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28/10/2014 | FRANCE | N°13/15740

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 28 octobre 2014, 13/15740


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 3



ARRET DU 28 OCTOBRE 2014



(n° 581, 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/15740



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Juillet 2013 -Président du TGI de PARIS - RG n° 13/52882





APPELANTE



SAS JURATOYS SAS inscrite au RCS de [Localité 1] sous le n° 453 389 660. Représentée par son PrÃ

©sident en exercice et tous représentants légaux,

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Laurence TAZE BERNARD de la SCP IFL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0042

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Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRET DU 28 OCTOBRE 2014

(n° 581, 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/15740

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Juillet 2013 -Président du TGI de PARIS - RG n° 13/52882

APPELANTE

SAS JURATOYS SAS inscrite au RCS de [Localité 1] sous le n° 453 389 660. Représentée par son Président en exercice et tous représentants légaux,

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Laurence TAZE BERNARD de la SCP IFL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0042

assistée de Me Patricia SEIGLE, avocat au barreau de LYON

INTIMEE ET APPELANTE INCIDENTE

SAS EDITIONS AUZOU pries en la personne de son représentant légal Monsieur [U] [E]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée et assistée de Me Vincent VARET, avocat au barreau de PARIS, toque : C1258

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Septembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Nicole GIRERD, Présidente de chambre

Madame Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Madame Odette-Luce BOUVIER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Nicole GIRERD, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.

La société Juratoys, qui exerce une activité de conception, développement et distribution de jouets en bois, commercialisés sous la marque Janod, revendique des droits d'auteur sur les puzzles 'La France Magnétique' (référence 05517) et ' Le Monde Magnétique'(référence 05500).

Faisant grief à la société Editions Auzou d'actes de contrefaçon de ces puzzles, elle a obtenu sur sa requête le 5 juillet 2012 une ordonnance autorisant la saisie contrefaçon entre les mains de cette société des produits dénommés 'Ma première carte à jouer' et 'Mon Premier Atlas à jouer', puis, après avoir, par courrier du 8 octobre 2012, mis en demeure la société Editions Auzou de cesser de commercialiser ces produits, l'a assignée devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris aux fins, essentiellement, de :

- voir constater l'existence d'un trouble manifestement illicite constitué par la commercialisation de produits contrefaisants,

- subsidiairement voir juger que la société Editions Auzou a commis des actes de concurrence déloyale et des agissements parasitaires en commercialisant les dits produits, ce qui caractérise un trouble manifestement illicite ,:

- en conséquence, voir ordonner sous astreinte de 10.000 € par jour toute commercialisation des produits contrefaisants et condamner la société Editions Auzou à lui verser 2.735.540 € à titre de provision sur dommages-intérêts .

Par ordonnance du 17 juillet 2013, le juge des référés saisi a :

- dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes formées par la société Juratoys,

- débouté la société Editions Auzou de sa demande de mainlevée de la saisie contrefaçon,

- et condamné la société Juratoys aux dépens et à payer à la société Editions Auzou 6000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Appelante de cette décision, la société Juratoys, par conclusions transmises le 30 mai 2014, auxquelles il est expressément renvoyé, conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a dite titulaire de droits d'auteur sur les produits 'la France Magnétique'référence JO5517 et 'le Monde Magnétique'référence JO5500, et a dit que ces produits étaient des oeuvres originales qui bénéficient de la protection du doit d'auteur, mais à son infirmation pour le surplus.

