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15/10/2014 | FRANCE | N°10/11112

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 15 octobre 2014, 10/11112


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 15 Octobre 2014

(n° 1, pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/11112



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Août 2007 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 06/0999







APPELANTE

Madame [I] [W]

[Adresse 5]

[Localité 3]

comparante en personne, assistée de Me Joyce KTOR

ZA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0053





INTIMEE

Me [M] [O] [B] (SELARL ACTIS) - Représentant des créanciers de la Société JJW LUXURY HOTELS

[Adresse 2]

[Localité 1]

non comparan...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 15 Octobre 2014

(n° 1, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/11112

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Août 2007 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 06/0999

APPELANTE

Madame [I] [W]

[Adresse 5]

[Localité 3]

comparante en personne, assistée de Me Joyce KTORZA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0053

INTIMEE

Me [M] [O] [B] (SELARL ACTIS) - Représentant des créanciers de la Société JJW LUXURY HOTELS

[Adresse 2]

[Localité 1]

non comparant

Me [Y] [Q] (SCP [Y]) - Administrateur judiciaire de la Société JJW LUXURY HOTELS

[Adresse 4]

[Localité 2]

non comparant

Société JJW LUXURY HOTELS

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Hubert MAZINGUE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0008

PARTIE INTERVENANTE :

AGS CGEA IDF EST

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : T10 substitué par Me Marina DUCOTTET CHAREYRON, avocat au barreau de PARIS, toque : T10

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Juin 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente de chambre

Madame Catherine BRUNET, Conseillère

Monsieur Thierry MONTFORT, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Monsieur Xavier FLANDIN-BLETY, lors des débats

ARRET :

- réputé contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Président et par Madame Lynda BENBELKACEM, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Les faits et la procédure

Mme [I] [W] a été engagée le 28 février 2001, en qualité de commis de bar, suivant contrat à durée indéterminée, par la SAS HOTEL [1] aux droits de laquelle vient la société JJW LUXURY HOTELS suite à une acquisition par fusion en 2007.

Par LRAR du 20 octobre 2005, elle était licenciée pour insubordination fautive tirée du refus de travailler au sein d'un hôtel appartenant au même groupe que l'hôtel [1].

Mme [I] [W] saisissait alors le conseil de prud'hommes de PARIS le 20 janvier 2006.

Celui-ci par jugement du 2 août 2007 disait que la rupture du contrat de travail était pour cause réelle et sérieuse et condamnait la SAS HOTEL [1] à payer à Mme [I] [W] les sommes de:

2714 euros à titre d'indemnités de préavis

271 euros au titre des congés payés

50 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 16 juillet 2012, la société JJW LUXURY HOTELS a été placée en redressement judiciaire.

Après infirmation dudit jugement par la cour d'appel de PARIS le 16 février 2013, le tribunal de commerce de PARIS a arrêté un plan de sauvegarde par jugement en date du 16 juillet 2013, d'une durée de 7 ans et a nommé maître [Y], en qualité de commissaire à l'exécution du plan et a maintenu maître [M] en sa qualité de mandataire judiciaire.

Mme [I] [W] a régulièrement formé le présent appel contre la décision du conseil du prud'hommes du 2 août 2007soutenant que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse car sa nouvelle affectation emportait modification du contrat de travail par changement du lien de subordination. Elle soutient qu'en réalité le licenciement est de nature économique. En outre, elle fait valoir qu'en raison de la distance séparant le lieu d'affectation de son domicile, elle ne pouvait se rendre dans cet hôtel à l'heure fixée.

Elle demande à la cour de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la société à lui payer l'indemnité de préavis et de congés payés afférents ainsi que 50 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sauf à préciser que la société JWW LUXURY HOTELS vient aux droits et obligations de la société SAS HOTEL [1].

Elle demande la réformation du jugement pour le surplus, de dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société JJW LUXURY HOTELS venant aux droits de la SAS HOTEL [1] à lui payer 33 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que 3000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel. Enfin, elle souhaite voir déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'AGS.

La société JJW LUXURY, venant aux droits de la société HOTEL [1] a formé appel incident.

Elle demande à la cour de dire et juger que l'appel de la salariée est irrecevable et subsidiairement mal fondé, de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a déclaré le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de la débouter en conséquence de sa demande. En outre, elle sollicite le remboursement des sommes versées en principal et intérêts au titre du préavis et congés payés afférents.

