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30/10/2014 | FRANCE | N°13/03012

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 30 octobre 2014, 13/03012


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 30 OCTOBRE 2014



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/03012



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Décembre 2012 - Tribunal de Commerce de LILLE - RG n° 2011-01999





APPELANTES



SAS EUROPORTS ROAD TRANSPORT FRANCE anciennement dénommée MANUPORT ROAD TRANSPORT FRANCE

ayant s

on siège social [Adresse 1]

[Localité 1]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



SASU CIBEN

ayant son siège social [Adresse 1]

...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 30 OCTOBRE 2014

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/03012

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Décembre 2012 - Tribunal de Commerce de LILLE - RG n° 2011-01999

APPELANTES

SAS EUROPORTS ROAD TRANSPORT FRANCE anciennement dénommée MANUPORT ROAD TRANSPORT FRANCE

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

SASU CIBEN

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

Assistée de Me Guillaume BRAJEUX, avocat au barreau de PARIS, toque : J040

INTIMEE

SA SOTRALOMA

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 2]

prise en la personne de son Président, Monsieur [H] [J], domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Assistée de Me Jean Marc POINTEL, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Septembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente de chambre

Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de chambre, chargé du rapport

Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

Faits et procédure

Les sociétés CIBEN et MRT (devenue EUROPORTS ROAD TRANSPORT), ayant pour objet social la commission de transport routier sur le territoire français, ont confié à la société SOTRALOMA l'exécution de transports pour le compte de leurs clients.

Le 10 décembre 2009, les sociétés CIBEN et MRT, arguant d'une dégradation économique et d'une concurrence accrue de la société ESCOORT, commissionnaire de transport, au capital de laquelle participait la société SOTRALOMA, ont rompu leurs relations commerciales avec SOTRALOMA.

Le 30 décembre 2009 et le 10 janvier 2010, les sociétés CIBEN et MRT ont informé la société SOTRALOMA de la reprise des relations commerciales.

En l'absence d'accord entre les parties sur le paiement de factures, les sociétés MRT et CIBEN ont, par lettre reçue le 2 mars 2010, informé la société SOTRALOMA qu'elles mettaient un terme à toute relation commerciale avec elle à compter du 10 mars 2010.

Par acte du 24 mars 2010, SOTRALOMA a assigné MRT et CIBEN devant le tribunal de commerce de Lille aux fins d'obtenir réparation de la rupture brutale des relations commerciales établies et paiement de factures.

Par jugement rendu le 20 décembre 2012, le tribunal de commerce de Lille a condamné :

- la société MRT à payer à la SA SOTRALOMA les sommes de 48.500,00 euros au titre de l'article L442-6-1-5° du code de commerce et 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la société CIBEN à payer à la société SOTRALOMA les sommes de 41.200,00 euros au titre de l'article L442-6-1-5° du code de commerce, de 66.081,48 euros au titre des factures prétendument impayées, assortie de l'intérêt légal à compter du 24 mars 2010, et de 3.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés MRT et CIBEN ont interjeté appel de ce jugement le 14 février 2013.

Les sociétés EUROPORTS ROAD TRANPORT FRANCE, venant aux droits de MRT, et CIBEN, par conclusions signifiées le 7 août 2014, demandent à la cour de prendre acte que la société MANUPORT ROAD TRANSPORT est aujourd'hui dénommée EUROPORTS ROAD TRANSPORT FRANCE SAS, réformer le jugement du tribunal de commerce de Lille du 20 décembre 2012 dans toutes ses dispositions, déclarer irrecevables les pièces n° 42, 42 bis, 43, 43 bis, P4, P10 et P11 versées aux débats par SOTRALOMA, débouter la société SOTRALOMA de l'intégralité de ses demandes, condamner la société SOTRALOMA à payer aux sociétés MRT et CIBEN la somme de 20.000,00 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du CPC et condamner la société SOTRALOMA aux entiers dépens.

Elles soutiennent que le contrat les unissant à la société SOTRALOMA est un contrat de transport, que dès lors, la rupture des relations commerciales doit obéir aux règles énoncées par l'article 12-2 du contrat-type sous-traitance en date du 26 décembre 2003 et que l'article 442-6 du code de commerce, qui a vocation à s'appliquer à un contrat de location, doit être écarté. Elles estiment que le préavis applicable est de trois mois, tel que prévu par le contrat- type, préavis ayant effectivement été respecté comme correspondant au délai écoulé entre la lettre recommandée du 10 décembre 2009 et la rupture effective du 10 mars 2010.

