RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRÊT DU 15 Octobre 2014
(n° 8, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/06120 et 12/06124
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Mai 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL section RG n° 10/00945
APPELANTS
Monsieur [G] [N]
[Adresse 2]
[Localité 2]
représenté par Me Didier PETIT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1447
SYNDICAT NATIONAL DES PILOTES DE LIGNE FRANCE ALPHA
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 3]
représentée par Me Didier PETIT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1447, M. [E] [B] (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir général
INTIMEE
SA CORSAIR
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Guillaume BORDIER, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 Juin 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente de chambre
Madame Catherine BRUNET, Conseillère
Monsieur Thierry MONTFORT, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Monsieur Xavier FLANDIN-BLETY, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Président et par Madame Lynda BENBELKACEM, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
Les faits et la procédure
M [G] [N] a été engagé le 7 novembre 1996 en qualité d'officier pilote de ligne B.747, suivant contrat à durée indéterminée, par la compagnie CORSAIR. A compter du 28 octobre 1999, il était nommé commandant de bord B. 747.
Par LRAR du 1er octobre 2009 il était licencié, l'employeur lui reprochant une insuffisance professionnelle et M [G] [N] ayant refusé les postes de reclassement proposés par la compagnie Corsair.
M [G] [N] et le syndicat national des pilotes de ligne France ALPA (SNPL France ALPA) saisissaient alors le conseil de prud'hommes de CRETEIL le 10 juin 2010.
Celui-ci par jugement du 15 mai 2012 déboutait les parties de leurs demandes. Il disait que la compagnie CORSAIR n'avait pas agi déloyalement en convoquant un conseil d'enquête professionnel suite au comportement de M. [G] [N] et n'avait pas bafoué les dispositions conventionnelles régissant la composition paritaire du conseil d'enquête professionnel.
Il disait enfin que le licenciement de M. [G] [N], qui a refusé les reclassements proposés suite à son « incapacité professionnelle à la fonction de commandant de bord », était justifié.
M [G] [N] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 18 juin 2012 (RG 12/06120).
Le SNPL a relevé appel incident de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 18 juin 2012 (RG 12/06124).
Le salarié soutient que son licenciement est infondé dans le fond et irrégulier en la forme .
M [N] [G] demande à la cour de:
-infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil en date du 15 mai 2012 en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes,
-dire et juger que la SA CORSAIR l'a soumis à des contrôles périodiques annuels afin de vérifier le maintien de son aptitude professionnelle de commandant de bord, a fondé artificiellement sur une récurrence d'événements sa motivation d'inaptitude à la fonction de commandant de bord et a agi déloyalement en s'abstenant de respecter la garantie de fond prévue par les dispositions conventionnelles régissant la composition paritaire du conseil d'enquête professionnel,
-dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
-condamner la SA CORSAIR à lui payer la somme de 480 000 euros.
En tout état de cause ,
-dire et juger qu'il est fondé à demander le bénéficie de l'indemnité de licenciement visée au 2° de l'article L.423-1 et au 1° de l'article R.423-1 du Code de l'aviation civile,
-condamner la SA CORSAIR à lui verser le complément de cette indemnité de licenciement pour un montant de 75 278,50 euros,
-dire et juger qu'il a subi un préjudice lié à l'inexécution fautive de son contrat de travail par la SA CORSAIR,
-condamner la SA CORSAIR à lui payer la somme de 75 000 euros au titre du préjudice subi,
-dire et juger qu'il a subi un préjudice spécifique lié à l'inapplication par la SA CORSAIR des dispositions conventionnelles,
-condamner la SA CORSAIR à lui payer la somme de 100 000 euros au titre du préjudice spécifique subi,
-condamner la SA CORSAIR à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner la SA CORSAIR aux entiers dépens.
Quant au SNPL, faisant valoir que les deux mécanismes, - retour d'expérience des pilotes après les difficultés du vol et processus d'analyse des vols pour identifier les dysfonctionnements ne peuvent fonctionner qu'à la condition exclusive de ne pas utiliser les données issues de ce retour d'expérience à des fins de sanction, notamment lors de la tenue du conseil d'enquête professionnel il soutient que la procédure diligentée par la SA CORSAIR a porté atteinte à un principe protecteur établi par les autorités européennes et françaises.
Il demande à la cour de condamner la SA CORSAIR à lui payer 10 000 euros de dommages et intérêts au titre des préjudices subis, ainsi que 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La compagnie CORSAIR soutient que l' insuffisance professionnelle est justifiée en raison du caractère récurrent des incidents de vols et de leur potentielle incidence sur la sécurité, ce qui ne permettait pas de maintenir M [G] [N] à son poste. Par ailleurs, elle considère avoir parfaitement respecté les règles conventionnelles applicables à la tenue du conseil d'enquête professionnel.
