Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRET DU 14 OCTOBRE 2014
(n° 562, 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/06057
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Mars 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 14000980
APPELANTE
SAS ADELIE INSTITUTE CONSULTING Agissant poursuites et diligences en la personne de son Président en excercice
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
assistée de Me Michel PONSARD de la SCP UGGC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0261
INTIMEE ET APPELANTE INCIDENTE
Madame [M] [O] [O]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
assistée de Me Sandrine MILHAUD, avocat au barreau d'AMIENS
INTIMEE
SAS ABC FORMATION Agissant poursuites et diligences en la personne de son directeur général Monsieur [P] [J]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Luc COUTURIER de la SELARL HANDS Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : L0061
assistée de Me Hervé BONNARD, avocat au barreau de PARIS, toque T 01 substituant Me de AYALA et plaidant pour le cabinet BCTG
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 Septembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Nicole GIRERD, Présidente de chambre
Madame Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère
Madame Odette-Luce BOUVIER, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Nicole GIRERD, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.
La société ABC Formation et la société Adélie Institute Consulting (AIC) sont deux sociétés spécialisées et concurrentes dans le domaine de la formation professionnelle et de l'enseignement à destination des professionnels .
La société ABC Formation a été constituée en 1986 par Mme [M] [O], actionnaire majoritaire et présidente directrice générale, qui l'a cédée en octobre 2012 à la société ONASIA SAS devenue présidente d'ABC Formation.
L'acte de cession du 15 octobre 2012 prévoyait un engagement de non-concurrence et celui de non sollicitation et/ou débauchage pendant cinq ans mis à la charge de Mme [M] [O].
Mme [O] est restée salariée au sein de la société ABC Formation dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée prenant fin le 15 octobre 2013.
Son époux, M. [W] [O], a créé la société Adélie Informatique Conseil, dont Mme [O] était administratrice, avant de constituer en août 2013 la société Adélie Institute Consulting.
M. [N] [A], fils de Mme [O], salarié de la société ABC Formation, a présenté sa démission le 2 septembre 2013 à effet au 2 décembre suivant.
Affirmant que Mme [O], dès la cession de ses actions, avait entravé le bon fonctionnement d'ABS Formation avant d'être placée en arrêt pour cause de maladie le 26 juin 2013 et commis avec la société Adélie Institute Consulting des faits de concurrence déloyale, la société ABC Formation, représentée par son directeur général, M. [P] [J], a sollicité le 22 novembre 2013 du président du tribunal de commerce de Paris des mesures d'instruction in futurum.
Par deux ordonnances distinctes rendues le 22 novembre 2013, le juge de la requête a fait droit à ces demandes.
Aux termes de la première ordonnance n° 13-1726 /13-69979, la SCP d'huissier [E] a été désignée avec mission de se rendre dans les locaux de la société Adélie Institute Consulting et de la société Adélie Informatique Conseil, [Adresse 1], et notamment de rechercher, à partir des mots clés énumérés par l'ordonnance, sur tous supports, les :
- listes des clients et prospects, salariés, consultants, vacataires et/ou formateurs d'Adélie Institue Consulting qui seraient communs aux clients d'ABC Formation, listes arrêtées au 21 novembre 2013 ainsi que les devis, offres commerciales, communications de prospection et factures correspondants,
- listes des actionnaires directs et indirects de la société Adélie Institute Consulting et de la société Adélie Informatique Conseil depuis le 16 octobre 2016 et jusqu'à la date de réalisation des opérations prévues à la présente ordonnance,
- tous supports pédagogiques des cours et/ou formation proposés par Adélie Institute Consulting,
- tous fichiers, dossiers ou documents, en particulier toutes communications et/ou correspondances relatifs aux faits litigieux depuis le 16 octobre 2012 et jusqu'à la date de réalisation des opérations, à l'aide des mots clefs 'ABC', 'ABC Formation', '[P]', '[J]', '[X]', 'SDK' , '[R]' et '[Q]', [R], [M] [O], [M] [O], [M] [O],
- tous emails et autres correspondances dont Mme [O] serait l'auteur, destinataire ou en copie, à compter du 16 octobre 2012 et jusqu'à la date de réalisation des opérations à l'aide des mots clefs 'AIC', 'Adélie Institute Consulting', 'Adélie', 'Evolis',
et ce en autorisant l'huissier à se faire communiquer les codes d'accès notamment informatiques nécessaires à leur mission, à accéder à l'ensemble des serveurs et postes informatiques utilisés par la société Adélie Institute Consulting , la société Adélie Informatique Conseil, et Mme [O], à procéder à l'extraction des disques durs, à leur examen puis à leur remise en place, à prendre des photographies ou copies sur support papier ou, à défaut , utiliser ses propres moyens de copie, au besoin en emportant les docueemnts saisis en son Etude et en les restituant sous 48 heures.
