La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/11/2014 | FRANCE | N°13/00106

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 2, 19 novembre 2014, 13/00106


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 2



ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2014



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/00106





Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Novembre 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/06360









APPELANTE



Madame [J] [U]

[Adresse 3]

[Localité 1]


r>représentée par Me Jean-Loup PEYTAVI, avocat au barreau de PARIS, toque : B1106

assistée de Me Hervé BRUCK, avocat au barreau de PARIS, toque : D1541





INTIMES



Monsieur [W] [P]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Madame [G...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 2

ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2014

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/00106

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Novembre 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/06360

APPELANTE

Madame [J] [U]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Jean-Loup PEYTAVI, avocat au barreau de PARIS, toque : B1106

assistée de Me Hervé BRUCK, avocat au barreau de PARIS, toque : D1541

INTIMES

Monsieur [W] [P]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Madame [G] [B] [T] [Z] épouse [P]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentés par Me Chantal-Rodène BODIN CASALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

assistés de Me Hervé CASSEL de la SELAFA CABINET CASSEL, avocat au barreau de PARIS, toque : K0049

Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] représenté par son syndic le Cabinet PRESTIGERE, ayant son siège social

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

assisté de Me Nicolas GUERRIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0208

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Septembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Dominique DOS REIS, Président de chambre

Madame Denise JAFFUEL, Conseiller

Madame Claudine ROYER, Conseiller, chargée du rapport

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique DOS REIS, Président et par Madame Emilie POMPON, Greffier présent lors du prononcé.

***

Les époux [W] et [G] [P] sont propriétaires des lots 11, 13 et 20 au 5e étage de l'immeuble en copropriété sis [Adresse 2].

Madame [J] [U] est propriétaire dans ce même immeuble d'un appartement au 6e étage (lot n°15) dans lequel elle a fait installer en 2006 des toilettes, une douche et un lavabo.

Le 25 janvier 2011, l'assemblée générale des copropriétaires a adopté plusieurs résolutions pour autoriser et valider des travaux urgents et de mise en conformité d'installations par rapport au règlement sanitaire de la ville de [Localité 4] et notamment :

- la résolution n°4 validant les travaux de raccordement du WC privatif du lot n°15 effectué en 2006 sur la colonne de descente commune située au 5ème étage,

- la résolution n°5 autorisant Madame [U] à faire des travaux de ventilation (faire sortir un tuyau d'extraction des vapeurs d'eau par la toiture de l'immeuble,

- la résolution n°6 autorisant Monsieur [S], propriétaire des lots 14 et 16, à se raccorder sur le réseau eaux-vannes existant dans le but de procéder à l'installation de sanitaires dans lesdits lots,

- la résolution n°7 autorisant le futur propriétaire du lot17 à faire de même.

Par acte d'huissier du 5 avril 2011, Monsieur et Madame [P] ont assigné le syndicat des copropriétaires et Madame [U] afin de voir annuler les résolutions 4, 5, 6 et 7 de l'assemblée générale du 25 janvier 2011 et la condamnation de Madame [U] à déposer sous astreinte les installations de raccordement de son lot sur la descente d'eaux-vannes de l'immeuble.

Le 14 septembre 2011, une nouvelle assemblée générale s'est tenue, dont les résolutions 10 et 29 ont été également contestées par les époux [P] qui ont fait assigner le syndicat des copropriétaires et Madame [U] en annulation de ces résolutions.

Ces deux affaires ont fait l'objet d'une jonction.