Elle demande à la cour de:
- constater que le licenciement de M. [G] [N] est pourvu d'une cause réelle et sérieuse;
- constater que la rupture du contrat de travail de M. [G] [N] par la compagnie CORSAIR n'est pas fautive ;
- constater que M. [G] [N] a perçu l'ensemble des sommes dont la compagnie CORSAIR lui était redevable dans le cadre de la rupture de son contrat de travail .
En conséquence de,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil du 15 mai 2012 ;
- débouter M. [G] [N] de l'ensemble de ses demandes ;
- débouter le syndicat SNPL de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner M. [G] [N] et le SNPL à verser solidairement à la compagnie CORSAIR la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens incluant les frais d'exécution du jugement à venir.
L'entreprise compte plus de 11 salariés.
Le salaire brut moyen mensuel de M. [G] [N] était de 13 384,19 euros, primes indemnités diverses et 13e mois compris .
La relation de travail était régie par l'accord d'entreprise du personnel navigant technique.
Les motifs de la Cour
Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.
Sur la jonction des procédures
Par application des dispositions de l'article 367 du code de procédure civile, le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendant devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.
En l'espèce, il s'agit d'un même litige de sorte qu'il y a lieu de joindre la procédure RG 12/06120 et la procédure RG 12/06124 dans l'intérêt d'une bonne justice.
Sur la rupture du contrat de travail de M. [N]
A la suite d'un incident qui s'est produit le 20 novembre 2010 au cours d'une approche à l'aéroport de Copenhague, M [G] [N] étant commandant de bord, et alors que le pilote était aux commandes, l'équipage, s'agissant d'un vol ferry, c'est-à-dire sans passager et à qui le contrôle aérien avait demandé de maintenir une vitesse élevée, a tardé à stabiliser la vitesse de l'avion, déclenchant dans le cockpit le retentissement de plusieurs alarmes. L'avion s'est cependant posé sans difficulté. Le 15 décembre 2012 M [G] [N] adressait au responsable sécurité des vols un « retour d'expérience » concernant cet incident et relatant l'enchaînement des événements qui avaient amené l'équipage à ne pas avoir pu rapidement stabiliser la vitesse de l'avion. Selon l'employeur ce courrier minimisait les faits. Dans ce retour d'expérience, M [G] [N] indiquait«'la trajectoire est stabilisée vers 500 pieds et l'atterrissage a eu lieu de manière normale à savoir parallèle au sol. »Il ne mentionnait qu'une seule alarme et écrivait : «mes erreurs : avoir voulu profiter d'un vol ferry « seuls » à bord pour transmettre un savoir-faire alors que je ne suis pas instructeur. J'aurais pu reprendre les commandes, mais ce n'est pas mon genre et l' ai très rarement fait, même lorsque que, dans une autre vie, l'instruction et la transmission du savoir-faire était un devoir non « rémunéré »' J'aurais pu demander une remise de gaz, mais j'ai préféré continuer à le conseiller par la voix qu'il domine la chose et finisse par la maîtriser, ce qui a finalement été le cas . Ai-je eu raison' j'essaie de me convaincre que oui, on a du mal à se refaire mon âge ! »
Le 28 décembre le responsable de la sécurité des vols le remerciait de son initiative laissant entendre qu'il n'y aurait pas de suite.
Cependant, suite à l'analyse du vol, et des boîtes noires, il est en réalité apparu que l'appareil n'avait pas été stabilisé à 500 pieds, comme l'équipage l'affirmait, et comme l'exigeaient les dispositions applicables en cas de beau temps, mais à seulement 147 pieds, soit environ une dizaine de secondes avant l'atterrissage. En outre, il était établi que plusieurs alarmes s'étaient déclenchées, dont une vocale, qui correspondait à un ordre de remise des gaz.
Aussi, alors que d'après les textes le retour d'expérience devait se faire dans un esprit non punitif, dans l'anonymat et que les échanges devaient rester confidentiels, principe qui n'est pas discuté, le directeur délégué PNT alerté par ces circonstances, demandait la tenue d'une commission d'investigation et la levée de l'anonymat, ce que le salarié apprenait courant février sans qu'il en ait été informé auparavant et que lui soient communiqués les différents éléments concernant les paramètres relevés notamment par les boîtes noires.
Le dossier a alors été transmis à la commission d'investigation.
Le 27 mars 2009, lors de la publication du bulletin trimestriel de«sécurité des vols », et avant la tenue de cette commission, l'approche non stabilisée du vol du 20 novembre 2008 était évoquée par le responsable sécurité des vols, ce dernier évoquant une « faute professionnelle ». Une polémique s'engageait alors sur cette affaire au sein de l'entreprise, les organisations syndicales adressant le 2 avril 2009 un courrier à la direction pour contester ces propos. À la suite de cette lettre ouverte M. [F] (représentant du personnel et membre désigné pour siéger dans la commission d'investigation) faisait connaître dans un courrier du 4 avril 2009 et dans des termes extrêmement critiques, son point de vue sur les éléments du dossier.