Les opérations se sont déroulées le 11 décembre 2013 et les pièces obtenues au siège des sociétés Adélie ont été placées sous séquestre conformément aux dispositions de l'ordonnance sur requête.
La seconde ordonnance n° 13-1726 /13-69982 du 22 novembre 2013 autorisait l'huissier de justice à effectuer les mêmes recherches au domicile de Mme [O] au [Adresse 3].
Les opérations, qui s'y sont déroulées le 12 décembre 2013, se sont révélées infructueuses.
Par actes des 10 et 14 janvier 2014, la société ABC Formation a assigné en référé la société Adélie Institute Consulting et Mme [O] devant le président du tribunal de commerce de Paris aux fins de communication des documents obtenus par l'huissier conformément aux termes de l'ordonnance rendue.
La société Adélie Institute Consulting et Mme [O] ont demandé reconventionnellement la rétractation des deux ordonnances rendues sur requête et subsidiairement la nullité des opérations de saisies.
La société ABC Formation a soulevé l'incompétence au profit de la juridiction du fond du juge des référés pour statuer sur les demandes relatives aux conditions d'exécution, et a conclu à la confirmation des ordonnances rendues sur requête et au rejet des demandes adverses.
Par ordonnance du 12 mars 2014, le président du tribunal de commerce a :
- dit recevable et bien fondée l'exception d'incompétence soulevée par la société ABC Formation
- débouté la société Adélie Institute Consulting de sa demande de nullité des opérations de visites et de saisies du 11 décembre 2013,
- débouté Mme [O] de ses demandes et plus précisément de sa demande de rétractation de l'ordonnance du 22 novembre 2013
- débouté la société Adélie Institute Consulting de ses demandes et plus précisément de sa demande de rétractation de l'ordonnance du 22 novembre 2013 la concernant,
- fixé la date de convocation des parties en référé pour permettre la remise à la société ABC Formation des éléments saisis par l'huissier et dit que, pour cette date, la société Adélie Institute Consulting devra indiquer les éléments qu'elle refuse de voir communiquer ayant trait au secret des affaires ou de la vie privée,
- condamné Mme [O] et la société Adélie Institute Consulting à payer à société ABC Formation chacune 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
La société Adélie Institute Consulting, appelante de cette ordonnance, par ses dernières conclusions transmises le 28 août 2014, demande à la cour:
in limine litis, de
constater, dire et juger que le juge de l'exécution n'est pas compétent pour se prononcer sur le contrôle de l'exécution d'une ordonnance rendue sur requête (à défaut d'exécution forcée de l'ordonnance) et que seule la cour d'appel de Paris est compétente pour se prononcer sur les conditions d'exécution de l'ordonnance du 22 novembre 2013.
à titre principal, de :
- constater, dire et juger que la copie de l'ordonnance du 22 novembre 2013 n'a pas été remise à la société Adélie Institute Consulting et que la société ABC Formation a violé les dispositions de l'article 495, alinéa 3 du code de procédure civile,
- constater, dire et juger que la société ABC Formation ne démontre pas à suffisance de droit que la mesure d'investigation devait être prise de manière non contradictoire et la société ABC Formation a violé les dispositions des articles 493 et 875 du code de procédure civil,
- constater, dire et juger que les termes de l'ordonnance du 22 novembre 2013 confèrent à l'huissier une mission générale d'investigation excédant les termes de l'article 145 du Code de procédure civile,
- constater, dire et juger que les termes de l'ordonnance du 22 novembre 2013 confèrent à l'huissier un pouvoir d'enquête assimilable à une perquisition excédant les termes de l'article 145 du code de procédure civile,
- constater, dire et juger qu'il n'existait pas de motif légitime à l'octroi d'une mesure d'instruction et que la société ABC Formation a violé les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile,
- constater l'illicéité du tri des pièces opéré postérieurement à la visite de l'huissier du 11 décembre 2013,
- constater le non-respect du délai de 48 heures et le défaut de restitution des pièces et documents saisis par l'huissier,
- constater l'absence de distinction entre les documents et pièces saisis auprès de la société Adélie Institute Consulting, d'une part, et ceux saisis auprès de la société Adélie Informatique Conseil, d'autre part,
En conséquence, de :
- dire et juger que les termes de l'ordonnance du 22 novembre 2013 n'ont pas été respectés par l'huissier lors des opérations de visites et de saisies opérées le 11 décembre 2013 ;
- constater la nullité des opérations de visites et de saisies du 11 décembre 2013 et de tous les actes subséquents en découlant et ordonner la restitution de l'ensemble des documents et pièces recueillis et/ou copiés.
En tout état de cause et en conséquence, de réformer l'ordonnance du tribunal de commerce de Paris du 12 mars 2014, et statuant à nouveau, de :
- débouter la société ABC Formation de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- donner acte à la société Adélie Institute Consulting de ce qu'elle s'associe à l'argumentation développée par Madame [O] dans ses conclusions d'appel incident ;
- ordonner la rétractation de l'ordonnance rendue sur requête le 22 novembre 2013 par le Président du Tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions avec toutes les conséquences de droit qui en découlent, notamment ordonner à la SCP Chevrier de Zitter & Asperti de restituer la totalité des originaux et copies saisies et tous autres documents, y compris DVD, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir ;
- de condamner la société ABC Formation aux dépens d'appel, et à lui verser sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile 10.000 € au titre des frais de première instance et 13.000 € au titre des frais d'appel.
L'appelante soutient :
In limine litis, sur l'exception d'incompétence soulevée par la société ABC Formation au profit du juge de l'exécution pour statuer sur les conditions d'exécution par l'huissier de l'ordonnance, qu'il ne s'agit pas d'une mesure d'exécution mais bien d'une mesure d'instruction ; que dès lors est compétent le juge de la rétractation et partant, la cour d'appel saisie d'un appel d'une ordonnance rejetant la demande de rétractation.
Sur la rétractation :
- que la copie de l'ordonnance du 22 novembre 2013 n'a pas été remise à un représentant de la société Adélie Institute Consulting mais à une salariée d'Adélie Informatique Conseil (société non attraite dans la procédure) en violation de l'article 495 du code de procédure civile ; qu'en conséquence, la mesure ordonnée par le juge de la requête est caduque ;
- que la société ABC Formation n'a pas démontré que la requête devait être sollicitée de manière non contradictoire, dans la mesure où elle disposait déjà de 'saisies' des ordinateurs de Mme [O] et de M. [N] [A] ;
- que la plupart des documents demandés doivent être conservés en raison d'obligations légales et aucun effet de surprise ne pouvait exister au regard des mesures précédentes prises par la société ABC Formation ;
- que la mission confiée à l'huissier est très imprécise et extraordinairement large ; qu'il s'est vu octroyer une mission générale d'investigation alors que la mesure d'instruction doit être circonscrite aux faits visés dans la requête afin de trancher le litige et de respecter les droits du requis ; que les missions distinctes confiées à l'huissier, non rattachées entre elles et sans aucune limite, lui ont permis de pratiquer une saisie de tous les documents, tant personnels (notamment toute la messagerie de M. [O] et de Mme [U]) que professionnels, se trouvant dans les locaux ; que par ailleurs la mission se réfère à des faits litigieux non clairement définis ;
- qu'alors qu'il devait mener ses opérations en accord avec un représentant de la société Adélie Institute Consulting, l'huissier s'est livré à une véritable « perquisition » en saisissant et en procédant à la sélection des documents hors la présence des représentants de la société Adélie Institute Consulting. ; que, devant le nombre de documents (saisie de 46.000 messages 'outlook'), l'huissier a emporté les documents dans ses locaux pour opérer en l'absence des représentants de la société Adélie Institute Consulting une sélection de ceux-ci ;
- que la société ABC Formation n'apporte aucun début de preuve pertinent constituant un motif légitime à sa demande ; qu'aucun élément sérieux n'apparaît établi contre la société Adélie Institute Consulting, le lien entre Mme [O] et la société Adélie Institute Consulting n'est pas établi, la thèse du pillage des bases de données de la société ABC Formation pour détourner les clients n'est pas sérieuse, l'huissier lors de ses opérations de visites n'ayant trouvé aucun client commun à la société ABC Formation et à la société Adélie Institute Consulting, les fichiers de l'ordinateur de M. [A] supposés avoir disparu ayant été conservés plusieurs jours par les nouveaux dirigeants de la société ABC Formation avant remise à l'huissier ; que par conséquent, une action au fond diligentée par la société ABC Formation - sur un fondement de concurrence déloyale - serait nécessairement vouée à l'échec.
Subsidiairement, l'appelante soutient que les opérations de visite et de 'saisies' du 11 décembre 2013 sont nulles car exécutées en violation des dispositions de l'ordonnance du 22 novembre 2013.
Par conclusions transmises le 2 avril 2014, Mme [O], intimée et appelante incidente, conclut à l'infirmation de l'ordonnance de référé du 12 mars 2014, au débouté de la société ABC Formation de l'ensemble de ses demandes, à se voir donner acte de ce qu'elle s'associe à l'argumentation de la société Adélie Institute Consulting sur la compétence rationae matériae du juge qui a rendu les ordonnances, à la rétractation de l'ordonnance la concernant, à la nullité des actes consécutifs et à la condamnation de la société ABC Formation à lui verser 10.000 € à titre de dommages-intérêts et 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Mme [O] fait valoir qu'elle a été visée à tort par l'action en référé puisque rien n'a été 'saisi ' à son domicile ; que la société ABC Formation n'a justifié d'aucun motif légitime à son encontre dans sa requête, se bornant à des accusations gratuites, que la procédure à son égard est abusive.
La société ABC Formation, intimée, par ses dernières conclusions transmises le 21 août 2014, sollicite la confirmation de l'ordonnance du 12 mars 2014, le débouté de la société Adélie Institute Consulting et de Mme [O], ainsi que leur condamnation solidaire à lui verser la somme de 12.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Elle soutient :
- in limine litis, que le juge de l'exécution est seul compétent pour statuer sur les conditions d'exécution de l'ordonnance sur requête et qu'une éventuelle irrégularité commise lors des opérations de l'huissier n'est pas un motif de rétractation de l'ordonnance,
- que l'huissier a régulièrement procédé à la signification de la requête et de l'ordonnance à la société Adélie Institute Consulting le 11 décembre 2013 entre les mains d'une personne habilitée, que d'ailleurs M. [O] était présent, qu'aucune caducité n'est encourue,
- que les motifs invoqués au soutien de sa requête justifiaient qu'il soit dérogé au principe de la contradiction,
- que les mesures autorisées étaient parfaitement conformes aux règles et exigences en la matière, que les pouvoirs donnés à l'huissier, usuels en la matière, étaient encadrés par les termes de la mission,
- qu'elle justifiait d'un motif légitime à faire pratiquer ces mesures, en justifiant d'éléments rendant crédibles ses suppositions,
- sur la nullité des opérations à titre subsidiaire, puisqu'elle les estime hors du champ de la rétractation, que ces demandes sont irrecevables dans le cadre d'un référé rétractation, qu'en tout état de cause les opérations sont régulières.
SUR CE LA COUR
Sur l'exception d'incompétence du président du tribunal de commerce et la compétence de la cour d'appel:
Considérant que la société Adélie Institue Consulting et Mme [O] sollicitent l'annulation des opérations de visites et de saisies réalisées par l'huissier instrumentaire qui n'aurait pas respecté, selon elles, les termes de la mission ;
Considérant que la société ABC Formation fait valoir que la critique formée par la société appelante et Mme [O] ne concerne aucunement l'ordonnance elle-même mais ses conditions d'exécution, ainsi que le reconnaît la société Adélie Institute Consulting dans ses conclusions ; qu'une telle action ne relève dès lors ni de la compétence du juge de la rétractation ni de celle de la cour statuant sur l'appel interjeté ;
Considérant que la cour relève que les conditions d'exécution de la mesure de constat comme les constatations qui y sont relatées ne relèvent pas du contentieux de la rétractation mais de celui de l'exécution de la mesure ;
Que dès lors, la régularité des opérations réalisées par l'huissier de justice mandaté par le juge de la requête n'a pas à être examinée par le juge de la rétractation et par la cour d'appel, saisie de l'appel d'une ordonnance rejetant la demande de rétractation de l'ordonnance ayant autorisé la mesure de constat ;
Qu'il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance du 12 mars 2014 en ce qu'elle a dit recevable et bien fondée l'exception d'incompétence soulevée par la société ABC Formation et, y ajoutant, de dire irrecevables devant la cour d'appel les demandes de la société Adélie Institute Consulting et de Mme [O] tendant à l'annulation des opérations de visites et de 'saisies' du 11 décembre 2013 ;
Au principal :
Considérant qu'il résulte de l'application combinée des articles 16 et 495 du code de procédure civile que la copie de la requête comportant l'indication précise des pièces invoquées et de l'ordonnance sur requête est laissée à la personne à laquelle elle est opposée ;
Considérant qu'en l'espèce, il résulte du procès-verbal de constat que l'huissier instrumentaire, maître [K] (pièce 33 de la société ABC Formation) a remis le mercredi 11 décembre 2013 à 10 heures, dès son arrivée dans les locaux de la société Adélie Consulting visée par la requête, copie de l'ordonnance n°13-1726/13-69979 du 22 novembre 2013 et de ladite requête à Mme [C] [U], assistante de direction, 'représentant tant la société Adélie Informatique Conseil que la société Adélie Institute Consulting , et ce par deux actes de signification séparée' ; que M. [W] [O], joint par Mme [U], est arrivé sur place à 10 h 45 et 'a pris connaissance de la requête et de l'ordonnance missionnant [l'huissier]' ;
Qu'il résulte de ces constatations que la formalité de remise de copie prévue par l'article 495 du code de procédure civile et destinée à faire respecter le principe de la contradiction et à permettre à la partie adverse d'organiser sa défense, a été respectée, étant relevé que l'huissier n'a pas à vérifier la qualité de la personne se déclarant habilitée à recevoir un acte au nom de la personne morale concernée ;
Qu'est inopérant dès lors le grief tiré de la caducité de la mesure d'instruction ordonnée par le juge de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé ;
Qu'il résulte de cet article que le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, mais qu'il doit justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions ;
Que selon l'article 493 du même code, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ; qu'en raison de cette dérogation au principe de la contradiction, il appartient au demandeur de préciser les circonstances qui justifient qu'il soit procédé de façon non contradictoire ; que selon l'article 496, alinéa 2, s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance ;
Considérant qu'en l'espèce, la société ABC Formation a affirmé, au soutien de sa requête (pièce 1), que :
' il est en outre évident que l'efficacité des mesures sollicitées ne pourra être préservée si celles-ci sont ordonnées à l'issue d'un débat contradictoire qui pourrait en effet permettre à la société Adélie Institute Consulting ainsi qu'à ses dirigeants, actionnaires ou à toutes les personnes concernées, de faire disparaître les éléments de preuve, et donc à en empêcher la conservation que le législateur a précisément souhaité protéger.
Les suppressions d'informations dont se sont rendus coupables M. [N] [A] et Mme [O] démontrent, de plus fort, si besoin était, une volonté acharnée et suspecte de dissimulation, indice extrêmement important de comportements irréguliers.
S'étant donc déjà rendus coupables de suppressions d'informations ces derniers mois, il est à craindre que, avertis de la demande de la requérante, Adelie Institute Consulting, Adélie Informatique Conseil, et Mme [O] se livrent à nouveau à un processus d'élimination systématique d'éléments de preuve importants ' ;
Qu'à l'appui de ses affirmations, la société ABC Formation produisait notamment le témoignage du gérant de la société Alternance, chargée de la gestion du parc informatique d'ABC Formation, attestant de la suppression avant le 10 octobre 2013 des courriers électroniques de la messagerie de l'ordinateur professionnel de M. [A] (pièce 20) et celui de M. [I], salarié d'ABC Formation, sur le départ de M. [A] avec ce portable le 4 octobre 2013, date du début d'un nouvel arrêt pour cause de maladie (pièce 21) ;
Que la société requérante produisait en outre le procès-verbal de constat d'huissier de justice dressé le 10 octobre 2013 confirmant l'absence de toute pièce, document ou ordinateur dans le bureau laissé vide par M. [A] à son départ et la suppression des éléments contenus dans sa messagerie professionnelle (pièce 23) ;
Que la requête visait également le 'compte rendu d'opérations et d'analyses ' réalisé le 22 octobre 2013, à sa demande, par M. [P] [S] (pièce 30) qui a reconstitué les fichiers supprimés du disque dur de l'ordinateur portable de M. [N] [A], ancien salarié de d 'ABC Formation et fils de Mme [O] ;
Qu'étaient jointes à ce compte rendu les copies de diverses pièces figurant dans les fichiers reconstitués à partir du disque dur de l'ordinanteur de M. [A], 'compte rendu formateur', fiche d'appréciation', 'convocation de stage' , 'fiche d'évaluation' et autres supports pédagogiques aux logos respectivement d' Adelie Institute Consulting et d'ABC Formation (pièce 31) ;
Qu'il est établi par les pièces annexées à la requête de Mme [O], alors qu'elle était encore salariée de la société ABC FORMATION, et son fils M. [N] [A] ont tous deux bénéficié d'un arrêt pour cause de maladie octroyé en septembre 2013 par le même médecin (pièces 18 et 19) et qu'ils ont alors emporté leur ordinateur professionnel à leur domicile ;
Qu'outre ces éléments, annexés à la requête qui en synthétisait le contenu, la société ABC Formation produisait notamment les courriers échangés avec Mme [O] les 10 juillet, 18 juillet, 6 septembre, 5 août , 23 septembre et 2 octobre 2013 relatifs aux violations alléguées de ses obligations contractuelles de loyauté et de non-concurrence (pièces 6, 7, 8, 9 , 10 et 11) ;
Qu'enfin, si le juge de la rétractation doit se placer au jour où il statue pour apprécier le bien fondé du recours à une procédure non contradictoire et l'existence d'un motif légitime à une mesure d'instruction in futurum, aucune conclusion ne peut être tirée du fait que la mesure de constat ordonnée sur requête, en l'espèce celle effectuée au domicile de mme [O] le lendemain du constat réalisée dans les locaux de la société ADELIE INSTITUTE CONSULTING, ait été infructueuse ;
Qu'il en résulte que la société ABC Formation a justifié de façon circonstanciée dans sa requête, expressément visée par les ordonnances du 22 novembre 2013, d'un motif légitime à voir ordonner une mesure d'instruction au domicile de Mme [O] et au siège de la société concurrente, créée en août 2013 par son époux, M. [O], et la dérogation au principe de la contradiction afin d'éviter la disparition ou la dissimulation des éléments de preuve, notamment les fichiers et courriels informatiques, nécessaires à la mise en oeuvre d'un éventuel procès en concurrence déloyale ;
Qu'il se déduit de ces constatations que le juge de la rétractation a exactement retenu que la société ABC Formation avait justifié du choix d'une procédure non contradictoire et de la nécessité de mesures d'instruction conservatoires à l'encontre de la société Adelie Institute Consulting et de Mme [O] ;
Considérant enfin, que la société Adelie Institute Consulting et de Mme [O] contestent la mission ordonnée comme étant une 'mesure d'investigation générale' ;
Qu'en ce qui concerne les investigations, celles-ci ont été strictement et exactement limitées d'une part dans le temps, du 16 octobre 2012 à la date des opérations, soit un peu plus d'une année, d'autre part, à partir de mots clefs personnalisés et pertinents tels que 'ABC', 'ABC Formation', '[P]', '[J]', '[X]', 'SDK' , '[R]', '[Q]', '[M] [O], [M] [O], [M] [O], AIC', aux documents et fichiers afférents aux faits litigieux, aux courriels et autres correspondances dont Mme [O] serait l'auteur, destinataire ou en copie, strictement limités aux mots 'AIC', 'Adélie Institute Consulting', 'Adélie', 'Evolis', et enfin aux supports pédagogiques de la société Adélie Institue Consulting ;
Que les documents et informations recherchés sont utiles, dans le contexte commercial complexe exposé par la société requérante et l'imbrication des relations personnelles et professionnelles des dirigeants, cadres et salariés mis en cause, à la compréhension et à l'établissement des faits de concurrence déloyale dans le domaine de la formation professionnelle ;
Qu'enfin, les pièces et informations recueillies par le mandataire de justice désigné, à supposer qu'elles l'aient été hors le champ de la mission comme le soutient l'appelante, sont mises sous séquestre entre ses mains et non communiquées aux parties adverses dans l'attente de leur examen et d'un débat contradictoire devant la juridiction des référés dans le cadre de l'action en mainlevée de séquestre afin notamment de veiller au respect du secret des affaires, des droits de la défense et de la vie privée des personnes concernées ;
Qu'il résulte de l'ensemble de ces constatations et énonciations que le juge de la rétractation, qui a veillé à la proportionnalité de la mesure d'instruction ordonnée au regard des intérêts et droits respectifs des parties, a exactement refusé par l'ordonnance du 12 mars 2014 de rétracter les ordonnances sur requêtes du 22 novembre 2013 ;
Qu'il convient de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise, et y ajoutant de débouter la société Adelie Institute Consulting et Mme [O] de leurs demandes de rétractation ;
Considérant qu'il n'appartient pas à la présente cour, saisie de l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance du 12 mars 2014 rejetant la demande de rétractation des ordonnances du 22 novembre 2013, de statuer sur la régularité des opérations réalisées par l'huissier instrumentaire désigné par lesdites décisions ;
Qu'il convient dès lors de dire irrecevables les demandes d'annulation des opérations de visites et de 'saisies ' opérés le 11 décembre 2013 et de tous actes subséquents ;
Considérant que l'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol ; qu'en l'espèce, un tel comportement de la part de la société ABC Formation n'est pas suffisamment caractérisé ; que la demande incidente de Mme [O] est rejetée ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu de 'donner acte ' ou de 'constater ', les donner acte et les constatations n'emportant pas de conséquences juridiques ;
Considérant que l'équité commande de faire droit à la demande de la société ABC Formation présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de la société Adelie Institute Consulting ; que celle-ci est condamnée à lui verser à ce titre la somme visée au dispositif de la présente décision ;
Considérant que, parties perdantes, la société Adelie Institute Consulting et Mme [M] [O] ne sauraient prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doivent supporter in solidum les dépens ;
PAR CES MOTIFS
Déclare incompétente la présente cour pour statuer sur les demandes de la société Adélie Institute Consulting tendant à l'annulation des opérations réalisées par la SCP d'huissier de justice [E] le 11 décembre 2013 et des actes subséquents,
Déclare irrecevables en conséquence les demandes d'annulation desdites opérations et des actes subséquents,
Confirme l'ordonnance du 12 mars 2014 en toutes ses dispositions,
Déboute la SAS Adelie Institute Consulting et Mme [M] [O] de l'ensemble de leurs demandes,
Condamne la SAS Adelie Institute Consulting à payer à la SAS ABC Formation la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de la SAS ABC Formation formée à l'encontre de Mme [M] [O] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette les demandes présentées par la SAS Adelie Institute Consulting et Mme [M] [O] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum la SAS Adelie Institute Consulting et Mme [M] [O] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT