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06/11/2014 | FRANCE | N°12/07391

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 06 novembre 2014, 12/07391


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 06 Novembre 2014

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/07391



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Décembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section Encadrement RG n° 10/07851







APPELANTE

Madame [I] [K]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne

a

ssistée de Me Hasna BELGHITI BOULET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0076







INTIMEE

SAS IPSOS FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me François VACCARO, avocat au barreau de...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 06 Novembre 2014

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/07391

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Décembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section Encadrement RG n° 10/07851

APPELANTE

Madame [I] [K]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne

assistée de Me Hasna BELGHITI BOULET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0076

INTIMEE

SAS IPSOS FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me François VACCARO, avocat au barreau de TOURS substitué par Me Marion PAOLETTI, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Septembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Patrice LABEY, Président de chambre

Monsieur Bruno BLANC, Conseiller

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Laëtitia CAPARROS, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Patrice LABEY, Président, et par Melle Laëtitia CAPARROS, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS-PROCÉDURE-PRETENTIONS

La société IPSOS réalise des études de marché, de marketing, d'opinion et des études publicitaires.

Madame [I] [K] a été engagée le 1er octobre 2007 au sein du département qualitatif de la société Ipsos Asi, filiale de la SAS Ipsos France, en qualité de chargée d'études senior, statut cadre, coefficient 115, position 2 de la convention collective nationale Syntec, pour une rémunération brute mensuelle de 2.800 €.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, Mme [K] était chef de groupe au coefficient 130, pour une rémunération mensuelle de 3.100 € brut.

Elle a saisi le conseil de prud'hommes le 12 juin 2010 d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l'employeur, puis a notifié à ce dernier une prise d'acte de rupture de son contrat le 26 juillet 2010.

Dans le dernier état de la procédure, Mme [K] a présenté au conseil de prud'hommes les chefs de demande suivants :

- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 40 000 €

- Pour non respect des dispositions de l'article L. 1226-15 du code du travail 37 200 €

- Indemnité compensatrice de préavis 9 300 €

- Congés payés afférents 930 €

- Indemnité de licenciement 1 850 €

- Rappel de salaires 3 701,95 €

- Congés payés afférents 3 70,19 €

- Article 700 du Code de Procédure Civile 3 000 €

- Exécution provisoire

La société IPSOS a présenté une demande en paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Cour est saisie d'un appel régulier par Mme [K] du jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 12 décembre 2011 qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Vu les écritures visées par le greffe le 18 septembre 2014, développées à l'audience par Mme [K] au soutien de ses prétentions, par lesquelles elle demande à la Cour de :INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu le12 juillet 2012,

Statuant à nouveau,

CONSTATER le manquement grave de la part de la Société Ipsos à ses obligations contractuelles,

DIRE qu'elle a fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

CONDAMNER la Société Ipsos à lui verser les sommes suivantes :

- 9.300 € à titre d'indemnité de préavis

- 930 € à titre de congés payés sur préavis

- 1.850 € à titre d'indemnité de licenciement

- 40.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

- 37.200 € pour non-respect des dispositions de l'article L. 1226-15 du Code du Travail,

Dans tous les cas,

CONDAMNER la Société Ipsos à lui verser les sommes de :

- 3.701,95 € à titre de rappel de salaire,

- 370,19 € à titre de congés payés sur rappel de salaire,

- 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER la Société IPSOS en tous les dépens d'instance et d'appel.

Vu les écritures visées par le greffe le 18 septembre 2014, développées à l'audience par la SA Ipsos France au soutien de ses prétentions, par lesquelles elle demande à la Cour de :

Confirmer le jugement,

En tant que de besoin :

Déclarer irrecevable l'action de Mme [K],

Débouter Mme [K] de toutes ses demandes,

Condamner Mme [K] à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

La condamner aux dépens.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs écritures visées par le greffe le 18 septembre 2014, auxquelles elles se sont référées et qu'elles ont soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRET

Considérant qu'il suit des pièces produites et des explications des parties que :

Mme [K] a été placée en arrêt de travail pour maladie du 25 janvier au 12 février 2010.