Après audition du commandant de bord et du pilote concernés par deux membres de la commission d'investigation, dont M. [F], la direction décidait la réunion d'un conseil d'enquête professionnel. En effet, le travail de la commission avait, selon elle, permis de faire apparaître que M [G] [N] avait minimisé la gravité de l'incident dans son retour d'expérience, violé une consigne de sécurité -le niveau auquel doit être stabilisé l'avion-, problème pourtant identifié comme étant générateur d'une importante part d'accidents aériens.
Ce conseil d'enquête professionnel, au sein duquel siégeait à nouveau M.[F], a siégé le 3 juillet et rendu le 4 juillet 2009, un avis d'incapacité professionnelle de M [G] [N] à tenir son poste de commandant de bord.
Le salarié ayant alors refusé trois reclassements sur d'autres fonctions qui lui avaient été proposées, il a été licencié.
La lettre de licenciement adressée à M. [N] est rédigée comme suit :« Nous faisons suite à l'entretien préalable du 23 septembre 2009, au cours duquel vous vous êtes présenté, assisté de Monsieur [G] [P], et vous informons que nous avons le regret de vous notifier votre licenciement.
Cette décision est justifiée par les éléments suivants :
A la suite de plusieurs incidents vous mettant en cause en qualité de Commandant de Bord, un Conseil d'Enquête Professionnel a été réuni le 3 juillet 2009, en application de l'AEPNT Titre 4 du 7 juin 2007, aux fins de statuer sur votre aptitude professionnelle.
Après examen de votre dossier, et après vous avoir entendu, les membres du Conseil d'Enquête Professionnel ont estimé, à l'unanimité des présents (trois membres présents sur quatre), que votre niveau professionnel ne correspondait pas au niveau standard exigé d'un Commandant de Bord, au regard des facteurs suivants (prise de décision et leadership) :
- « Evaluation des risques : n'analyse pas totalement les conséquences d'une décision et ne prend pas en compte les facteurs limitant (facteurs dépassant les limites opérationnelles du vol). »
- « Revue des événements : ne se remet pas en question. »
- « Rappel et respect des procédures : ne respecte, ni n'impose les procédures et n'intervient pas en cas d'écart aux procédures. »
Le Conseil a également précisé que s'agissant de facteurs humains, une formation complémentaire ne permettait pas de résoudre les problèmes rencontrés.
L'avis du Conseil d'Enquête Professionnel s'analysant ainsi en une incapacité professionnelle à tenir votre poste de Commandant de Bord au sein de la Compagnie, la Direction a étudié les possibilités de reclassement Interne, en application de l'AEPNT Titre 4.
En effet, le caractère récurrent des incidents de vols vous concernant et leur incidence potentielle sur la sécurité des biens et des personnes, ne permettaient pas de vous maintenir à votre poste de Commandant de Bord.
Par courrier du 10 juillet 2009, le Directeur des Opérations Aériennes, Monsieur [M] [Y], vous a donc proposé un reclassement en qualité d'Officier Pilote de Ligne B747-400, conformément aux préconisations du Conseil d'Enquête Professionnel.
N'ayant pas donné suite à cette proposition dans le délai imparti (l'absence de réponse valant refus de cette proposition de reclassement), nous vous avons adressé des propositions de reclassement par courrier du 18 août 2009, aux postes suivants :
' Chargé de Formation PN
' Agent Copax
Le détail de chacune de ces offres vous a été présenté dans ce courrier.
Vous n'avez pas donné suite à ces propositions dans le délai imparti, l'absence de réponse valant refus de ces propositions de reclassement.
Vous nous avez d'ailleurs confirmé au cours de notre entretien du 23 septembre 2009 que vous ne souhaitiez pas bénéficier d'un reclassement à un poste d'Officier Pilote de Ligne, ni à un poste au sol.
Les explications recueillies lors de votre entretien préalable ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits quant à votre insuffisance professionnelle. L'absence de réponse favorable aux propositions de postes de reclassement qui ont fait suite à l'avis du Conseil d'Enquête Professionnel du 3 juillet 2009 rend impossible la poursuite de nos relations contractuelles et nous conduit donc à vous notifier votre licenciement ».
Il ressort de cette lettre de licenciement que l'employeur considère que, plusieurs incidents mettant en cause M [G] [N] en sa qualité de commandant de bord, après examen de son dossier par le conseil d'enquête professionnel, il a été établi que le niveau professionnel ne correspondait pas au niveau standard exigé, et que M [G] [N] était dans l'incapacité professionnelle de tenir son poste de commandant de bord, raison pour laquelle des postes de reclassement lui ont été proposés, propositions auxquelles le salarié n'a pas donné suite.
