Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 1
ARRÊT DU 28 OCTOBRE 2014
(n° 14/207 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/11850
Décision déférée à la Cour : Arrêt de la cour de Cassation, chambre commerciale financière et économique du 03 avril 2013
DEMANDERESSE À LA SAISINE
SA COLINE DIFFUSION
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Sophie COUSIN de l'AARPI OPERALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0091
Assistée de Maître Marc FRIBOURG, SELARL P. FRIBOURG - M. FRIBOURG, avocat au barreau de LIBOURNE,
DÉFENDERESSE À LA SAISINE
SARL IDA 2000
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée et assistée de Me Marie PASQUIER de la SELARL FELTESSE WARUSFEL PASQUIER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0028
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 Septembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre
Madame Anne-Marie GABER, Conseillère
Mme Nathalie AUROY, Conseillère
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Karine ABELKALON
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président et par Madame Karine ABELKALON, greffier présent lors du prononcé.
***
Vu le jugement contradictoire du 23 novembre 2010 rendu par le tribunal de grande instance de Paris,
Vu l'arrêt confirmatif de cette cour (Pôle 5 chambre 2) du 2 décembre 2011,
Vu l'arrêt de cassation du 3 avril 2013 rendu par la Cour de cassation (Chambre commerciale, financière et économique),
Vu le déclaration de saisine du 12 juin 2013 de la société COLINE DIFFUSION (ci-après dite COLINE)
Vu les dernières conclusions du 25 juin 2014 de la société demanderesse à la saisine,
Vu les dernières conclusions du 26 juin 2014 de la société IDA 2000, défenderesse à la saisine,
Vu l'ordonnance de clôture du 1er juillet 2014,
SUR CE, LA COUR,
Considérant que la société COLINE est notamment titulaire d'un modèle de robe publié sous le n° 817 382 et d'un modèle de vêtement (représentant un chemisier ou haut sans manche) publié sous le n°817 374, suivant dépôt du 5 décembre 2007 enregistré auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) sous le n° 07 5523 ; qu'elle indique avoir commercialisé ces modèles d'été en 2008 ;
Que reprochant à la société IDA 2000 d'avoir adressé à ses clients en 2009 un catalogue qui reproduirait des vêtements, référencés MI 422 et MI 418, constituant, selon elle, une imitation ou une reproduction servile de ses modèles, elle a, dûment autorisée par ordonnance sur requête du 6 mai 2009, fait procéder à des opérations de saisie contrefaçon ayant donné lieu le 18 mai 2009, indépendamment d'un procès verbal de carence, à un procès verbal de saisie contrefaçon de catalogues dans un magasin exploité par cette société ;
Que, dans ces circonstances, elle a fait assigner, le 12 juin 2009 le société IDA 2000 devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de ses modèles ;
Que, selon jugement dont appel, les premiers juges ont, entre autres dispositions, déclaré nul pour défaut de nouveauté et de caractère propre les modèles en cause et débouté la société IDA 2000 de ses demandes reconventionnelles de dommages et intérêts et de publication judiciaire ;
Que la cour d'appel a confirmé cette décision, laquelle a été cassée en toutes ses dispositions par la Cour de cassation, qui relève que pour écarter le caractère propre des modèles de la société COLINE l'arrêt a retenu que l'observateur averti est le consommateur auquel le produit est destiné alors qu'il se définit comme un observateur doté d'une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré ;
Considérant que le tribunal a estimé que la production par la société IDA 2000 du catalogue d'une société népalaise (Himalayan Cotton & Fashion International) de 2006 représentant le chemisier et la robe incriminés, accompagnés des courriers (respectivement des 21 juillet 2009 et 5 octobre 2010) du directeur de cette société précisant avoir crée et commercialisé les vêtements en cause et du président (Phil UGEL) de la société américaine (Blue Sky Import) destinataire de ces produits, ainsi que de deux factures de la société népalaise des 24 février (à destination de l'Australie) et 21 mars 2006 (à destination de la société américaine précitée) suffisait à établir qu'à partir du mois de février 2006 la société népalaise a commercialisé les produits incriminés qui ont été ainsi divulgués ;
