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15/10/2014 | FRANCE | N°12/15637

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 15 octobre 2014, 12/15637


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 15 OCTOBRE 2014

(n° 313, 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/15637



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Mai 2012 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/17543.



APPELANTS



Madame [S] [Z] Es qualité de Liquidateur amiable de la Société PIERRE INVEST, Société anonyme de droit luxembourgeois, ayant son

siège social [Adresse 4], inscrite au RCS de Luxembourg sous le n° B 110 994

[Adresse 1]

[Localité 1].



Monsieur [K] [C] Es qualité de Liquidateur amiab...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 15 OCTOBRE 2014

(n° 313, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/15637

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Mai 2012 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/17543.

APPELANTS

Madame [S] [Z] Es qualité de Liquidateur amiable de la Société PIERRE INVEST, Société anonyme de droit luxembourgeois, ayant son siège social [Adresse 4], inscrite au RCS de Luxembourg sous le n° B 110 994

[Adresse 1]

[Localité 1].

Monsieur [K] [C] Es qualité de Liquidateur amiable de la Société PIERRE INVEST, Société anonyme de droit luxembourgeois, ayant son siège social [Adresse 4], immatriculée au RCS de Luxembourg sous le n° 110 994

[Adresse 7]

[Localité 2]

Monsieur [G] [D] Es qualité de Liquidateur amiable de la Société PIERRE INVEST, Société anonyme de droit luxembourgeois, ayant son siège social [Adresse 4], immatriculée au RCS de Luxembourg sous le n°110 994

[Adresse 1]

[Localité 1].

Représentés par Me Jean-François LOUIS de la SCP GIBIER SOUCHON FESTIVI RIVIERRE, avocat au barreau de PARIS, toque P0452.

Assistés DE Me Ivan TEREL, avocat au barreau de PARIS, toque P113.

INTIMES

Maître [Q] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 3].

La SCP LE GONIDEC DE KERHALIC - KOENIG - GAUDRY - [Y] - BONNET

[Adresse 2]

[Localité 3].

Représentés par Me Barthélemy LACAN, avocat au barreau de PARIS, toque E0435.

La SCP POISSON GAILLARD SEROUGNE

[Adresse 5]

[Localité 4].

Représentée par Me Valérie TOUTAIN DE HAUTECLOCQUE, avocat au barreau de PARIS, toque D0848.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Mars 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jacques BICHARD, Président

Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère

Madame Françoise LUCAT, Conseillère (Rapporteur)

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Joëlle BOREL

ARRET :

- contradictoire,

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jacques BICHARD, président et par Mme Fatiha MATTE, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Les sociétés luxembourgeoises RENTRISK SA, LEO FINANCES SA et PIERRE INVEST SA, aux droits de laquelle se trouve désormais la nouvelle société PIERRE INVEST ont réalisé 2004 une opération immobilière à Paris, placée sous le régime fiscal préférentiel des marchands de biens de l'article 1115 du code général des impôts, en acquérant le 26 février 2004 cinq immeubles appartenant à la SCI du CASTILLON moyennant le prix de 72 500 000 euros.

Les actes de vente ont été reçus par Maître [Q] [Y], notaire à Paris, d'abord membre de la SCP [O], puis de la SCP [Y].

Par acte du 15 septembre 2004 la société RENTRISK SA a absorbé la société LEO FINANCES SA avec transfert universel du patrimoine de celle-ci à son profit.

Le 1er décembre 2004 la société RENTRISK SA a changé de dénomination pour devenir PIERRE INVEST SA , laquelle s'est scindée en trois nouvelles sociétés : PIERRE INVEST SA, PIERRE INVEST POINCARE SA et PIERRE INVEST AGUESSEAU, auxquelles ont été apportés les immeubles acquis de la SCI du CASTILLON.

Quatorze ventes ont été ont été passées entre la nouvelle société PIERRE INVEST SA, mentionnée comme agissant en qualité de marchand de biens et divers acquéreurs, toutes reçues par Maître [Y] entre le 29 décembre 2005 et le 21 décembre 2006.

La nouvelle société PIERRE INVEST SA a fait l'objet d'un contrôle fiscal, l'administration fiscale refusant d'appliquer les dispositions de l'article 1115 du code général des impôts et prenant deux inscriptions hypothécaires les 2 mai et 19 août 2008.

Ce redressement a donné lieu à une transaction en date du 28 juillet 2009 aux termes de laquelle cette société a réglé à l'administration fiscale une somme d'un montant global de 10 505 380 euros.

C'est dans ces circonstances que par acte du 23 novembre 2010, Mme [S] [Z], M. [K] [C] et M. [G] [D], agissant tous trois en qualité de liquidateurs amiables de la société PIERRE INVEST SA, ont assigné en responsabilité et indemnisation de leur préjudice la SCP [O] et la SCP [Y] devant le tribunal de grande instance de Paris dont ils ont déféré à la cour le jugement rendu le 30 mai 2012.

***

Vu le jugement entrepris qui, avec exécution provisoire a :

- rejeté l'action de la SA PIERRE INVEST,

- condamné la société PIERRE INVEST SA à payer une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 6 000 euros à Maître [Y] et à la SCP [Y] et de 3 000 euros à la SCP [H], anciennement SCP [O],

- débouté les parties pour le surplus.

Vu les dernières conclusions communiquées par la voie électronique le :

- 6 492 046 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait du redressement fiscal notifié au titre des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre et des intérêts et des majorations d'assiette sur ces sommes,

- 7 697 996 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la faute commise par Maître [Y] à l'occasion de la signature de la promesse de vente du 17 mai 2006 qui l'a conduite à vendre à perte les lots acquis par la société DYNAMIQUE RESIDENTIEL,

-1 038 395 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait du rappel de TVA sur la perte des lots vendus à la société DYNAMIQUE RESIDENTIEL, considérée par l'administration fiscale comme une insuffisance taxable,

- 40 000 euros à titre de dommages intérêts en raison des démarches et déplacements pour obtenir de Maître [Y] qu'il renonce à ses menaces de suspendre les ventes,

- 69 000 euros à titre de dommages intérêts pour le séquestre abusivement exercé par Maître [Y] sur la somme de 650 000 euros,

- 162 509, 68 euros correspondant à au solde des sommes dues sur le produit des ventes lui revenant,

- 16 250 euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive,

- 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- confirmer le jugement déféré sur son absence de responsabilité et sur l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ajouter et lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte sur l'attribution des fonds qu'elle détient sur divers comptes à hauteur de la somme globale de 140 102, 41 euros,

- condamner Mme [S] [Z], M. [K] [C] et M. [G] [D], agissant en qualité de liquidateurs amiables de la société PIERRE INVEST SA à lui payer une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR QUOI LA COUR

Mme [S] [Z], M. [K] [C] et M. [G] [D], agissant en qualité de liquidateurs amiables de la société PIERRE INVEST SA reprochent à Maître [Y], ainsi que'énoncées dans le dispositif de leurs dernières conclusions, d'avoir commis des fautes professionnelles au regard de son devoir de conseil et d'efficacité :

- ' en n'assurant pas l'efficacité de la déclaration d'existence des sociétés LEO FINANCES et RENTRISK et en ne procédant pas à leur immatriculation, à l'occasion de la vente du 26 février 2004,

- en ne procédant à aucune déclaration d'existence ni à aucune demande d'immatriculation des sociétés PIERRE INVEST SA, PIERRE INVEST POINCARE et PIERRE INVEST AGUESSEU, après la scission de la société RENTRISK devenue PIERRE INVEST SA et l'apport des immeubles appartenant antérieurement à la société RENTRISK à ces trois sociétés,

- en ne conseillant pas ses clientes sur le risque pouvant résulter de l'exercice de l'activité de marchands de biens depuis le Luxembourg, sans avoir immatriculé d'établissement stable en France, tout en revendiquant le bénéfice de ce statut dans l'ensemble des actes de vente qu'il a dressés ;

- et dans le même temps en ne retenant pas sur le produit de vente , le prélèvement à la source qui aurait été dû par PIERRE INVEST si elle avait pu exercer l'activité de marchands de biens sans établissement stable en France ;