Elle prie la cour :

- de dire que les produits 'Ma première Carte de France' référence 9782733814048, et 'Mon premier Atlas à Jouer' référence 9782733814048 contrefont ses deux produits , et que la commercialisation de produits contrefaisant constitue un trouble manifestement illicite,

- subsidiairement que la société Editions Auzou a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaires en commercialisant les produits 'Ma première Carte de France' et 'Mon premier Atlas à jouer' qui constituent des troubles manifestement illicites,

- d'ordonner à la société Editions Auzou de cesser toute commercialisation de tout produit contrefaisant ses produits 'la France Magnétique et 'le Monde Magnétique ', et notamment les produits 'Ma Première Carte de France ' et 'Mon premier Atlas à jouer' , sous astreinte de 10.000 € par jour et par infraction constatée,

- de juger que sa créance de dommages-intérêts n'est pas sérieusement contestable, et condamner la société Juratoys à lui verser une provision de 2.735.540 € , subsidiairement de 1.167.090, 48 €,

- de condamner la société Editions Auzou à lui verser 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Elle fait valoir, distinguant les deux produits sur lesquels elle revendique des droits d'auteur :

- en ce qui concerne le puzzle 'Le Monde Magnétique':

qu'elle est titulaire des droits d'auteur, que le produit est protégeable, car original au regard de la multiplicité des choix esthétiques qui se combinent entre eux traduisant la personnalité de l'auteur, et que les prétendues antériorités qui lui sont opposées ne privent pas le produit Juratoys de son originalité et doivent être écartées, que le produit 'Mon Premier Atlas ' de la société Editions Auzou le contrefait en imitant ses caractéristiques essentielles,

- en ce qui concerne le produit 'La France Magnétique' ,

qu'elle en est l'auteur, que le produit est protégeable, car original de par la combinaison d'illustrations , de couleurs, de police qui révèlent la personnalité de son auteur, qu'il n'est pas justifié d'antériorités recevables, que le produit 'Ma Première Carte de France ' le contrefait manifestement, tant par l'accumulation des ressemblances que par l'impression d'ensemble similaire .

Subsidiairement, elle soutient qu'en commercialisant des imitations de ses produits, la société Editions Auzou s'immisce dans son sillage et bénéficie de ses efforts de conception et de commercialisation, qu'il existe un risque de confusion dans l'esprit du consommateur au vu de la ressemblance entre les produits présentés avec les magnets disposés sur Internet, ce qui établit les actes de concurrence déloyale et les agissements parasitaires ;

Que les mesures demandées sont justifiées.

La société Editions Auzou par dernières écritures transmises le 11 juillet 2014,et auxquelles il est expressément renvoyé, conclut :

- à l'infirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré l'action de la société Juratoys recevable sur le fondement du droit d'auteur, en jugeant que la société Juratoys ne rapporte pas la preuve de la titularité des droits d'auteur sur les produits 'La France Magnétique ' et 'Le Monde Magnétique' et celle de leur originalité,

- à sa confirmation en ce qu'elle a constaté l'absence de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent causé par la commercialisation qu'elle fait des deux puzzles litigieux, en jugeant que ses produits ne contrefont pas les produits de la société Juratoys ,

- à voir juger que la créance de dommages-intérêts qu'elle devrait prétendument est sérieusement contestable en son principe et en son quantum ;

- à titre subsidiaire à la confirmation de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a constaté l'absence de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent causé par sa commercialisation des deux produits litigieux, en jugeant que la société Juratoys échoue à établir le moindre fait distinct de la prétendue imitation de ses produits de nature à caractériser des faits de concurrence déloyale ou parasitaire,

- à voir juger que la créance de dommages-intérêts alléguée est sérieusement contestable dans son principe et en son quantum,

- formant appel incident, à voir ordonner la mainlevée de la saisie contrefaçon réalisée le 4 septembre 2012 ;

Elle demande en tout état de cause le débouté la société Juratoys de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions, et sa condamnation à lui verser 20.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société Editions Auzou fait valoir essentiellement :

- que Juratoys ne rapporte pas la preuve de la titularité des droits d'auteur revendiqués sur ses produits, dont la date de première commercialisation n'est pas établie, que ceux-ci ne sont pas protégés par le droit d'auteur dès lors que leur originalité n'est pas démontrée, les caractéristiques dont elle revendique la protection relevant du domaine des concepts et des idées, qu'elle est donc irrecevable en ses demandes de protection par le droit d'auteur et que le trouble manifestement illicite invoqué est inexistant, subsidiairement que l'originalité des puzzles est limitée au graphisme de leurs illustrations,

