour non remise des documents de rupture ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Éric SOCCER SA à payer à [Y] [N] veuve [V] [E], à [Z] [V] [E] et à [G] [V] [E] en leur qualité d'ayants droit de [J] [V] [E] les sommes de :

- 100'000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, avec intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2012 sur 76'923,08 € et à compter du présent arrêt sur le surplus,

- 5'000 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de remise des documents de fin de contrat, avec intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2012 sur 100 € et à compter du présent arrêt sur le surplus,

- 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la société Éric SOCCER SA aux dépens de l'appel.

Le Greffier,P/le Président empêché,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 12/05085
Date de la décision : 20/11/2014

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°12/05085 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-20;12.05085 ?
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