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04/11/2014 | FRANCE | N°12/04664

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 04 novembre 2014, 12/04664


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 04 Novembre 2014

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/04664



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Février 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 06/13092





APPELANT



Monsieur [Z] [T]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Arnaud MOQUIN

, avocat au barreau de PARIS, toque : P0082







INTIMEE



LA SOCIETE STRATX

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Farid BOUZIDI, avocat au barreau de PARIS, toque : E1097





COMP...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 04 Novembre 2014

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/04664

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Février 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 06/13092

APPELANT

Monsieur [Z] [T]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Arnaud MOQUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0082

INTIMEE

LA SOCIETE STRATX

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Farid BOUZIDI, avocat au barreau de PARIS, toque : E1097

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Septembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente de chambre

Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président de chambre

Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mademoiselle Sandrine CAYRE, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Mlle Sandrine CAYRE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour est saisie de l'appel interjeté par Monsieur [Z] [T] du jugement du Conseil des Prud'hommes de PARIS, section Encadrement - chambre 5, rendu le 2 Février 2012 qui a condamné la SA STRATX à lui payer avec intérêts légaux à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation la somme de 19437.95 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, a fixé la moyenne de ses trois derniers salaires mensuels à la somme de 29663.75 € et a rejeté le surplus de ses demandes.

FAITS ET DEMANDES DES PARTIES

La société STRATX (SA) est spécialisée dans la formation en marketing des cadres d'entreprises par l'organisation de séminaires et par le développement et la diffusion de logiciels de formation en marketing, elle a été créée en 1984 par [V] [R], professeur de marketing à l'INSEAD ;

Afin de concilier ses activités d' enseignant et de président de la SA STRATX, Monsieur [V] [R] a selon délibération du conseil d'administration du 20 janvier 2003, consenti une délégation de pouvoirs et de signatures de manière exclusive au profit de Monsieur [Z] [T], directeur des opérations groupe et Monsieur [Y] [C], directeur recherches, développement et finances ;

Cette délégation englobait les opérations courantes liées au fonctionnement de la société conclues « à des conditions normales telles que les prises de commandes et signatures de devis » à concurrence d'un montant de 80000 € avec la signature de l'un ou de l'autre des deux délégataires, à concurrence de 150000 € avec la signature conjointe des deux et au-delà avec la signature des deux avec l'accord de Monsieur [V] [R] et s'agissant de la signature bancaire et les conditions de signature à concurrence de 80000 € et 150000 € étaient identiques.

Monsieur [T] né en [Date naissance 1] 1966 a été engagé le 20 avril 1998 en contrat à durée indéterminée en qualité de consultant, niveau cadre supérieur, indice 3-2, coefficient 210 de la convention des Bureaux d'études techniques ; sa rémunération était alors fixée à la somme de 420000 FF versée sur 12 mois plus une prime de fin d'année d'un montant maximum de 1/6 des salaires versés dans l'année ; une prime de 1000 FF par jour était prévue par jour d'animation de programme au-delà du centième jour d'animation par an ;

La clause VIII intitulé Secret professionnel stipule que « le consultant s'interdit d'utiliser à titre personnel les renseignements recueillis à l'occasion de son activité professionnelle ou pour le compte d'une autre société tant pendant le cours du contrat de travail qu'à l'issue de celui-ci » ;

La clause X intitulé « clause de non concurrence » indique qu'à la rupture du contrat le consultant s'interdit pendant une durée d'un an, sauf autorisation expresse de l'employeur de s'intéresser directement ou indirectement à des activités semblables à celles exercées en qualité de salarié, avec les clients de la société, précision donnée que sont concernés tous les clients ayant travaillé avec un des bureaux de la SA STRATX au cours des 2 années ayant précédé la rupture du contrat ;

Le 25 juin 2002, est signé un avenant concernant la mise en 'uvre de la réduction du temps de travail et Monsieur [T] est cadre supérieur position 3-3, coefficient 270 au forfait de 215 jours par an ;

Le 1er janvier 2005 un nouvel avenant est régularisé entre les parties aux termes duquel à compter de cette date le salarié bénéficie d'un logement de fonction pour son habitation personnelle et familiale [Adresse 2] de 7 pièces principales plus dépendances ;

L'entreprise emploie une trentaine de salariés.