- à titre subsidiaire, qu'il n'y a pas de contrefaçon, faute de ressemblances portant sur des éléments de forme protégés par le droit d'auteur, les ressemblances alléguées en effet relevant du domaine des idées; que le choix des symboles représentant les régions est classique et non le fruit de l'imaginaire de la société Juratoys, et le graphisme est bien différent ;

- qu'il n'y a pas d'acte de concurrence déloyale ou de parasitisme, à défaut de preuve de faits distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon, qu'aucun travail créatif de Juratoys n'est démontré, que leurs produits ne sont pas commercialisés sur le même marché, les uns l'étant dans la catégorie 'jouets', les autres 'livres',

- que les mesures sollicitées, d'interdiction et de provision, sont injustifiées, à tout le moins sérieusement contestables,

Elle ajoute que, faute pour la société Juratoys d'avoir saisi la juridiction de fond dans le délai de 20 jours ouvrables ou de 31 jours civils de l'ordonnance ayant autorisé la saisie contrefaçon, la mainlevée doit en être ordonnée ;

SUR CE LA COUR

Considérant qu'aux termes de l'article 809 du code de procédure civile, la juridiction des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ;

Considérant qu'invoquant ces dispositions, la société Juratoys prétend justifier d'un trouble manifestement illicite caractérisé par la contrefaçon des deux puzzles en cause, subsidiairement par des actes de concurrence déloyale ou de parasitisme ;

Sur la qualité à agir

Considérant que la société Juratoys revendique la titularité des droits d'auteur sur le puzzle 'France Magnétique' et le puzzle 'Monde Magnétique'en excipant de la divulgation des produits sous la marque 'Janod' depuis 2006 pour le premier, depuis 2008 pour le second dans des catalogues et de factures ;

Que la société Editions Auzou estime ces pièces insuffisantes à établir une date certaine de création et de divulgation des jouets en cause ;

Considérant qu'aux termes de l'article L 113-1 du code de la propriété intellectuelle, 'la qualité d'auteur appartient , sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée' ;

Considérant qu'en l'espèce sont versés aux débats des catalogues de jouets de la marque 'Janod'pour les années 2006 à 2012, présentant le 'Puzzle France Magnétique', puis, à compter de l'année 2008 également le 'Puzzle Monde Magnétique', accompagnés de la facture de l'imprimeur de ces catalogues en 3000 exemplaires pour le catalogue 2006 et 6000 exemplaires pour le catalogue 2008, en date respectivement du 8 février 2006 et du 22 janvier 2008, et d'une facture d'achat de quelques exemplaires des produits litigieux, datant pour l'une du 1er août 2006, pour l'autre du 19 avril 2008 ;

Qu'il est établi par un extrait K bis de la société Juratoys qu'elle exerce son activité sous la marque Janod, déposée à L'INPI par elle depuis le 10 février 2012;

Qu'il est ainsi démontré avec l'évidence requise en référé que les puzzles en cause ont été divulgués dans ces catalogues de jouets de la marque Janod, et à tout le moins depuis les dates des commandes versées aux débats, 1er août 2006 pour le produit 'Puzzle France Magnétique' et le 19 avril 2008 pour le produit 'Puzzle Monde Magnétique', de telle sorte qu'à défaut de preuve contraire, la société Juratoys, exerçant sous cette marque, bénéficie de la présomption légale de titularité des droits d'auteur instituée par les dispositions de l'article L 113-1 du code de la propriété intellectuelle ci dessus rappelées ;

Sur le caractère protégeable de l'oeuvre au titre du droit d'auteur

Considérant que pour être éligible à la protection du droit d'auteur, l'oeuvre doit être originale ;