Elle demande également la condamnation de son ancienne salariée à lui verser une indemnité de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST conclut à sa mise hors de cause car la société a bénéficié d'un plan de sauvegarde et qu'aucune demande n'est présentée par les appelants à son encontre.

L'entreprise compte plus de 11 salariés.

Le salaire brut moyen mensuel de Mme [I] [W] est de 1395,45 €

La convention collective applicable est celle de l'hôtellerie SFH.

Les motifs de la Cour

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la rupture du contrat de travail de Mme [I] [W]

Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

L'existence d'un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.

Le détachement d'un salarié, dans une même zone géographique, même si le contrat de travail ne comporte pas de clause de mobilité, ce qui est le cas en l'espèce, ne constitue pas nécessairement une modification du contrat de travail mais l'exercice par l'employeur de son pouvoir d'organisation et de direction dès lors que:

il est temporaire et justifié par une impossibilité d'assurer au salarié son emploi;

la nature des fonctions du salarié et ses horaires ne subissent pas de modification;

il n'y a pas de transfert du contrat de travail à l'entreprise utilisatrice;

que le salarié est informé préalablement dans un délai raisonnable du caractère temporaire de l'affectation et de sa durée prévisible

sa réintégration dans son poste d'origine est garantie une fois l'impossibilité précitée levée.

Mme [I] [W] soutient que la société [1] l'a mise à disposition dans une autre société exploitant des établissements hôteliers et que par la même il y a eu une modification du contrat de travail en raison du changement d'employeur et donc du lien de subordination. Elle relève qu'elle devait intégrer l'équipe du nouvel hôtel et était placée sous la direction et le contrôle de ce dernier quant à l'exécution quotidienne du contrat de travail. Par ailleurs, elle fait valoir qu'il lui était matériellement impossible de se rendre à l'hôtel auprès duquel elle avait été affectée à l'heure requise.

La société quant à elle soutient que la salariée n'a été amenée qu'à changer de lieu de travail dans le même secteur géographique, ce qui consiste en une modification des seules conditions de travail. En aucun cas le contrat de travail de la salariée n'a été transférée à l'entreprise utilisatrice.

La cour constate que l'hôtel [2] dans lequel la salariée devait être affectée appartient au même groupe que l'hôtel [1].

Il ressort des pièces que la société HOTEL [1] a mis à disposition d'autres sociétés du groupe son personnel pendant la durée de la fermeture pour travaux et n'a aucunement transféré le contrat de travail ni le lien de subordination à l'égard des salariés, étant précisé que le détachement de salariés au sein de société du groupe n'est interdit par aucune disposition légale, ni réglementé à l'époque des faits.

En effet, la société verse au débat des éléments attestant du maintien du lien de subordination entre elle et les salariés dans la même situation que Mme [I] [W], en ce qui concerne notamment l'exercice du pouvoir disciplinaire. Les salariés de l'hôtel [1], y compris Mme [I] [W] demeuraient en contact direct, même après la fermeture de l'hôtel avec la responsable des ressources humaines rattachée à l'hôtel [1] qui a été, comme eux, mise à disposition dans un autre établissement, comme en attestent de nombreux courriers.

En outre, il ressort des pièces fournies au débat à la demande de la cour que les bulletins de salaires des salariés détachés étaient toujours établis par la société HOTEL [1].

Les documents fournis au comité d'entreprise avant la fermeture effective de l'hôtel montrent que la réintégration de la salariée était prévue, dès le départ, au terme des travaux.

En ce qui concerne le poste proposé, il apparaît que les fonctions et le salaire demeuraient inchangés. Bien que madame [I] [W] avance dans ses écritures qu'il lui était impossible de se rendre à l'hôtel [2] entre 5h30 et 6h du matin en transport en commun en raison de la distance entre son domicile et l'hôtel, elle n'apporte aucune pièce démontrant que de tels horaires lui ont été imposés par l'hôtel d'affectation et que ses heures de travail à l'hôtel [1] étaient différentes.

Par ailleurs, la nouvelle affectation était située dans la même zone géographique que l'hôtel [1], élément qui n'est d'ailleurs pas contesté par la salariée.

Enfin, Mme [I] [W] invoque l'article L. 8241-2 du code du travail selon lequel le prêt de main d''uvre à but non lucratif conclu entre entreprises est licite mais requiert l'accord du salarié.