Monsieur [Z] [T] qui était directeur des opérations de la SA STRATX expose pages 7 et 8 de ses conclusions reprises oralement que l'ambiance au sein de la société s'est dégradée au cours de l'année 2006 notamment en raison d'une relation entretenue par Monsieur [V] [R] avec [S] [W] « dont plusieurs consultants ou dirigeants considéraient d'une part qu'elle n'était pas à la hauteur et d'autre part qu'elle bénéficiait d'un traitement de faveur de la part de Monsieur [V] [R] » et que c'est dans ce contexte qu' « il a estimé devoir faire évoluer sa carrière et a présenté le 1er Septembre 2006 sa démission » laquelle a été mal supportée par Monsieur [V] [R] et que c'est par pure vengeance que ce dernier a mis en place une « stratégie de nuisance absolue » à son égard et contre sa compagne [N] [E], la DRH ;

Selon lettre de démission versée aux débats, Monsieur [T] indique au Président Directeur Général Monsieur [V] [R] avoir le sentiment de ne plus pouvoir assurer sereinement ses fonctions de C.O.O (sic) ; il indique « je pense que certaines blessures que j'ai reçues récemment ne pourront pas cicatriser car elles impactent trop ma motivation » il indique encore espérer qu'un terrain d'entente sera trouvé pour que son départ se fasse dans de bonnes conditions « de respect mutuel » ;

Monsieur [V] [R] a répondu le même jour en indiquant que la lettre de démission était « inacceptable » et qu'il planait une équivoque qui devrait être levée, que le salarié jette un voile « sur les agissements totalement incompréhensibles sur lesquels tu ne m'as donné aucune réponse satisfaisante malgré l'entretien que nous avons eu longuement le 31 Août dernier » ; il y évoque les dépenses fastueuses et totalement extravagantes qui ont été faites avec amplification et implication de certains de ses collaborateurs, l'augmentation de salaire de « ton amie [N] [E] » nommée DRH en décembre 2004 et qui a été associée à « tes activités pour gérer une partie du contrat NOVARTIS » ;

Monsieur [Z] [T] a été convoqué le 6 Septembre 2006 à un entretien préalable avec mise à pied conservatoire pour le 20 Septembre suivant et licencié pour fautes lourdes le 28 Septembre 2006 ;

Madame [N] [E], compagne de Monsieur [T] est à même date convoquée à un entretien préalable « suite aux faits portés à notre connaissance » et également licenciée le 28 Septembre 2006 pour fautes lourdes ;

La lettre de licenciement fait état des griefs suivants : « lors d'un contrôle de gestion effectué au cours du mois d'Août 2006, il est apparu un certain nombre de dépenses somptuaires supportées en définitive par la SA STRATX dont ont bénéficié des personnes qui n'avaient aucune qualité pour cela ; devant l'énormité des constats effectués nous avons été amenés à remonter dans le temps pour vérifier les écritures comptables et conforter malheureusement notre analyse. C'est ainsi que :

- du 12 au 14 Mai 2006 vous invitez le couple [K] et Madame [N] [E] avec qui vous vivez maritalement accompagnés des enfants de part et d'autre ainsi qu'un chien à une escapade en familles à [Localité 2] par jet privé, l'importance de l'effectif expliquant le recours à une voiture de place et à un jet Dassault Falcon Mystère 20 de 10 passagers, coût de l'expédition plus de 33000 € ( la lettre mentionne « il a fallu rechercher auprès d' AB CORPORATE AVIATION la liste effective des passagers et qui nous a été précisée très récemment, pour vérifier ce point volontairement occulté sur les facturations »