Que l'originalité des puzzles commercialisés par la société Juratoys est contestée par la société Editions Auzou, qui estime que les caractéristiques dont la société Juratoys se prévaut relèvent toutes de concepts et idées appartenant au fonds commun, qu'elle repose sur de simples affirmations et se retrouvent dans des antériorités ;

Considérant que la société Juratoys, qui revendique l'originalité de l'ensemble complexe que constituent ses deux puzzles, distingue toutefois les produits en cause, qu'il convient d'examiner successivement ;

- le 'Puzzle Monde Magnétique' :

Considérant que la société Juratoys affirme que l'originalité de ce produit ressort des illustrations principales et secondaires, du choix des sujets, de la disposition et de la combinaison des illustrations, de la forme des 'magnets', des fonds paysagers ou de couleur qui détachent certaines illustrations du fond général de la carte, de la combinaison de ces éléments avec des fonds de couleur distinctes par continent et sous-continents, qui génèrent une esthétique propre à l'oeuvre et porte la marque de l'activité créatrice de l'auteur ;

Qu'elle conteste tout caractère déterminant aux produits que lui oppose la société Editions Auzou à titre d'antériorités ;

Considérant que la Cour relève que ce puzzle se présente comme un ensemble de 'magnets' à disposer sur un support aimanté, et représentant une carte du monde illustrée ; que cette carte dessine les contours des continents de façon stylisée, et les illustre abondamment de dessins au graphisme naïf représentant des personnages, des animaux ou des paysages, ainsi que des saynètes, destinés à symboliser chaque région du monde ; que chacune de ces régions se distingue dans une couleur déterminée, que les illustrations se détachent par leur coloration du fond de la carte ; que les océans sont également illustrés de bateaux, baleines ou dauphins ;

Considérant que le choix des illustrations est emprunté au fonds commun des symboles régionaux ( tels l'esquimau pour l'Antarctique, le dragon pour la Chine, les danseurs folkloriques pour la Russie, une femme pilant le mil pour le Niger, des chameaux pour le Tchad ou le Soudan, un bateau à roue pour le sud des Etats-Unis), qu'il n'en est pas moins arbitraire de par les couleurs choisies, leur graphisme leur positionnement sur la carte, la combinaison des symboles retenus, que ceux-ci figurent sur les 'magnets' ou sur le support, par la police des légendes, de telle sorte que l'oeuvre tant par les choix opérés de ces éléments que par leur combinaison révèle un effort créatif et porte manifestement l'empreinte de la personnalité de son auteur ;

Que la société Auzou excipant d'autres produits représentant la carte du monde dont elle prétend qu'ils démentent l'originalité du puzzle de la société Juratoys, et qui, pour deux d'entre eux, sont incontestablement antérieurs à la divulgation du 'Puzzle Monde Magnétique', il convient de procéder à un examen comparatif des produits en cause, en tenant compte du fait que la société Juratoys ne revendique pas l'originalité du concept du puzzle représentant le monde en l'illustrant mais bien l'originalité de sa réalisation graphique ;

- que le produit 'El Mundo Magnetico', qui représente également les différents continents, n'offre ni le même choix de couleurs, ni celui des symboles, qui sont peu nombreux, et présentés et combinés de façon différente, que le choix d'adopter une couleur par continent n'est pas davantage repris ;

- qu'à supposer l'antériorité du produit 'VILA' également invoqué justifiée, tant les couleurs, différentes pour chaque pays, que les symboles beaucoup moins nombreux, d'un graphisme très différent et plus grossier, que le contour des terres souligné en noir et que l'écritures adoptée ne sont aucunement comparables au puzzle Le Monde Magnétique de la société Juratoys ;

