RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 09 octobre 2014
(n° 6, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/07825
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 avril 2011 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 11-00976
APPELANTE
CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE PARIS
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 3]
représentée par Mme [T] en vertu d'un pouvoir général
INTIMEE
Madame [S] [Q]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Olinda PINTO, avocat au barreau de PARIS, toque : E0168
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/046538 du 21/11/2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 1]
[Localité 2]
avisé - non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Juin 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Marion MELISSON, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Fatima BA, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Mme [S] [Q], de nationalité camerounaise, qui assume la charge de trois enfants, a sollicité le 4 octobre 2009 le bénéfice des prestations familiales en faveur de ses fils [N] et [D] et de l'allocation d'éducation pour enfant handicapé en faveur du premier.
Les deux enfants nés les [Date naissance 1] 2001 et [Date naissance 2] 2004 au Cameroun sont entrés en France sans respecter la procédure de regroupement familial.
Les prestations ont donc été refusées à Mme [S] [Q] par la caisse d'allocations familiales de Paris (la caisse) et la commission de recours amiable a confirmé ce rejet.
Mme [S] [Q] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociales de Paris lequel par jugement du 27 avril 2011 a ordonné à la caisse de procéder au réexamen et liquider ses droits au titre des prestations familiales et notamment au titre de l'allocation d'éducation pour enfant handicapé à compter du mois de novembre 2009.
La caisse a régulièrement interjeté appel de cette décision.
A l'audience, par la voix de sa représentante, elle soutient oralement des conclusions aux termes desquelles elle demande l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a dit que les droits aux prestations familiales étaient ouverts en faveur d'[N] et [D] à compter de novembre 2009.
Elle fait valoir pour l'essentiel que Mme [S] [Q] n'ayant pas fourni le certificat médical exigé à l'article D.512-2 du code de la sécurité sociale et ne relevant pas des exceptions prévues par le décret du 27 février 2006, ne pouvait bénéficier des prestations familiales en faveur de ses fils [N] et [D].
Elle se prévaut des arrêts rendus par la Cour de cassation le 3 juin 2011 pour avancer que les nouvelles dispositions législatives revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité d'un Etat démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants et ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Mme [S] [Q] fait plaider par son conseil des conclusions aux termes desquelles elle demande la confirmation du jugement et la condamnation de la caisse à lui verser 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle fait valoir pour l'essentiel que les prestations familiales satisfont l'intérêt supérieur de l'enfant et que le fait de subordonner leur bénéfice à l'entrée en France dans le cadre d'une procédure de regroupement familial constitue une discrimination contraire aux engagements internationaux pris par la France et incompatible avec le droit communautaire.
Selon elle, ajouter une condition de régularité de l'entrée et du séjour des enfants en plus de celle concernant ses parents est prohibé notamment par la Convention internationale des droits de l'enfant et la Convention européenne des droits de l'homme.
Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est fait référence aux conclusions des parties régulièrement communiquées, oralement soutenues et visées par le greffe à l'audience du 6 juin 2014 pour l'exposé de leurs demandes, moyens et arguments.
SUR QUOI,
LA COUR :
Considérant qu'il résulte de l'article L.512-2 du code de la sécurité sociale, modifié par l'article 89 de la loi du 19 décembre 2005, que les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne, d'un Etat partie à l'accord sur l'espace économique européen ou de la Confédération suisse et séjournant régulièrement en France bénéficient des prestations familiales pour les enfants qui sont à leur charge, sous réserve qu'il soit justifié de la régularité du séjour de ces enfants en France ;
Considérant que l'article D 512-2 du code de la sécurité sociale dispose que la régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers non nés en France, au titre desquels, celui les ayant à sa charge demande des prestations familiales, est justifiée notamment par la production, soit du certificat de contrôle médical de l'enfant délivré à l'issue de la procédure d'introduction ou d'admission au séjour au titre du regroupement familial, soit de l'attestation délivrée par l'autorité préfectorale précisant que l'enfant est entré en France au plus tard en même temps que l'un de ses parents admis au séjour sur le fondement du 7° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) ou du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié;
Considérant qu'en l'espèce Mme [S] [Q] n'a pas obtenu son admission en France sur le fondement du 7° de l'article L 313-11 du Ceseda et que ses fils [N] et [D] sont entrés en France en dehors de la procédure de regroupement familial, ne disposaient pas du certificat de contrôle médical requis alors que depuis le 1er janvier 2006, date d'entrée en vigueur de la loi n° 2005 - 1579 du 19 décembre 2005, le versement des prestations familiales est subordonné à la production d'un document de séjour personnel à l'enfant, clairement défini;
Considérant que l'exigence de ce certificat de contrôle médical répond tant à l'intérêt de la santé publique qu'à l'intérêt de la santé de l'enfant ; qu'un tel certificat permet, en effet, de vérifier que l'enfant disposera en France des conditions d'existence lui garantissant de mener une vie familiale normale et d'assurer sa protection ;
Considérant que les dispositions des articles L 512-2 et D 512-2 sont objectivement et raisonnablement justifiées par la nécessité dans un Etat démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants ;
Considérant que l'obligation de fournir des documents spécifiques délivrés à l'issue de la procédure de regroupement familial ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne constitue pas une discrimination prohibée par l'article 14 de la même Convention ; que ces dispositions ne méconnaissent pas non plus l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant;
Considérant que dans ces conditions, que c'est à tort que les premiers juges ont reconnu à Mme [S] [Q] des droits aux prestations familiales à compter de novembre 2009 au titre des enfants [N] et [D] nés les [Date naissance 1] 2001 et [Date naissance 2] 2004 au Cameroun qu' il convient d'infirmer la décision entreprise ;
Considérant qu'au regard de la situation respective des parties, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions sur la charge des frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Déclare la Caisse d'allocations familiales de Paris recevable et bien fondée en son appel ;
Infirme le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau :
Déboute Mme [S] [Q] de sa demande de versement des prestations familiales notamment au titre de l'allocation d'éducation pour enfant handicapé à compter de novembre 2009 en faveur des enfants [N] et [D] nés les [Date naissance 1] 2001 et [Date naissance 2] 2004 au Cameroun;
Déboute Mme [S] [Q] de ses autres demandes.
Le Greffier, Le Président,