Le 15 février 2010, lors d'une réunion du CHSCT à laquelle participait M [H] [T], directeur général délégué de la société, un membre du comité s'est fait l'écho de plaintes de plusieurs salariés pour harcèlement moral qui durait depuis quelques années, de la part de leur hiérarchie dans un service dans lequel les équipes avaient été renouvelées trois fois en quatre ans. M [T] s'est engagé à rencontrer la personne en cause afin de prendre la mesure de la situation et de faire cesser tout comportement abusif.

Le 16 février 2010, la salariée a été reçue à sa demande par le médecin du travail lequel a rendu l'avis suivant :" La reprise du travail n'est pas à ce jour possible au sein de la filiale Ipsos Asi. Recherche d'un poste équivalent dans une autre filiale à court terme. Revoir dans 10 jours".

Le médecin du travail a préconisé au médecin traitant d'arrêter Mme [K] et la salariée a été mise en arrêt de travail du 16 février au 21 mars 2010.

Le 22 février 2010, Mme [K] a dénoncé à M [T] le contexte de souffrances, menaces, culpabilisation, agressions verbales entretenu depuis des mois par sa supérieure hiérarchique, chef de département, [E] [P], ainsi que de l'idéologie raciste ce sa supérieure.

Par courrier du 26 février 2010, le médecin du travail a alerté M [T] d'un risque psycho-social au sein de l'entreprise l'ayant amené à rendre deux avis d'inaptitudes temporaires pour deux salariées, dont Mme [K] pour laquelle avait été demandé un changement d'affectation, en l'invitant à l'informer des mesures qu'il comptait prendre visant à protéger la santé des salariés.

Le 8 mars 2010, le médecin du travail a revu la salarié et a émis l'avis suivant " reprise différée. Prolongation de l'arrêt de travail dans l'attente des modifications des conditions de travail. Revoir à l'issue" .

Le 25 mars 2010, M [T] a reçu en entretien Mme [K] pour évoquer la situation évoquée par elle.

Par lettre recommandée du 25 mars 2010, la société Ipsos a convoqué Mme [P] à entretien préalable à licenciement, puis après entretien tenu le 2 avril 2010, lui a notifié le 12 avril 2010 son licenciement pour faute grave en raison d'un harcèlement moral sur ses subordonnées Mme [K] et Mme [G] et d'une idéologie raciste au cours de l'exécution du contrat.

Le 29 mars 2010, Mme [K] a été à nouveau en arrêt de travail pour maladie prolongé jusqu'au 16 avril 2010, arrêt poursuivi par des congés payés du 19 au 26 avril 2010.

Par mail du vendredi 23 avril, M [T] lui a demandé de reprendre son travail le lundi 26 avril en lui précisant qu'elle serait contactée pour une visite médicale de reprise.

Le 26 avril, le médecin traitant de Mme [K] l'a placée en arrêt maladie prolongé jusqu'au 29 août 2010 pour un état anxio-dépressif réactionnel à du stress professionnel avec harcèlement

Le 28 avril, l'employeur, par l'intermédiaire du service du personnel, a adressé à Mme [K] une lettre recommandée avec accusé de réception pour relever l'absence de nouvelle de sa part, sans justificatif, alors qu'une visite médicale de reprise devait être organisée, et l'inviter à justifier de son absence ou à reprendre son travail.

Le 7 mai 2010, la direction a fait diligenter un contrôle médical de contre visite au domicile de la salariée par Médical Partner.

Le 16 juin 2010, Mme [K] toujours en arrêt maladie a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation de son contrat de travail.

Le 6 juillet 2010, en réponse, M [T] a adressé une lettre à Mme [K] dans les termes suivants :

" Je vous indique, comme vous le savez, que j'ai procédé au licenciement de Madame [P] en date du 12 avril 2010. Pour votre information, je vous précise que cette dernière conteste le licenciement devant le Conseil de Prud'hommes.

A ce jour, vous êtes toujours en arrêt de travail et vous avez saisi le Conseil de Prud'hommes d'une demande de résiliation de votre contrat. J'ai pourtant entièrement satisfait à vos demandes formulées en date du 4 mars 2010.

Sans porter aucun jugement quant aux motifs de vos arrêts de travail, vous n'ignorez pas que votre absence crée des problèmes quasi insurmontables d'organisation dans votre service.

Afin d'éviter toute ambiguïté, je pense devoir considérer que vous ne souhaitez plus travailler pour 1PSOS.

Si j'avais mal compris la situation, il vous appartient de revenir vers moi par retour de courrier.

Je reste dans l'incompréhension. "

Le 26 juillet 2010, Mme [K] a notifié à son employeur une prise d'acte dans les termes suivants :

"Monsieur,

Les termes de votre lettre du 6 juillet 2010 n'ont pas manqué de me surprendre.

La démarche que j'ai entreprise tant auprès de la Société IPSOS ASI qu'auprès de la médecine du travail consistait à dénoncer le harcèlement moral dont j'étais victime depuis plusieurs mois.

Considérer que le licenciement de l'auteur du harcèlement autorise mon retour immédiat, c'est nier mon préjudice, l'étendue de la souffrance endurée et l'inaptitude retenue.

En dépit de mes courriers ainsi que des certificats du Docteur [L] [C], vous n'avez pris aucune mesure pour me proposer un autre poste dans un autre service.

Vous vous êtes contenté de contrôler ma présence effective à mon domicile.

Alors que je subis encore les conséquences psychologiques d'une situation que vous connaissiez depuis longtemps, vous m'adressez une lettre recommandée avec accusé de réception précisant que mes absences créent des problèmes "quasi insurmontables d'organisation dans mon service".

Le désintérêt affiché par la Société IPSOS ASI m'oblige à tirer toute conséquence au regard de la poursuite de notre relation contractuelle.

Je me vois contrainte de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail aux torts exclusifs de la Société IPSOS ASI pour l'ensemble des motifs invoqués aussi bien dans ma lettre du 22 février 2010 que dans le présent courrier...".

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 août 2010, M [T] a contesté cette prise d'acte en estimant qu'il avait répondu à ses obligations d'employeur pour faire face à la situation en licenciant Mme [P], que Mme [K] n'avait pas cherché à envisager un retour au sein d'Ipsos depuis son arrêt maladie, le conduisant ainsi à l'interroger le 6 juillet sur ses intentions, ce qui ne pouvait lui être reproché, afin de pouvoir "disposer d'une visibilité permettant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la continuité de fonctionnement du service" auquel était attaché le poste de Mme [K] requérant des compétences et qualités professionnelles spécifiques.

A l'issue de son arrêt de travail le 29 août 2010, Mme [K] a été embauchée à compter du 30 août 2010 par une autre société en qualité de chef de groupe, statut cadre niveau 2.3, coefficient 150 de la convention collective nationale Syntec, rémunérée 3.604 € brut par mois ;

Sur la rupture du contrat

Considérant que Mme [K] soutient pour l'essentiel, pour voir produire à sa prise d'acte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, que l'employeur a manqué à ses obligations:

- de sécurité de résultat en matière de harcèlement moral, en ne prenant pas les mesures nécessaires à la protection de sa santé physique et mentale, y compris après le licenciement de Mme [P].

- de reclassement préconisé par la médecine du travail,

- de reprendre le versement de l'intégralité de son salaire, passé le délai d'un mois après l'avis médical d'inaptitude du 8 mars 2010, conformément aux dispositions de l'article L 1226-4 du Code du Travail ;

Que la société Ipsos France fait valoir que la salariée n'avait plus d'intérêt à agir à la date de la saisine du conseil de prud'hommes dans la mesure où la situation litigieuse avait cessé depuis trois mois, qu'elle n'avait pas à reprendre le paiement du salaire, ni à chercher un reclassement pour Mme [K], que le manquement qui lui est imputé n'est pas suffisamment grave pour rendre impossible la poursuite du contrat, alors que la Société a été informée de la situation de harcèlement pour la première fois le 15 février 2010, qu'il a été mis fin à la situation litigieuse par le licenciement de Mme [P] le 12 avril 2010 et que la saisine du conseil de prud'hommes par Mme [K] est intervenue plusieurs mois après ses reproches formulés auprès de l'employeur ; que la Société intimée estime que la véritable cause de la rupture du contrat est liée au nouveau projet professionnel de la salariée qui a débuté dès le 30 août 2010 auprès d'un nouvel emploi et que donc la prise d'acte s'analyse en une démission ;

Considérant que lorsque qu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifiaient, soit dans le cas contraire d'une démission ;

Que l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, ne fixe pas les limites du litige ; dès lors le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit ;

Considérant qu'en l'espèce, Mme [K] a un intérêt évident à agir pour voir reconnaître en appel, à l'appui de sa prise d'acte, l'existence d'un harcèlement moral et la violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat, quand bien même ce dernier estime que la situation litigieuse avait cessé au jour de l'introduction de l'instance le 15 juin 2010, en raison du licenciement de Mme [P] le 12 avril 2010 ;

Qu'aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Que l'article L.1152-4 du même code oblige l'employeur, tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité, à prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral ; que l'absence de faute de sa part ou le comportement fautif d'un autre salarié de l'entreprise ne peuvent l'exonérer de sa responsabilité à ce titre ;

Qu'il résulte des articles L. 1152-1, L. 1152-4 et L. 4121-1 du code du travail que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation, lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements ;

Qu l'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, le juge doit apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il appartient à l'employeur de prouver que les faits en cause ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Qu'en l'espèce les traitements dénoncés par Mme [K] qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ayant eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail altérant sa santé, ne sont pas contestés par la société Ipsos qui a licencié Mme [P] pour ces faits et pour un comportement raciste ;

Que participe à un tel harcèlement moral, le fait que l'employeur, pourtant alerté par le médecin du travail depuis le 26 février 2010 et les arrêts maladie à répétition de la salariée puisse, par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 juillet envoyée à Mme [K] en arrêt maladie, penser " devoir considérer que vous ne souhaitez plus travailler pour IPSOS" et inviter la salariée à l'informer d'un avis contraire ; que le souci compréhensible de l'organisation du service ne justifie pas la teneur d'un tel courrier ;

Que par ailleurs, tenu par les avis du médecin du travail des 16 février et 8 mars 2010 de modifier les conditions de travail de Mme [K] en lui recherchant une autre affectation nécessaire pour prévenir les agissements de harcèlement moral, la société Ipsos ne justifie d'aucune recherche en ce sens, ni s'être rapprochée du médecin du travail pour lui soumettre ses recherches ou difficultés ; que le licenciement de Mme [P] le 12 avril 2010 ne peut pallier à ce manquement ;

Que, dans ces conditions, Mme [K] dont l'état de santé a justifié quatre arrêts de travail pendant la période du 25 janvier 2010 au 29 août 2010, avec des périodes de congés payés entre ces arrêts de sorte qu'elle n'a jamais effectivement repris le travail, était fondée à considérer le 26 juillet 2010 que la poursuite des relations contractuelles était impossible du fait des manquements graves de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, à laquelle participait la recherche d'une nouvelle affectation, et que sa prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le délai écoulé entre la connaissance qu'à eu indiscutablement l'employeur le 15 février 2010 de l'existence d'un harcèlement moral au sein du service de cette salariée et la saisine de la juridiction le 15 juin 2010 d'une action en résiliation, puis d'une prise d'acte, ne peut établir que la poursuite du contrat de Mme [K] était néanmoins possible après le licenciement de Mme [P] le 12 avril 2010, dans la mesure où le contrat de travail de Mme [K] a été suspendu même après le licenciement de sa responsable, que la salariée n'a jamais pu reprendre effectivement son poste après le 25 janvier 2010 en raison d'un arrêt maladie prolongé en lien direct avec le harcèlement moral subi aux temps et lieu du travail et une absence de changement d'affectation, et qu'antérieurement l'employeur n'avait déjà manifestement pas pris la mesure des directives discriminatoires données le 23 juin 2009 par Mme [P] à ses subordonnés et portées à sa connaissance le 25 juin 2009, outre d'autres propos répréhensibles à caractère raciste dont il a été informé par un mail collectif des cinq salariés de ce service placés sous l'autorité de Mme [P], attendant le 25 mars 2010 pour engager une procédure disciplinaire ; que dans ce contexte il ne peut être reproché à la salariée d'avoir cherché à quitter la société Ipsos pour retrouver un nouvel employeur ;

Que la prise d'acte doit donc produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et le jugement doit être réformé ;

Considérant que Mme [K] a perdu le bénéfice d'une ancienneté de 2 ans et 9 mois dans cette entreprise employant plusieurs milliers de salariés et d'un salaire moyen brut mensuel de 3100€; qu'elle a retrouvé le 30 août 2010 un emploi de chef de groupe, statut cadre niveau 2.3, coefficient 150 de la convention collective Syntec, rémunérée 3.604 € brut par mois ; que le préjudice, ne serait-ce que moral, causé par son licenciement doit être réparé, en application de l'article L 1235-3 du Code du Travail, par l'allocation d'une somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts ;

Qu'il doit aussi lui être versée son indemnité de préavis de trois mois, l'indemnité de congés payés afférents et une indemnité de licenciement pour les sommes ci-dessous non autrement contestées ;

Sur le rappel de salaire

Considérant que Mme [K] prétend, en application de l'article L 1226-4 du Code du Travail, au paiement d'un rappel de salaire de 3.701,95 €, motif pris qu'elle n'a pas touché l'intégralité de son salaire à l'issue du délai d'un mois à compter de l'examen médical de reprise du travail l'ayant déclarée inapte le 8 mars 2010 ;

Que dans la mesure où la salariée était toujours en arrêt maladie à cette date et que le médecin du travail a noté le 8 mars " reprise différée. Prolongation de l'arrêt de travail dans l'attente des modifications des conditions de travail. Revoir à l'issue", ce dont il résulte qu'il ne s'agissait pas là d'un avis consécutif à la reprise du travail, le contrat étant toujours suspendu, la société Ipsos n'avait donc pas à reprendre le paiement du salaire et à se substituer à l'organisme versant des indemnités journalières ;

Que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de rappel de salaire et d'indemnité de congés payés afférents ;

Sur le "reclassement"

Considérant que, sur le fondement de l'article L 1226-15 du Code du Travail, la salariée reproche à la société Ipsos un manquement à son obligation de "reclassement" née des avis du médecin du travail et de l'avis d'inaptitude au poste du 8 mars 2010 ; que la société Ipsos soutient qu'elle n'avait pas à rechercher un nouveau poste pour sa salariée ;

Considérant que l'avis du médecin du travail du 8 mars 2010 n'est pas un avis d'inaptitude au poste consécutif à la reprise du travail déclenchant l'obligation de reclassement prévue par l'article L 1226-15 du Code du Travail ;

Que cependant l'article L.1152-4 du Code du Travail obligeait l'employeur, tenu envers Mme [K] d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité, à prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements d' harcèlement moral et, notamment à chercher une autre affectation pour le salarié ;

Qu'en l'espèce le manquement de la société Ipsos à cette obligation est d'autant plus caractérisé que le médecin du travail l'avait invitée dès le 16 février 2010 à chercher une autre affectation pour la salariée ;

Que ce manquement a causé un préjudice à Mme [K] caractérisé par le fait qu'elle a perdu une chance de se voir déclarer apte à un autre poste, que son arrêt maladie a dès lors été prolongé entraînant une perte de revenus de l'ordre de 3.700 € et qu'elle en a subi nécessairement un préjudice moral spécifique ;

Que la société Ipsos France doit donc être condamnée à lui payer la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts de ce chef ;

Sur les frais et dépens

Considérant que la société Ipsos France qui succombe en son appel n'est pas fondée à obtenir l'application de l'article 700 du code de procédure civile, mais versera à Mme [K] sur ce même fondement la somme de 3.000 € et supportera les dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déboute la SAS IPSOS FRANCE de ses fins de non recevoir ;

Réforme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 12 décembre 2011, sauf en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande de rappel de salaires ;

Statuant à nouveau,

Dit que la prise d'acte le 26 juillet 2010 par Madame [I] [K] de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SAS IPSOS FRANCE à payer à Madame [I] [K] les sommes de :

- 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 9.300 € à titre d'indemnité de préavis,

- 930 € à titre de congés payés sur préavis,

- 1.850 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 5.000 € pour non-respect des dispositions de l'article L.1152-4 du Code du Travail ;

Y ajoutant,

Condamne la SAS IPSOS FRANCE à payer à Madame [I] [K] la somme de 3.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne la SAS IPSOS FRANCE aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

L. CAPARROS P. LABEY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 12/07391
Date de la décision : 06/11/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°12/07391 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-06;12.07391 ?
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