- que le produit 'Orcade Toy' est un puzzle classique, dépourvu de pièces magnétiques, qu'il présente un graphisme très différent , tant au niveau du dessin général des continents qu'au niveau de celui des symboles illustrant la carte , en nombre moindre , que les couleurs choisies sont spécifiques, que le choix des illustrations est propre ;

- que le produit 'USBORNE' est un livre, contenant plusieurs puzzles représentant chacun un continent, que le graphisme adopté en est très différent, que le choix des couleurs est autonome, que celui des symboles n'est pas similaire, que les dessins sont moins nombreux que sur le 'Puzzle Monde Magnétique',

- que le produit PICCOLIA 'Atlas Illustré du Monde' ne contient pas de puzzle, qu'il est constitué de dessins, représentant chacun un continent , que le graphisme et les symboles choisis sont très différents, que l'iconographie prend en compte le relief et le climat, donnant à l'ensemble un objectif plus spécifiquement pédagogique, que le choix des couleurs est personnalisé ;

- que le produit PICCOLIA 'Puzzle les Continents du Monde'est un livre incluant des puzzles représentant chacun un continent, que le graphisme, les symboles choisis pour certains similaires mais dans une combinaison d'ensemble différente, en nombre moins important, et dans un choix de couleur qui lui est personnel ;

Que ces produits ne reprennent donc pas les caractéristiques originales revendiquées pour le puzzle Juratoys ; que l'impression d'ensemble qui s'en dégage ainsi que leurs caractéristiques principales sont différentes de celles dont la société Juratoys revendique l'originalité au titre du 'Puzzle Monde Magnétique', que le premier juge a dès lors à bon droit retenu l'originalité de celui-ci ;

- Le 'Puzzle France Magnétique'

Considérant que la société Juratoys revendique au titre de l'originalité de ce produit une combinaison choisie d'illustrations originales figurant sur les 'magnets' et sur leur support, se combinant avec le choix d'attribution d'une couleur déterminée par région, le graphisme des dessins, le choix de couleurs vives et originales, et celui des objets figurés et leur combinaison et disposition ;

Considérant que la carte de la France en cause, représentée sur un support magnétique sur lequel doivent être apposées des pièces aimantées, présente un graphisme stylisé et de style naïf, adopte des couleurs différentes pour chaque région, chacune de ces régions étant illustrée de dessins censés symboliser le particularisme local, ainsi d'une Tour Eiffel pour [Localité 2] ou d'une coquille Saint Jacques pour la côte bretonne, et dont la combinaison est propre au jeu; que les choix de couleurs et des symboles, leur disposition, procède d'un choix arbitraire et non d'une nécessité ; que cette combinaison qui lui confère une originalité propre témoigne de l'effort créatif de l'appelant et porte indéniablement l'empreinte de la personnalité de son auteur ;

Considérant que si la société Editions Auzou verse aux débats divers produits dont elle entend tirer la preuve d'une absence d'originalité du 'Puzzle France Magnétique', leur comparaison n'est pas déterminante dans la mesure où :

- le puzzle ' Le Gaulois' est constitué de magnets disposés sur un fond uniforme, que les découpes ont un angle plus aigue que celles du 'Puzzle France Magnétique' qui adopte des contours arrondis, que le choix des couleurs, très vives sur le 'Puzzle France Magnétique', pâles et différentes dans le puzzle Le Gaulois, le graphisme et le choix des symboles propres, la découpe stylisée en blanc des départements, distinguent les jeux qui ne produisent pas d'impression d'ensemble identique ;

- le produit Vilac dont l'antériorité par rapport au 'Puzzle France Magnétique' est contestée, à la supposer établie, présente en tout état de cause des caractéristiques distinctes, les contours de la France sont moins stylisés, les couleurs se distinguent par département et non par région, un trait blanc sépare les départements, le choix et le graphisme des symboles sont différents, la police et les indications écrites donnent une impression d'ensemble différente du 'Puzzle France Magnétique',