Il en résulte donc, que la cause réelle et sérieuse du licenciement contesté par le salarié ne repose pas directement sur l' incapacité professionnelle invoquée par l'employeur, mais sur les refus de M [G] [N] de donner suite aux propositions de reclassement qui lui ont été faites.
Dès lors, il convient d'examiner si le salarié pouvait, à juste titre, refuser ces propositions de changement de poste.
En tout état de cause, il est constant que ces propositions ont été formulées parce que l'employeur considérait que le salarié présentait une incapacité professionnelle porteuse de danger potentiel pour les personnes transportées, s'il était maintenu sur un poste de commandant de bord.
M [G] [N] conteste tout d'abord sur le fond cette incapacité professionnelle (également mentionnée par la lettre de licenciement comme une « insuffisance professionnelle »), et conteste également la manière dont la procédure a été menée à son encontre débouchant sur les propositions de reclassement refusées.
-Sur l'insuffisance professionnelle justifiant selon l'employeur les mutations proposées :
M [G] [N] , qui ne conteste pas la réalité des incidents mentionnés à son encontre, incidents parfois anciens et pour l'un d'eux déjà sanctionné, conteste en revanche que ces incidents puissent être « artificiellement » rapprochés pour être interprétés comme constitutifs d'une insuffisance ou d'une incapacité professionnelle.
Il rappelle aussi, ce qui n'est pas discuté, que très régulièrement et encore peu de temps avant son licenciement, comme l'ensemble des pilotes, il était soumis à des contrôles importants quant à sa capacité de poursuivre son activité, contrôles à l'issue desquels il a toujours été considéré comme parfaitement apte.
La cour relèvera tout d'abord qu'aucune des parties ne soutient que ces incidents aient pu correspondre à des transgressions volontaires, qui , elles, auraient été constitutives de fautes.
Elle admet également que les incidents précédents sont d'une part relativement anciens ( 2003 de retour de l'île de la Réunion absence de respect de la procédure réglementaire relative à la gestion du carburant, fait sanctionné d'un blâme, 2007 remise de gaz à Stockholm à la suite d'un guidage radar vers la piste, incident sans aucune suite, puis 2009, incident de Copenhague....), avaient été connus de l'employeur, qui ne les avait toutefois pas considérés comme spécialement inquiétants jusqu'à la procédure engagée après l'incident de Copenhague.
Cependant, s'agissant de telles activités, les conséquences éventuelles du moindre incident peuvent être extrêmement importantes, ce qui oblige l'employeur, responsable du transport de nombreuses personnes, à appliquer de manière très stricte le principe de précaution.
D'autre part, si considérés un par un chacun de ces incidents pouvait apparaître d'une gravité limitée, étant rappelé qu'aucun professionnel n'est à l'abri de maladresse ou de dysfonctionnements, qui se produisent dans tous les métiers, en revanche, le constat en 6 années de plusieurs incidents devait à juste titre attirer l'attention de la SA CORSAIR , étant rappelé en outre qu'il s'agissait en l'occurrence d'un problème de stabilisation de la vitesse de l'avion, fréquemment à l'origine d'accidents.
Enfin, la cour considère, au-delà de l'existence de plusieurs incidents, que, peut-être plus que les faits eux-mêmes, l'aspect le plus inquiétant au cours de l'enquête menée après l'incident de Copenhague, réside, dans les reproches repris dans la lettre de licenciement, relatifs à l'attitude du commandant de bord pendant et à la suite de cet incident :
-évaluation des risques insuffisante et absence de prise en compte des facteurs pouvant les limiter,
-absence de remise en question quant à l'attitude adoptée par le commandant de bord, lors de la revue des événements,
-défaillance quant au respect par lui-même ou par les autres professionnels des procédures à mettre en oeuvre lors de tels incidents et absence d'intervention en cas d'écart par rapport aux procédures prévues, étant précisé que le commandant M [G] [N] a déclaré avoir eu conscience des conditions dans lesquelles était réalisée la manoeuvre par l'officier pilote placé sous ses ordres qui conduisait l'avion à ce moment-là, avoir également entendu, à tout le moins une partie des signaux d'alarme, mais avoir pensé, s'agissant d'un vol ferry, c'est-à-dire sans passager, qu'il était judicieux de laisser ce pilote expérimenter de telles conditions d'atterrissage.
La cour rappellera également, que si les éléments techniques provenant des dispositifs de contrôle de l'avion démontrent que la stabilisation de la vitesse n'a été entreprise qu'à 147 pieds alors que la norme minimale par beau temps est de 500 pieds, M [G] [N] a toujours soutenu qu'il croyait que la manoeuvre, avait été mise en oeuvre lorsque l'avion avait atteint une altitude de 500 pieds et qu'une seule alarme avait retenti, ce qui s'est avéré inexact. Il en résulte que la défaillance quant au respect des procédures de vol à mettre en oeuvre est aggravée par la mauvaise appréciation par le commandant de bord des circonstances, mais aussi des risques encourus.