Considérant qu'il n'est pas discuté que seul peut être protégé un modèle qui est nouveau et présente un caractère propre, ni qu'il s'agit de deux conditions de fond cumulatives ;
Que la société appelante, sans autrement s'expliquer sur la validité de ses modèles, fait à nouveau valoir que le catalogue de 2006 qui lui est opposé n'aurait aucune date certaine, serait un faux et que le tribunal aurait $gt; ;
Qu'elle maintient encore qu'elle se heurterait $gt; unis en syndicat, qui permettrait à des sociétés se contentant d'importer des produits pour les revendre de fournir des catalogues et attestations censés démontrer une commercialisation antérieure à son dépôt de modèles, et qu'une attestation faite par devant Officier public par le dirigeant de la société américaine précitée (datée du 7 juillet 2011) établirait que l'attestation et la facture concernant cette société américaine seraient faux, étant précisé qu'une plainte pénale déposée le 4 octobre 2011 à l'encontre de la société népalaise et de la société IDA 2000, au vu de cette attestation, a fait l'objet d'une décision de classement sans suite le 15 janvier 2014 pour infraction insuffisamment caractérisée ;
Considérant qu'il sera rappelé que la cour de cassation a relevé que les juges du fond, ont pu par une appréciation souveraine retenir que le catalogue précité de la société népalaise et l'attestation de cette société établissaient que les modèles contestés avaient été divulgués en France à la date du dépôt et que la société COLINE ne rapportait pas la preuve que la validité de ce catalogue était contestable ;
Que la société COLINE persiste, néanmoins, à soutenir qu'il ne saurait être valablement être tiré argument des éléments fournis par l'intimée, dont l'argumentation serait indûment évolutive, que les nouveaux éléments adverses seraient comme les précédents sujets à caution, faux, ou crées pour les besoins de la procédure et qu'il serait impossible de leur donner foi ;
Considérant que l'intimée, indépendamment de la facture du 21 mars 2006 et de l'attestation du directeur de la société américaine susvisés, se prévaut à nouveau de la production du catalogue litigieux en couleurs de la collection hiver-été 2006 de la société népalaise , dont les premiers juges ont relevé à juste titre qu'il ne s'agit pas d'une $gt; montrant les produits népalais opposés, de la traduction de l'attestation de son fournisseur et d'une facture émise par celui-ci le 24 février 2006, sur laquelle les premiers juges se sont expliqués ; qu'elle invoque également la production de nouvelles pièces, savoir des factures des 23 avril 9 mars, 5 septembre et 3 juin s2006 de la société népalaise, le catalogue en couleurs été et printemps 2007 de ce fournisseur reproduisant entre autres les deux vêtements dont s'agit, ainsi qu'un enregistrement de modèle de l'Office népalais, et elle conteste formellement tant les accusations que la portée des pièces adverses ;
Considérant, à cet égard, que le seul fait qu'une déclaration sous serment faite devant une autorité américaine tend à établir que la société américaine précitée n'aurait pas passé commande des produits facturés les 21 mars 2006 et que l'attestation correspondante du 10 mai 2010 n'émanerait pas de son président, ne saurait suffire à établir l'organisation d'une fraude organisée et entacher de toute crédibilité l'ensemble des documents produits par l'intimée émanant de son fournisseur népalais ;
Considérant qu'ainsi il ne saurait être admis que le modèle de chemisier à manches longues de cette société produit en cause d'appel, sur lequel est apposé un tampon et une signature avec la date du 14 septembre 2006, serait faux alors que la société COLINE admet que la possibilité d'un tel enregistrement n'est pas exclu en droit népalais, même s'il est postérieur à la commercialisation invoquée (la cour observant à cet égard que ce modèle est reproduit dans le catalogue 2006) ; qu'il sera ajouté que pour apprécier la validité de ce document la production de modèles de certificats non traduits de la loi népalaise, qui apparaissent très variés et pas nécessairement numérotés, et de données ne faisant pas état de l'existence de dessins ou modèles déposés au Népal, mais dont la provenance et la date ne peuvent être vérifiées d'aucune manière, s'avère dénuée de pertinence ;
Considérant, par ailleurs, que la production, même en dernier lieu, d'un catalogue 2007 de la société népalaise ne saurait être nécessairement dépourvue de caractère sérieux au seul motif que la société COLINE incriminait encore récemment l'absence production de catalogues postérieurs à l'année 2006 ; que le fait qu'un contrôle de véracité de nouvelles factures versées aux débats, concernant une commercialisation des produits litigieux à des commerçants népalais, ne pourrait être assuré ne saurait pas plus suffire à priver ces pièces de toute portée probatoire alors qu'elles comportent l'apposition d'un tampon de vérification (daté du 13 septembre 2011) ; que ces factures, dont une vise en fait le même destinataire australien que la facture du 24 février 2006 précitée, sans qu'il soit réellement établi que l'Australie était alors une destination d'exportation exclue pour la société népalaise, montre que d'autres factures comportaient en 2006 des références produits et la mention d'une année civile occidentale (sans numérotation qui renverrait à une année comptable népalaise distincte), confortant la portée de la facturation antérieure de février 2006 prise en compte par les premiers juges, même si l'intimée reconnaît que les facturations de la société népalaise ne sont pas nécessairement aussi rationalisées que celles de $gt; (p 16/36 de ses conclusions) ;
Considérant, en définitive, que si des doutes quant à la pertinence de deux pièces retenues en première instance (attestation du président de la société américaine et facturation correspondante du 21 mars 2006) peuvent apparaître justifiés, cette circonstance ne saurait suffire à démontrer que la société intimée ne pourrait valablement se prévaloir du catalogue népalais de 2006 dont il n'est pas contesté qu'il présente les vêtements litigieux, alors qu'il apparaît suffisamment conforté par d'autres facturations dont l'absence d'authenticité n'est pas plus démontrée, la production d'un catalogue de 2007 (concernant une période antérieure au dépôt de décembre 2007 des modèles invoqués, et reproduisant également les vêtements litigieux) dont la preuve du caractère prétendument contestable n'est pas plus établi que celle du catalogue de 2006, ainsi que par un modèle (visé en septembre 2006 par un Office népalais) constituant manifestement une déclinaison manches longue du chemisier (ou haut) sans manche opposé ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a admis que preuve suffisante étant rapportée de la commercialisation des modèles incriminés par la société népalaise antérieurement au dépôt par la société COLINE des modèles 817 382 et 817 374 ;
Considérant que la société COLINE, dont il est établi qu'elle vend des vêtements ethniques et fait fabriquer les vêtements qu'elle commercialise, notamment, au Népal ne démontre pas qu'elle ne pouvait raisonnablement connaître, en sa qualité de professionnelle, selon la pratique courante des affaires dans le secteur concerné, les antériorités ainsi opposées dont elle ne peut utilement prétendre qu'elles seraient circonscrites à la seule année 2006, en l'état de la production d'un catalogue postérieur, et alors qu'elle ne conteste pas que la société népalaise est répertoriée comme exportateur ;
Considérant que l'intimée fait valoir qu'à raison de cette divulgation suffisante le modèle de chemisier serait dépourvu de caractère propre et le modèle de robe de nouveauté ;
Que force est de constater qu'il ressort de l'examen auquel la cour a procédé des modèles déposés invoqués et des vêtements antérieurement divulgués, que le tribunal a exactement décrits, que :
le modèle déposé de robe montre sur le devant trois cercles complets (en haut sur le côté droit sous la poitrine), au lieu de présenter la moitié de ces cercles comme sur le modèle népalais, et donne à voir une double bretelle gauche alors que le modèle figuré sur les catalogues népalais de 2006 et 2007 ne dispose que de bretelles simples,
