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18/11/2014 | FRANCE | N°12/05233

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 18 novembre 2014, 12/05233


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2014



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/05233



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Janvier 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 10/02650



APPELANTS

Madame [I] [C] épouse [J]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

comparante en personne,

assistée de Me Stéphane DUCROCQ

, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Anne-Charlotte LEGROIS, avocat au barreau de LILLE



Syndicat SUD GROUPE BPCE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2014

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/05233

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Janvier 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 10/02650

APPELANTS

Madame [I] [C] épouse [J]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

comparante en personne,

assistée de Me Stéphane DUCROCQ, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Anne-Charlotte LEGROIS, avocat au barreau de LILLE

Syndicat SUD GROUPE BPCE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Stéphane DUCROCQ, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Anne-Charlotte LEGROIS, avocat au barreau de LILLE,

En présence de M. [R] [Q] (Trésorier du syndicat)

INTIME

GIE IT CE venant aux droits du GIE GCE TECHNOLOGIES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Faustine MONCHABLON, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, toque : 1701 substitué par Me Florence BONNET-MANTOUX, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE, toque : 1701

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mai 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente, et Madame Caroline PARANT, Conseillère, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente

Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller

Madame Caroline PARANT, Conseillère

Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Caroline PARANT, Conseillère pour la Présidente empêchée, et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour est saisie de l'appel interjeté le 30 mai 2012 par Mme [I] [C]-[J] et par le Syndicat Sud groupe BPCE d'un jugement rendu le 04 janvier 2012 par le Conseil des Prud'hommes de Bobigny dans une instance (selon l'en-tête du jugement, ses motifs et son dispositif) opposant Mme [I] [C]-[J] au GIE GCE TECHNOLOGIE, lequel jugement a déclaré la demande de Mme [I] [C]-[J] irrecevable comme étant prescrite et a condamné la demanderesse aux dépens.

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Mme [I] [C]-[J] a été engagée par le GIE GCE TECHNOLOGIE en qualité d'analyste aux termes d'un contrat à durée indéterminée du 9 mai 1990.

Le GIE GCE TECHNOLOGIE est devenu aujourd'hui le GIE IT-CE venant aux droits du GIE GCE TECHNOLOGIE.

Le contrat de travail était régi par l'accord d'entreprise CAISSE D'EPARGNE et plus précisément par un accord collectif national du 19 décembre 1985, relatif à la classification des emplois, conclu avec les partenaires sociaux, lequel accord prévoyait notamment l'octroi :

- d'une prime de durée d'expérience (article 15),

- d'une prime familiale (article 16),

- d'une gratification de fin d'année (article 17),

- d'une prime de vacances (article 18).

Un accord collectif des mécanismes de rémunération était régularisé le 8 janvier 1987.

Le 20 juillet 2001, ces accord s ont été dénoncés par la Caisse nationale des caisses d'épargne.

A l'issue de la période de survie de 15 mois suivant leur dénonciation, soit le 22 octobre 2002, ces dispositions ont cessé de s'appliquer conformément à l'article L.2261-13 du code du travail.

Aucun accord de substitution n'est intervenu.

Les primes de durée d'expérience, familiale et de vacances ont cependant été intégrées par l'employeur pour leur montant acquis en novembre 2002 au salaire de base. La gratification de fin d'année a continué à être versée aux salariés également.

Le Syndicat Sud groupe BPCE, qui contestait cette intégration, a saisi le tribunal de grande instance de ce problème le 13 juillet 2004 à la suite de quoi, après appel de la décision du tribunal, la Cour de cassation a décidé en 2008 que les primes issues de l'accord du 19 décembre 1985 n'auraient pas dû être intégrées dans le salaire de base sans l'accord des salariés titulaires de ces avantages individuels acquis.

Le 19 juillet 2010, Mme [I] [C]-[J] a saisi le conseil des Prud'hommes de Bobigny pour entendre condamner l'employeur à re-écrire les bulletins de salaire depuis novembre 2002 conformément à l'accord dénoncé, ceci sous astreinte, contexte dans lequel est intervenu le jugement d'irrecevabilité dont appel, le conseil des Prud'hommes ayant retenu qu'en raison de la prescription quinquennale Mme [I] [C]-[J] avait jusqu'au 22 octobre 2007 pour exercer son action et que la saisine étant du 19 juillet 2010 la demande était prescrite.