Par jugement du 9 novembre 2012, le tribunal de grande instance de Paris (8ème chambre ) a:

- rejeté la demande d'annulation de la résolution n°10 de l'assemblée générale du 14 septembre 2011,

- annulé l'assemblée générale du 25 janvier 2011,

- annulé la résolution n°29 de l'assemblée générale du 14 septembre 2011,

- condamné Madame [U] dans un délai de trois mois à compter de la signification de la décision, à déposer le raccordement du réseau d'évacuation des toilettes privatives installées dans le lot n°15 sur la descente des eaux vannes de l'immeuble passant par le lot n°11, propriété de M. et Mme [P], et à remettre la partie incluse dans le lot n°11 en son état d'origine,

- dit que faute par Madame [U] d'y procéder dans ce délai, elle sera redevable, passé ce délai d'une astreinte dont le montant sera provisoirement fixé jusqu'au 1er janvier 2014, à 100 euros par jour de retard,

- débouté Madame [U] de sa demande de dommages-intérêts,

- condamné Madame [U] et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 2] aux dépens,

- condamné Madame [U] à payer une somme de 3000 euros à M. et Mme [P] et le syndicat à payer une somme de 2000 euros à M et Mme [P] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; rejeté toutes les autres demandes présentées de ce chef,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire de la décision.

Madame [J] [U] a interjeté appel de ce jugement par déclarations d'appel du 3 janvier et du 7 janvier 2013, l'appel étant limité à :

- l'annulation de la 29e résolution de l'assemblée générale du 14 septembre 2011,

- la condamnation de remise en état des lieux sous astreinte,

- au rejet de sa demande de dommages-intérêts,

- sa condamnation au dépens et à l'indemnité mise à sa charge au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les deux appels ont été joints le 20 février 2013.

Vu les dernières conclusions signifiées par :

- Madame [U] le 4 septembre 2014,

- M. et Mme [P] le 25 août 2014,

- le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] le 3 septembre 2014 ;

Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions, moyens et arguments dont elle est saisie, la Cour fait référence expresse à la décision déférée et aux dernières conclusions d'appel des parties.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 septembre 2014.

CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,

Madame [J] [U] conteste l'annulation de la résolution n°29 de l'assemblée générale du 14 septembre 2011 en soutenant que le Tribunal en première instance a commis une erreur d'analyse des éléments de fait:

- sur la facture ERIBAT GESTRIM du 20 octobre 2006 qui concernait des travaux exclusivement sur les parties communes et réalisés à la demande du syndic et non par elle ;

- sur la facture ERIBAT DAMIA du 17 avril 2007 qui ne concernait que les travaux privatifs du lot n°15 et n'ont pas donné lieu au percement des murs et plafond du lot n°11, ni concerné les parties communes.

Elle prétend que le règlement de copropriété en vigueur ne stipule pas la création de servitude lors de travaux sur les parties communes, lesquels s'effectuent sans indemnité quand ils portent sur les parties communes dans une partie privative, le copropriétaire visé ayant accepté lesdits travaux.

Sur la résolution n°29 de l'assemblée générale du 14 septembre 2011, l'appelante prétend que la ratification pouvait être effectuée en un vote unique ; que la résolution ne comportait aucune indication de servitude ; qu'un vote article 26 « unanimité » ne pouvait s'appliquer; que pour l'application du vote à l'unanimité le Tribunal n'a pas recherché en quoi les travaux avaient porté atteinte aux modalités de jouissance du lot n°11; que la majorité de l'article 25b lors du vote de la résolution 29 a été atteinte de même que celle de la double majorité de l'article 26c ; que le Tribunal en présence d'une majorité erronée aurait dû proposer la tenue d'une seconde assemblée ; qu'il n'y a pas eu de modification de jouissance des parties privatives du n°11 et que les travaux effectués par le syndic ont été ratifiés dans l'intérêt de tous les copropriétaires ; que les pièces jointes à la résolution 29 étaient en conformité avec le décret du 20 avril 2010 ; que le premier volet de la résolution portant sur la ratification du raccordement du lot n°15 n'était pas obligatoire ; que le second volet portant sur la ratification a posteriori des travaux effectués en urgence par le syndic en 2006 n'était pas prohibé, l'acceptation des copropriétaires valant annulation de l'irrégularité.

Sur la servitude, Madame [U] soutient que le lot n°15 ne peut être un fonds dominant du lot 11 et qu'elle n'a sollicité ni fait effectuer des travaux sur le lot n°11; qu'il n'y a pas eu création de servitude de fait ; qu'une canalisation posée depuis plus de trente ans ne peut avoir créé une servitude de fait lors de sa rénovation.

