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16/10/2014 | FRANCE | N°13/14169

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 16 octobre 2014, 13/14169


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 16 OCTOBRE 2014



(n° 605, 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/14169



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 Juillet 2013 -Président du TGI de PARIS - RG n° 13/53082





APPELANTE



COMITE NATIONAL POUR L'EDUCATION ARTISTIQUE (CNEA)

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représen

té et Assisté de Me Marc BELLANGER de la SCP GRANRUT Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0014









INTIMEE



CHAMBRE DES HUISSIERS DE JUSTICE DE PARIS

[Adresse 2]

[Localit...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 16 OCTOBRE 2014

(n° 605, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/14169

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 Juillet 2013 -Président du TGI de PARIS - RG n° 13/53082

APPELANTE

COMITE NATIONAL POUR L'EDUCATION ARTISTIQUE (CNEA)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté et Assisté de Me Marc BELLANGER de la SCP GRANRUT Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0014

INTIMEE

CHAMBRE DES HUISSIERS DE JUSTICE DE PARIS

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée et Assistée de Me Alain DE LANGLE de la SCP NICOLAS GUERRIER ET ALAIN DE LANGLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0208

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Septembre 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Frédéric CHARLON, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Frédéric CHARLON, président

Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, conseillère

Madame Odette-Luce BOUVIER, conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Sonia DAIRAIN

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Frédéric CHARLON, président et par Mme Sonia DAIRAIN, greffier.

ELEMENTS DU LITIGE':

Par convention du 31 janvier 2002 la Chambre des huissiers de justice de Paris (la Chambre des huissiers) a mis à la disposition de l'association Comité national pour l'éducation artistique (le CNEA) l'immeuble «'Hôtel de Savoie'» situé [Adresse 3]) pour une durée de deux années renouvelables, étant stipulé que le «'contrat ne comport[ait] aucun loyer à la charge du bénéficiaire, les parties entendant que celui-ci dispose à titre gratuit des locaux'».

Ce contrat a été renouvelé par un avenant du 12 mai 2004 et une nouvelle convention de mise à disposition a été conclue le 12 juin 2007 pour une durée de trois années à compter du 1er janvier 2008.

Le 2 mars 2010, la Chambre des huissiers a notifié au CNEA son intention de ne pas renouveler le contrat après l'échéance du 31 décembre 2010.

Le 26 mars 2013 la Chambre des huissiers a assigné le CNEA devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris aux fins de':

- constater que la convention d'occupation à titre gratuit signée entre les parties a pris fin le 31 décembre 2010,

- dire que le CNEA se maintient dans les lieux sans droit ni titre,

En conséquence :

- ordonner l'expulsion du CNEA ainsi que celle de tous occupants de son chef, si besoin est avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier,

- ordonner, à défaut d'enlèvement volontaire, la séquestration de tous les meubles et objets mobiliers garnissant les lieux occupés dans tel garde meuble qu'il plaira à la bailleresse et ce, aux frais, risques et périls du CNEA,

- fixer l'indemnité d'occupation mensuelle à compter du 1er janvier 2013 à la somme de 5.000 euros et condamner par provision le CNEA à payer les sommes dues de ce chef jusqu'à libération définitive des lieux,

- condamner le CNEA à la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance en date du 3 juillet 2013 le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a':

-autorisé la Chambre des huissiers, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, à faire procéder à l'expulsion du CNEA, ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, des locaux,

- dit, en cas de besoin, que les meubles se trouvant dans les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans le délai d'un mois non renouvelable à compter de la signification de l'acte, à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l'exécution,

- débouté la Chambre des huissiers de sa demande de provision à valoir sur l'indemnité d'occupation,

- condamné le CNEA à payer la somme de 1 000 euros à la Chambre des huissiers ainsi qu'à supporter les dépens du référé.

Le CNEA a interjeté appel de cette décision le 11 juillet 2013.

Par conclusions du 13 février 2014 le CNEA demande':

-d'annuler l'ordonnance rendue le 3 juillet 2013 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris,

- de déclarer irrecevable l'action introduite par la Chambre des huissiers,

- subsidiairement, de débouter celle-ci de ses prétentions,

- de la condamner aux dépens et au paiement de la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 26 juin 2014 la Chambre des huissiers demande':

-de déclarer irrecevable les conclusions du CNEA,

Subsidiairement':

-de débouter le CNEA de ses demandes,

En toute hypothèse':

-de confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions,

- de condamner le CNEA aux dépens et au paiement de la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la régularité des conclusions du CNEA

Considérant que la Chambre des huissiers soulève l'irrecevabilité des conclusions du CNEA qui n'y aurait pas indiqué son nouveau siège social, alors qu'il a été expulsé le 22 novembre 2013'de l'immeuble qu'il occupait situé [Adresse 3] ;

Considérant que le défaut d'indication, dans un acte de procédure, du lieu où demeure son auteur est sanctionné non pas par une fin de non-recevoir, mais par une nullité de forme qui ne peut être prononcée que si celui qui l'invoque rapporte la preuve d'un grief que lui cause l'irrégularité';

Qu'en l'espèce la Chambre des huissiers n'allègue aucun grief qui découlerait de l'omission de l'indication du siège social actuel du CNEA, dont les conclusions du CNEA sont alors régulières';

Sur l'exception de nullité de l'acte introductif d'instance

Considérant que CNEA soulève la nullité de l'assignation en référé que lui a délivrée la Chambre des huissiers, en faisant valoir que cet acte lui a été signifiée par M. [Z] [X], huissier de justice qui était aussi à cette date le trésorier de cette même Chambre';

Considérant qu'en application de l'article 1 bis A de l'ordonnance n°45-2592 du 2 novembre 1945, un huissier de justice n'est pas autorisé à instrumenter pour ses parents ou alliés ou ceux de son conjoint, ni a fortiori pour lui-même ou dans son intérêt personnel afin qu'il ne puisse favoriser sa propre cause au détriment de ses devoirs d'officier public et ministériel';

Que cependant, en l'espèce, l'action en justice est exercée par la Chambre des huissiers pour la défense de ses intérêts collectifs, lesquels sont, en raison du principe d'autonomie de la personne morale, distincts des intérêts personnels de chacun de ses membres, de sorte que rien n'empêchait M. [X], fût-il le trésorier de la Chambre des huissiers, de délivrer l'assignation qui ne saurait donc être annulée';

Sur la recevabilité des demandes de la Chambre des huissiers de justice de Paris

Considérant que le CNEA prétend en premier lieu que les demandes de la Chambre des huissiers sont irrecevables en l'absence de «'compétence'» (sic) de celle-ci pour agir seule, dans la mesure où elle est propriétaire indivise avec les Chambres des huissiers de justice des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne de l'immeuble objet du litige';

Mais considérant que l'article 815-2 du code civil dispose que tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis, même si elles ne présentent pas un caractère d'urgence';

Que la présente action, qui tend à l'expulsion d'occupants qui seraient sans droit ni titre et au paiement d'une indemnité d'occupation, entre dans cette catégorie des actes conservatoires que tout indivisaire peut accomplir seul, étant précisé que la preuve de l'existence d'une telle occupation sans droit ni titre est une condition du succès de cette action, et non de sa recevabilité ;

Qu'il résulte de ces éléments que la Chambre des huissiers a qualité à agir seule contre le CNEA';

Considérant qu'en second lieu le CNEA soulève l'irrecevabilité de l'action engagée à son encontre en alléguant que le président de la Chambre des huissiers ne bénéficiait d'aucune habilitation régulière pour agir au nom de celle-ci';

Mais considérant que la Chambre des huissiers, qui a les attributions d'une chambre départementale, a comme pouvoir, selon l'article 6-8° de l'ordonnance du 2 novembre 1945, de gérer les biens de la communauté'et que plus généralement elle jouit, comme toute personne morale, de la personnalité juridique ainsi que le rappelle l'article 39 de son règlement intérieur, ce qui lui donne la faculté d'agir en justice pour la défense de ses propres intérêts patrimoniaux, même en dehors de toute habilitation légale spéciale';

Considérant que ce même règlement intérieur ne comporte aucune mention qui imposerait au représentant de la Chambre des huissiers de justifier d'un pouvoir spécial pour ester en justice, si bien qu'elle peut désigner librement l'organe chargé de la représenter devant une juridiction';