Toutefois, la cour relève que cette disposition s'applique dans le cadre de groupements d'employeurs légalement constitués et non pour le détachement de personnel au sein d'entreprises du même groupe. Or, en l'espèce, Mme [I] [W] devait seulement être détachée dans l'hôtel [2], appartenant au même groupe que l'hôtel [1]. Dès lors, l'accord de la salariée n'était pas requis.

Le changement de localisation intervenu dans le même secteur géographique constitue un simple changement des conditions de travail et non une modification du contrat de travail.

Le refus par un salarié de continuer le travail ou de le reprendre après un changement de ses conditions de travail décidé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction constitue une faute que l'employeur peut sanctionner par un licenciement.

Dès lors, le refus de la salariée de se soumettre au changement de conditions de travail justifie le licenciement prononcé à son encontre.

Il y a lieu de confirmer le jugement du conseil des prud'hommes en ce qu'il a jugé que le licenciement était pour cause réelle et sérieuse.

Sur le préavis et les congés payés afférents

Il ressort de la lettre de licenciement que la société n'a pas payé à la salariée le préavis faute pour cette dernière de l'avoir exécuté en refusant sa mise à disposition.

Aux termes de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont la durée est calculée en fonction de l'ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur.

Selon l'article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice lorsque l'inexécution du préavis est imputable à l'employeur.

Malgré l'ambiguïté des termes « insubordination fautive » employés dans la lettre de licenciement, la cour constate que la salariée n'a pas été licenciée pour faute grave et que par conséquent le préavis est dû en principe.

L'employeur a refusé de le verser en raison de la non exécution du préavis par la salariée.

Toutefois, la cour constate qu'au moment où la salariée aurait dû effectuer son préavis, elle n'exerçait plus d'activité professionnelle effective pour son employeur depuis un an en raison de la fermeture de l'hôtel pour les travaux. Elle était donc dans l'impossibilité matérielle de travailler pendant cette période dans l'hôtel [1] et il ne peut être exigé que la salariée exécute le préavis dans l'hôtel qu'elle refusait de rejoindre, ce qui justifiait son licenciement.

Le non paiement du préavis et des congés payés afférents apparaît alors comme étant une mesure injustifiée.

Dès lors la cour confirmera la décision des premiers juges quant au versement de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents, étant précisé que la société JJW LUXURY HOTELS vient aux droits de la SAS HOTEL [1].

Sur la mise hors de cause de l'AGS

L'AGS soutient que la société JJW HOTEL LUXURY bénéficie d'un plan de sauvegarde, qu'aucune disposition légale n'impose la mise en cause de l'AGS dans ce cas contrairement à l'hypothèse d'ouverture d'une procédure collective et que par ailleurs, aucune demande n'est présentée par les appelants à son encontre.

Cependant, l'article L. 3253-6 du code du travail prévoit expressément que tout employeur de droit privé assure ses salariés, y compris ceux détachés à l'étranger ou expatriés mentionnés à l'article L. 5422-13, contre le risque de non-paiement des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail, en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire

L'article L. 3253-8 du code du travail liste les créances couvertes par l'AGS parmi lesquelles figurent les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde.

Dès lors, même dans le cadre d'une procédure de sauvegarde les créances résultant de l'exécution d'un contrat de travail bénéficient de la garantie l'AGS.

Contrairement à ce que soutient l'AGS, le salarié demande expressément dans le dispositif de ses conclusions que l'arrêt à intervenir lui soit opposable.

Il y a donc lieu de débouter l'AGS de sa demande de mise hors de cause. L'arrêt est opposable à l'AGS qui doit sa garantie à titre subsidiaire.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du CPC et les dépens

La Cour considère que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable de laisser à chacune des parties la charge des frais de procédure qu'il a été contraint d'exposer pour la procédure d'appel.

Chacune des parties succombant pour partie, chacune supportera la moitié des éventuels dépens.

Décision de la Cour

En conséquence, la Cour,

DÉCLARE l'appel recevable,

CONFIRME la décision du Conseil de prud'hommes de PARIS, en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il convient de tenir compte que la société JJW LUXURY HOTELS vient aux droits de la SAS HOTEL [1].

DIT que l'AGS doit sa garantie à titre subsidiaire,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes complémentaires ou contraires.

DIT que chacune des parties supportera la charge des éventuels dépens.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 10/11112
Date de la décision : 15/10/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-15;10.11112 ?
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