Pour ces différentes raisons et même si les tests d'évaluation réguliers concluaient à l'aptitude de M [G] [N], l'employeur sur les épaules duquel pèsent , une obligation particulièrement importante de sécurité de résultat pour les personnes transportées, était légitime, à retirer à M [G] [N] ses fonctions de commandant de bord.
Toutefois, l'insuffisance professionnelle invoquée par l'employeur et contestée par le salarié ne constituait pas la cause directe du licenciement.
Par ailleurs , le salarié qui par courrier du 8 octobre 2009 demandait à pouvoir bénéficier d'un recours devant le conseil de discipline prévu par le règlement intérieur de la compagnie, ne pouvait y prétendre dans la mesure où celui-ci n'était compétent qu'en cas de licenciement disciplinaire, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, et qu'en toute hypothèse les faits reprochés ne constituaient pas la cause directe du licenciement.
En revanche, la proposition de modification des fonctions, était en l'espèce justifiée, conformément aux dispositions de l'AEPNT titre 4,.
La SA CORSAIR a proposé successivement trois postes de reclassement à M [G] [N] , l'un en tant que personnel navigant mais dans des fonctions d'officier pilote de ligne, c'est-à-dire supervisé par un commandant de bord, les deux autres postes correspondant à des fonctions au sol .
La cour relèvera tout d'abord que les parties ne portent pas le débat sur la question de savoir si ces mutations proposées correspondaient à des modifications du contrat de travail, ou à des changements dans les modalités du contrat de travail, ni si ces propositions de reclassement correspondaient de fait à des rétrogradations (hormis le poste proposé d'officier pilote de ligne, occupé par le salarié avant qu'il ne soit promu commandant de bord ).
La Cour, rappelant que l'intervention du conseil de sécurité professionnel, dont les décisions ont «force de loi dans l'entreprise », a abouti, non pas directement au licenciement du salarié, comme celui-ci le soutient, mais à des propositions de reclassement que ne souhaitait pas le salarié, considérant également, en tout état de cause, que les faits reprochables au commandant de bord étaient non seulement établis, avant même la réunion du conseil, mais reconnus dans leur matérialité par l'intéressé, dira, en dépit des irrégularités entachant la réunion du conseil d'enquête professionnel, détaillées ci-dessous, que les constatations rendaient nécessaires et bien-fondées les mesures de précaution prises par l'employeur quand il a proposé une mutation à M [G] [N] .
Le salarié soutient ainsi le licenciement sans cause réelle et sérieuse pour non rescpect d'une garantie de fond relative à la procédure.
En effet, compte tenu des propos de M.[F], qui pour autant n'avait pas été remplacé par l'employeur pour siéger au sein de ce conseil, l'autre représentant salarié M. [H], appartenant au même syndicat que M [G] [N] a refusé, au dernier moment, de participer à ce conseil comme le lui permettent les textes pour des « raisons morales ».
Cependant , le non-respect du principe du paritarisme ne peut être, dans le cas d'espèce, retenu comme une irrégularité imputable à l'employeur et privant le licenciement de cause réelle et sérieuse. En effet bien que des échanges se soient développés entre le SNPL et la direction à partir d'un courrier adressé par le SNPL le 19 juin 2009 contestant la composition du conseil et en dénonçant la tenue, pour autant, ce n'est que le 2 juillet, veille de la tenue de ce conseil que le SNPL, qui avait été invité par l'employeur par message électronique du 29 juin 2009 en ces termes « toute absence lors de la réunion de ce conseil pourra porter préjudice à la qualité de ce débat et il paraît important que votre organisation en assume la responsabilité », a informé la direction que M. [H] son représentant ne siégerait pas choisissant dès lors, compte tenu de la tardiveté de cette décision, la tenue d'un conseil qui ne respectait pas le principe du paritarisme.
Ce faisant, le SNPL, auquel appartenait M [G] [N] a imposé , au dernier moment, un déséquilibre dans la composition du conseil, dont il ne peut rendre l'employeur responsable, dans la mesure où celui-ci avait originellement prévu une composition complète, quand bien même celle-ci pouvait être légitimement critiquée compte tenue des propos déplacés tenus auparavant par M [F] pourtant retenu pour siéger à ce conseil.
Si la garantie du paritarisme constitue effectivement, dans des conditions normales, une garantie de fond pour le salarié, pour autant, il n'est pas possible que les organisations syndicales se servent de ce moyen de rupture du paritarisme au tout dernier moment pour obtenir, sur le seul fondement de cette irrégularité de procédure , un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
La cour confirmant la décision des premiers juges dira donc que le licenciement de M [G] [N] pour cause réelle et sérieuse était fondé. Elle le déboutera de sa demande d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle sérieuse, dans la mesure où les refus de mutation de M [G] [N] pour chacun des trois postes, refus qui ne sont pas discutés, constituaient une cause réelle sérieuse de licenciement.