Elles soulignent le caractère prévisible, et donc l'absence de brutalité, de la rupture des relations commerciales, en raison des difficultés rencontrées par MRT et CIBEN à la suite de la constitution de la société ESCOORT, créée en juillet 2009 par la société SOTRALOMA et par Monsieur [AJ] [F], directeur technique et administratif de CIBEN et directeur de MRT - difficultés que ne pouvait ignorer SOTRALOMA - et du détournement de la clientèle de MRT et CIBEN par ESCOORT.

Elles invoquent l'absence de préjudice de la société SOTRALOMA qui n'a subi aucune baisse de son chiffre d'affaires par suite de la rupture des relations commerciales, le chiffre d'affaires le cas échéant perdu ayant en tout état de cause été récupéré par le biais de la société ESCOORT.

Enfin, les appelantes font valoir qu'elles ne sont débitrices d'aucune somme au bénéfice de la société SOTRALOMA, aucun forfait minimum de 15 jours par mois n'étant prévu au contrat et seul devant s'appliquer le forfait minimum de 450 km/jour.

La société SOTRALOMA, par conclusions signifiées le 2 juillet 2014, appelante à titre incident, demande à la cour :

- d'écarter des débats les pièces adverses HFWn°2 et HFWn°10, et par voie de conséquence, écarter toutes références à ces pièces annulées ;

- de constater que la société SOTRALOMA et la société CIBEN sont liées par des relations commerciales durables et établies depuis plus de 10 ans dans le cadre d'un contrat de location de véhicules avec chauffeur ;

- de constater que la société CIBEN a rompu brutalement les relations commerciales sans respecter un délai de préavis suffisant de 12 mois ;

- de dire en conséquence que la société CIBEN a engagé sa responsabilité à l'égard de la société SOTRALOMA ;

- de réformer le jugement entrepris et condamner la société CIBEN à payer à la société SOTRALOMA la somme de 224.968 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir ;

- d'ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

- de constater que la société SOTRALOMA et la société MRT sont liées par des relations commerciales durables et établies depuis plus de 25 ans ;

- de constater que la société MRT a rompu brutalement ses relations commerciales sans respecter un délai de préavis suffisant de 24 mois compte tenu de l'ancienneté de la relation et de dire en conséquence que la société MRT a engagé sa responsabilité à l'égard de la société SOTRALOMA ;

- en conséquence, de réformer le jugement entrepris et condamner la société MRT à payer à la société SOTRALOMA la somme de 669.238,00 euros, avec intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir.

- d'ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

- de condamner la société CIBEN à payer à la société SOTRALOMA la somme de 11.334,49 euros au titre du solde des factures de décembre 2009 avec intérêts de droit à compter du 24 mars 2010 et la société MRT à la société SOTRALOMA la somme de 39.041,04 euros au titre du solde des factures de décembre 2009 avec intérêts de droit à compter du 24 mars 2010 ;

- d'ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

- de condamner conjointement et solidairement les sociétés CIBEN et MRT à payer à la société SOTRALOMA la somme de 20.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de dire que, dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans l'arrêt à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice, le montant des sommes retenu par l'huissier par application de l'article 10 du décret du 08 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 (tarif des huissiers) devra être supporté par les débitrices conjointement et solidairement en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle se prévaut du caractère parfaitement injustifié de la rupture des relations commerciales par les sociétés CIBEN et MRT ; elle rejette toute faute justifiant la rupture, en particulier l'accusation, des appelantes, d'actes de concurrence déloyale qui auraient été commis par la société ESCOORT avec sa complicité, actes dont la cour d'appel de Rouen, par arrêt du 12 septembre 2013, a dit qu'ils n'étaient pas caractérisés.

Elle fait également valoir que le délai de préavis applicable en cas de rupture des relations commerciales n'a pas été respecté. Elle relève que la lettre du 10 décembre 2009 ne peut constituer le préavis, dans la mesure où les sociétés appelantes ont par la suite fait savoir leur volonté de poursuivre le contrat. Elle indique ensuite que le contrat liant les parties était un contrat de location avec chauffeur, et non un contrat de sous-traitance, de sorte que la durée du préavis en cas de rupture doit être déterminée en fonction de la durée de la relation commerciale et des usages du commerce, et non par application du contrat-type de transport public routier de marchandises.