Qu'il suit de là que ces productions de jeux, destinées à étayer l'argument d'un défaut d'originalité dans le 'Puzzle France Magnétique' , sont inopérantes ;

Considérant que l'originalité des puzzles ainsi établie ouvre droit pour la société Juratoys à la protection du droit d'auteur au titre des produits concernés ;

Sur la contrefaçon

Considérant qu'aux termes de l'article L 122-4 du code de la propriété intellectuelle 'Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite ';

Considérant que selon l'article L 335-3 du code de la propriété intellectuelle,' est également un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit , d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur' ;

Que l'appréciation de la contrefaçon se fait par rapport aux ressemblances et non aux différences ;

Sur le 'Puzzle Monde Magnétique '

Considérant que l'examen comparatif de ce puzzle et de celui que commercialise la société Editions Auzou sous la dénomination 'Mon premier Atlas à Jouer'permet de constater:

- que le graphisme arrondi et stylisé des continents et leur disposition sur la carte est similaire, que les couleurs dégradées du fond, représentant les océans sont identiques, que la disposition des symboles est ressemblante, que la police des caractères utilisés pour désigner les océans est la même , que le graphisme naïf est très proche, que plusieurs symboles choisis sont les mêmes ; qu'il en est ainsi de l'aigle , du judoka représenté dans le même mouvement , de l'indien dans la jungle portant un arc, de l'autochtone lançant un boomerang ;

Que dans ses écritures, auxquelles la cour renvoie sur ce point, la société Juratoys a récapitulé les illustrations symbolisant chaque région du monde communes aux deux puzzles, que si celles-ci évoquent communément les dites régions, elles n'en sont pas pour la plupart le symbole nécessaire et procèdent d'un choix , ainsi de la femme qui pile le mil devant une case pour le Niger, d'une caravane de chameaux pour le Tchad et le Soudan, ou du paysan poussant une charrue tirée par un buffle pour l'Ethiopie, de la représentation d'un train au travers de la Russie placée au même endroit, d'un indien sortant d'un buisson pour l'Amazonie, (combinée qui plus est avec un papillon bleu et l'image d'un guépard) ;

Qu'est aussi observée une combinaison commune au Puzzle 'Monde Magnétique 'et à 'Mon premier Atlas à Jouer' de figures destinées à évoquer un pays, ainsi du Canada, représenté dans les deux cas par un policier monté à cheval, un totem indien, un joueur de hockey, un traîneau tiré par des chiens un bûcheron, ou l'Europe du Nord, illustrée dans les deux cas d'un drakkar au large, d'un lapon en costume folklorique agitant la main, d'un danseur russe dans la même position, pour l'Océanie un aborigène lançant un boomerang, un kangourou, un koala et un surfeur au large;

Que les mêmes figures d'animaux ou de personnages illustrent également les océans ;

Que les couleurs du support reprennent celles des pièces du puzzle dans les deux cas ;

Considérant qu'il suit de ces constatations que, alors qu'il est suffisamment justifié au dossier de ce que la société Juratoys a commercialisé son produit avant celui de la société Editions Auzou, la contrefaçon du 'Puzzle Monde Magnétique' par le puzzle 'Mon premier Atlas à Jouer' est démontrée avec l'évidence requise en référé, tant par les ressemblances observées dans le graphisme, le choix et le positionnement des illustrations et des couleurs que par l'impression d'ensemble très proche que produisent les deux puzzles concernés ;

Sur le 'Puzzle France Magnétique'

Considérant que la confrontation du produit 'Ma Première Carte de France' avec le puzzle 'La France Magnétique' permet de noter que les couleurs choisies sont différentes, plus vives pour 'Ma première Carte de France' que pour le 'Puzzle France Magnétique'; que le graphisme adopté est propre à chacun, que le découpage des régions est matérialisé de façon distincte avec des angles plus aigus pour le second ; que le premier juge a exactement retenu que le choix des illustrations destinées à symboliser les régions, dont il convient de souligner qu'elles sont tirées du fonds commun des symboles régionaux, n'est commun que pour une part équivalente au tiers d'entre elles, que ces illustrations ne sont pas disposées de la même façon, de telle sorte que l'impression d'ensemble donnée par les deux puzzle n'est pas la même, et que les ressemblances ne suffisent pas à caractériser avec l'évidence requise en référé l' imitation alléguée ;

