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22/10/2014 | FRANCE | N°13/01951

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 22 octobre 2014, 13/01951


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 22 Octobre 2014

(n° 7, pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/01951 CB



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Octobre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS encadrement RG n° 12/00232





APPELANTE

Madame [U] [I]

Chez [Q] [H]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Sarahda MUSTAPH

A, avocat au barreau de PARIS, toque : D2182







INTIMEE

SARL DEMONIAK

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Marie-Laure VIEL, avocat au barreau de ST QUENTIN





COMPOSITI...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 22 Octobre 2014

(n° 7, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/01951 CB

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Octobre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS encadrement RG n° 12/00232

APPELANTE

Madame [U] [I]

Chez [Q] [H]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Sarahda MUSTAPHA, avocat au barreau de PARIS, toque : D2182

INTIMEE

SARL DEMONIAK

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Marie-Laure VIEL, avocat au barreau de ST QUENTIN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03/09/2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine BRUNET, Conseillère, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente

Madame Catherine BRUNET, Conseillère

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier : Madame Fatima BA, lors des débats

ARRET :

- contradictoire,

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, présidente et par Madame Lynda BENBELKACEM, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Madame [U] [I] a été engagée par la société DEMONIAK par contrat de travail à durée déterminée en date du 1er juillet 2010 en qualité de chargée d'études junior; la relation contractuelle s'est poursuivie au-delà du terme fixé au 31 août 2010.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la publicité.

Madame [U] [I] percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle de 1655 euros.

La société DEMONIAK occupait à titre habituel moins de onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Madame [U] [I] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre en date du 16 novembre 2011.

Sollicitant la requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée et l'analyse de la rupture des relations contractuelles en un licenciement abusif, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement en date du 19 octobre 2012 auquel la Cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée au paiement des dépens.

Elle a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 26 février 2013.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 3 septembre 2014.

Madame [U] [I] soutient que son contrat de travail à durée déterminée doit être requalifié car il ne porte pas mention du motif de recours à ce type de contrat et que sa prise d'acte de rupture est motivée par des manquements de l'employeur à ses obligations, parmi lesquels le non-paiement d'heures supplémentaires.

En conséquence, Madame [U] [I] sollicite l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société à lui payer les sommes suivantes :

- 16.550 € nets de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 3.310 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 331 € à titre de congés payés y afférents,

- 520,07 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 1.875,15 € à titre de rappel d'heures supplémentaires effectuées et non réglées,

- 187,51 € à titre de congés payés y afférents,

- 9.930 € nets à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 1.655 € nets à titre d'indemnité de requalification CDD (article L.1245-1 du code

du travail),

- 3.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes de Paris, outre le paiement des dépens.

Elle demande également à la cour d'ordonner la remise de l'attestation Pôle Emploi et des bulletins de salaire rectifiés sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

En réponse, la société DEMONIAK fait valoir qu'aucun des faits qui lui sont reprochés ne peut conduire à analyser la rupture dont la salariée a pris acte en un licenciement abusif et qu'elle n'a subi aucun préjudice au titre du contrat de travail à durée déterminée.

En conséquence, elle sollicite la confirmation du jugement entrepris et le débouté de madame [I]. Elle demande à la cour de la condamner à lui verser la somme de 3.310 € au titre de dommages et intérêts , de 3.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour la première instance et la somme de 4.500 € pour la procédure d'appel, outre les dépens.

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée

Madame [I] souligne l'absence de mention du motif de recours à ce type de contrat.

La société reconnaît cette erreur mais soutient que la salariée n'a subi aucun préjudice à ce titre dans la mesure où elle a été ensuite engagée en contrat de travail à durée indéterminée.

Il résulte de la combinaison des articles L 1242-12, L 1245-1 et L 1245-2 du code du travail que le contrat de travail à durée déterminée ne mentionnant pas la définition précise de son motif doit être requalifié en un contrat de travail à durée indéterminée, le juge accordant au salarié une indemnité de requalification ne pouvant être inférieure à un mois de salaire, peu important que ce contrat à durée déterminée ait été immédiatement poursuivi par un contrat de travail à durée indéterminée.

La société sera donc condamnée à verser à madame [I] la somme de 1655 euros à titre d'indemnité de requalification.

Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de prise d'acte de rupture est ainsi rédigée:

' (...) j'ai eu à souffrir durant la relation de travail de conditions anormales à savoir notamment :

- Modification substantielle de mon contrat de travail par la surcharge de travail imposée par vous consistant en la réalisation de nombreuses tâches ne relevant pas de mes fonctions (notamment standard, collecte de courrier, coursier, ménage...),

- absence de revalorisation de ma rémunération, soit la somme de 1.655 euros mensuelle depuis mon embauche, malgré vos promesses ; chaque fois que j'ai tenté d'aborder ce sujet, vous m'avez menacé d'un licenciement de sorte que je n'ai plus évoqué ce point craignant de perdre mon emploi,

- de nombreuses heures supplémentaires effectuées par mes soins et jamais réglées, malgré mes demandes.

À cela, s'ajoute vos réactions impulsives à mon égard telles qu'expliquées dans ma lettre précitée sans que cette dernière n'ait eu pour effet un changement d'attitude de votre part, ce que je regrette. Au contraire, vous vous êtes irrité davantage et vous avez continué à maintenir une pression, que je ressens comme du harcèlement moral, en étant constamment dans l'intimidation et le dénigrement à mon égard, ce qui est insupportable. Je vous ai d'ailleurs indiqué que cette situation ne m'amusait pas, que la situation déjà intolérable que je vivais auparavant devenait carrément infernale. Ce sur quoi vous m'avez répondu que si ça ne me plaisait pas, je n'avais qu'à partir !

Nous avons alors évoqué ensemble la question de la rupture conventionnelle mais l'indemnité que vous me proposiez était tout simplement dérisoire alors que cette situation invivable ne résulte pas de mon fait.

Cette situation désastreuse pour mon état psychique a conduit à des arrêts maladie, pour dépression nerveuse en raison de mes conditions de travail, ce que vous n'ignorez pas tant je vous ai alerté sur ce sujet et des répercussions de votre attitude sur mon état.

À ce jour, je suis toujours en arrêt maladie. Je suis fatiguée et incapable d'envisager un retour tant je crains vos réactions.

Compte tenu de cette situation dont je vous impute entièrement la responsabilité, je me vois contrainte de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail (...)'

Madame [I] soutient que les manquements qu'elle dénonce dans cette lettre auxquels s'ajoutent un retard dans le paiement des salaires et une absence de visites médicales, sont avérés. Elle ajoute que sa lettre ne fixe pas les limites du litige et que la multitude des griefs ainsi que leur gravité empêchaient la poursuite du contrat de travail.

La société conteste l'essentiel des manquements évoqués par la salariée et les resitue dans leur contexte. Elle fait valoir qu'ils n'empêchaient pas la poursuite du contrat de travail.

Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d'acte de rupture du contrat de travail permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. La lettre de prise d'acte ne fixe pas les limites du litige et il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur. Si les faits invoqués justifiaient la prise d'acte, la rupture produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et, à défaut, d'une démission.

Il convient d'examiner tour à tour les griefs formulés par la salariée.

Sur la modification du contrat de travail

A ce titre, madame [I] fait valoir qu'elle a été amenée à effectuer en plus de son travail des tâches de secrétariat et d'assistante.

La société invoque les dispositions de la convention collective de la publicité, l'absence pour maladie de monsieur [F], son gérant, et le fait que dans une si petite unité, chacun est polyvalent.

Le contrat de travail à durée déterminée, seul document contractuel régularisé, mentionne simplement que madame [I] est engagée en qualité de chargée d'études junior. Si la convention collective applicable est indiquée, la classification de son emploi n'est pas mentionnée non plus que sur les bulletins de paie. Enfin, aucune fiche de poste n'a été établie.

D'une part, la société ne peut comme elle le fait, soutenir qu'il se déduit de la description des tâches du niveau 2.1 de la catégorie des techniciens et agents de maîtrise que le salarié doit accomplir toutes sortes de tâches y compris celles ne relevant pas de son emploi. En effet, la convention collective précise pour décrire l'emploi: 'trois points clés: l'aspect multiforme du travail (pluralité des tâches et des moyens) dans la majorité des cas (...).' Les tâches multiples évoquées s'inscrivent nécessairement dans le cadre de l'emploi déterminé à savoir celui d'agent de maîtrise, de sorte que cette locution ne signifie pas qu'un agent de maîtrise doit accomplir des tâches de ménage ou de secrétariat.

D'autre part, la cour retient des dires concordants des parties et des pièces médicales produites, qu'au mois d'août 2010, monsieur [F] a été victime d'un grave accident de sorte qu'il a été absent de l'entreprise au moins jusqu'au mois de mai 2011 et en réalité, selon les constatations de la cour jusqu'au terme de la relation contractuelle. Concomittamment, deux salariés ont quitté l'entreprise, monsieur [L] au mois de juin 2010 et madame [M] en novembre 2010, de sorte que madame [I] est restée seule employée de la société, 5 mois après son engagement et trois mois après son recrutement en contrat de travail à durée indéterminée. La société ne produit aucun moyen de nature à retenir la mise en oeuvre d'une organisation qui aurait permis la prise en charge par une tierce personne des tâches de secrétariat et d'organisation matérielle du local de sorte que la cour retient que madame [I] a dû exécuter l'ensemble des tâches relatives non seulement à son emploi mais à celui des deux salariés ayant quitté la société et accomplir des tâches de secrétariat. Contrairement aux allégations de la société, la salariée rapporte la preuve de cet état de fait car elle verse aux débats des mails démontrant qu'elle transférait des appels à monsieur [F] et s'occupait du courrier. Un employeur peut parfaitement demander de manière ponctuelle à un salarié d'une petite structure de répondre au téléphone et de faire quelques tâches n'entrant pas dans ses attributions. Cependant, en l'espèce, la situation a perduré pendant un an, la société ayant choisi de maintenir une activité malgré l'indisponibilité de son gérant en évitant d'engager le personnel nécessaire et en en faisant assumer la charge par madame [I]. La société fait valoir que monsieur [F] la guidait , l'encadrait et la conseillait par mail. Mais la communication par voie dématérialisée ne peut remplacer l'encadrement dont avait besoin la salariée. En outre, cette situation particulière a conduit l'employeur à exiger de la salariée des pointages par l'intermédiaire de mails bi-quotidiens et de rapports journaliers qui témoignent du caractère artificiel de l'organisation du travail et de la pression que celle-ci a exercé sur madame [I], monsieur [F] lui confiant totalement les rennes de l'entreprise et à la fois, de manière contradictoire, voulant la contrôler comme s'il était présent.

Vainement, la société excipe de la médiocre qualité du travail de la salariée, de son absentéisme et de ses retards, ces éléments étant indifférents pour déterminer si le grief énoncé par madame [I] est fondé.

La cour considère qu'il est avéré que madame [I] s'est vue confier les fonctions de plusieurs personnes et des tâches qui n'entraient pas dans ses fonctions contractuelles.

Par contre, l'employeur n'avait pas d'obligation contractuelle de revaloriser sa rémunération et n'avait pas souscrit d'engagement unilatéral à ce titre.

Sur les heures supplémentaires

Madame [I] soutient que l'employeur l'obligeait à rester jusqu'à 18 heures soit 30 minutes supplémentaires chaque jour.

La société conteste la réalisation d'heures supplémentaires et fait valoir les absences et retards de la salariée.

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

En l'espèce, madame [I] déduit de l'exécution de tâches n'entrant pas dans ses fonctions et des heures d'envoi ou de réception de mails, l'existence d'heures supplémentaires. Elle affirme que monsieur [F] lui demandait de rester jusqu'à 18 heures.

D'une part, le fait qu'elle réponde au téléphone ou traite le courrier n'implique pas nécessairement la réalisation d'heures supplémentaires non plus que les heures d'envoi et de réception des mails.

D'autre part, elle n'apporte aucun élément à l'appui d'une exigence de la société de la voir rester jusqu'à 18 heures, le mail en date du 2 décembre 2010 de monsieur [F] ne signifiant pas qu'il lui demandait de rester jusqu'à 19 heures mais de lui transférer le téléphone sur son portable pour qu'il puisse répondre aux clients lorsqu'elle avait quitté son poste. Au contraire, ce dernier lui a rappelé que sa journée de travail se terminait à 17 heures 30 (mail du 11 octobre 2011).

Enfin, par la production d'attestations de tiers (madame [E], monsieur [G], madame [C]), la société démontre que madame [I] avait des horaires flexibles.

Dès lors, la cour retient qu'il n'est pas démontré que la salariée a effectué des heures supplémentaires. Elle sera déboutée de sa demande en rappel de salaire à ce titre et au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé sans qu'il soit besoin d'examiner d'autres moyens.

Sur le caractère impulsif de monsieur [F]

Ce dernier a adressé des reproches à madame [I] mais la lecture des mails montre qu'il s'est exprimé à son égard de manière courtoise et adaptée.

Sur les retards de paiement du salaire

Madame [I] reproche à la société des retards dans le paiement de son salaire qui ont obéré sa situation financière.

La société reconnaît certains retards en les minimisant, en relevant que la salariée a été payée chaque mois et en expliquant ceux-ci essentiellement par les difficultés résultant de l'indisponibilité du gérant.

D'une part, contrairement à ce qu'indique la société, il résulte des échanges de mails entre monsieur [F] et madame [I] que le paiement des salaires était effectué par virement et non pas par chèque, à l'exception de deux mois, de sorte qu'il ne peut pas être invoqué par la société comme elle tente de le faire une indisponibilité du gérant.

D'autre part, il est démontré par la salariée, par la production de ses relevés de compte mais aussi par des échanges de mails, qu'elle a perçu régulièrement ses salaires après le terme du mois fixé au contrat de travail comme date de paiement.

Enfin, la société ne peut comme elle le fait soutenir qu'elle n'a pas subi de dommages dans la mesure où elle a été payée tous les mois alors qu'un retard de plusieurs jours quasi chaque mois et de deux semaines à deux reprises, entraîne nécessairement un préjudice ce d'autant que le salaire est modique ce qui était le cas en l'espèce, le salarié ayant des échéances fixes à honorer.