Sur la réparation du préjudice, elle précise que le quantum du préjudice indemnisable s'apprécie au jour de la notification de la rupture et qu'une éventuelle reconversion de la victime d'une rupture déloyale ne doit pas être prise en compte dans l'évaluation du préjudice.

Elle soutient que le préavis fixé à 4 mois par le jugement du tribunal de commerce de Lille est insuffisant au regard de la longévité des relations entretenues avec les parties appelantes. Elle sollicite ainsi un préavis de 12 mois concernant la société CIBEN et de 24 mois s'agissant de la société MRT. En outre, elle considère que le taux de marge brute d'exploitation à prendre en compte pour chiffrer le préjudice est de 40%, et non de 20% comme l'a jugé le tribunal de commerce.

Elle considère enfin que les sociétés appelantes n'ont pas intégralement respecté leur obligation de paiement de la facture de décembre 2009 et que les sommes dues à ce titre doivent prendre en compte la modification de l'accord initial entre les parties qui a prévu une facturation mensuelle sur la base d'un minimum de 450 kms/jour et un minimum garanti de 15 jours, soit 6.650 kms.

MOTIFS

Sur les demandes de rejet de pièces

Considérant que la demande d'EUROPORTS ROAD TRANPORT FRANCE et de CIBEN tendant au rejet des attestations établies par Messieurs [F], [I], [Z] et [R] (pièces n° 10,11, 42, 42 bis, 43, 43 bis) est sans objet, SOTRALOMA ne produisant pas ces attestations devant la cour ;

Que, si aucune photocopie de pièce officielle d'identité n'est jointe à l'attestation de Monsieur [A] (pièce n° 4 communiquée par SOTRALOMA), la valeur probante de cette attestation ne peut être mise en cause dès lors que l'absence de pièce d'identité n'est pas precrite à peine de nullité et qu'EUROPORTS ROAD TRANPORT FRANCE et CIBEN ne contestent ni l'identité, ni les fonctions exercées par Monsieur [A] ; qu'EUROPORTS ROAD TRANPORT FRANCE et CIBEN seront déboutées de leur demande d'irrecevabilité des attestations en cause ;

Considérant que SOTRALOMA sollicite le rejet des débats des pièces adverses HFWn°2 et HFWn°10 ; que si le rapport d'expertise a été annulé par arrêt de la cour d'appel d'Orléans du 12 septembre 2013 dans une instance opposant les sociétés MRT et CIBEN à la société ESCCORT, rien ne s'oppose à ce que ce rapport soit versé aux débats à titre de renseignement dans une autre instance opposant d'autres parties dès lors que cette production satisfait au principe du contradictoire ; que SOTRALOMA sera déboutée de sa demande sur ce point ;

Sur la rupture brutale de la relation commerciale

Considérant que l'article L 442-6 I, 5° du code de commerce dispose qu' 'qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relations commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte, notamment, de la durée de la relation commerciale.' ;

Considérant que les parties ne contestent pas l'ancienneté de la relation d'affaires, 25 ans pour la relation établie entre les sociétés SOTRALOMA et SERTI, aux droits de laquelle vient MRT, depuis juillet 1999 pour la relation de SOTRALOMA avec CIBEN ; qu'il n'est pas davantage discuté que la rupture des relations commerciales est imputable aux sociétés SERTI et CIBEN qui :

- par lettre en date du 10 décembre 2009, ont informé SOTRALOMA qu'elles mettaient un terme à leurs relations commerciales ;

- par courrier reçu le 2 mars 2010, ont confirmé la rupture en en fixant la date d'effet au 10 mars 2010 ;

Que les parties s'opposent sur la brutalité de la rupture et sur la durée du préavis ;

Considérant que EUROPORTS ROAD TRANPORT FRANCE et CIBEN soutiennent que la rupture ne présente aucune brutalité dès lors que SOTRALOMA, complice des actes de captation de clientèle commis par la société ESCOORT, ne pouvait ignorer les difficultés économiques occasionnées aux sociétés SERTI et CIBEN, ce qui rendait la rupture prévisible ; que toutefois elles ne font état d'aucune initiative de leur part, antérieurement au 10 décembre 2009, susceptible d'être interprétée comme une mise en demeure de rupture de la relation en considération des agissements déloyaux allégués ;

