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22/10/2014 | FRANCE | N°12/03585

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 22 octobre 2014, 12/03585


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 22 Octobre 2014

(n° 1 , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/03585 CB



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Février 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL ENCADREMENT RG n° 10/02139





APPELANTE

EURL IBC

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Richard MARCOU, avocat au barreau de

MONTPELLIER





INTIMEES

Madame [I] [R] épouse [D]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Dan NAHUM, avocat au barreau de VAL DE MARNE, toque : PC 36 substitué par Me Flor...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 22 Octobre 2014

(n° 1 , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/03585 CB

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Février 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL ENCADREMENT RG n° 10/02139

APPELANTE

EURL IBC

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Richard MARCOU, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES

Madame [I] [R] épouse [D]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Dan NAHUM, avocat au barreau de VAL DE MARNE, toque : PC 36 substitué par Me Flora BARCLAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0471

SARL ARNOTEL PINCEVENT

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Clotilde JOVY, avocat au barreau de VAL DE MARNE, toque : PC 07

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03/09/2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine BRUNET, Conseillère, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente

Madame Catherine BRUNET, Conseillère

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

Greffier : Madame Fatima BA, lors des débats

ARRET :

- contradictoire,

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, présidente et par Madame Lynda BENBELKACEM, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Madame [I] [D] indique avoir été engagée en qualité de femme de chambre par la société ARNOTEL PINCEVENT à compter du 28 avril 2005 par un contrat de travail à durée déterminée, la relation contractuelle s'étant poursuivie au-delà du terme fixé par un contrat de travail à durée indéterminée.

Son contrat de travail a été transféré le 1er avril 2007 à la société IBC, acquéreuse du fonds de commerce.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants et Madame [D] percevait en dernier lieu une rémunération de 959,80 euros.

La société IBC occupait à titre habituel moins de onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Madame [D] a bénéficié d'un congé maternité puis d'un congé parental d'éducation du mois de mai 2008 au 30 décembre 2009.

Par lettres en date des 31 décembre 2009 et 13 janvier 2010, Madame [D] a été convoquée à des entretiens préalables, le premier ayant été annulé et le dernier étant fixé au 2 février 2010.

Compte tenu de l'absence de la salariée à l'entretien préalable, la société lui a adressé la proposition de convention de reclassement personnalisé par lettre recommandée en date du 4 février 2010.

Par lettre en date du 8 février 2010, elle a été licenciée pour motif économique.

Alors qu'elle exécutait son préavis, la société l'a convoquée par lettre en date du 27 février à un entretien fixé au 2 mars.

Par lettre en date du 4 mars 2010, la société a mis fin à son préavis en raison d'une faute grave.

Sollicitant notamment la requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, la requalification de ce dernier contrat en un contrat de travail à temps plein, contestant son licenciement et la rupture de son préavis, Madame [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil qui, par jugement en date du 27 février 2012 auquel la Cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a mis hors de cause la société ARNOTEL PINCEVENT et l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles. Il a considéré le licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse et a:

- condamné la société IBC à payer à Madame [D] les sommes suivantes :

* 6 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*1 151,78 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 620 euros au titre de 70 heures de DIF,

* 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné la remise d'une attestation POLE EMPLOI et d'un bulletin de paie conformes au jugement,

- débouté les parties de leurs demandes supplémentaires,

- condamné la société IBC aux dépens,

étant rappelé que l'exécution provisoire est de droit sur les salaires et accessoires de salaire et que les intérêts sont de droit.

La société IBC a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 6 avril 2012.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 3 septembre 2014.

La société IBC soutient que la société ARNOTEL PINCEVENT doit être maintenue dans la cause en raison de sa qualité de précédent employeur et d'une clause de l'acte de cession du fonds de commerce. Elle fait notamment valoir que le contrat de travail liant les parties est un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel et que les ruptures consécutives sont parfaitement justifiées.