- le 27 février 2006 vous organisez un repas préparé par Monsieur [M] [D] pour un montant exorbitant de 11960 € avec différents couples dont l'un appartenait à une société cliente

- Le 16 Octobre 2005 vous réglez une note de 2611 € chez [Q] [L] pour deux chambres et un dîner en compagnie de Madame [N] [U] ([E]) et de Monsieur et Madame [J] [K]

- Le même jour vous achetez un coffret cadeau d'une valeur de 1000 € pour Monsieur [J] [K] avec sur la facture la mention « confidentiel »

- Le 15 juillet 2005, vous réglez une note de 5272 € pour trois bouteilles de vin chez ARPEGE à l'occasion d'un dîner avec la famille [K]

- le 31 Mai 2005 :3588 € de produits gastronomiques étaient dépensés pour le « week-end famille [K] »

- les 14 et 15 Mai 2005 la « famille [K] » et « [N] [E] » profitaient en votre compagnie d'un voyage en hélicoptère pour visiter les châteaux d e la Loire dépenses 8556 €

- Au cours de l'année 2004 vous réglez des factures pour près de 20000 € au profit de Madame [A] qui se révèle être une parente directe et qui avait déjà par ailleurs officiellement cessé son activité professionnelle le 30 juin 2001

- ces dépenses sont décidées par vous à l'insu de votre hiérarchie et aux frais de la SA STRATX, elles sont extravagantes quant à leur montant, elles ont bénéficié à des personnes totalement étrangères à nos relations d'affaires, ainsi les épouses, les enfants, un chien et votre maîtresse, le mode opératoire de règlement des factures fait que certains clients ont pu valablement croire à des dépenses qui vous auraient été personnelles

- vous ne pouvez vous retrancher derrière l'allégation selon laquelle il s'agissait « d'événements clients ». En votre qualité de membre du comité exécutif vous étiez exonéré de toute approbation des dépenses et vous pouviez donc sans contrôle vous faire rembourser les débits de votre carte American express, ce que vous avez fait sans discernement ni scrupule

- vous avez ainsi abusé de manière éhontée de la confiance qui vous était réservée de par vos fonctions

- ampleur anormale du bonus injustifié que vous avez mis en place pour votre maîtresse [N] [E] alors qu'elle était rattachée à Madame [P] [F]

Le 2 octobre 2006, l'avocat de Monsieur [T] a contesté le licenciement en faisant valoir que la procédure mise en place correspond à un montage destiné à discréditer son client et à l'empêcher de reprendre une activité professionnelle dans son domaine de compétence ;

Monsieur [T] a saisi le Conseil des Prud'hommes le 8 novembre 2006 ;

Pour l'aspect pénal des suites données par la SA STRATX, selon date alléguée, suite à un contrôle de gestion au cours du mois d'Août 2006 de la découverte d'agissements constitutifs de fautes lourdes, il est référé aux conclusions des parties, il sera seulement rappelé que :

- le 22 Février 2007 la SA STRATX a déposé plainte à l'encontre de Monsieur [Z] [T] et de Madame [N] [E] pour abus de confiance et complicité de recel en rappelant qu' à la suite d'une assemblée générale ordinaire du 8 juin 2006 au cours de laquelle le commissaire aux comptes a fait part de ses constatations concernant des dépenses exorbitantes engagées par Monsieur [Z] [T] par exemple pour l'achat de trois bouteilles au prix de 5272 €, le Président Directeur Général Monsieur [V] [R] a demandé au comptable, Monsieur [H] de vérifier toutes les dépenses engagées par Monsieur [Z] [T] sur plusieurs années en arrière et que c'était ainsi qu'avaient été découvertes au cours de l'été et début Septembre 2006, les agissements des deux mis en cause et notamment le week-end à St TROPEZ du mois de Mai 2006

- le 19 décembre 2008 le magistrat instructeur a rendu une ordonnance de non lieu confirmée par la chambre de l'instruction le 12 janvier 2010, le pourvoi formé ayant été déclaré non admis

