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06/11/2014 | FRANCE | N°13/14139

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 06 novembre 2014, 13/14139


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 06 NOVEMBRE 2014



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/14139



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Mai 2013 -Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 10/1454





APPELANTE



SA GENERALI VIE

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée et assistée de

Me Marie-Laurence MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque: U0004







INTIMEE



SAS BANQUE BCP

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentée par Me Elise ORTOLLAND de la SEP ORTOLLAND, avocat au barreau de P...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 06 NOVEMBRE 2014

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/14139

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Mai 2013 -Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 10/1454

APPELANTE

SA GENERALI VIE

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée et assistée de Me Marie-Laurence MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque: U0004

INTIMEE

SAS BANQUE BCP

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Elise ORTOLLAND de la SEP ORTOLLAND, avocat au barreau de PARIS, toque : R231

Assistée de Me Denis BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Septembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente de chambre

Madame Caroline FÈVRE, Conseillère

Madame Muriel GONAND, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Josélita COQUIN

ARRET :

- Contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, président et par Madame Josélita COQUIN, greffier présent lors du prononcé.

****************

Le 17 juillet 2009, la société Generali Vie a reçu une réquisition judiciaire visant des faits d'usurpation d'identité. A la suite des recherches qu'elle a effectuées, elle a découvert que des contrats d'assurance-vie souscrits auprès d'elle avaient fait l'objet de rachat par le biais de son logiciel de gestion, sans demande en ce sens et sans que les titulaires des contrats ne lui aient jamais transmis les coordonnées bancaires des personnes titulaires des comptes sur lesquels les sommes ont été virées.

La société Generali Vie a ainsi mis en évidence qu'un contrat au nom de Monsieur [H] avait fait l'objet d'un rachat partiel, le 27 février 2009, pour un montant de 300.000 euros, lequel a été viré le 3 mars 2009 sur le compte n° 12579000991096022889 44 ouvert dans les livres de la Banque BCP, et qu'un contrat au nom de Madame [T] avait aussi fait l'objet d'un rachat partiel, le 28 avril 2009, d'un montant de 372.879 euros, lequel a été viré le 30 avril 2009 sur le même compte ouvert dans les livres de la Banque BCP, lequel est celui d'une société SERBAT.

La société Generali Vie a procédé à la régularisation des contrats de ses assurés victimes de la fraude et a réintégré, sur les contrats de Monsieur [H] et Madame [T], le montant des sommes détournées frauduleusement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 mars 2010, la société Generali Vie a demandé à la Banque BCP de lui restituer la somme de 672.879 euros, avant de l'assigner en paiement par acte d'huissier en date du 23 septembre 2010.

Par jugement en date du 15 mai 2013, le tribunal de grande instance de Paris a débouté la société Generali Vie de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société SAS Banque BCP la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La déclaration d'appel de la SA Generali Vie a été remise au greffe de la cour le 11 juillet 2013.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, signifiées le 11 juin 2014, la société Generali Vie demande l'infirmation du jugement déféré et de :

- constater que la Banque BCP s'est rendue coupable d'une faute délictuelle lui ayant causé un préjudice direct,

- condamner, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, la Banque BCP à lui payer la somme de 672.879,00 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- condamner la Banque BCP à lui payer la somme de 5.000,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, signifiées le 29 novembre 2013, la Banque BCP demande de dire l'appel de la société Generali Vie mal fondé et de le rejeter, dire que la Banque BCP n'a commis aucune faute, ni généré aucun préjudice au détriment de la société Generali Vie, confirmer le jugement déféré, débouter la société Generali Vie de toutes ses demandes et la condamner à lui payer la somme de 5.000,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 septembre 2014.