Considérant qu'il suit de là que la contrefaçon du 'Puzzle France Magnétique' par le puzzle 'Ma Première Carte de France' n'est pas établie en référé ;

Sur la concurrence déloyale

Considérant que la contrefaçon n'étant pas retenue pour le 'Puzzle France Magnétique', il y a lieu d'examiner la demande subsidiaire formée sur le fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme à son égard ;

Considérant que la concurrence déloyale ne peut être invoquée en se basant sur les mêmes causes que celles qui ont fondé la demande de contrefaçon ;

Considérant que la société Juratoys impute à la société Editions Auzou une faute née de la confusion créée dans l'esprit des consommateurs et du bénéfice qu'elle a tiré du travail d'autrui ;

Mais considérant que la Cour constate qu'elle procède dans la présente instance par affirmations, que l'appréciation de la faute, contestée par l'appelante, ne relève pas des pouvoirs de la juridiction des référés, qu'il n'y a donc pas lieu à référé sur ce point.

Sur les mesures demandées

Considérant qu'aux termes de l'article 809 alinéa 1er du code de procédure civile, la juridiction des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Considérant que le trouble manifestement illicite en l'espèce invoqué, résulte de « toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit » ;

Considérant que la contrefaçon du 'Puzzle Monde Magnétique' par le puzzle 'Mon Premier Atlas à Jouer' caractérise indéniablement le trouble manifestement illicite au sens de l'article 809 du code de procédure civile, que la société Juratoys est dès lors légitime à solliciter toute mesure destinée à le faire cesser ;

Considérant que la demande en ce qu'elle tend à voir prononcer l'interdiction de la commercialisation du seul produit contrefaisant retenu par la cour, a pour objet évident de mettre fin au trouble manifestement illicite, qu'il y a lieu d'y faire droit ;

Considérant encore que sur le fondement des dispositions de l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile , selon lesquelles dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier , la société Juratoys réclame l'allocation d'une provision de 2.735 540 € subsidiairement de 1.167.090,48 € en réparation du préjudice qu'elle estime lui être due, soutenant que dès lors qu'un acte de contrefaçon est avéré, l'obligation d'indemnisation n'est pas sérieusement contestable ;

Que la société Editions Auzou proteste du caractère fantaisiste et sérieusement contestable de ces prétentions ;

Considérant qu'aux termes de l'article L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle 'pour fixer les dommages-intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives dont le manque à gagner subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire du fait de l'atteinte';

Considérant que la société Juratoys se fonde pour parvenir au quantum de ses demandes sur les constatations de l'huissier désigné sur requête dans le cadre de la saisie contrefaçon réalisée le 4 septembre 2012 en exécution d'une ordonnance sur requête du 5 juillet précédent ;

Considérant toutefois que les éléments comptables produits sont discutés, que la société appelante opère des calculs du bénéfice et du gain manqué à partir de chiffres contestés ; que si, dans son principe, l'obligation à réparation de la contrefaçon du 'Puzzle Monde Magnétique' ne souffre pas de contestation, la détermination du préjudice ne se présente pas avec l'évidence requise en référé, qu'il convient de renvoyer les parties à mieux se pourvoir devant le juge du fond sur ce point ;

Que néanmoins, à partir des chiffres admis par la société Editions Auzou , au vu du nombre de ventes intervenues du produit contrefait, une provision de 15.000 € sera allouée sans risque de répétition ;