le chemisier (ou haut) figuré sur le modèle déposé présente par rapport aux modèles népalais antérieurs l'ajout d'un triangle sur le côté gauche au dessus de la poche coupant la bande de couleur contrastée plus foncée (plus clair sur le modèle sans manche reproduit aux catalogues népalais, mais également plus foncée dans sa version manches longues) et présente différemment les trois bandes sur l'épaule gauche ;
Que si les différences secondaires entre les robes en cause ne permettent pas nécessairement de retenir comme les premiers juges une antériorité de toute pièce du modèle déposé, l'observateur averti doté d'une vigilance particulière en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré ne peut qu'immédiatement percevoir que le déplacement des cercles de la partie haute, permettant de les faire apparaître en entier sur le devant du modèle de robe revendiqué, comme le doublement d'une bretelle qui se prolonge légèrement sur la partie haute de cette robe, ne constituent que des détails ne modifiant pas l'impression d'ensemble de reprise certaine de la robe antérieurement divulguée ;
Que, de même, l'observateur averti percevra spontanément que le modèle de chemisier (haut sans bretelle) déposé par la société COLINE reprend la structure globale de base, caractéristique, asymétrique du modèle préexistant déjà divulgué, avec sa découpe particulière du bas montrant sur le devant un décalage de hauteur entre les deux côtés du vêtement et la même forme de poche ronde paraissant pendre du côté gauche ; qu'ayant des compétences et une expérience des présentations esthétiques de vêtements cet utilisateur averti comprendra, nonobstant l'adjonction d'un triangle central et une légère modification des courbes et bandes en partie haute du vêtement représenté, le modèle revendiqué comme la reprise d'une forme connue, les variations apportées s'avérant trop faibles par rapport à celle-ci ; que cette impression d'ensemble de grande proximité sera d'autant plus forte que cet observateur sait que de nombreuses présentations globalement différentes sont possibles pour ce type de vêtement (comme le démontre au demeurant les catalogues produits aux débats) ;
Considérant qu'il s'infère de ces éléments d'appréciation qu'aucun des deux modèles opposés par la société COLINE ne présente de caractère propre et ne saurait ainsi être protégé au titre du droit des dessins et modèles ; que le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a déclaré nuls ces modèles et, déclaré, par voie de conséquence, irrecevable la société COLINE en ses demandes en contrefaçon ainsi qu'en sa demande de publication judiciaire ;
Considérant que l'intimée prétend qu'elle aurait subi du fait des opérations de saisie contrefaçon et d'un prétendu acharnement procédural de l'appelante un préjudice moral, qui résulterait d'une perte d'image, d'une atteinte à sa réputation, d'une accusation de fraude non avérée et de la perturbation de ses relations commerciales avec son fournisseur népalais qu'elle a dû solliciter à plusieurs reprises, réclamant de ce chef 20.000 euros ; qu'elle demande, par ailleurs, le paiement de 10.000 euros pour procédure abusive ;
Mais considérant qu'il n'est pas établi que les opérations diligentées à la requête de la société COLINE pour initier son action, ou les moyens par elle adoptés pour l'étayer, même si elle succombe en ses prétentions, a présenté un caractère fautif susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard de la société IDA 2000, ni que l'introduction ou la poursuite de son action a revêtu un caractère malin et en conséquence abusif qui ouvrirait droit à indemnité compensatoire ;
Que toutes les demandes indemnitaires de la société IDA 2000 ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas plus lieu de prononcer une amende civile, ni de faire de droit à la demande de publication judiciaire de la société IDA 2000, et la décision entreprise sera confirmée de ces chefs ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ;
Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;
Condamne la société COLINE DIFFUSION aux dépens de la présente instance, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, et à verser à la socité IDA 2000 une somme complémentaire de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
LE PRÉSIDENTLE GREFFIER