Mme [I] [C]-[J] et le Syndicat Sud groupe BPCE poursuivent la réformation du jugement.

Ils demandent à la cour, oralement et par conclusions écrites de :

Vu l'accord collectif du 19 décembre 1985,

Vu les arrêts de la Cour de cassation du 1er juillet 2008,

- constater, dire et juger que les divers éléments prévus par les accords constituent des avantages individuels acquis qui ont été intégrés au contrat de travail de Mme [J].

En conséquence,

- condamner l'employeur à procéder à la re-écriture des bulletins de salaire depuis novembre 2002, conformément aux accords dénoncés, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard,

condamner l'employeur à verser Mme [I] [J] les sommes suivantes :

- 568,07 € au titre de la gratification de fin d'année et à appliquer ces paiements pour la période postérieure à l'arrêté du chiffrage, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard

- 4 108,77 € de rappel de la prime d'expérience

- 2 557,70 € de rappel de prime de vacances

- 834,06 € au titre des congés payés afférents aux rappels ci-dessus

- 165,46 € de rappel de prime d'intéressement

- 181,70 € de rappel de part variable

et à appliquer ces paiements pour la période postérieure à l'arrêté du chiffrage sous astreinte de 1 000 € par jour de retard

- 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive

- 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

condamner l'employeur à verser au syndicat SUD groupe BPCE la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts.

°°°

Le GIE IT-CE venant aux droits du GIE GCE TECHNOLOGIE conclut à la confirmation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bobigny le 4 janvier 2012 et à la prescription des demandes formulées.

A titre subsidiaire, il demande de retenir qu'il a respecté les dispositions légales, que la re-écriture des bulletins de salaire est inutile dès lors qu'aucun rappel de salaire n'est applicable, de rejeter toutes les prétentions formulées et de condamner les appelants à payer la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la prescription

Invoquant les articles 2 224 du code civil et L.3245-1 du code du travail, l'intimée fait valoir que les demandes sont irrecevables comme étant prescrites, les primes réclamées qui sont issues des accords collectifs du 19 décembre 1985 et du 8 janvier 1987 étant devenues des avantages individuels acquis intégrés à la rémunération contractuelle à compter du 20 octobre 2002 et l'appelante n'ayant introduit son action que postérieurement au délai de cinq ans dans lequel est enfermée la prescription des actions personnelles et mobilières et en particulier celle des salaires.

En matière salariale, le délai de prescription court à compter de la date d'exigibilité de chacune des créances salariales revendiquées.

En l'espèce, Mme [J] ayant introduit son action le 19 juillet 2010, elle est recevable en ses demandes pour la période postérieure au mois de juin 2005.

Sur les demandes

La structure de la rémunération résultant d'un accord collectif dénoncé, constitue à l'expiration des délais prévus par le 3ème alinéa de l'article L.132-8 du code du travail alors en vigueur, un avantage individuel acquis qui est incorporé au contrat de travail des salariés employés par l'entreprise à la date de la dénonciation.

Il s'en déduit que l'employeur ne peut la modifier sans l'accord de chacun de ses salariés quand bien même il estimerait les nouvelles modalités de rémunération plus favorables aux intéressé, l'intimé ne pouvant pertinemment prétendre que l'intégration des primes litigieuses aux salaires de base valait acceptation du mécanisme et de ses avantages de la part des salariés concernés

En l'espèce, la structure de la rémunération était dans l'accord dénoncé ainsi définie : un minima mensuel, appelé rémunération globale garantie (RGG) auquel la rémunération effectivement perçue devait être au moins égale, une fois déduites les primes statutaires versées mensuellement (soit la prime de durée d'expérience et la prime familiale), et les mois où elles étaient versées , les primes à versement annuel ou bi-annuel (soit la prime de vacances et la gratification de fin d'année), le tout non compris le montant maintenu de l'ancienneté acquise.

Estimant ne pas avoir été remplie de ses droits au titre des avantages individuellement acquis du fait de la modification de la structuration de sa rémunération, Mme [J] sollicite des rappels de prime en estimant que celles-ci aurait du être calculées sur une base forfaitaire alors que ces primes lui ont été versées en fonction de son temps de travail de 121,332 heures par mois.

L'intimé soutient que ces primes ont toujours été versées au prorata du temps de travail accompli par les salariés.