Considération que le seul préavis annoncé, celui de huit jours fixé par la lettre reçue par SOTRALOMA le 2 mars 2010, et non de trois mois comme le prétendent à tort EUROPORTS ROAD TRANPORT FRANCE et CIBEN, est hors de proportion avec l'ancienneté de la relation d'affaire entretenue avec MRT et CIBEN ; que ces dernières ont, dans ces conditions, rompu brutalement la relation commerciale ;

Considérant, sur la durée du préavis, que les sociétés EUROPORTS ROAD TRANPORT FRANCE et CIBEN prétendent que doit en l'espèce s'appliquer le contrat-type de transport public routier de marchandises qui fixe un préavis de trois mois en cas de rupture des relations commerciales ;

Mais considérant que c'est sous le régime, non de la sous-traitance de transport, comme le soutiennent les appelantes, mais de la location de véhicules avec chauffeur que SOTRALOMA est intervenue aux opérations de transport en cause, ainsi que cela ressort :

- de l'objet social de la société SOTRALOMA, qui, aux termes de l'article 2 de ses statuts en date du 24 juin 2011, a pour objet 'la location de véhicules industriels, utilitaires, de tourisme et de tous matériels de toute nature' ;

- des factures mensuelles émises par SOTRALOMA entre les 31 août 1999 et 31 mars 2010 (pièces n° 51 bis communiquées par SOTRALOMA) qui portent l'intitulé 'location du mois de ...', désignent l'objet de la prestation par la mention 'location ensemble benne' et fixent la facturation sur la base du seul kilométrage parcouru, sans la moindre précision de l'utilisation du véhicule, et non en référence au tonnage ou à la nature de la marchandise ;

- du témoignage de Monsieur [M] [A], ancien salarié de CIBEN, en date du 5 novembre 2013 (pièce n° 4 communiquée par SOTRALOMA), qui indique que 'les véhicules de SOTRALOMA étaient en location exclusive' ;

- de ce même témoignage, aux termes duquel CIBEN gérait 'plusieurs chauffeurs de SOTRALOMA en exploitation directe', des témoignages des anciens chauffeurs de SOTRALOMA (Messieurs [T] [G], [P] [K], [D] [L], [Y] [W], [V] [X], [B] [C], [S] [E] et [U] [AY]), indiquant qu'ils prenaient leurs ordres directement chez SERTI ou CIBEN, et des courriers échangés entre les parties qui font état de ce que 'les véhicules sont en location à votre disposition exclusive' (télécopie de SOTRALOMA à CIBEN/SERTI du 22 avril 2009),'le matériel est dédié exclusivement aux transports que nous maîtrisons' (lettre CIBEN à SOTRALOMA du 21 décembre 2005), et 'le locataire conserve la maîtrise de l'opération de transports, détermine la nature et le poids des marchandises transportées et fixe les itinéraires empruntés' (lettre SOTRALOMA à SERTI du 12 juin 2008), éléments dont il se déduit que SOTRALOMA ne disposait pas de la maîtrise de l'ensemble des opérations de transport et n'intervenait donc pas en qualité de transporteur ;

Que les deux documents produits par EUROPORTS ROAD TRANPORT FRANCE et CIBEN (pièce n° 17), présentés comme des lettres de voiture dont la mauvaise qualité de la copie ne permet pas de déterminer s'il s'agit de lettres de voiture, concernent seulement deux transports et ne présentent pas un caractère probant suffisant ;

Que c'est en conséquence à raison que les premiers juges ont retenu qu'était en l'espèce applicable, non le contrat-type de transport public routier de marchandises, mais l'article L 442-6-I, 5° du code de commerce ;

Considérant qu'il résulte de l'article L 442-6-I, 5° que la durée du préavis que doit respecter l'auteur de la rupture du contrat s'apprécie en tenant compte de la durée de la relation commerciale ; qu'eu égard en l'espèce à l'ancienneté de la relation de SOTRALOMA avec CIBEN et [N] - 25 ans pour MRT, plus de dix ans pour CIBEN - le préavis de huit jours mis en oeuvre par CIBEN et SERTI était manifestement insuffisant ; que la cour dira que la durée suffisante du préavis est de 12 mois pour la relation de SOTRALOMA avec CIBEN, et de 24 mois pour la relation de SOTRALOMA avec MRT ;