- en ne préservant pas les intérêts de sa cliente, lors de la rédaction et de la signature de la promesse unilatérale de vente signée avec DYNAMIQUE RESIDENTIEL le 17 mai 2006 et notamment, en n'optant pas pour une promesse synallagmatique de vente qui aurait engagé l'acquéreur et/ou en négligeant d'insérer une clause rendant indissociables les trois phases de l'opération ;

- en n'informant pas sa cliente de l'existence de risques de redressement du fait des prix envisagés pour la cession des lots vendus séparément en exécution de la promesse unilatérale de vente signée avec DYNAMIQUE RESIDENTIEL le 17 mai 2006 ;

- en menaçant à deux reprises de bloquer toute nouvelle vente alors que les échéances convenues avec l'Administration fiscale et la Société Générale pour le paiement du montant de la transaction fiscale et le remboursement du concours bancaire étaient proches, l'une de ces tentatives ayant pour but d'obtenir une décharge de responsabilité et d'interdire à PIERRE INVEST d'obtenir réparation du préjudice résultant des fautes par lui commises ;

- en séquestrant à l'insu de PIERRE INVEST SA une somme de 690 000 euros au profit d'un avocat ami, en l'absence de tout titre permettant de le faire ;

- en refusant de restituer à PIERRE INVEST le solde des sommes lui revenant motif pris d'un contentieux opposant Maître [Y] à son ancien associé ' ;

Les opérations immobilières litigieuses ont été placées sous le régime fiscal préférentiel des marchands de biens prévu par l'article 1115 du code général des impôts, choix dont la société appelante reconnaît qu'il a été accepté par les sociétés LEO FINANCE et RENTRISK.

Le régime instauré par ce texte prévoit une exonération de droits et de taxes de mutation à l'exception de la taxe de publicité foncière.

Il est subordonné à la réalisation de conditions strictes impliquant , en cas de non respect, la régularisation des droits initialement exonérés ainsi que le versement de l'intérêt de retard correspondant.

Ces obligations consistent en :

- une déclaration d'existence dans le délai d'un mois à compter du commencement des opérations,

- une déclaration d'intention de revendre les biens concernés dans le délai de quatre ans,

- la tenue d'un répertoire à colonnes.

Par ailleurs doivent être respectées des obligations d'ordre général en matière de TVA : tenue d'une comptabilité détaillée des opérations réalisées, délivrance de factures aux clients assujettis à la TVA, récapitulatif périodique des opérations effectuées.

Dans la perspective de la vente du 26 février 2004 portant sur les cinq immeubles appartenant à la SCI du CASTILLON Maître [Y], a reçu en urgence de ses clients la mission de procéder à la déclaration d'existence des sociétés LEO FINANCE et RENTRISK, ce qu'il a fait le 23 février 2004 auprès du centre des impôts, [Adresse 6].

Pour autant cette démarche, pas davantage que le conseil du notaire, à admettre qu'il en soit effectivement à l'origine, de placer l'opération immobilière projetée sous le régime de l'article 1115 du code général des impôts ou, la représentation de la société PIERRE INVEST SA par un clerc de l'étude lors des 14 ventes précités, ne font de Maître [Y], ainsi que le soutient la société PIERRE INVEST SA, le représentant fiscal en France des sociétés RENTRISK SA et LEO FINANCES SA, alors même que dans une lettre datée du 6 octobre 2008 elle écrivait à l'administration fiscale que ' l'intervention d'agents indépendants (.........) Me [Q] [Y] (.......) ne sauraient être regardés comme des salariés . Au surplus, il ne peut être contesté que ces indépendants ont chacun agi dans le cadre ordinaire de leur activité', reconnaissant ainsi implicitement que le notaire n'avait pas outrepassé son rôle.

Ceci étant, dans sa proposition de rectification des 7 août 2008 et 20 octobre 2008 l'administration fiscale a estimé que la déclaration d'existence des sociétés RENTRISK SA et LEO FINANCE SA n'avait pas été souscrite.

Elle relève en effet que non seulement celle-ci n'avait pas été faite à la bonne adresse, à savoir au [Adresse 3], qu'elle retenait comme étant le lieu d'exercice de l'activité économique effective des sociétés, mais surtout que les numéros mentionnés correspondaient non pas à ceux alloués par les services fiscaux français auprès desquels elles ne s'étaient pas fait identifier mais à des numéros de registre luxembourgeois des sociétés.