Madame [U] précise, sur les aspects techniques, que la nouvelle canalisation a pris lieu et place de l'ancienne canalisation et n'a pas entraîné une dégradation des conditions de jouissance du lot n°11. Elle affirme que la dépose et la remise en état d'origine est impossible et aboutirait à la pose d'une canalisation PVC ou fonte de 80 mm au lieu de 100 mm actuellement, ou une descente en plomb de 40mm. Elle soutient que la décision de première instance est fondée sur une interprétation erronée des éléments de fait, et que sa condamnation n'a pas de base légale ; que n'étant pas responsable des travaux sur les parties communes, elle ne peut être condamnée à tort, ni être condamnée au paiement d'une astreinte financière.

Sur son préjudice, Madame [U] s'estime fondée à demander des dommages et intérêts et soutient que la procédure engagée est abusive.

Elle conclut au rejet des demandes des époux [P] relatives à la nullité de l'assemblée générale pour irrégularité de convocation, pour abus de pouvoir, pour vote bloqué et pour excès de pouvoir, ainsi qu'au rejet de la demande de remise en état de leur appartement dans leur état d'origine, sous astreinte.

Elle demande la condamnation des époux [P] au paiement de la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'annulation de la condamnation prononcée à ce titre en première instance (3000 euros). Elle demande leur condamnation aux entiers dépens.

Monsieur et Madame [P] demandent à la Cour au visa des dispositions des articles 9 du décret du 17 mars 1967, 14 de la loi du 10 juillet 1965, 25 et 26 de la loi du 10 juillet 1965 et des pièces versées aux débats, de :

- débouter Madame [U] de l'intégralité de ses demandes,

- débouter le syndicat des copropriétaires de l'intégralité de ses demandes,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

* annulé l'assemblée générale du 25 janvier 2011,

* annulé la résolution n°29 de l'assemblée générale du 14 septembre 2011,

* condamné Madame [U] dans un délai de trois mois à compter de la signification de la décision, à déposer le raccordement du réseau d'évacuation des toilettes privatives installées dans le lot n°15 sur la descente des eaux vannes de l'immeuble passant par le lot n°11, propriété de M. et Mme [P], et à remettre la partie incluse dans le lot n°11 en son état d'origine,

* dit que faute par Madame [U] d'y procéder dans ce délai, elle sera redevable, passé ce délai d'une astreinte dont le montant sera provisoirement fixé jusqu'au 1er janvier 2014, à 100 euros par jour de retard,

* débouté Madame [U] de sa demande de dommages-intérêts,

* condamné Madame [U] et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 2] aux dépens,

* condamné Madame [U] à payer une somme de 3000 euros à M. e Mme [P] et le syndicat à payer une somme de 2000 euros à M et Mme [P] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les époux [P] demandent l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de la résolution n°10 en demandant à la Cour d'annuler cette résolution après avoir constaté la discordance entre le texte de cette résolution visé dans la convocation, et celui ressortant du procès-verbal de l'assemblée générale du 14 septembre 2011, et constaté la rétroactivité de la prise d'effet du contrat.

En tout état de cause, ils sollicitent la condamnation de Madame [U] à leur payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et celle du syndicat des copropriétaires à leur payer la somme de 4000 euros sur le fondement du même texte.

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] demande à la Cour:

d'infirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de la résolution n°10 de l'assemblée générale du 14 septembre 2011,

- de débouter les époux [P] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner ces derniers à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

* * *

Sur la demande d'annulation des résolutions 4, 5, 6, et 7 de l'assemblée générale du 25 janvier 2011

Les époux [P] avaient initialement demandé l'annulation des résolutions 4, 5, 6, et 7 de l'assemblée générale du 25 janvier 2011 au motif que la convocation à cette assemblée n'avait pas été notifiée dans le délai de 21 jours requis par l'article 9 du décret du 17 mars 1967.

Le syndicat des copropriétaires s'était opposé à cette demande en faisant valoir que ce délai de convocation pouvait ne pas être respecté lorsqu'il s'agissait d'autoriser des travaux urgents.

Les premiers juges ont annulé non pas les 4 résolutions contestées mais l'assemblée générale toute entière du 25 janvier 2011 en estimant que l'urgence des travaux n'était pas établie et que le syndicat ne pouvait s'abstenir de respecter le délai de convocation prévue par l'article 9 du décret du 17 mars 1967.

En appel, les époux [P] demandent la confirmation de l'annulation de l'assemblée du 25 janvier 2011.

Le syndicat des copropriétaires soutient en substance comme en première instance que le délai de convocation de 21 jours ne s'imposait pas en cas d'urgence, et qu'en l'espèce les travaux faisant l'objet des quatre résolutions litigieuses étaient urgents puisqu'ils portaient sur le raccordement des eaux usées des lots 14, 15, 16 et 17 à la colonne de la copropriété, et qu'il s'agissait par ailleurs de respecter les prescriptions de l'article 42-1 du règlement sanitaire de la ville de [Localité 4] prévoyant que l'évacuation des eaux pluviales et usées devait pouvoir être assuré en permanence ; que la délivrance d'une convocation le 5 janvier 2011 pour l'assemblée générale du 25 janvier n'a causé aucun préjudice aux époux [P] qui ont assisté à cette assemblée et ont participé aux votes.

L'article 9 du décret du 17 mars 1967 précise bien en son alinéa 2 que sauf urgence, la convocation à l'assemblée générale est notifiée au moins 21 jours avant la date de la réunion, à moins que le règlement de copropriété n'ai prévu un délai plus long.

En l'espèce, en dépit de la nécessité d'assurer le raccordement des eaux usées des lots 14, 15, 16 et 17 du 6ème étage sur la canalisation commune de l'immeuble et du souhait des copropriétaires de se conformer au règlement sanitaire de la ville de [Localité 4], le syndicat des copropriétaires n'établit toujours pas le caractère urgent de ces travaux, les premiers juges ayant à juste titre relevé que les autorisations sollicitées visaient à ratifier des travaux réalisés depuis plusieurs années, ou concernaient un futur propriétaire, ou encore visaient à permettre l'acquisition de toiles communes.

En l'absence d'urgence démontrée, il faut bien constater que le délai de convocation de 21 jours n'a pas été respecté, ce qui entraînait l'annulation de l'assemblée générale toute entière, et donc de ses résolutions 4, 5, 6, et 7.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a annulé l'assemblée générale du 25 janvier 2011

Sur la demande d'annulation de la résolution n°10 de l'assemblée générale du 14 septembre 2011

Cette résolution portait sur « le renouvellement du Cabinet PRESTIGERE aux fonctions de syndic pour une durée de 15 mois » avec approbation de ses honoraires conformément au contrat joint à la convocation.

Cette résolution, qui a été adoptée à la majorité des voix de tous les copropriétaires (présents, représentés ou absents) était ainsi libellée:

« après délibération, l'assemblée générale désigne à nouveau le cabinet PRESTIGERE aux fonctions de syndic de la copropriété pour une durée de 15 mois et approuve les honoraires du cabinet PRESTIGERE, qui sont fixés à la somme de 4000 euros TTC pour l'exercice 2011. Le contrat de PRESTIGERE prendra effet à partir du 14 juillet 2011 pour se terminer le 13 octobre 2012. »

Les époux [P] soutiennent comme en première instance que le mandat du syndic était expiré à la date de la réunion de l'assemblée générale et que cette résolution doit être annulée d'une part en raison de la discordance existant entre la convocation et le texte voté, et d'autre part en raison du caractère rétroactif de la prise d'effet du contrat du syndic.

Le syndicat des copropriétaires demande la validation de cette résolution en faisant observer que l'assemblée générale a été régulièrement convoquée avant l'expiration du mandat du syndic, et que cette assemblée pouvait parfaitement ratifier la gestion du mandat depuis le 14 juillet 2011.

Toutefois, le mandat du syndic prenant fin à son échéance, il appartient au syndic de convoquer assez tôt l'assemblée générale afin que cette dernière puisse se prononcer avant l'expiration du terme prévu, la décision concernant le renouvellement du mandat du syndic devant être prise avant l'expiration dudit mandat. Il n'est donc pas possible de renouveler un mandat avec effet rétroactif.

En l'espèce, compte tenu du point de départ du délai fixé par la convocation pour désigner à nouveau le syndic (qui était de fait la date du 14 septembre 2011, c'est-à-dire de l'assemblée générale statuant sur l'approbation des comptes annuels et la gestion) et compte tenu de la nécessité de décider du renouvellement du mandat du syndic avant son expiration, l'assemblée générale ne pouvait donc pas renouveler le mandat du cabinet avec un effet rétroactif à compter du 14 juillet 2011.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté l'annulation de la résolution n°10 de l'assemblée générale et d'annuler la dite résolution.

Sur la demande d'annulation de la résolution n°29 de l'assemblée générale du 14 septembre 2011

Cette résolution était intitulée : « Suite à la demande de Mme [U]: validation des travaux de raccordement du WC privatif du lot 15 au 6ème étage sur la descente au 5ème étage » ;

Cette résolution, adoptée à la majorité de l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965 des copropriétaires présents ou représentés, était ainsi libellée:

« Après délibération, l'assemblée générale entérine les travaux de raccordement en gravitaire de l'évacuation du WC privatif, effectués en 2006, du lot n°15 sur la descente des eaux vannes, partie commune, et ratifie le percement du mur et du plafond séparatif, dans leur partie commune, entre le lot n°15 de Madame [U], et le lot n°11 appartenant à l'époque à Monsieur [V] qui avait donné son plein accord et aujourd'hui se trouve être la propriété de Monsieur [P]. »

Cette résolution a été annulée par les premiers juges au motif que la ratification de travaux de raccordement entrepris sans autorisation par Madame [U], était susceptible de permettre la constitution d'une servitude de passage de canalisation grevant le lot [P], et de porter atteinte aux modalités de jouissance par ces derniers de leur lot; que cette résolution ne pouvait être votée qu'à l'unanimité. Le Tribunal a précisé que la circonstance que le précédent propriétaire ait donné son accord à la réalisation des travaux était sans effet dès lors que les travaux n'avaient pas été autorisés par l'assemblée générale et que l'acte de vente stipulait qu'il n'avait laissé acquérir aucune servitude sur le bien vendu.

Madame [U] demande l'infirmation de cette annulation de la résolution n°29 en soutenant en substance qu'il ne peut y avoir création de servitudes lors de travaux sur les parties communes et qu'en l'espèce il n'y a pas eu d'atteinte aux modalités de jouissance de leur lot par les époux [P] ; que les travaux litigieux ont été ratifiés dans l'intérêt de tous les copropriétaires ; qu'elle n'a pas fait personnellement effectuer de travaux sur le lot n°11 et n' a créé aucune servitude de fait.

Elle conteste avoir exécuté des travaux visant à modifier les parties communes et être à l'origine des travaux de remise en état des colonnes d'évacuation du 6e étage, les canalisations d'arrivée et d'évacuation d'eau reliant le 5e et le 6e étages passant depuis l'origine dans les toilettes du lot [P]. Elle soutient comme le syndicat qu'il pouvait être procédé à un vote unique et qu'aucune atteinte aux conditions de jouissance privatives n'avait été causée aux époux [P].

Les époux [P] soutiennent que la résolution n°29 était en tous points identique à la résolution n° 4 de l'assemblée générale du 25 janvier 2001 (annulée). Ils demandent que l'annulation de cette résolution soit maintenue pour les mêmes motifs que ceux invoqués pour l'annulation de la résolution n° 4 : à savoir, le vote bloqué, l'excès de pouvoir, l'abus de majorité et le défaut d'information quant aux travaux réalisés. Ils soutiennent notamment :

- qu'il ne pouvait être statué par un vote unique sur le raccordement du WC privatif du lot n°15 ([U]), et le percement du mur et du plafond séparatif des lots 15 et 11, ni sur la servitude de fait créée sur le lot [P] (lot n°11) ;

- que l'adoption de cette résolution entraînait une modification des modalités de jouissance de leurs parties privatives ;

- que les travaux avaient été ratifiés dans le seul intérêt de Mme [U] sans considération de l'intérêt collectif du syndicat, les travaux ayant été réalisés en violation du règlement sanitaire de la ville de [Localité 4] ; que Madame [U] n'avait fourni aucun document attestant du détail des travaux et de leur conformité au règlement sanitaire de la ville de [Localité 4].

Le syndicat soutient comme en première instance qu'il pouvait être procédé à un vote unique, la résolution portant sur un ensemble de travaux déjà exécutés qui étaient indivisibles ; que s'agissant d'une canalisation commune desservant plusieurs lots, la constitution d'une servitude de canalisation au préjudice des époux [P] était incompatible avec le statut de la copropriété ; qu'il n'existait aucune dégradation des conditions de jouissance de leur lot par les époux [P], la canalisation actuelle remplaçant une ancienne canalisation dont la section était insuffisante au regard des normes actuelles ; que l'ancien propriétaire, qui était le bailleur des époux [P], avait donné son consentement à ces travaux, nécessaires à la mise en conformité des lieux au regard des prescriptions en matière d'hygiène ; que l'assemblée générale n'avait pas excédé ses pouvoirs ; que les documents attestant de la bonne réalisation des travaux avaient été joints à la convocation.

Il ressort des pièces versées aux débats que les travaux réalisés dans le lot n°11 appartenant aux époux [P] sont uniquement des travaux entrepris à l'initiative du syndic sur la canalisation commune traversant le lot des époux [P]. Ces travaux sont précisément décrits dans la facture de l'entreprise ERIBAT du 20 octobre 2006 versée aux débats et s'inscrivaient des travaux de ré -aménagement du WC commun du 6ème étage (remplacement d'un WC turc par une cuvette WC à l'anglaise). Ils comprenaient notamment le remplacement d'une ancienne conduite en plomb d'évacuation des eaux par une colonne en fonte, canalisation commune traversant le lot [P], ainsi que la fourniture et la pose d'une fonte diamètre 100 avec T de raccordement, emboiture et longueur nécessaire pour raccorder le futur WC depuis l'appartement du 5ème étage face, dépose de la descente en plomb jusque dans la WC de Madame [P].

Si l'on compare cette facture avec la facture de l'entreprise ERIBAT du 17 avril 2007 (jointe à la convocation) concernant les travaux réalisés chez Madame [U], il apparaît que celle-ci a fait effectuer des travaux de plomberie dans son lot lors de la rénovation de son studio, avec dépose du sol existant, du bac à douche, du meuble évier pour faire l'implantation d'un nouveau coin cuisine, salle de bains et WC. Ces travaux comprenaient notamment la refonte complète de l'alimentation et des évacuations internes avec prévision d'un ensemble raccordé au réseau fonte. Il est donc certain que Madame [U] n'est en rien la réalisatrice des travaux de raccordement de ses installations à la canalisation commune traversant le lot [P].

Par ailleurs l'allégation des époux [P] selon laquelle la canalisation traversant leur lot aurait été prolongée dans le seul intérêt de Madame [U] pour le raccordement du lot 15 est contredite :

- par un courrier de Monsieur [C] (de l'entreprise ERIBAT) précisant que les travaux effectués par lui chez M. [P] étaient des travaux de rénovation, et non de « création à neuf » ; que par ailleurs « la fonte dans les WC de Monsieur [P] recevait d'autres évacuations du 6ème étage »,

- et par l'attestation du cabinet BERNADAC précisant à propos du raccordement les lots 14 et 15 du 6ème étage qu'il n'y a « aucune trace du passage d'une ancienne évacuation autre que celle passant actuellement dans l'entrée de l'appartement du 5ème droite » (SOLER) ; que « l'ancienne canalisation devait donc nécessairement passer par ce même cheminement ».