Considérant qu'en cas d'insuffisance de préavis, le préjudice en résultant est évalué en considération de la marge brute correspondant à la durée du préavis jugé nécessaire, et ce indépendamment d'une éventuelle amélioration, sur la période considérée, du résultat d'exploitation de la victime de la rupture ;

Considérant que les sociétés EUROPORTS ROAD TRANPORT FRANCE et CIBEN ne discutent pas les éléments communiqués par SOTRALOMA relatifs au chiffre d'affaires réalisé avec MRT et CIBEN, soit 870.297,00 euros par an pour MRT et 562.420,00 euros par an pour CIBEN ; qu'elles n'opposent aucun élément pertinent aux attestations établies le 25 mars 2010 par Monsieur [Q] [O], expert-comptable de SOTRALOMA (pièces n° 74 et 75 communiquées par SOTRALOMA) qui certifie que la marge brute bénéficiaire de production avec MRT et CIBEN s'établit à 54,70 % sur les années 2006 à 2008 ; que la cour fera en conséquence droit à la demande de SOTRALOMA de prise en compte d'un taux de marge brute de 40 % ; que SOTRALOMA est, dans ces conditions, fondée à obtenir condamnation :

- de la société MRT, à hauteur de 870.297,00 euros x 40 % = 870.297,00 euros ;

- de la société CIBEN, à hauteur de 562.420,00 euros x 40 % x 2 = 449.936,00 euros ;

Que le jugement entrepris sera réformé en ce sens ;

Sur le règlement de factures

Considérant que SOTRALOMA limite en cause d'appel sa demande à deux factures concernant les transports de décembre 2009 ; qu'elle a, à ce titre, facturé :

- à la société MRT la somme de 47.227,05 euros (facture 2009F10274) ; qu'il est justifié que cette facture a été réglée à hauteur de 8.186,02 euros ;

- à la société CIBEN la somme de 28.336,23 euros (facture 2009F10273) ; qu'il est justifié que cette facture a été réglée à ce titre la somme de 17.001,74 euros ;

Considérant que c'est à tort que SOTRALOMA a établi ses factures sur une base minimale de 15 jours, aucun minimum de 15 jours n'étant prévu par la lettre de SERTI du 22 octobre 2008 invoquée par SOTRALOMA, laquelle ne fait référence à une période de 15 jours qu'à titre d'exemple ("Pour confirmer notre conversation de ce jour, il est bien entendu que chaque fois qu'un véhicule est mis à la disposition de la société CIBEN ou SERTI, toute journée commencée sera rémunérée sur la base de 450 kms minimum. Exemple : Si le véhicule travaille 15 jours, il sera rémunéré au minimum : 450 kms x 15 jours soit 6750 kms sauf à avoir effectué plus de kilomètres qui seront alors rémunérés dans leur totalité au même tarif kilométrique qui est stipulé ci- dessous") ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté sur ce point la demande de SOTRALOMA ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Considérant que l'équité commande de condamner, au titre des frais hors dépens exposés en cause d'appel à payer à la SA SOTRALOMA la SAS EUROPORTS ROAD TRANPORT FRANCE la somme de 3.000,00 euros, et la SASU CIBEN celle de 3.000,00 euros ;

PAR CES MOTIFS

DÉBOUTE la SAS EUROPORTS ROAD TRANPORT FRANCE, la SASU CIBEN et la SA SOTRALOMA de leurs demandes de rejet de pièces,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf sur le montant des dommages et intérêts alloués au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies,

Statuant à nouveau de ce chef,

CONDAMNE la SAS EUROPORTS ROAD TRANPORT FRANCE à payer à la SA SOTRALOMA la somme de 870.297,00 euros,

CONDAMNE la SASU CIBEN à payer à la SA SOTRALOMA la somme de 449.936,00 euros,

CONDAMNE, en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, à payer à la SA SOTRALOMA la SAS EUROPORTS ROAD TRANPORT FRANCE la somme de 3.000,00 euros, et la SASU CIBEN celle de 3.000,00 euros,

CONDAMNE in solidum la SAS EUROPORTS ROAD TRANPORT FRANCE et la SASU CIBEN aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente

B.REITZER C.PERRIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 13/03012
Date de la décision : 30/10/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°13/03012 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-30;13.03012 ?
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