En conséquence, elle sollicite la confirmation partielle du jugement en ce qu'il a débouté la salariée de diverses demandes et son infirmation pour le surplus, madame [D] devant être déboutée de l'ensemble de ses demandes. Elle sollicite en toutes hypothèses que la société ARNOTEL PINCEVENT soit condamnée à la relever et garantir de toutes sommes pouvant être prononcée contre elle et la condamnation de madame [D] et de la société ARNOTEL PINCEVENT à lui payer chacune la somme de 3 600 euros TTC au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

En réponse, Madame [D] souligne qu'elle ne formule des demandes qu'à l'encontre de la société IBC. Elle soutient que le contrat de travail à durée déterminée doit être requalifié en un contrat de travail à durée indéterminée, celui-ci devant être requalifié en un contrat de travail à temps plein à compter du transfert de son contrat de travail. Elle fait notamment valoir que les deux ruptures sont dépourvues de cause réelle et sérieuse.

En conséquence, elle demande à la cour de confirmer le jugement, de requalifier le CDD du 28 avril 2005 en CDI et de requalifier le contrat à temps partiel en contrat à temps complet. Elle sollicite en conséquence la condamnation de la société IBC à lui payer les sommes suivantes :

- Dommages et intérêts requalification: 959,80 €,

- Rappel de salaire temps complet: 13.823,72 €,

- Congés payés afférents: 1.382,37 €,

- Dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement: 1.919,60 €

- Solde Préavis: 1181,30 €,

- Congés payés afférents: 118,13 €,

- Dommages et intérêts licenciement sans cause réelle et sérieuse: 20.000 €,

- Indemnité de licenciement: 1.151,76 €,

- Dommages et intérêts préjudice moral et discrimination: 10.000 €,

- Dommages et intérêts non respect du droit à réintégration après congé parental d'éducation : 2.000 €,

- Droit Individuel à la Formation: 620,20 €,

- Dommages et intérêts pour non respect de la priorité de réembauche: 1.916,60 €,

- Maintien du bénéfice de la mutuelle et prévoyance pendant 8 mois (accord interprofessionnel 11 janvier 2008)

- Production sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document de l'attestation pôle emploi, certificat de travail, bulletins de paie et reçu pour solde de tout compte conformes le Conseil se réservant la possibilité de liquider l'astreinte et notamment , comportant la date d'entrée dans l'entreprise au 28 avril 2005 et la date de sortie au 10 avril 2010,

- Article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile 1.500 €,

- Dépens,

- Intérêts au taux légal et anatocisme article 1154 du Code Civil,

- Exécution provisoire.

La société ARNOTEL fait valoir que la salariée ne formule aucune demande à son encontre et que le licenciement est intervenu 3 ans après le transfert du contrat de travail à la société IBC.

En conséquence, elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause et la condamnation de la société IBC au paiement des sommes suivantes:

- 10.000 euros pour procédure abusive,

- 2000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée

Madame [D] fait valoir qu'à défaut d'être écrit et donc de mentionner un motif de recours, le contrat de travail à durée déterminée initial doit être requalifié en un contrat de travail à durée indéterminée.

La société IBC soutient que, comme le contrat de travail à durée déterminée était verbal, il n'a en quelque sorte jamais existé et était de fait un contrat de travail à durée indéterminée.

Aux termes de l'article L.1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif, et notamment les mentions énumérées par ce texte ; à défaut, il est réputé être conclu pour une durée indéterminée.

Il est établi que madame [D] a été engagée par la société ARNOTEL PINCEVENT à compter du 28 avril 2005 car ces deux parties ont signé le 1er mai 2006 un document ainsi rédigé: 'la Société ARNOTEL transforme le contrat de travail à durée déterminée du salarié en CONTRAT DE TRAVAIL A DUREE INDETERMINEE à partir du 01 MAI 2006" et l'ensemble des documents de rupture portent comme date d'ancienneté le 28 avril 2005.