Il en résulte que les canalisations de raccordement du lot de Madame [U] à la canalisation commune passant dans le lot [P] existaient avant les travaux entrepris par le syndic en 2006 et que d'autres lots du 6ème étage étaient raccordés à cette même canalisation commune.

Ces éléments sont suffisants pour établir que les travaux effectués dans les locaux SOLER concernaient clairement des canalisations parties communes. Ceux-ci ne pouvaient donc être à l'origine d'une servitude de canalisation au préjudice de leur lot comme le soutiennent les époux [P], les parties communes et privatives formant un tout indissociable rendant inconcevable la constitution d'une servitude entre parties privatives et communes.

Ces travaux n'ont pu davantage créer une servitude entre les parties privatives de Madame [U] et des époux [P], puisqu'il est établi que Madame [U] n'a fait réaliser aucuns travaux dans l'appartement [P], celle-ci n'ayant fait que se raccorder sur une canalisation commune rénovée à l'initiative du syndicat des copropriétaires. Ces travaux n'ont pas porté atteinte aux modalités de jouissance privative des époux [P], le règlement de copropriété prévoyant expressément dans l'usage des parties privatives, que « les copropriétaires devront souffrir sans indemnité de l'exécution de travaux qui deviendraient nécessaires aux choses et parties communes, ou aux parties privées appartenant aux autres copropriétaires ». Les travaux entrepris par Madame [U] ne nécessitaient donc nullement d'être votés à la majorité de l'article 26 ainsi comme l'ont retenu à tort les premiers juges.

L'abus de majorité allégué par les époux [P], n'est pas établi lors du vote de ratification des travaux de raccordement à la canalisation commune.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme [P] et comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, la résolution 29 portant sur la ratification d'un ensemble de travaux indivisibles déjà exécutés, il pouvait être procédé par un vote unique.

Au vu de cet ensemble d'éléments, il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a annulé la résolution 29 de l'assemblée générale du 14 septembre 2011 et en ce qu'il a condamné Madame [U] à déposer sous astreinte le raccordement du réseau d'évacuation des toilettes privatives installées dans le lot n°15 sur la descente des eaux vannes de l'immeuble passant par le lot n°11, propriété de M. et Mme [P], et à remettre la partie incluse dans le lot n°11 en son état d'origine.

Sur les demandes accessoires et les dépens

Bien que succombant en leur prétentions, l'action des consorts [P] ne peut pour autant être qualifiée d'abusive à l'égard de Madame [U], observation étant faite par ailleurs que les travaux de raccordement de ses installations privatives à la canalisation commune avaient été faite en 2006-2007 sans aucune autorisation.

Il y a donc lieu de débouter Madame [U] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et pour préjudice moral et financier, et de confirmer le jugement déféré sur ce point.

Compte tenu des motifs qui précèdent, chaque partie supportera la charge de ses propres frais irrépétibles tant en première instance qu'en appel.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné Madame [U] et le syndicat des copropriétaires à payer au époux [P] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de débouter les parties des demandes formées à ce titre en cause d'appel.

Les dépens de première instance et d'appel seront partagés par moitié entre les époux [P] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] qui succombent.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a annulé l'assemblée générale du 25 janvier 2011,

L'infirmant pour le surplus,

Annule la résolution n°10 de l'assemblée générale du 14 septembre 2014,

Rejette la demande d'annulation de la résolution n° 29 de l'assemblée générale du 14 septembre 2014,

Déboute Monsieur et Madame [W] et [G] [P] de leur demande de remise en état des lieux sous astreinte dirigée contre Madame [J] [U] et les déboute du surplus de leurs demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] et Madame [J] [U] de leurs demandes plus amples et contraires,

Partage par moitié les dépens entre le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] et Monsieur et Madame [W] et [G] [P].

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 13/00106
Date de la décision : 19/11/2014

Références :

Cour d'appel de Paris G2, arrêt n°13/00106 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-19;13.00106 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award