Sur la demande de mainlevée de la saisie contrefaçon

Considérant que la société Editions Auzou sollicite à titre reconventionnel la mainlevée de la saisie-contrefaçon opérée le 4 septembre 2012 dans les locaux de la société Editions Auzou en vertu d'une ordonnance sur requête du 5 juillet 2012, au motif que la juridiction du fond n'a pas été saisie dans le délai légal de vingt jours ouvrables ou trente et un jours civils de l'ordonnance ;

Que la société Juratoys proteste de ce que l'obligation d'assigner dans ce délai a pour effet d'empêcher une instrumentalisation de la saisie contrefaçon pour rendre indisponible le stock d'un concurrent , qu'en l'espèce aucun bien n'a été rendu indisponible par la mesure exécutée, qui n'avait pour objet que de déterminer l'étendue des actes de contrefaçon à travers la recherche du nombre de produits contrefaisant commandé par la société Editions Auzou , qu'il n'y a pas lieu dans ces circonstances de donner mainlevée de la mesure ;

Considérant que selon l'article L 332-3 du code de la propriété intellectuelle ' faute pour la saisissante de saisir la juridiction compétente dans un délai réglementaire, mainlevée de cette saisie pourra être ordonnée à la demande du saisi ou du tiers saisi par le président du tribunal statuant en référé';

Considérant qu'aux termes de l'article R 332-3 du code de la propriété intellectuelle: 'le délai prévu à l'article L 332-3 et imparti au demandeur pour se pourvoir au fond est de vingt jours ouvrables ou de trente et un jours civils si ce délai est plus long à compter , selon les cas, du jour de la signature du procès-verbal de la saisie prévu au premier alinéa de l'article L 332-1 ou à la date de l'ordonnance prévue au même article ;

Considérant qu'il est constant dans l'espèce que la société Juratoys n'a pas saisi la juridiction du fond dans ce délai ; que toutefois le défaut de saisine de la juridiction compétente dans le délai de trente jours ouvre au juge des référés la simple faculté d'ordonner la mainlevée de la saisie contrefaçon, à l'exclusion d'une quelconque caducité ;

Considérant en retenant que la société Juratoys a saisi le juge des référés pour tenter de mettre fin au trouble manifestement illicite qu'elle subit, que le premier juge relève à juste titre que l'huissier désigné s'est borné à des constatations, à l'achat de produits argués de contrefaçon, et à prendre copie de documents commerciaux, qu'il n'a par conséquent aucunement privé la société Editions Auzou de marchandises, de pièces comptables ou commerciales, que la cour estime n'y avoir lieu de faire droit à la demande de mainlevée ;

Sur l''indemnité de procédure

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de a société Juratoys la totalité des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer pour faire valoir ses droits.

Qu'une indemnité de 10.000 € lui sera allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Sur les dépens

Considérant que la société Editions Auzou, partie perdante, devra supporter la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise en ses dispositions relatives à la contrefaçon alléguée du produit ' 'Puzzle France Magnétique' ,

l'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau

- Dit que la société Juratoys subit un trouble manifestement illicite causé par la contrefaçon par le produit 'Mon Premier Atlas à Jouer ' commercialisé par la société Editions Auzou du produit 'Puzzle Monde Magnétique' qu'elle commercialise,

- Ordonne en conséquence à la société Editions Auzou de cesser toute commercialisation de ce produit 'Mon Premier Atlas à Jouer' référence 9782733818435, ce sous astreinte de 500 € par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt,

- Condamne la société Editions Auzou à verser à la société Juratoys une provision de 15.000 € à valoir sur la réparation du préjudice subi du fait de cette contrefaçon,

- Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

- Condamne la société Editions Auzou à verser à la société Juratoys une indemnité de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ,

- La condamne aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi conformément aux dispositions de l'article 699du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 13/15740
Date de la décision : 28/10/2014

Références :

Cour d'appel de Paris A3, arrêt n°13/15740 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-28;13.15740 ?
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