Or, quant bien même Maître [Y] a dû intervenir en urgence, 48 heures à peine avant la passation de l'acte de vente, il lui incombait dans le cadre de cette mission qu'il a accepté d'accomplir et qui, au demeurant n'était pas étrangère à l'acte de cession qu'il était amené à instrumenter, de vérifier que les informations transmises sur ce point à l'administration fiscale permettaient le bénéfice effectif de l'article 1115 du code général des impôts sous l'égide duquel était placée l'opération financière projetée.

De façon générale, au titre de son devoir de conseil, alors même que l'acte de vente du 26 février 2004 mentionnait que les sociétés RENTRISK SA et LEO FINANCE SA réalisaient l'opération en qualité de marchands de biens, relevant de l'article 257-6 du code général des impôts, le notaire se devait d'attirer l'attention de ses clientes, sociétés étrangères, sur le strict respect de l'ensemble des conditions particulières et d'ordre général prévues par ce texte afin que l'acte qu'il recevait puisse avoir l'efficacité attendue au regard de la législation fiscale applicable et le risque de déchéance qu'elles encouraient dans le cas contraire.

Egalement il lui appartenait de s'interroger sur l'adéquation de la situation juridique propre de la société PIERRE INVEST SA résultant de la fusion et de la scission des sociétés initiales et de la première société PIERRE INVEST SA, et plus particulièrement de la question de la transmission universelle du patrimoine des sociétés LEO FINANCES et RENTRISK à la société PIERRE INVEST SA puis aux trois autres entreprises qui en seront issues, transformations qu'il connaissait pour avoir procédé au dépôt et à la publication de l'acte de scission, aux exigences de l'article 1115 du code général des impôts dont le bénéfice était toujours revendiqué.

Il lui revenait ainsi d'alerter sur ce point sa cliente alors même que l'administration fiscale a estimé qu'il était nécessaire que les sociétés PIERRE INVEST SA, PIERRE INVEST POINCARE et PIERRE INVEST AGUESSEAU fassent l'objet d'une déclaration d'existence.

Et à défaut d'y procéder lui même, encore que par lettre du 5 janvier 2006 il a sollicité la transmission de divers documents en vue de l'immatriculation de la société PIERRE INVEST, il se devait d'attirer l'attention de ses clients sur les risques qu'ils encouraient en l'absence de cette formalité.

Il lui appartenait tout autant d'informer les sociétés RENTRISK SA et LEO FINANCE SA et à la suite de la fusion et de la scission de ces structures, la société PIERRE INVEST SA, sur la Convention Franco-Luxembourgeoise du 1er avril 1958 modifiée et la notion d'établissement stable qu'elle développe, cette convention prévoyant en effet en son article 4-1 que les revenus des entreprises, notamment commerciales ou financières, sont imposables dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable et précisant que les entreprises de l'un des deux Etats contractants ne peuvent être imposées dans l'autre Etat qu'à raison du bénéfice provenant des établissements stables qu'elle y exploite.

Or il s'avère que l'administration fiscale a retenu dans sa proposition de rectification du 20 octobre 2008 que la société PIERRE INVEST SA venant aux droits des structures antérieures avait une activité de marchand de biens, possédait un établissement stable en France au [Adresse 3], adresse figurant sur divers documents et correspondant à l'adresse internet, que l'importance de l'opération réalisée nécessitait une présence effective obligatoire sur le sol français, que ces activités avaient été économiquement générées et gérées sur le sol français, que la personne qui se présentait comme le dirigeant, à savoir M. [A], résidait en France, que la gestion comptable était assurée par M. [M] résidant également en France et qu'il en était de même de la gestion financière et administrative et ceci alors même qu'elle constatait l'absence d'activité effective au Luxembourg, que l'adresse luxembourgeoise était inconnue des tiers et n'était active ni au regard de l'activité économique exercée, ni au regard de la gestion et direction effective de la société qui, par ailleurs, n'avait fait aucune déclaration fiscale dans cet Etat.

Ainsi en ne fournissant pas à son client l'ensemble des informations nécessaires au regard de sa situation juridique, concernant les obligations qu'il devait respecter pour bénéficier des dispositions préférentielles de l'article 1115 du code général des impôts, Maître [Y] a manqué à son devoir de conseil et d'information.