- le 10 Mars 2011 Monsieur [Z] [T] et Madame [N] [E] ont fait citer directement devant le tribunal correctionnel de Paris la SA STRATX, Monsieur [V] [R] et Monsieur [Y] [C] pour dénonciation calomnieuse et complicité de dénonciation calomnieuse

- le 28 octobre 2011, la 31ème chambre /2 du Tribunal de Grande Instance a relaxé Monsieur [Y] [C] et Monsieur [V] [R] retenant seulement la culpabilité de la SA STRATX et la condamnant à payer une amende civile et recevant Monsieur [Z] [T] et Madame [N] [E] en leur constitution de partie civile a condamné la SA STRATX à payer à chacun d'eux la somme de 10000 € à titre de dommages intérêts plus 3000 € en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale

- sur appel de la SA STRATX et appel incident du Ministère Public, la Cour d' Appel de Paris, pôle 2 chambre 7, suivant arrêt en date du 14 Mars 2013 a confirmé le jugement en considérant que «le chef d'entreprise étant persuadé d'avoir à partir d'un unique événement (le séjour à [Localité 2]) extrapolé, avec la volonté de nuire envers les personnes dénoncées car des interrogations à propos de ce seul séjour ne justifiaient pas une semblable gobalisation » (sic);

Qu'il convient de relever que dans son arrêt la Cour précise toutefois qu' « à l'exception du séjour à [Localité 2] d'un coût de 35511.35 € la SA STRATX a conféré à des faits et événements un caractère illicite dont ils étaient dépourvus et qu'un seul des faits dénoncés était susceptible de recevoir la qualification pénale d'abus de confiance et celle de recel d'abus de confiance, l'ensemble des autres faits étant exclusifs de ces deux qualifications pénales.

Monsieur [Z] [T] après divers constats auxquels il est référé demande à la cour d'infirmer le jugement ; de dire que les faits invoqués dans les lettre de licenciement sont prescrits et la rupture du préavis par la SA STRATX dépourvue de cause réelle et sérieuse ; il invoque l'autorité de la chose jugée attachée à la condamnation définitive de la SA STRATX au paiement d'une amende civile pour plainte abusive à raison de la fausseté des faits dénoncés et de sa condamnation définitive pour dénonciation calomnieuse et soutient que les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont de plus fort dépourvus de caractère réel et sérieux et ne sont pas fautifs ; il sollicite en conséquence la condamnation de la SA STRATX à lui payer avec intérêts légaux à compter de la demande devant le Conseil des Prud'hommes et capitalisation à compter du « 1er anniversaire du point de départ » les sommes de :

86465.54 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

8899.12 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

45555.04 € pour congés payés acquis

122477 € au titre du profit Sharing prorata temporis pour 2006 au et subsidiairement 106977.75€

30000 € à titre de dommages intérêts pour clause de non concurrence nulle

80000 € à titre de dommages intérêts pour rupture vexatoire et malveillance avec intention de nuire

15000 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile ; il sollicite la remise des documents conformes sous astreinte

A l'audience de plaidoirie, sur interpellation de la Cour, le conseil de Monsieur [T] oppose l'existence d'une démission antérieure au licenciement et la rupture vexatoire du préavis.

Après diverses demandes de constats auxquelles il est référé, la société STRATX (SA) sollicite la confirmation du jugement après rejet de la prescription des faits invoqués dans la lettre de licenciement découverts en Août et Septembre 2006 pour la liste des passagers du jet ; elle demande de confirmer le jugement en ce qui concerne la cause réelle et sérieux du licenciement et le manquement de Monsieur [T] au devoir de loyauté ; elle demande le rejet de l'ensemble des demandes de Monsieur [T] et sa condamnation à lui payer la somme de 15000 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile.

SUR CE

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience et soutenues oralement à la barre.

Les « constats » n'étant pas créateurs de droit, il n'y a lieu de faire droit à chacune des demandes de constat présentées par les parties ;

La lettre du 1er Septembre 2006 adressée à Monsieur [V] [R] ès qualités de Président Directeur Général de la SA STRATX par Monsieur [Z] [T] n'est pas équivoque et son caractère non équivoque n'est pas remis en cause par le fait qu' in fine il indique espérer qu'ils trouveront un terrain d'entente dans les prochains jours pour que son départ se fasse dans de bonnes conditions de respect mutuel ;

Le salarié étant soumis à un préavis de trois mois non évoqué dans sa lettre de démission mais dont il ne demandait pas à être dispensé, c'est donc en cours d'exécution du préavis qu'a été prononcée la mise à pied conservatoire le 6 Septembre 2006 et qu'il a été convoqué à entretien préalable puis licencié le 28 Septembre 2006 ;

Sur la prescription des faits

La lettre de licenciement, à l'exception du week-end à [Localité 2] du 12 au 14 Mai 2006 vise des faits remontant pour le plus récent au 27 février 2006 et pour les autres à Mai, juillet et Octobre 2005 et à l'année 2004 ;

Il est justifié par les pièces versées aux débats que s'agissant du week-end à [Localité 2], la prescription de deux mois à la date d'engagement de la procédure de licenciement ne peut être valablement opposée même si les faits remontent au mois de Mai 2006 dès lors qu'il est établi que Monsieur [V] [R] en sa qualité de Président Directeur Général de la SA STRATX n'a été en mesure d'appréhender l'étendue exacte des faits relatifs à cet événement et à cette dépense qu' a la suite des démarches qu'il a dû effectuer auprès de la compagnie d'aviation pour obtenir la liste des passagers, liste qu'il n'obtiendra que le 20 Septembre 2006 par mail de AB Corporate Aviation, celle-ci s'étant dans un premier temps opposée à toute communication et alors même qu'avant recherche suite à « l'enquête » diligentée après l'alerte du commissaire aux comptes lors de l'AGO du mois de juin 2006, la facture avait pu être réglée sans qu'aucun justificatif n'ait été demandé, Monsieur [Z] [T] ayant fait figurer le code « nov TT » ce qui classait la dépense dans celles pour lesquelles aucun détail ni justificatif n'était demandé, Monsieur [C] ayant affirmé au cours de l'enquête pénale qu'il avait réglé le chèque de la dépense dans l'urgence le 12 Mai 2006 ;

En revanche, s'agissant des autres faits invoqués dans la lettre de licenciement, ils sont manifestement prescrits dans la mesure où l'employeur ne peut sérieusement et valablement soutenir qu'il les auraient découverts à l'occasion de l' enquête interne effectuée au cours du mois d'Août 2006 ;

En effet, il ressort de l'enquête pénale versée aux débats que toutes les factures ont été réglées ou remboursées à Monsieur [Z] [T] et passées en comptabilité sans aucune observation ni demande de renseignement par Monsieur [C] , directeur administratif et financier qui avait une délégation de pouvoir pour régler les dépenses dans les termes rappelés ci-dessus et ont fait l'objet de reportings mensuels ou annuels qui ont été soumis au commissaire aux comptes sans observation ;

Il s'ensuit que ces factures qui n'avaient aucun caractère occulte et étaient versées en toute transparence dans la comptabilité de la société étaient à la disposition de l'employeur qui avait toute liberté d'exercer son pouvoir de contrôle de chef d'entreprise notamment concernant les dépenses de 2005 et 2004 visées dans la lettre de licenciement étant observé que le commissaire aux comptes avait certifié la régularité des comptes;

De même, Monsieur [C] et Monsieur [V] [R] ont reconnu au cours de l'instruction que les augmentations de salaire de Madame [N] [E] étaient connues des membres du comité de direction, l'ensemble des rémunérations du personnel étant soumis à Monsieur [V] [R] ;

En conséquence de ce qui précède le seul grief subsistant et qui sera analysé comme susceptible de constituer un fait fautif en matière d'exécution du contrat de travail et être une faute civile sans qu'aucune autorité de la chose jugée pénalement puisse être opposée valablement est le week-end à [Localité 2] du 12 au 14 Mai 2006.

Sur la rupture du préavis après démission du salarié

S'il n'est pas contestable que la SA STRATX organisait pour ses clients prestigieux des événements clients dont le coût était à la hauteur de l'importance qu'ils avaient pour le chiffre d'affaires de la société, cependant en l'espèce, le séjour et le déplacement à St TROPEZ les vendredi, samedi et dimanche 12 au 14 Mai 2006 a représenté un coût de 35511.35 € et a concerné outre la famille de Monsieur [K] (mari-épouse, enfant), Monsieur [Z] [T] et sa compagne Madame [N] [E] ainsi que les 2 enfants de cette dernière et encore les deux enfants de Monsieur [Z] [T], une baby sitter et un chien ;

S'il ressort du dossier que Madame [N] [E] participait à divers événements « clients » , il n'est pas justifié de manière probante que l'habitude et l'usage de la SA STRATX était de faire « profiter » les enfants de ses salariés des événements de prestige au caractère manifestement hors norme et ne pouvant être rangés dans le cadre des dépenses normalement engagées pour s'assurer et parfaire des relations commerciales avec un client qui comme en l'espèce, s'agissant de Monsieur [K] n'appartenait pas à la division de NOVARTIS dont il n'était que le numéro 3, qui générait le plus fort chiffre d'affaires puisqu'au contraire 90% du chiffre d'affaires généré par NORVATIS l'était avec la division RH ;

Monsieur [Z] [T] en faisant profiter de ce week-end à [Localité 2] ses propres enfants, ceux de sa compagne Madame [N] [E], en adjoignant une baby sitter ( [G] [X]) dont il dissimulera le véritable emploi en indiquant de sa main sur la facture « hôtesse event »,sans que ces participations aient été autorisées par son employeur ou qu'il en ait été informé et en faisant encore figurer sur la facture de transport de la baby sitter le code « nov TT », a manifestement manqué de loyauté à l'égard de son employeur dans son intérêt personnel et l'intérêt personnel de sa compagne [N] [E] dont il a associé les enfants, alors même qu'en sa qualité, sa fonction et sa responsabilité au sein de la société, son employeur doit avoir une totale confiance en lui ; ce manquement est suffisamment grave pour justifier la rupture de la relation contractuelle pendant le préavis dû consécutivement à la démission du salarié ;

Sur l'aspect financier de la rupture de préavis

La rupture du préavis reposant sur une faute grave l'appelant doit être débouté de sa demande en paiement d' indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ;

La demande de dommages intérêts pour rupture vexatoire, malveillante et intention de nuire sera rejetée eu égard à la faute grave avérée ;

Le salarié a droit aux 32.25 jours de congés payés dont il disposait à fin Août 2006 de sorte qu'eu égard au montant de son salaire mensuel qu'il convient de fixer dans le dernier état de ses fonctions en brut à la somme de17238 € soit salaire de base plus prime d'expatriation, toutes autres primes ou indemnités dont il n'a pas été privé n'entrant pas dans le calcul de l'assiette de calcul des congés payés, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué la somme de 19437.95 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés laquelle remplit le salarié de ses droits ;

Il ressort des bulletins de salaire versés aux débats qu' au mois de Mars 2005, le salarié a perçu un « profit Sharing » de 122477 €, qu'au mois d'avril 2006, il en a perçu un de 142637 € ;

Soutenant que ce Profit Sharing n'était pas attribué en fonction du bénéfice du groupe mais du profit tiré de l'activité individuelle du responsable lui-même et qu'il n'était pas une distribution de dividendes mais bien un bonus individuel constituant la forme de sa rémunération variable, Monsieur [T] demande le paiement de la somme qu'il aurait dû percevoir sur l'année 2006 ;

Le contrat de travail prévoyait au titre de la rémunération outre la partie fixe, une prime d'un montant maximum de 1/6 des salaires versés dans l' année fixée par la direction à la fin de chaque année en fonction de la profitabilité de l'entreprise et de la réalisation des objectifs personnels de l'employé fixés au début de l'année par la direction ;

Il ressort donc de cette définition que cet élément de la rémunération comportait deux éléments d'appréciation l'un concernant en fait les résultats de l'entreprise et l'autre reposant sur les objectifs fixés au salarié en début d'année ;

Selon lettre du 8 juin 2010 de monsieur [M] [I], commissaire aux comptes de la société de 2003 à 2008 de la SA STRATX, l'attribution du profit sharing dont sur [Localité 1] seuls messieurs [C] , [T] et [B] étaient bénéficiaires, était du ressort du seul président et ne résultait pas de l'application d'un texte ; il ajoute qu'au titre de l'exercice 2006 lorsqu'il est apparu qu'un client très important de la société avait décidé de rompre toute relation il a alors été décidé de ne pas attribuer de Profit sharing et que cette décision n'a fat l'objet d'aucune réserve dans son rapport sur les comptes de 2006 et que compte tenu de la situation dégradée il n'a été attribué aucun « profit sharing » au titre des exercices 2007-2008 ni aucune distribution de dividende ;

Il s'ensuit que Monsieur [T] ne peut prétendre à l'attribution d'aucun profit Sharing au titre de l'année 2006 ;

Cependant l'examen des bulletins de salaire de Monsieur [T] sur les années 2004 à 2006 ne fait apparaître aucun versement de « bonus » et il n'est pas davantage justifié de la fixation d'objectifs ce qui est fautif de la part de l'employeur puisqu'il s'agit d'un élément de la rémunération du salarié ;

Il s'ensuit que la Cour considère que la somme versée sous l'intitulé « profit Sharing » recouvrait nécessairement pour partie le bonus sur l'atteinte des objectifs qui auraient dû être fixés de sorte qu'il convient eu égard à ce qui précède, au montant de son salaire mensuel fixe, d'allouer au salarié non pas un profit sharing mais une somme de 2000 € à titre de dommages intérêts en compensation de la somme à laquelle il aurait pu prétendre en raison de son activité néanmoins néanmoins affectée par sa conduite indélicate au regard de son temps de présence si des objectifs lui avaient été fixés ;

La clause de non concurrence incluse au contrat de travail de Monsieur [T] ne comporte aucune contrepartie financière, elle est donc nulle et lui a nécessairement causé un préjudice et il est dès lors indifférent qu'il ait après son départ créé une société AGLIO concurrente ; la somme de 5000 € lui sera allouée à titre de dommages intérêts ;

Le demande de remise des documents conformes sera accueillie sans qu'il soit besoin de prononcer une astreinte.

Il n'y a lieu à frais irrépétibles au profit de Monsieur [T] eu égard au contexte de l'affaire ;

La société STRATX (SA) conservera à sa charge ses frais irrépétibles .

Les condamnations prononcées étant de nature salariales, elles porteront intérêts légaux à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation soit le 13 novembre 2006 avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la SA STRATX à payer à Monsieur [Z] [T] la somme de 19437.95 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés avec intérêts légaux à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau :

Dit que la clause de non concurrence incluse au contrat de travail de Monsieur [T] [Z] est nulle

Condamne la SA STRATX à payer à Monsieur [T] la somme de 5000 € en contrepartie de la clause de non concurrence nulle

Dit que les créances de nature salariales portent intérêts légaux à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation

Condamne la SA STRATX à payer à Monsieur [T] [Z] la somme de 2000 € à titre de dommages intérêts pour non fixation des objectifs

Ordonne la remise des documents conformes sans qu'il y ait lieu à astreinte

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil

Rejette les autres demandes des parties

Condamne la SA STRATX aux entiers dépens .

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 12/04664
Date de la décision : 04/11/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°12/04664 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-04;12.04664 ?
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