A défaut d'écrit, ce contrat de travail à durée déterminée est un contrat de travail à durée indéterminée qu'il convient de requalifier peu important qu'il ait été ensuite transformé en un contrat de travail à durée indéterminée.

Conformément aux dispositions de l'article L 1245-2 du code du travail, il sera alloué à madame [D] la somme de 959,80 euros à titre d'indemnité de requalification, celle-ci ne pouvant être inférieure à un mois de salaire, le droit à cette indemnité naissant dès la conclusion irrégulière du contrat de travail à durée déterminée.

Il y a donc lieu d'infirmer la décision déférée à ce titre.

Sur la requalification du contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet

Madame [D] soutient que son contrat de travail était à temps partiel jusqu'au transfert de son contrat de travail car, même si aucune clause n'était afférente à son temps de travail, elle était informée de ses horaires de travail par la société ARNOTEL PINCEVENT; que tel n'a pas été le cas auprès de la société IBC, de sorte qu'elle a été en permanence obligée de se tenir à la disposition de son employeur.

La société IBC fait valoir que l'absence d'écrit laisse présumer l'existence d'un contrat de travail à temps plein et qu'elle apporte la preuve de ce que madame [D] ne devait pas se maintenir à sa disposition car elle était parfaitement informée des plages horaires de travail.

Il résulte de l'article L 3123-14 du code du travail que le contrat de travail à temps partiel est écrit et mentionne notamment la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. A défaut, l'emploi est présumé à temps complet et il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la durée exacte du travail, du fait que le salarié pouvait prévoir à quel rythme il devait travailler et ne devait pas se tenir constamment à sa disposition.

En l'espèce, la société produit trois plannings pour les mois de janvier, février et mars 2010 revêtant selon elle la signature de la salariée ce que celle-ci ne conteste pas. Cependant, à cette date, la salariée était engagée depuis prés de 3 ans et la procédure de licenciement était en cours. La société ne justifie pas de ce que depuis le 1er avril 2007, date du transfert du contrat de travail et point de départ de la réclamation de la salariée à ce titre, madame [D] était informée de ses plannings d'emploi suffisammment à l'avance. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner d'autres moyens, le contrat de travail sera requalifié en un contrat de travail à temps plein.

La somme sollicitée à ce titre par la salariée n'est pas contestée en son calcul par la société IBC.

Elle sera donc condamnée à payer à madame [D] la somme de 13 823,72 euros outre la somme de 1 382,37 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents.

La décision des premiers juges sera infirmée.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement est ainsi rédigée:

' (...) Nous vous informons, à notre grand regret, que nous nous trouvons dans l'obligation de vous licencier pour raison économique en raison de la modification de votre poste suite à une réorganisation interne de notre établissement motivée par la nécessité de sauvegarder notre activité et donc à terme les emplois, ayant pour conséquence la modification substantielle de votre contrat de travail.(...)'

La société IBC fait valoir que ce licenciement est parfaitement justifié car:

- elle a proposé à madame [D] la modification de son contrat de travail, lettres qu'elle n'a pas retirées,

- elle a en réalité contesté cette modification et a refusé de signer un avenant à son contrat de travail,

- son affectation sur un poste d'employé polyvalent plutôt que de femme de chambre était justifiée par le fait que l'hôtel est un hôtel social accueillant des personnes en difficulté qui, en réalité considéraient leur chambre comme leur domicile,

- son poste a été effectivement supprimé,

- son licenciement était dès lors inéluctable,

- elle a refusé toutes les offres de reclassement qui lui ont été faites.

En réponse, madame [D] affirme qu'aucune proposition de modification de son contrat de travail ne lui a été faite. Elle soutient que les difficultés économiques, la suppression de poste et la nécessité de réorganiser la société ne sont pas démontrées et que la société n'a pas rempli son obligation de reclassement.

Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi.

Selon l'article L.1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ; les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Le manquement par l'employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse et ouvre droit au profit du salarié au paiement de dommages-intérêts.

La lettre de licenciement n'évoque pas une impossibilité de reclassement et la société ne démontre pas avoir tenté de reclasser la salariée. Son licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Au surplus, la société ne démontre pas une menace sur sa compétitivité qui justifierait une réorganisation ni même des difficultés économiques.

Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner d'autres moyens, le licenciement de madame [D] est abusif comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En cas de licenciement abusif, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Madame [D] justifie avoir perçu les prestations de POLE EMPLOI jusqu'au mois de décembre 2011.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, 7 personnes sur l'attestation POLE EMPLOI, des circonstances de la rupture, du montant de sa rémunération, de son âge, 33 ans, de son ancienneté, 4 ans et 9 mois, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-5 du code du travail, une somme de 11 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif.

Sur le non-respect de la procédure de licenciement

Madame [D] souligne que la mairie indiquée sur la convocation à entretien préalable en date du 31 décembre 2009 n'est pas celle de son domicile et qu'il n'est pas précisé que le motif du licenciement envisagé est économique.

La société soutient avoir respecté cette procédure.

Il résulte de l'article L 1233-13 du code du travail que la convocation à entretien préalable doit comporter, si l'entreprise ne dispose pas d'institutions représentatives du personnel, l'adresse des services auprès desquels le salarié peut consulter la liste des conseillers du salarié pouvant l'assister pendant cet entretien à savoir la section d'inspection du travail compétente et l'adresse de la mairie du lieu du domicile du salarié si celui-ci habite dans le même département que l'entreprise. En l'espèce, l'adresse figurant sur la convocation est celle du lieu d'établissement de l'entreprise de sorte que la procédure n'est pas régulière, sans qu'il soit besoin d'examiner d'autres moyens.

Cette irrégularité a nécessairement causé à madame [D] un préjudice, s'agissant particulièrement de son assistance au cours de l'entretien.

Il lui sera alloué à ce titre la somme de 959,80 euros.

La décision des premiers juges sera infirmée.

Sur le rappel d'indemnité de licenciement

Madame [D] sollicite une indemnité légale pour un montant de 1151,76 euros en retenant comme base de calcul un salaire de 959,80 euros pendant 6 ans.

La société soutient qu'elle ne devait pas la percevoir car elle a commis une faute grave au cours du préavis.

Mais la rupture du préavis n'a pas la nature d'un licenciement et, dès lors que la salariée a été licenciée pour motif économique, l'indemnité de licenciement lui est due. Cependant, l'ancienneté à prendre en compte est de 4 ans, 11 mois et 12 jours de sorte qu'il est dû à madame [D] la somme de 950,24 euros à titre d'indemnité légale de licenciement.

La décision des premiers juges sera infirmée.

Sur les dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage

Madame [D] indique qu'elle a demandé à bénéficier de cette priorité et qu'il appartient à l'employeur de démontrer qu'il n'a pas embauché de personne dans l'année suivant le licenciement.

La société soutient que madame [D] n'a pas indiqué souhaiter bénéficier de cette priorité.

Madame [D] a adressé à la société une lettre en date du 10 février 2010 contestant son licenciement. Elle ne demandait pas le bénéficie de la priorité de réembauchage et n'a pas adressé de courrier ultérieur.

Elle sera donc déboutée de sa demande à ce titre.

Sur la rupture du préavis

La lettre de rupture est ainsi rédigée: ' (...) Mais la faute grave que vous avez commise et qui vous a été reprochée au cours d'un nouvel entretien le 2 mars 2010 par [S] [H], nous conduit à mettre fin immédiatement à votre préavis.(...)'.

Madame [D] fait valoir que la procédure de rupture n'a pas été respectée, la convocation à entretien préalable lui ayant été remise moins de 5 jours ouvrables avant celui-ci, la convocation ne mentionnant pas qu'une sanction est envisagée et qu'elle peut être assistée par un conseiller, la lettre de notification de la sanction lui ayant en outre été adressée moins de deux jours francs après l'entretien. Elle ajoute que la lettre de notification de la rupture anticipée de son préavis ne mentionne pas de faits répréhensibles.