La société PIERRE INVEST SA entend en conséquence obtenir l'indemnisation de son préjudice qu'elle évalue à la somme de 6 492 046 euros, soit :

- 4 938 195 euros correspondant au rappel de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière, de droit de timbre, des intérêts de retard et des majorations d'assiette portant sur les sommes objet de la transaction passée avec l'administration fiscale,

- 1553 851 euros au titre des intérêts de retard et des majorations d'assiette sur la TVA, l'IS et la taxe professionnelle au titre des années 2005 et 2006.

Or néanmoins son affirmation selon laquelle ' Mais si Maître [Y] avait respecté son obligation de conseil, ces impositions auraient été réglées et n'auraient pas fait l'objet d'un redressement' ne relève que de la simple allégation, dépourvue de tout caractère réel et sérieux.

En effet il s'avère que la société PIERRE INVEST, pas plus que les structures antérieures ou celles issues de la scission, ne peut sérieusement soutenir que les manquements de Maître [Y] à son devoir de conseil et d'information sont directement à l'origine des préjudices qu'elle soutient avoir subis à la suite du redressement fiscal intervenue et de la transaction qu'elle a passée avec l'administration fiscale.

Cette constatation résulte pleinement, tel que le relevait l'administration fiscale dans sa proposition de redressement du 20 octobre 2008, de l'absence de toute activité de ces sociétés au Luxembourg , inconnues de l'annuaire téléphonique professionnel Editus Pro Luxembourg et surtout de l'absence de toute déclaration fiscale dans cet Etat, alors même que dans son courrier du 6 octobre 2008, la société PIERRE INVEST SA, se fondant sur les dispositions précitées de la Convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 modifié, revendiquait avoir son siège social au Luxembourg et contestait devoir être soumise aux dispositions de l'article 1115 du code général des impôts et donc être redevable de l'impôt en France.

Ainsi, mise en demeure le 10 avril 2008 par l'administration fiscale française de souscrire ses déclarations d'impôt sur les sociétés, de TVA et de taxe professionnelle au titre des exercices 2004, 2005 et 2006, elle s'est limitée à déclarer qu'elle ne possédait pas d'établissement stable à Paris, [Adresse 3], sans pour autant justifier cette prétention et alors même qu'il vient d'être relevé qu'il résulte de la proposition de redressement du 20 octobre 2008 qu'étaient réunis tous les critères de rattachement à la législation fiscale française et au paiement de l'impôt en France.

Parallèlement la société PIERRE INVEST SA ne peut démontrer avoir satisfait à ses obligations fiscales au Luxembourg, Etat dont elle revendique pourtant relever au plan fiscal.

Et sur ce point, est dépourvue de toute valeur probante au regard des opérations immobilières concernées et des obligations fiscales en résultant, l'attestation en date du 16 février 2012, émanant du Receveur de l'Enregistrement et des Domaines qui écrit, sans autre précision qu'elle' a payé la taxe sur la valeur ajoutée échue à ce jour '.

Cette situation d'absence totale de toute déclaration fiscale et donc de paiement de l'impôt dans les deux Etats concernés, traduit ainsi la volonté délibérée de la société PIERRE INVEST SA de se soustraire à toute obligation fiscale laquelle est indépendante des manquements du notaire à son obligation d'information.

Elle doit être en conséquence déboutée de la demande en indemnisation qu'elle présente à l'encontre de Maître [Y] et des deux SCP de notaires.

La société PIERRE INVEST SA poursuit également l'indemnisation à hauteur de la somme de 7 697 966 euros, du préjudice qu'elle soutient avoir subi en raison des manquements qu'elle impute à Maître [Y] lors de la signature de la promesse de vente du 17 mai 2006 au profit de la société DYNAMIQUE RESIDENTIEL ( également désignée sous la nomination Dr [F]).

Elle reproche en effet au notaire de ne pas avoir opté pour une promesse synallagmatique de vente et/ou de n'avoir pas inséré dans l'acte du 17 mai 2006 une clause liant et rendant indissociables les trois phases de l'opération de vente, ce qui aurait obligé son co contractant à acquérir en bloc la totalité des biens, alors même que sur les trois étapes prévues devant conduire à la réalisation totale des biens, seule la première portant sur la vente des lots vacants avait été concrétisée, la société DYNAMIQUE RESIDENTIEL arguant par la suite des inscriptions hypothécaires prises par le fisc et par une banque pour mettre un terme à son acquisition, situation dont il avait résulté, le prix de vente ayant été initialement globalisé et fixé à une moyenne selon que les appartements étaient ou non occupés, l' acquisition des lots vacants à un prix inférieur à celui du marché .

Elle dénonce en conséquence le manquement au devoir de conseil du notaire qui aurait dû l'informer du risque fiscal qu'elle courrait dans le cadre d'une vente à perte des lots, l'administration fiscale l'ayant effectivement redressée pour insuffisance du prix au regard de la valeur vénale réelle des biens et elle réclame à ce titre la somme de 1 038 395 euros à titre de dommages intérêts du fait de rappel de TVA sur la perte subie sur les lots acquis par la société DYNAMIQUE RESIDENTIEL.

L'administration fiscale a en effet estimé dans sa proposition de redressement du 20 octobre 2008 que trois biens immobiliers ' Immeubles Flandrin et Feuillet ) vendus le 31 juillet 2006 l'avaient été à un prix inférieur à leur valeur vénale réelle alors même que le marché immobilier avait connu une hausse soutenue entre 2004 et 2006.

Par ailleurs, il ressort d'une lettre en date du 27 avril 2006 qui lui a été personnellement adressée, que Maître [Y] a été informé de la proposition faite par la société DYNAMIC RESIDENTIEL d'acquérir pour la somme de 40 458 327 euros tous les lots des ensembles immobiliers concernés autres que ceux déjà acquis ou étant alors sous promesse de vente à régulariser sous trois mois.

Le notaire n'ignorait donc pas que les parties envisageaient l'opération de vente sous une forme globale peu important par ailleurs que le chaque lot se soit vu attribuer une valeur particulière.

Dés lors, sans s'immiscer dans la fixation des prix de vente, ni dans l'appréciation de l'opportunité économique de l'opération, il lui revenait d'identifier l'éventuel risque fiscal pouvant résulter pour son client d'un redressement fiscal opéré en raison de l'inadéquation du prix de vente des appartements cédés par rapport à leur valeur vénale réelle.

Or le risque s'est avéré, l'administration fiscale ayant remis en cause pour insuffisance caractérisée le prix de certains biens acquis et le notaire a ainsi manqué à son devoir d'alerte en omettant de conseiller l'insertion dans la promesse d'une clause qui aurait pu contrebalancer sur l'ensemble de l'opération, l'infériorité de prix de certains lots.

Pour autant la société PIERRE INVEST qui prétend que la société DYNAMIQUE RESIDENTIEL n'a pas donné suite à l'opération immobilière en raison des inscriptions hypothécaires prises par l'administration fiscale et la banque, de sorte qu'il s'est avéré que les lots déjà vendus l'avaient été à un prix inférieur à leur valeur réelle, ne justifie pas du refus que lui aurait opposé cette société de poursuivre la vente dans les conditions prévues à la promesse de vente.

Egalement elle ne démontre pas que la situation hypothécaire difficile qui grevait les immeubles a eu pour conséquence, soit de mettre un terme à leurs ventes, lesquelles, au contraire, se sont poursuivies, notamment en 2010, alors même qu'elle a passé le 19 mai 2009 un protocole d'accord avec la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE en vue d'apurer sa dette de crédit et que la transaction signée le 28 juillet 2009 avec le fisc prévoyait au fil des ventes réalisées la main-levée partielle des hypothèques qu'il détenait et ceci afin de parvenir à la cession totale des immeubles .

Et par ailleurs il n'est pas davantage démontré que les ventes intervenues ont été réalisées dans des conditions financières moins favorables.

Enfin cette situation hypothécaire résulte directement de la volonté délibérée de la société PIERRE INVEST SA de se soustraire à toute obligation fiscale tant en France qu'au Luxembourg et par voie de conséquence, de la procédure fiscale mise en oeuvre, laquelle est sans relation avec les manquements au devoir d'information et de conseil imputé au notaire.