Sur le rappel de gratification de fin d'année

Mme [J] ne s'explique pas sur le rappel de prime de fin d'année qui ne correspond pas au tableau quelle produit et ne justifie pas de son montant. Elle sera déboutée sur ce chef de demande .

Sur le rappel de prime de durée d'expérience

Il résulte des dispositions de l' article 15 de l'accord collectif national du 19 décembre 1985 que cette prime a un caractère forfaitaire et ne peut être proratisée, notamment pour les salariés travaillant à temps partiel comme c'était le cas de Mme [J] qui travaillait 121,33 h par mois et qui a cependant vu sa prime diminuer.

Sa demande de rappel sollicité à ce titre est justifiée pour le montant non contesté de 4 108,77 € tel que résultant du tableau chiffré produit à son dossier et calculé à compter du mois de juillet 2005 à novembre 2010 sur la base d'un temps de travail équivalent temps plein.

Sur le rappel de prime de vacances

Il résulte des dispositions de l' article 18 de l'accord collectif national du 19 décembre 1985 que cette prime a également un caractère forfaitaire.. Mme [J] est donc également bien fondée en sa demande rappel de prime à hauteur de 2 557,70 €, montant apparaissant sur le tableau ci-dessus évoqué et calculé selon les mêmes modalités.

Les congés payés sur ces deux rappels de primes sont également dus à hauteur de 834,06 €.

Mme [J] qui ne précise pas à quelle date elle a arrêté les comptes sur ces rappels de primes sera déboutée de sa demande tendant à la condamnation de l'employeur à appliquer ces paiements pour la période postérieure à l'arrêté du chiffrage.

Sur les rappels de rémunération variable

Mme [J] ne s'expliquant pas sur les demandes de rappel de prime d'intéressement et de rappel de part variable dont on ne sait sur quelle période elles portent et qui ne sont étayées que par un tableau de "résultat" sans aucun détail, elle sera déboutée de ces demandes.

Sur la demande de réécriture des bulletins de paie

Mme [J] sollicite que l'employeur lui délivre des bulletins de paie depuis novembre 2002 en faisant apparaître distinctement les avantages individuels acquis liés aux primes de durée d'expérience et de vacances.

L'intimé rappelle que cette demande est sans objet pour la période postérieure au 1er janvier 2010, les bulletins de salaire mentionnant depuis cette date distinctement les éventuels avantages individuels acquis et fait observer que la délivrance du bulletin de paie devant avoir lieu au moment du paiement de la rémunération, la remise de bulletins de paie sur plusieurs années est dépourvue de sens et se heurte à des difficultés matérielles considérables.

Eu égard aux circonstances de l'espèce et aux rappels de salaire alloués, il convient d'ordonner la remise par le GIE IT-CE d'un bulletin de paie récapitulatif conforme à la présente décision sans qu'il y ait lieu d'assortir cette mesure d'une astreinte.

Sur les autres demandes

La salariée ne démontre pas que l'employeur ait fait preuve de résistance abusive et, en l'absence de démonstration de l'existence d'un préjudice, sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

L'intervention du Syndicat SUD Groupe BPCE aux côtés de la salariée dans le cadre de la procédure étant justifiée par la préservation des droits de ceux-ci mais aussi de l'intérêt collectif de la profession qu'il représente, la cour prononcera la condamnation du GIE IT-CE à lui verser la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts.

Le GIE IT-CE sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et versera à Mme [J] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Déclare Mme [I] [C] épouse [J] recevable en ses demandes ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne le GIE IT-CE à verser à Mme [I] [C] épouse [J] les sommes suivantes :

- 4 108,77 € à titre de rappel de prime de durée d'expérience

- 2 557,70 € à titre de rappel de prime de vacances

- 834,06 € au titre des congés payés incidents à ces primes

ces sommes avec intérêt au taux légal à compter du 22 juillet 2010, date de la convocation de la partie défenderesse en bureau de conciliation ;

Ordonne au GIE IT-CE de remettre à Mme [I] [C] épouse [J] un bulletin de paie récapitulatif conforme au présent arrêt ;

Déboute Mme [I] [C] épouse [J] de ses autres demandes ;

Condamne le GIE IT-CE à verser au Syndicat SUD Groupe BPCE la somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts.

Condamne le GIE IT-CE à verser à Mme [I] [C] épouse [J] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne le GIE IT-CE aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE POUR LA PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 12/05233
Date de la décision : 18/11/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°12/05233 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-18;12.05233 ?
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