Sur le fond, M [G] [N] sera donc débouté de sa demande formulée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur le rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement
M [G] [N] estime qu'à la suite de son licenciement c'est à tort que la compagnie Corsair lui a payé son indemnité de licenciement en application de l'article R 1234-2 du code du travail, alors qu'il aurait dû bénéficier des dispositions du code de l'aviation civile : articles L423-1 et R422-1-1. Il demande donc un complément d'indemnité de licenciement que lui a refusé le conseil de prud'hommes, relevant d'une part que le contrat de travail de M [G] [N] ne faisait pas référence à cet article du code de l'aviation et que l'intéressé n'avait pas fourni à la compagnie Corsair qui le lui demandait copie de ses relevés de la caisse de retraite du personnel navigant et n'avait pas apporté la preuve qu'il ne pouvait pas faire valoir son droit à pension immédiate.
Cependant, les dispositions de l'article L423-1 précité du code de l'aviation civile exigent que « le contrat de travail précise en particulier' 2° l'indemnité de licenciement qui sera allouée, sauf en cas de faute grave, au personnel licencié sans droit à pension à jouissance immédiate ».
Les dispositions du code de l'aviation civile définissent l'âge légal de mise à la retraite des pilotes de ligne, actuellement de 65 ans.
Cependant, à partir de l'âge de 50 ans tout pilote de ligne peut liquider sa retraite complémentaire s'il justifie de 25 annuités.
Toutefois , il ne s'agit que d'une faculté pour le pilote qui entraîne bien évidemment une réduction de ses droits à la retraite. Au moment de son licenciement, âgé de 58 ans, M [G] [N] s'il pouvait faire valoir un droit à la retraite anticipée nécessairement réduit, ne pouvait pas faire valoir « un droit à pension à jouissance immédiate »qui doit s'entendre comme d'une mise à la retraite par l'employeur à l'âge légal de la retraite, avec versement d'une pension complète.
À défaut dans de tels cas, la mesure décidée par l'employeur entraînerait plusieurs conséquences négatives pour le salarié : arrêt de son travail de manière anticipée, entraînant une baisse de ses droits à pension et entraînant également une indemnité de licenciement réduite.
Il en résulte que M [G] [N], licencié à 58 ans par son employeur, est fondé à solliciter l'application des dispositions de l'article R423-1 du code de l'aviation civile, plus favorables dans sa situation que les dispositions du code du travail.
Infirmant la décision des premiers juges, la cour fera droit à la demande de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement formulée par M [G] [N] pour le montant sollicité et justifié de 75 278,50 euros après déduction de l'indemnité légale de licenciement déjà versée par l'employeur.
Sur l'inexécution fautive du contrat de travail et sur l'irrégularité de la procédure développée à l'encontre de M [G] [N]
Le salarié relève un ensemble de dysfonctionnements ayant affecté la relation de travail, puis sa rupture :
Il soutient d'abord, de manière fondée, que son contrat de travail ne satisfaisait pas aux dispositions de l'article L423-1 précité du code de l'aviation civile qui exigent que « le contrat de travail précise en particulier' 2° l'indemnité de licenciement qui sera allouée », manquement qui a causé un litige au moment de la rupture, la SA CORSAIR agissant alors en sorte de ne lui verser qu'une indemnité de licenciement réduite, comme indiqué ci-dessus.
M [G] [N] conteste également les conditions dans lesquelles a été menée la procédure ayant abouti à son licenciement au regard des exigences posées par l'accord AEPNT Titre 4
Le dispositif prévu par l'accord comporte deux éléments essentiels :
* pour qu'une saisine de cette instance soit possible il faut une levée de l'anonymat des informations récupérées dans le cadre du retour d'expérience. Cette levée de l'anonymat est possible conformément au texte de l'accord AEPNT « si l'évaluation des anomalies détectées fait apparaître qu'une déviation aurait pu provoquer un accident grave ».
En l'espèce, la stabilisation très tardive de la vitesse au moment de l'atterrissage à Copenhague pouvait effectivement provoquer un accident grave, peu important le fait qu'il s'agisse ou non d'un avion ferry. Cependant, l'équipage concerné devait être, préalablement à cette levée d'anonymat, prévenu de celle-ci et devait avoir accès à l'ensemble des éléments constatés, ce qui n'a manifestement pas été le cas en l'espèce. Ensuite , le responsable sécurité vols devait rendre des comptes à la commission sécurité des vols, dont la délibération s'est poursuivie par une réunion du conseil d'enquête professionnel.