La société soutient que madame [D] a commis une faute grave au cours de son préavis.

La rupture anticipée du préavis pour faute grave constitue une sanction disciplinaire de sorte que les dispositions des articles L 1332-1 et L1332-2 du code du travail doivent être respectées. Or, d'une part, la cour constate notamment que la convocation à entretien préalable ne comporte pas d'indication de son objet et ne mentionne pas que la salariée peut se faire assister par un conseiller. D'autre part, la lettre notifiant la sanction n'énonce aucun fait et se contente d'indiquer que la salariée a commis une faute grave.

Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner d'autres moyens, la cour retient que la procédure disciplinaire n'a pas été respectée ce qui a nécessairement créé à la salariée un préjudice s'agissant particulièrement de son droit à assistance et que la sanction est injustifiée. Il lui sera donc alloué à ce titre la somme de 959,80 euros. Madame [D] sollicite dans son dispositif une somme globale au titre du non-respect des deux procédures de rupture.

Il est également dû à madame [D] la somme de 1 181,30 euros à titre de rappel de préavis pour la période du 4 mars au 10 avril 2010 outre la somme de 118,13 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents.

Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral et discrimination

Madame [D] souligne qu'elle a subi un préjudice moral du fait du caractère brutal et vexatoire de la rupture. Elle ajoute qu'elle a été discriminée au motif de son retour de congé parental d'éducation.

La société conteste avoir tenu compte de cette circonstance.

D'une part, madame [D] ne justifie pas suffisamment de l'existence d'un préjudice moral résultant de son licenciement distinct de celui déjà pris en considération dans le cadre de la fixation de l'indemnité pour licenciement abusif.

D'autre part, conformément aux dispositions de l'article L 1134-1 du code du travail, il lui appartient de produire des éléments de fait laissant présumer l'existence d'une discrimination. Or elle se contente de souligner que le licenciement est intervenu après son retour de congé parental ce qui ne suffit pas à laisser présumer de la part de l'employeur un comportement discriminatoire.

Elle sera déboutée de sa demande à ce titre et la décision des premiers juges sera confirmée.

Sur les dommages et intérêts pour non-respect du droit à réintégration après congé parental d'éducation

Madame [D] a été réintégrée dans son poste. Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

Sur le DIF

Madame [D] soutient qu'en raison de la brièveté de son préavis, elle n'a pas pû bénéficier de son droit individuel à la formation.

La société fait valoir qu'elle a respecté les dispositions légales.

La Cour constate que la société a mentionné dans la lettre de licenciement les droits de la salariée au DIF. Conformément aux dispositions de l'article L 6323-18 du code du travail, madame [D] a conservé le bénéfice de ses heures de DIF qu'elle peut utiliser après son préavis, pendant une période de chômage et même auprès de son nouvel employeur.

Elle sera donc déboutée de sa demande à ce titre.

Sur la demande de maintien du bénéfice de la mutuelle et prévoyance pendant 9 mois

Madame [D] vise l'accord interprofessionnel du 11 janvier 2008.

La société fait valoir que les salariés ne bénéficiaient pas d'une mutuelle.

Il résulte de l'article 14 de l'ANI qu'en cas de départ de l'entreprise ouvrant droit à l'assurance chômage, les salariés doivent bénéficier durant 9 mois et pendant leur période de chômage, du maintien des garanties santé et prévoyance dont ils bénéficiaient dans l'entreprise.

Il appartient à madame [D] de démontrer qu'elle bénéficiait d'une mutuelle par l'intermédiaire de l'entreprise ce qu'elle ne fait pas. Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

Sur la mise en cause de la société ARNOTEL PINCEVENT

La société ARNOTEL PINCEVENT sollicite sa mise hors de cause en faisant valoir qu'aucune demande n'est formulée à son encontre et que madame [D] a été licenciée 3 ans après le transfert du contrat de travail à la société IBC.

Cette dernière invoque les dispositions de l'acte de cession.

Il résulte de l'article L 1224-2 du code du travail qu'en cas de transfert du contrat de travail, le nouvel employeur est tenu aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur au moment du transfert, le premier employeur lui remboursant les sommes acquittées par lui sauf s'il en a été tenu compte dans la convention intervenue entre les deux employeurs successifs.

Le salarié dont le contrat de travail a été transféré peut agir contre le premier employeur ou contre le second employeur, au titre de la période antérieure au transfert.

En l'espèce, d'une part, seule l'indemnité de requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée est afférente à la première période d'emploi. Cette indemnité est née dès la conclusion de ce contrat de sorte qu'elle pèse sur l'employeur qui a conclu le contrat litigieux.

D'autre part, les deux employeurs successifs ont conclu un acte de cession aux termes duquel il a été expressément convenu que le cédant 'supporter(ait) seul la charge de toutes les sommes dues à quiconque à raison de l'exploitation du fonds pour la période antérieure à son transfert de propriété.'

Dès lors, la cour condamne la société ARNOTEL PINCEVENT à relever et garantir la société IBC pour la disposition afférente à l'indemnité de requalification.

Sur la remise de documents

Il sera ordonné à la société de remettre à madame [D] des bulletins de salaire, une attestation POLE EMPLOI et un certificat de travail conformes à la présente décision. Il n'y a pas lieu d'ordonner la remise d'un reçu pour solde de tout compte compte tenu de l'existence de la présente décision.

Aucune circonstance de l'espèce ne conduit à assortir cette disposition d'une mesure d'astreinte.

Sur le cours des intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du code civil, le rappel de salaire, le complément d'indemnité compensatrice de préavis, les indemnités compensatrices de congés payés afférents et l'indemnité de licenciement seront assortie d'intérêts au taux légal à compter de la date de la première audience du bureau de jugement, la cour ne disposant pas de l'avis de réception de la convocation de la société à comparaître, soit le 14 février 2011, et les autres sommes de nature indemnitaire seront assorties d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

La capitalisation des intérêts est de droit, dès lors qu'elle est demandée et s'opérera par année entière en vertu de l'article 1154 du code civil.

Sur les frais irrépétibles

C'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société à payer à Madame [I] [D] la somme de 900 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Leur décision sera confirmée à ce titre.

La société sera condamnée en outre à lui payer la somme de 2 000 euros pour la procédure d'appel au même titre.

Sur les dépens

Partie succombante, la société sera condamnée au paiement des dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ses dispositions au titre de la requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, au titre de la requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps plein, au titre de la rupture anticipée du préavis, au titre du DIF et en ce qu'elle a mis hors de cause la société ARNOTEL PINCEVENT ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

REQUALIFIE le contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée,

REQUALIFIE le contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet,

DIT le licenciement de madame [I] [D] abusif comme dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société IBC à payer à madame [I] [D] les sommes de :

- 13 823,72 euros à titre de rappel de salaire,

- 1 382,37 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- 1 181,30 euros à titre de rappel de préavis pour la période du 4 mars au 10 avril 2010,

- 118,13 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- 950,24 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 2011, capitalisables par année entière,

CONDAMNE la société IBC à verser à madame [I] [D] les sommes de :

- 959,80 euros à titre d'indemnité de requalification,

- 11 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif,

- 1 919,60 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement et de rupture anticipée du préavis,

avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, capitalisables par année entière,

CONDAMNE la société ARNOTEL PINCEVENT à relever et garantir la société IBC de la condamnation afférente à l'indemnité de requalification,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

Ajoutant,

ORDONNE à la société IBC de remettre à madame [I] [D] des bulletins de salaire, une attestation POLE EMPLOI et un certificat de travail conformes à la présente décision,

CONDAMNE la société IBC à payer à madame [I] [D] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

CONDAMNE la société IBC au paiement des dépens.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 12/03585
Date de la décision : 22/10/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°12/03585 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-22;12.03585 ?
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