Dés lors elle ne peut qu'être déboutée de sa demande en paiement de dommages intérêt.

Faisant valoir que Maître [Y] se serait livré à une tentative de chantage consistant à subordonner la passation des actes de vente à la signature d'une décharge de responsabilité, la société PIERRE INVEST SA entend obtenir l'allocation d'une somme de 40 000 euros à titre de dommages intérêts en raison des démarches nombreuses et délicates qu'elle aurait dû accomplir auprès de sa banque pour la convaincre que le remboursement définitif de sa créance aurait lieu en juillet 2010.

Or s'il est déplorable de la part de Maître [Y] d'avoir usé de cette forme de pression, en violation des règles de déontologie, cette démarche aussi regrettable soit-elle n'a, en dehors d'un préjudice moral qui n'est pas allégué, entraîné pour le client aucun dommage démontré.

La demande présentée à ce titre par la société PIERRE INVEST SA sera donc rejetée.

Cette société fait également état d'une demande en paiement de la somme de 69 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice qu'elle dit avoir éprouvé après que Maître [Y] aurait séquestré de sa propre initiative une somme de 690 000 euros sur le montant des ventes intervenues, au profit de Maître [U], avocat spécialisé en droit fiscal intervenu au soutien de ses intérêts dans le cadre du contrôle fiscal et qui revendiquait le paiement de ses honoraires à hauteur de la somme de 790 000 euros.

Or, outre que ce grief relève de la seule affirmation, il s'avère que les fonds détenus par Maître [Y] étaient indisponibles par l'effet du protocole d'accord général prévoyant le règlement de sa dette d'emprunt, passé le 19 mai 2009 entre la société PIERRE INVEST SA et la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE et du privilège de préteur de deniers détenu par cette banque.

En conséquence de quoi ce chef de demande sera également écarté .

En revanche la SCP [H] reconnaissant détenir la somme de 140 102, 41 euros au titre du solde des sommes dues sur le produit des ventes et alors que la société PIERRE INVEST SA ne justifie pas du montant de 162 509, 68 euros qu'elle revendique à ce titre, cette société de notaires sera en conséquence condamnée au paiement de cette somme .

Cependant faute de démontrer l'existence d'un quelconque préjudice de quelle que nature que ce soit, la société PIERRE INVEST SA sera déboutée de sa demande en dommages intérêts qu'elle présente à ce titre.

Eu égard à la solution du litige l'équité ne commande pas d'accueillir les demandes présentées par les parties en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les parties supporteront également les dépens qu'elles ont exposés tant pour la procédure de première instance que pour celle d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré .

Statuant à nouveau,

Déclare Mme [S] [Z], M. [K] [C] et M. [G] [D], agissant en qualité de liquidateurs amiables de la société PIERRE INVEST SA mal fondés en leur demande paiement des sommes de :

- 6 492 046 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait du redressement fiscal notifié au titre des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre et des intérêts et des majorations d'assiette sur ces sommes,

- 7 697 996 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la faute commise par Maître [Y] à l'occasion de la signature de la promesse de vente du 17 mai 2006 qui l'a conduite à vendre à perte les lots acquis par la société DYNAMIQUE RESIDENTIEL,

-1 038 395 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait du rappel de TVA sur la perte des lots vendus à la société DYNAMIQUE RESIDENTIEL, considérée par l'administration fiscale comme une insuffisance taxable,

- 40 000 euros à titre de dommages intérêts en raison des démarches et déplacements pour obtenir de Maître [Y] qu'il renonce à ses menaces de suspendre les ventes,

- 69 000 euros à titre de dommages intérêts pour le séquestre abusivement exercé par Maître [Y] sur la somme de 650 000 euros,

- 16 250 euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive,

Condamne la SCP [H] à payer à Mme [S] [Z], M. [K] [C] et M. [G] [D], agissant en qualité de liquidateurs amiables de la société PIERRE INVEST SA 140 102, 41 euros correspondant au solde des sommes dues sur le produit des ventes lui revenant.

Rejette toute autre demande.

Dit que chaque partie supportera les dépens par elle exposés.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 12/15637
Date de la décision : 15/10/2014

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°12/15637 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-15;12.15637 ?
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