*au titre des garanties conventionnelles applicables, il existe deux instances : une commission d'investigation dite commission d'enquête professionnel, et un conseil d'enquête professionnel qui peut être saisi par la commission, si cette commission relève effectivement des difficultés sérieuses . Ce conseil, compétent pour le personnel navigant technique de Corsair est composé de quatre membres, : deux membres dont un commandant de bord au moins choisis par la direction à son entière discrétion ;
deux membres dont un commandant de bord au moins, choisis par la direction sur les listes établies et déposées par les organisations syndicales. Ce conseil qui a accès à tous les éléments constitutifs du dossier est tenu « au droit de réserve tant en interne qu'en externe ».
Ce conseil est présidé par le responsable formation ou son suppléant. Les membres appelés à siéger à ce conseil sont choisis en raison de leur compétence particulière et peuvent, pour des raisons morales ou autres, refuser d'être désignés.
Ce conseil d'enquête professionnel s'est réuni le 3 juillet 2009, après avoir entendu M [G] [N] , il« a estimé à l'unanimité des présents (trois membres présents sur quatre), que le niveau professionnel de M [G] [N] ne permettait pas de lui laisser ses fonctions de commandant de bord» ; le salarié soutient que la procédure mise en oeuvre par l'employeur n'était pas conforme aux exigences de l'accord applicable et que des irrégularités de procédure entachent le licenciement prononcé.
La cour considère en effet que cette procédure a été entachée d'irrégularités graves dans la mesure :
-l'un des membres de la commission M. [F], commandant de bord, a adressé au directeur délégué du PNT, avant la réunion de la commission, un courriel exprimant son opinion sur l'engagement de la responsabilité de M [G] [N] lors de l'approche de Copenhague, dans des propos agressifs, (« pour votre info M [G] [N] a plusieurs casseroles' Il est fou' Complètement irresponsable et inconscient du danger' ») déclarant aussi, clairement, son point de vue sur l'opportunité d'une sanction
- M. [F] a ensuite été choisi par la direction comme l'un des deux membres salariés constituant le conseil d'enquête professionnel, conseil prévu pour être paritaire, (deux membres représentant la direction et deux membres représentant les salariés),
Or, la position, très claire pour ne pas dire agressive, de M. [F] à l'encontre de M [G] [N] , constitue tout à la fois une enfreinte grave à l'obligation de réserve, mais aussi et encore plus gravement un manquement à l'obligation de neutralité, qui devrait bien évidemment être considérée par les membres de telles instances comme un préalable absolument indispensable. Au lieu de cela, les propos de M. [F], s'apparentent clairement à un pré-jugement, l'argument employé par la SA CORSAIR pour tenter de soutenir l'impartialité de ce membre du conseil en invoquant son appartenance syndicale, étant tout à fait contestable, et ce d'autant plus que les deux salariés appartenaient à des syndicats différents. Cependant, l'employeur n'a pas cherché à remplacer M. [F].
Les avanies retenues quant à la tenue de cette commission puis de ce conseil, ne dispensaient pas l'employeur d' assumer les conséquences de son obligation de sécurité, en proposant rapidement des reclassements à M [G] [N], à la suite des graves éléments relatifs à l'incident de Copenhague, qui avaient été portés à sa connaissance et contrôlés, et sur lesquels ces deux instances avaient enquêté, ce qu'il a fait.
En revanche, elles ont rendu cette procédure gravement irrégulière.
En effet, il est évident que les dysfonctionnements dans la mise en oeuvre de la procédure, notamment en ce qui concerne les prises de position successives du responsable sécurité vols et de M.[F], tous deux engagés dans la commission et le conseil d'enquête professionnel, conçus comme une garantie pour le salarié, mais qui en l'espèce ont manifestement joué le rôle inverse, a causé à M [G] [N], tout à la fois un préjudice spécifique découlant de la mauvaise application par la SA CORSAIR des dispositions conventionnelles, dysfonctionnements qui ont abouti de manière indirecte à la détérioration des relations entre l'employeur et le salarié et, finalement, au licenciement de M [G] [N] .
Le salarié a donc subi, tout à la fois, les conséquences d'une exécution fautive de son contrat de travail et d'une absence de respect des dispositions protectrice de la convention collective dans la procédure qui a abouti à la rupture du contrat de travail.
Aussi, faisant masse de ces demandes, la cour condamnera la SA CORSAIR, à verser à M [G] [N] une somme de 50. 000 € en réparation du préjudice subi pour l'exécution fautive de son contrat de travail et l'application très contestable des dispositions conventionnelles par l'employeur.
Sur l'intervention volontaire du SNPL France ALPA.
Aux termes de l'article L2 1132-3 du code du travail : « les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toute juridiction, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent»
L'employeur soutient que le SNPL n'a pas subi de préjudice mais a, au contraire, sensiblement accentué sa représentativité entre l'année 2008 et l'année 2011 recueillant alors 68,33 % des suffrages exprimés lors des élections professionnelles.
Pour débouter le SNPL de sa demande d 'indemnisation les premiers juges ont considéré que celui-ci n'a pas démontré que la compagnie Corsair en faisant juger le comportement de M. [N] par ses pairs alors qu'il avait dissimulé la réalité des faits et qu'il s'était rendu coupable d'un manquement délibéré et répété aux règles de la sécurité, avait contrevenu à l'application du principe protecteur prévu par les dispositions OPS1037 et aux dispositions de l'accord d'entreprise ANPNT, titre 4.
Le SNPL représentatif au plan national, soutient qu'il est recevable en tant qu'intervenant volontaire dans l'instance engagée par M [G] [N] à l'encontre de son ancien employeur la compagnie Corsair, du fait des circonstances du litige et également du fait d'une atteinte majeure portée à un principe protecteur établi dans l'exercice du métier de pilote en ligne.
Le SNPL fait valoir, à juste titre, l'ensemble des interventions qu'il a menées dans un cadre légal, auprès de la direction de l'entreprise, de la direction générale de l'aviation civile mais également en organisant des mouvements sociaux mettant en cause l'attitude de la direction à l'égard du salarié, mobilisation qui s'est faite au détriment des autres missions du syndicat.
Le syndicat soutient , à juste titre également, que la manière de procéder dans cette instance par l'employeur a contrevenu aux principes protecteurs établis par l'arrêté du 12 mai 1997, mais aussi par les dispositions de l'OPS 1037 issues du règlement européen numéro 859/2008, qui visent à permettre de mettre en place un programme de prévention des accidents et de sécurité des vols mais ne permettent pas d'attribuer des responsabilités ou d'utiliser le programme d'analyse des données de vol dans un but punitif et pouvant servir à des fins de sanction disciplinaire à l'encontre des navigants concernés
Le SNPL insiste sur l'importance qu'il y a, au regard de l'amélioration de la sécurité, à ce que le retour d'expérience des pilotes confrontés à des difficultés donne lieu à un processus d'analyse des vols permettant d'identifier les dysfonctionnements mais non pas de déterminer les responsabilités ou d'asseoir des sanctions.
Il en ressort effectivement que l'utilisation faite de ces données par l'entreprise Corsair était problématique en ce qu'elle transgressait les acquis de la profession, permettant l'exploitation de plusieurs incidents en plusieurs années pour en identifier les causes, les responsabilités, puis finalement proposer au commandant de bord M [G] [N] un changement de poste.
Par ailleurs, les problèmes relatifs à la composition de la commission puis du conseil d'enquête professionnel, mais aussi aux prises de position exposées, a priori, par certains des membres de ces organes, problèmes que la compagnie Corsair a préféré ignorer, plutôt que de les traiter, privant ainsi le salarié d'un examen neutre des faits qui lui étaient reprochés ont également nécessairement porté un préjudice direct à l'intérêt collectif de la profession.
Le non-respect de ces dispositions porte immanquablement atteinte aux intérêts du SNPL en mobilisant son activité sur des questions supposément déjà réglées au plan conventionnel et cause nécessairement un préjudice à l'intérêt collectif de la profession mais aussi de cette organisation professionnelle.
Pour l'ensemble de ces raisons le SNPL est recevable dans son action et fondé à solliciter des dommages et intérêts en réparation de son préjudice que la cour fixera à 5000 €.
Sur les dépens et les demandes d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile
L'employeur la SA Corsair qui succombe supportera la charge des dépens.
L'équité justifie d'allouer à M [G] [N] une somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure, ainsi qu'une somme de 800€ au SNPL en application de l'article 700 du code de procédure civile
Décision de la Cour
En conséquence, la Cour,
ORDONNE la jonction des procédures RG 12/06120 et RG 12/06124,
CONFIRME la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit le licenciement de M [G] [N] fondé sur une cause réelle et sérieuse.
L'infirme pour le surplus
statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT que le licenciement de M [G] [N] n'est pas directement le résultat d'une insuffisance professionnelle mais trouve sa cause dans le refus de l'intéressé d'accepter des postes de reclassement lui ayant été proposés ;
DIT que ce licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
DIT que l'employeur a agi déloyalement en ne respectant pas la garantie prévue par les dispositions conventionnelles régissant l'exploitation des données de retour d'expérience et la composition paritaire du conseil d'enquête professionnel, se rendant ainsi responsable à l'égard du salarié d'une exécution fautive ;
CONDAMNE la SA CORSAIRà payer à M [G] [N] les sommes suivantes
-75 778,50 euros à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement
avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes ;
- 130 000 € à titre de préjudice pour exécution fautive du contrat de travail et non respect des dispositions conventionnelles ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes complémentaires ou contraires ;
CONDAMNE la SA Corsair à régler, au titre de l'article 700 du CPC pour l'ensemble de la procédure d'appel à :
- M [G] [N] la somme de 3000 €
-au SNPL la somme de 800€
LA CONDAMNE aux entiers dépens de l'instance
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE