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09/10/2014 | FRANCE | N°13/07228

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 09 octobre 2014, 13/07228


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ARRÊT DU 09 Octobre 2014



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/07228



Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 07 Juin 2013 par le Conseil de Prud'hommes de VILLENEUVE SAINT GEORGES - RG n° 214/2012





APPELANTE

Madame [C] [O] épouse [M]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparante en personne, assistée de M. Gilles VIGIER

(Délégué syndical ouvrier)





INTIMEE

SA AIR FRANCE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Baudouin DE MOUCHERON, avocat au bar...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 09 Octobre 2014

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/07228

Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 07 Juin 2013 par le Conseil de Prud'hommes de VILLENEUVE SAINT GEORGES - RG n° 214/2012

APPELANTE

Madame [C] [O] épouse [M]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparante en personne, assistée de M. Gilles VIGIER (Délégué syndical ouvrier)

INTIMEE

SA AIR FRANCE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Baudouin DE MOUCHERON, avocat au barreau de PARIS, toque : T03 substitué par Me Carole MAUCCI, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 septembre 2014 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Martine CANTAT, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Nicolas BONNAL, Président

Madame Martine CANTAT, Conseiller

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Nicolas BONNAL, Président et par Madame FOULON, Greffier.

**********

Statuant sur l'appel formé par Madame [C] [O], épouse [M], à l'encontre d'une ordonnance de départage rendue, le 7 juin 2013, par le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges, en sa formation de référé, qui a'dit n'y avoir lieu à référé dans l'affaire qui l'oppose à la SA AIR FRANCE et l'a condamnée aux dépens';

Vu les dernières écritures et observations orales à la barre, en date du 3 septembre 2014, de Madame [C] [O], épouse [M], qui demande à la Cour de':

-infirmer l'ordonnance,

-constater une discrimination syndicale,

-condamner la SA AIR FRANCE au paiement des sommes provisionnelles suivantes':

-17.770,58 euros au titre du préjudice financier causé par «'le non paiement des primes de repas et voiture courrier'» de 2006 à 2012 (jusqu'au mois de novembre),

-1.953,30 euros au titre du préjudice financier causé par le non paiement des primes de repas du mois de décembre 2012 au mois d'août 2013,

-2.712,67 euros au titre de la réparation du préjudice moral,

-2.712,67 euros au titre de la résistance abusive à des décisions de justice,

-1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-assortir les condamnations des intérêts au taux légal, avec capitalisation des intérêts, conformément à l'article 1154 du code civil';

Vu les dernières écritures et observations orales à la barre, en date du 3 septembre 2014, de la SA AIR FRANCE qui demande à la Cour de':

-confirmer l'ordonnance,

-débouter Madame [C] [O], épouse [M], de l'ensemble de ses demandes,

-condamner Madame [C] [O], épouse [M], au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

SUR CE, LA COUR

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [C] [O], épouse [M], a été engagée par contrat à durée indéterminée, par la SA AIR FRANCE, à compter du 16 juillet 2004, en qualité de'personnel navigant commercial.

Elle a été désignée en qualité de déléguée syndicale, au mois d'octobre 2006, puis a été élue en qualité de déléguée du personnel, au mois de février 2007, ainsi qu'au mois de février 2011, et de conseillère prud'homale, au mois de décembre 2008.

Elle a d'abord été affectée sur des vols courts courriers, puis sur des vols longs courriers à compter du mois de décembre 2012.

Elle est toujours en poste.

Elle a saisi, le 24 septembre 2012, le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges, en référé, afin d'obtenir'des dommages et intérêts pour :

-non-paiement d'indemnités de repas et de déplacement,

-discrimination syndicale,

-résistance abusive à des décisions de justice.

Le conseil de prud'hommes'a dit n'y avoir lieu à référé.

Elle a interjeté appel de la décision rendue.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

Sur la discrimination syndicale

Considérant que Madame [C] [O], épouse [M], bénéficie, pour l'exercice de ses activités syndicales et prud'homales, de journées de déprogrammation';

Qu'elle explique que pendant ses journées de déprogrammation, pour exercer ses activités prud'homales, la SA AIR FRANCE ne lui verse ni les indemnités forfaitaires de repas ni les indemnités de déplacement qu'elle aurait perçues si elle avait effectué les vols pour lesquels elle avait été initialement programmée'; qu'elle ajoute que, de même, lorsqu'elle exerce ses mandats électifs elle ne perçoit pas les indemnités forfaitaires de repas ;

Qu'elle fait également valoir qu'elle n'a pas eu d'entretien professionnel annuel entre 2008 et 2012, et aucun depuis 2012';

Qu'elle en conclut que ce non-paiement, qui entraîne une forte diminution de sa rémunération, et le traitement différencié qu'elle subit, caractérisent une discrimination syndicale depuis le mois d'octobre 2006';

Considérant que la SA AIR FRANCE ne conteste pas l'absence de versement de ces deux indemnités à la salariée pendant ses journées de déprogrammation, mais répond qu'elle ne subit aucune discrimination, car ces indemnités, conformément aux textes conventionnels applicables, ne lui sont dues qu'à l'occasion de ses activités en vol ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n°'2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L'3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap';

Que, par ailleurs, l'article L.2141-5 du code du travail interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail';

Que l'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application du principe de non-discrimination, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles, la procédure de référé excluant toutefois le recours à une telle possibilité';

Qu'en effet, une discrimination, au sens des textes précités, est susceptible de caractériser un trouble manifestement illicite, conformément à l'article R.1455-6 du code du travail qui dispose que «'la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite'»';

Considérant qu'il résulte des protocoles d'accord relatifs à l'exercice du droit syndical au sein de la SA AIR FRANCE, dont des extraits sont versés aux débats par cette société, précisément quatre protocoles datés des 22 décembre 1997 et 17 janvier 2000, ou mentionnant qu'ils ont été conclus pour les périodes du 1er mars 2004 au 30 juin 2007, et du 1er avril 2008 au 31 mars 2010, que les crédits d'heures au titre du droit syndical sont exprimés en «'jours de déprogrammation'», et qu'une «'garantie mensuelle de rémunération est assurée en cas de sous-activité vol liée à l'exercice d'un mandat'», laquelle prend, pour le personnel navigant commercial (PNC) relevant d'un régime forfaitaire, «'la forme d'une régularisation à M'+'2 par référence à la moyenne des heures supplémentaires observées des PNC 100'% (utilisation en ligne) par secteur (Long-courrier, Moyen-courrier et Court-courrier) et par spécialité'» (libellé identique aux trois derniers protocoles ci-avant mentionnés, les extraits du premier cité ne comportant aucune stipulation à cet égard)';

Que la situation des indemnités de repas et voiture/courrier pendant ces journées de déprogrammation n'est pas mentionnée dans ces protocoles';

Que Madame [C] [O], épouse [M], produit, à titre d'éléments de fait laissant supposer l'existence de la discrimination alléguée, les statistiques annuelle de la NAO de 2014, afférentes au personnel navigant commercial, qui mentionnent les montants des indemnités moyennes de transport et de repas perçues, en 2013, par chacune des catégories, à l'occasion des vols moyens et longs courriers, qu'elle compare à sa situation personnelle, dont elle justifie la réalité par le versement de ses bulletins de paie et des documents CERFA de demande de remboursement des salaires maintenus pour l'exercice des fonctions prud'homales ;

Qu'elle verse également aux débats les bulletins de paye de deux de ses collègues';

Qu'il y a lieu de retenir que les éléments que celle-ci produit laissent supposer l'existence d'une discrimination';

Considérant que pour démontrer que le non-versement de ces indemnités pour les journées de déprogrammation est étranger à toute discrimination, la SA AIR FRANCE soutient qu'elle respectait les protocoles conclus sur l'exercice du droit syndical, et que les indemnités litigieuses constituent non pas des compléments de rémunération, mais des remboursements de frais qui ne sont dus que lors des activités de vol et pour compenser les frais encourus à cette occasion';

Considérant qu'il résulte des pièces produites par la SA AIR FRANCE que ces indemnités sont dues dans des conditions exclusivement liées à la participation, à ce que les documents internes désignent comme les activités de vol ou les activités liées au courrier, à l'occasion desquelles le personnel navigant commercial quitte sa base d'affectation pour exercer ses fonctions sur un vol de la compagnie';

Que l'indemnité de repas est prévue, dans des termes presque identiques par la convention d'entreprise du personnel navigant commercial applicable à compter du mois de mai 2006, qui s'est substituée aux règlements du personnel navigant commercial en date du 28 janvier 1996 ; qu'elle est due pour les «'repas pris hors de la base d'affectation'», de façon forfaitaire, dès lors que le séjour à l'escale recouvre l'heure des repas, dans les conditions précises que ces textes détaillent'; qu'elle est également due à la base d'affectation, lorsque l'heure de départ ou d'arrivée correspond à l'heure d'un repas'; qu'elle n'est, pas contre, pas due en vol «'lorsqu'un repas fait l'objet de prestations embarquées'»';

Que l'indemnité que les parties dénomment voiture/courrier est prévue par une note du 29 mai 1974 résultant d'un procès-verbal de conciliation (faisant suite à un différend opposant les parties au sujet du transfert des activités sur l'aéroport de [Localité 1]) et spécialement par son annexe 6 intitulée «'transport domicile-aéroport pour une activité vol'» qui prévoit une indemnité calculée en fonction de la distance entre le domicile et l'aéroport, dans des limites et selon des modalités qu'elle précise';

Qu'il résulte de ces documents que ces deux indemnités ne sont dues qu'en cas de participation effective à une activité de vol entraînant des frais qui sont ainsi compensés';

Que, dans son attestation produite par la SA AIR FRANCE, Madame [Z], responsable du service de gestion et paiement du personnel navigant, confirme que ce personnel ne perçoit pas d'indemnités de repas lorsqu'il est immobilisé au sol pour raison de formation, de visite médicale ou de réserve ;

Qu'aucune des autres pièces produites (notamment les bulletins de paye de deux autres salariés que Madame [C] [O], épouse [M], verse aux débats) ne révèle que l'une ou l'autre de ces indemnités serait versée au personnel navigant commercial à l'occasion de journées de travail n'incluant pas d'activité de vol';

Considérant que la SA AIR FRANCE rappelle, sans être contredite, qu'en application des protocoles d'accord centraux et locaux relatifs à l'exercice du droit syndical et aux mandats électifs individuels, elle verse déjà à la salariée, dans le cadre de l'exercice de ses mandats, des indemnités kilométriques, ou l'indemnise pour avoir effectué des trajets avec son véhicule personnel';

Considérant que le fait de ne pas avoir eu d'entretien professionnel annuel entre 2008 et 2012, et aucun depuis 2012, ne caractérise pas, à lui seul, une discrimination syndicale';

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le non-versement des deux indemnités litigieuses à Madame [C] [O], épouse [M], pendant ses journées de déprogrammation ne constitue pas une discrimination syndicale qui caractériserait, en cet état de référé, un trouble manifestement illicite';

Sur les demandes en paiement provisionnel

Considérant que l'article R.1455-7 du code du travail dispose que «'dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire'»';

Qu'au cas présent, les créances dont se prévaut Madame [C] [O], épouse [M], se heurtent à une contestation sérieuse, compte tenu de l'absence du trouble manifestement illicite allégué sur lequel elle les fonde, absence qui résulte de ce qui précède';

Qu'il y a lieu de débouter Madame [C] [O], épouse [M], de ses demandes de condamnation de la SA AIR FRANCE au paiement de dommages et intérêts pour non-paiement d'indemnités de repas et de déplacement, pour discrimination syndicale et pour résistance abusive à des décisions de justice';

Que la décision déférée sera, en conséquence, confirmée, en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de condamnation de la SA AIR FRANCE à des dommages et intérêts provisionnels';

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens qu'elles ont dû exposer pour la procédure de première instance et d'appel';

Qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance qui a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile'pour la procédure de première instance et de dire que les demandes fondées sur cet article, pour la procédure d'appel, doivent être rejetées';

Considérant qu'il y a lieu de condamner Madame [C] [O], épouse [M], aux dépens de première instance (en confirmant l'ordonnance) et d'appel';

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions';

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel';

Condamne Madame [C] [O], épouse [M], aux dépens de la procédure d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 13/07228
Date de la décision : 09/10/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°13/07228 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-09;13.07228 ?
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