Que c'est par une délibération du 24 octobre 2012 que la Chambre a donné mandat à son président de la représenter dans toute action judiciaire ou extrajudiciaire, civile, pénale, disciplinaire ou administrative avec pouvoir de se constituer, de conclure, transiger, et plus généralement, exécuter tout acte d'administration dans le cadre de tels procédures';

Qu'en conséquence ce moyen d'irrecevabilité, tenant au défaut de pouvoir du président de la Chambre des huissiers, ne saurait prospérer';

Sur le bien-fondé de la demande d'expulsion

Considérant que le CNEA prétend que le caractère illicite du trouble allégué par la Chambre des huissiers à l'appui de sa demande d'expulsion n'est pas avéré dans la mesure où le contrat passé entre les parties ne serait pas un prêt à usage mais un bail';

Considérant que l'intention des parties ressort pourtant clairement des conventions «'de mise à disposition gratuite'» des 31 janvier 2002, 12 mai 2004 et 12 juin 2007, dans lesquelles aucune contrepartie n'était mise à la charge du CNEA';

Que si une clause prévoyait que le «'contrat est soumis, par simple analogie, aux dispositions du code civil relatives au bail'», elle avait seulement pour objet de mettre à la charge de l'occupant des obligations matérielles analogues à celles pesant sur le locataire quant à la bonne conservation, à l'entretien et à la jouissance paisible des lieux sans pour autant lui confier les droits d'un locataire';

Que l'utilisation du terme de «'bail'» par le président de la Chambre des huissiers dans un courrier du 31 octobre 2012 est isolée et ne saurait à elle seule établir que l'intention des parties avait été de conclure un contrat de location';

Qu'au demeurant l'absence d'équivoque sur ce point est évidente comme cela ressort notamment des plaquettes éditées par le CNEA à l'intention du public, et dans lesquelles il précisait par exemple que «'le Grenier des Grands-Augustins est mis gracieusement depuis 2002 à la disposition du CNEA, qui a réhabilité le lieu, par la Chambre des huissiers de justice de Paris propriétaire de l'immeuble'»';

Considérant que le CNEA fait encore valoir qu'il a exposé, au cours de son occupation, des dépenses qui s'analysent comme des contreparties d'un contrat à caractère onéreux';

Mais considérant que la plupart des dépenses de rénovation des locaux appartenant à la Chambre des huissiers ont été financées par des tiers au titre du mécénat d'entreprise et que l'unique dépense personnelle dont justifie le CNEA depuis 2002 est une somme de 5.051 euros correspondant au coût d'une porte sécurisée, sécurisation qui portait sur le 'bureau de signification' bénéficiait donc d'abord à la Chambre et qui ne saurait constituer une contrepartie à leur mise à disposition';

Considérant qu'ainsi la Chambre des huissiers et le CNEA étaient liés par un prêt à usage auquel le propriétaire de l'immeuble a mis fin'sans que l'occupant quitte volontairement les lieux et que cette occupation sans droit ni titre d'un immeuble appartenant à autrui constitue un trouble manifestement illicite, justifiant que soit ordonnée en référé toute mesure qui s'impose pour le faire cesser, sans qu'il soit nécessaire d'établir en outre l'existence d'un dommage imminent';

Qu'en définitive il convient de confirmer en toutes ses dispositions la décision de première instance et de débouter le CNEA de ses prétentions';

PAR CES MOTIFS'

DÉBOUTE la Chambre des huissiers de justice de Paris de sa demande tendant à voir déclarer «'irrecevables'» les conclusions du Comité National pour l'Éducation Artistique (le CNEA)';

DÉBOUTE le CNEA de sa demande d'annulation de l'ordonnance rendue le 3 juillet 2013 par le juge des référés de Paris';

DÉCLARE recevable l'action engagée par la Chambre des huissiers de justice de Paris à l'encontre du CNEA';

CONFIRME l'ordonnance du 3 juillet 2013 en toutes ses dispositions';

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile':

CONDAMNE le CNEA aux dépens';

LAISSE à sa charge ses frais irrépétibles';

LE CONDAMNE à payer à la Chambre des huissiers de justice de Paris la somme de 4.000 euros en remboursement des frais non compris dans les dépens';

LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 13/14169
Date de la décision : 16/10/2014

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°13/14169 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-16;13.14169 ?
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