La cour relève particulièrement que madame [I] n'a perçu que le 15 novembre 2011 son salaire du mois d'octobre 2011. La société se prévaut de difficultés de calcul en faveur finalement de la salariée et soutient que la salariée a reçu le chèque de paiement le 5 ou le 7 novembre mais sans en rapporter d'aucune manière la preuve.

Sur l'absence de visites médicales

Madame [I] reproche à l'employeur l'absence de visites médicales après ses arrêts de travail pour maladie et soutient que l'abstention de l'employeur est fautive même si elle avait la possibilité comme le souligne la société, de solliciter la visite de reprise.

La société fait valoir qu'elle aurait commis une faute si elle avait refusé la visite médicale sollicitée par la salariée ce qui n'est pas le cas puisque madame [I] n'a pas demandé à bénéficier d'une telle visite.

Il résulte de l'article R 4624-22 du code du travail dans sa version applicable au moment des faits objets du litige, que le salarié doit bénéficier d'une visite de reprise parès une absence de plus de 21 jours pour maladie non professionnelle.

Madame [I] a été placée en arrêts de travail à plusieurs reprises et plus précisément du 24 février au 20 mars 2011 et du 8 au 30 novembre 2011. Elle aurait dû bénéficier d'une visite médicale de reprise après le premier arrêt de travail mais, compte tenu de la prise d'acte de rupture en date du 26 novembre 2011, l'employeur n'avait pas d'obligation d'organiser cette visite pour le second arrêt.

L'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise et c'est à ce titre qu'il doit organiser la viste de reprise dès lors que le salarié a été en arrêt de travail pendant plus de 21 jours. La possibilité laissée au salarié d'en prendre l'initiative n'est destinée qu'à pallier le manquement de l'employeur à cette obligation. Il est donc incontestable qu'en n'organisant pas cette visite au terme de l'arrêt de travail du mois de mars 2011, la société a commis une faute sans qu'il soit besoin d'examiner d'autres moyens.

Il résulte de l'analyse des griefs formulés par la salariée, que:

- la société l'a contrainte à effectuer des missions qui ne lui incombaient pas, à travailler seule en l'absence de tout référent direct,

- lui a payé en retard ses salaires, à deux reprises de manière très significative, notamment le dernier mois précédant la prise d'acte de rupture,

- a manqué à son obligation de protection et de sécurité.

Antérieur de plusieurs mois à la prise d'acte, ce dernier manquement ne pourrait pas à lui seul justifier celle-ci mais l'accumulation des griefs et leur caractère réitéré pour les deux premiers sans que la société ne modifie son comportement malgré les réclamations de la salariée, conduit la cour à retenir que la rupture dont a pris acte madame [I] est imputable à l'employeur et produit les effets d'un licenciement abusif comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il est indifférent à l'issue du litige que la salariée ait trouvé un emploi avant de prendre acte de la rupture de son contrat de travail.

Il y a donc lieu d'infirmer la décision déférée.

En cas de licenciement abusif, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, 31 ans, de son ancienneté, 17 mois, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-5 du code du travail, une somme de 7 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif.

Il est dû en outre à madame [I] la somme de 3 310 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 331 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents ainsi que la somme de 520,07 euros à titre d'indemnité de licenciement, sommes non critiquées en leur montant par la société.

Sur la remise de documents

Il sera ordonné à la société de remettre à madame [I] une attestation POLE EMPLOI et un bulletin de salaire conformes à la présente décision.

Aucune circonstance de l'espèce ne conduit à assortir cette disposition d'une mesure d'astreinte.

Sur le cours des intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du code civil, l'indemnité de licenciement, l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité compensatrice de congés payés afférents seront assorties d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes soit le 25 janvier 2012, et l'indemnité pour licenciement abusif sera assortie d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Sur les frais irrépétibles

Partie succombante, la société sera condamnée à payer à madame [I] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens

Partie succombante, la société sera condamnée au paiement des dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions :

Statuant à nouveau et ajoutant,

REQUALIFIE le contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée,

DIT que la rupture du contrat de travail dont a pris acte madame [U] [I] produit les effets d'un licenciement abusif comme dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société DEMONIAK à payer à madame [U] [I] les sommes de :

-3 310 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 331 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- 520,07 euros à titre d'indemnité de licenciement,

avec intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2012, date de réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation,

CONDAMNE la société DEMONIAK à verser à madame [U] [I] les sommes de :

- 7000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif,

- 1655 euros à titre d'indemnité de requalification,

avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

CONDAMNE la société DEMONIAK à payer à Madame [U] [I] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

CONDAMNE la société DEMONIAK aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 13/01951
Date de la décision : 22/10/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°13/01951 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-22;13.01951 ?
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