CELA ETANT EXPOSE,

LA COUR

Considérant que la société Generali Vie soutient que la Banque BCP a commis une faute en omettant de vérifier que le compte bénéficiaire avait bien pour titulaire la personne désignée dans les deux ordres de virement litigieux ; que, si la Banque BCP avait procédé à cette vérification, elle aurait constaté, comme l'a fait la Banque Postale, qu'il y avait une contradiction manifeste entre les coordonnées bancaires du compte bénéficiaire et l'identité du titulaire réel du compte ; qu'elle prétend que la Banque BCP ne peut pas se prévaloir de l'article 74 de la directive 2007/64/CE, transposée à l'article L.133-21 du code monétaire et financier par une ordonnance du 15 juillet 2009, lequel est entré en vigueur le 1er novembre 2009 et ne peut pas s'appliquer aux faits litigieux antérieurs ; que les dispositions du code monétaire et financier n'interdisent pas à la banque de faire preuve de vigilance et de vérifier le nom du bénéficiaire et celui du titulaire du compte ; que la Banque BCP n'a pas respecté la directive, dont elle excipe, puisqu'elle a exécuté les ordres de virement sans avoir l'International Bank Account Number (IBAN) ; qu'elle affirme que la Société Générale a communiqué le nom du bénéficiaire à la Banque BCP qui n'a pas respecté le procédé ETEBAC ; que l'absence de concordance entre ce nom et celui du titulaire du compte ouvert dans ses livres recevant les fonds constitue une anomalie qu'elle aurait dû déceler et aurait dû la conduire à suspendre les deux opérations de virement sur le compte référencé de la société SERBAT pour deux bénéficiaire différents ; que cette absence de contrôle constitue une faute qui engage sa responsabilité et qu'elle doit l'indemniser du préjudice subi à concurrence de la somme de 672.879 euros, sans pouvoir lui reprocher une quelconque faute puisqu'elle a été victime d'actes de malveillance et qu'il n'est rapporté aucune preuve de sa part qui soit à l'origine de la fraude dont elle a été victime ;

Considérant qu'en réponse, la Banque BCP fait valoir que la société Generali Vie a été victime de ses négligences à la suite d'un détournement de fonds, dont l'auteur est l'un de ses salariés ; qu'elle est à l'origine de son propre préjudice et ne peut pas lui en demander réparation ; qu'elle estime n'avoir commis aucune faute en sa qualité de banque qui a reçu les fonds transmis par la Société Générale sur le compte dont elle lui a transmis le numéro sans le nom du bénéficiaire du virement ; qu'elle prétend avoir ainsi exécuté les deux ordres de paiement conformément à l'identifiant unique qui lui a été communiqué par la Société Générale en application de l'article 74 de la directive 2007/64/CE, transposé sous l'article L.133-21 du code monétaire et financier, qui exclut toute vérification du nom du bénéficiaire de l'ordre de paiement et l'exonère de toute responsabilité, dès lors qu'elle a exécuté l'ordre conformément à l'identifiant unique remis par la banque émettrice ; que cette directive est suffisamment claire pour s'appliquer directement et qu'elle ne prévoit pas que l'identifiant soit le IBAN, comme l'affirme l'appelante qui ajoute à la loi ; qu'elle estime que, si une banque peut procéder à d'autres vérifications, rien ne l'y oblige et qu'elle ne commet pas de faute si elle ne le fait pas, même si d'autres informations lui sont communiquées et qu'elle n'était pas tenue de vérifier la concordance entre le numéro de RIB communiqué et le nom du bénéficiaire ; qu'elle affirme que ce nom n'a pas été inclus dans les enregistrements reçus du donneur d'ordre et que les courriers de la Société Générale ne sont pas des preuves, outre qu'ils indiquent des dates postérieures à la transmission des ordres ; qu'à titre subsidiaire, si une faute est retenue à son encontre, la Banque BCP soutient que la société Generali Vie a commis des fautes qui sont à l'origine de son propre préjudice ; qu'elle a été négligente dans ses procédures de contrôle interne, ce qui a permis un premier virement frauduleux le 3 mars 2009, puis un second le 30 avril 2009 sans qu'elle ne s'aperçoive de rien ; que son système GB PROD présente manifestement de graves défaillances puisqu'il permet à un employé de liquider un contrat d'assurance avec un identifiant et un mot de passe, sans que soit adressé un courrier confirmatif au client, et l'annulation administrative de l'opération facilitant la dissimulation de la fraude ; que la société Generali Vie est, de plus, responsable des agissements frauduleux de ses salariés en application de l'article 1384 alinéa 5 du code civil ; que la compagnie d'assurance a été informée le 17 juillet 2009 de l'existence d'une fraude et qu'elle ne l'a informée du caractère litigieux des deux virements que le 25 mars 2010, soit 7 mois plus tard, la privant de retenir le solde créditeur du compte de la société SERBAT, ce qui aurait réduit le dommage ; qu'elle en conclut que la société Generali Vie doit répondre de toutes ses fautes et l'indemniser de son dommage pour le montant qu'elle lui demande de payer, que leurs créances réciproques devront se compenser ;

Considérant que la banque, qui reçoit un ordre de virement électronique, doit vérifier l'identité du bénéficiaire et la concordance avec le numéro de compte qui lui est communiqué par la banque émettrice ; qu'elle ne peut pas se borner à traiter automatiquement cet ordre pour en affecter le montant sur le compte de l'un de ses clients sans procéder aux contrôles d'usage sur l'identité du bénéficiaire du virement, dès lors qu'elle est incluse dans les enregistrements reçus du donneur d'ordre et qu'elle n'a pas été exclue de tout contrôle avec l'assentiment de ce dernier ;

Considérant qu'il est prouvé par les deux ordres de virement interbancaire produits que la Société Générale a communiqué à la Banque BCP toutes les indications utiles comprenant l'identité du donneur d'ordre, son numéro de compte ouvert dans les livres de la banque émettrice, l'identité du destinataire du virement et le numéro de son compte ouvert dans les livres de la banque destinataire ; que la Banque BCP ne peut pas contester avoir reçu ces deux ordres de paiement qui sont ceux qu'elle a exécutés ; que les deux attestations de la Société Générale en date du 23 mars 2010 sont ainsi surabondantes ;

Considérant que la Banque BCP ne peut pas se prévaloir des dispositions de l'article 74 de la directive 2007/64/CE, laquelle n'était pas d'application immédiate et a été transposée en droit français à l'article L.133-21 du code monétaire et financier par l'ordonnance du 15 juillet 2009, entré en application le 1er novembre 2009 postérieurement à l'exécution des deux ordres de virements litigieux ;

Considérant que la Banque BCP a ainsi commis une faute en s'abstenant de procéder à la vérification de la concordance entre le nom du bénéficiaire du virement et le nom du titulaire du compte référencé pour chacun des ordres de virement ; qu'elle est la seule qui pouvait y procéder en sa qualité de teneur du compte du bénéficiaire ; que cette vérification lui aurait permis de constater que la société SERBAT, qui est le titulaire du compte ouvert dans ses livres recevant les fonds, n'était pas le bénéficiaire des ordres de paiement, s'agissant de Monsieur [P] [H] pour l'un et de Madame [L] [T] pour l'autre ;

Considérant que, sans la faute de la Banque BCP, les deux virements litigieux n'auraient pas pu être crédités sur le compte de la société SERBAT ; que c'est par sa faute que les fonds ont été versés sur le compte de cette société apparemment créée pour les besoins de ces opérations ;

Considérant que la société Generali Vie a été victime d'une fraude ; que cette fraude ne suffit pas à caractériser un défaut des systèmes de sécurité de l'assurance ; qu'il n'est pas démontré que les détournements opérés ont été réalisés par des salariés de la compagnie d'assurance, ce qui exclut toute responsabilité du préposé du fait de ses employés ; qu'il n'y a pas de faute prouvée du donneur d'ordre de nature à engager sa responsabilité ; qu'il est établi que la société Generali Vie n'a pu découvrir l'existence de la fraude qu'à la suite d'une réquisition judiciaire du 17 juillet 2009 l'ayant conduite à mener des investigations internes poussées, ce qui exclut qu'elle ait pu alerter la Banque BCP immédiatement ;

Considérant qu'en l'absence de faute de la société Generali Vie, la Banque BCP doit l'indemniser du dommage qu'elle lui a fait subir sans pouvoir lui opposer une quelconque compensation ;

Considérant que la Banque BCP doit, en conséquence, être condamnée à payer à la société Generali Vie la somme de 672. 879,00 euros en réparation de son préjudice avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 23 septembre 2010 ;

Considérant que le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant qu'il est inéquitable de laisser à la charge de la société Generali Vie le montant de ses frais irrépétibles ; qu'il convient de condamner la Banque BCP à lui payer la somme de 3.000,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que la Banque BCP, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamne la Banque BCP à payer à la société Generali Vie la somme de 672.879,00 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2010 jusqu'à parfait paiement,

Condamne la Banque BCP à payer à la société Generali Vie la somme de 3.000,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la Banque BCP aux dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de l'avocat concerné dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 13/14139
Date de la décision : 06/11/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°13/14139 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-06;13.14139 ?
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