Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRÊT DU 08 OCTOBRE 2014
(n° 312 , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/15684
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Juillet 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/16499
APPELANTS:
Monsieur [J] [E] en sa qualité d'héritier et d'attributaire de la communauté en suite du décès de son épouse, Madame [C] [E] née [L],
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Joëlle VALLET-PAMART, avocat au barreau de PARIS, toque : D1476
Assisté de Me Laurent COUTELIER, avocat au barreau de TOULON
Monsieur [W], [P], [Y] [E] en sa qualité d'héritier de Madame [C] [E] née [L],
[Adresse 5]
[Localité 5]
Représenté par Me Joëlle VALLET-PAMART, avocat au barreau de PARIS, toque : D1476
Assisté de Me Laurent COUTELIER, avocat au barreau de TOULON
Monsieur [S], [T] [E] en sa qualité d'héritier de Madame [C] [E] née [L],
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Joëlle VALLET-PAMART, avocat au barreau de PARIS, toque : D1476
Assisté de Me Laurent COUTELIER, avocat au barreau de TOULON
INTIMES :
MINISTERE PUBLIC
[Adresse 2]
[Localité 4]
A qui l'affaire a été communiqué
AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT pris en la personne de son représentant légal y domicilié
[Adresse 4]
[Localité 6]
[Localité 3]
Représenté par Me Sandrine BOURDAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0709
Assisté de Me MAURICE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0709
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Juin 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Jacques BICHARD, Président et Madame Sylvie MAUNAND, Conseiller
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Jacques BICHARD, Président
Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère
Madame Marie Sophie RICHARD, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Déborah TOUPILLIER
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mademoiselle Sabine DAYAN, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
xxxx
M. [S] [L] a acquis l'île de Porquerolles située dans le département du Var le 22 février 1912. En 1935, à la suite de son décès, l'île a été partagée entre ses héritiers dont Mme [C] [L] épouse [E]. Les héritiers ont souhaité céder une partie de leurs droits immobiliers et ont pris attache avec des personnes privées constituées en un ' groupe de Porquerolles' qui a proposé une somme de 60 millions de francs jusqu'à ce que l'Etat, le 29 octobre 1969, fasse part de son intérêt pour l'île à raison de ses caractéristiques écologiques, animales et végétales appelant une protection particulière.
Afin de pouvoir concurrencer les propositions faites par les candidats privés, l'Etat a proposé, en cas de cession à son profit, de s'engager à garantir 'un droit de construire' sur les parcelles dont les héritiers resteraient propriétaires.
Le 21 décembre 1970, une promesse de vente a été consentie à l'Etat représenté par le directeur des services fiscaux du Var par Mme [E]. Par cet acte, il a été stipulé qu'elle cédait pour le prix de 9.700.000 francs (1.478 755,47 euros) un ténement immobilier d'une superficie de 320 ha 51 a 75 ca soit 75% de la superficie totale de l'île ainsi que certains droits à construire sans que cette cession ait pour effet de conférer à l'Etat la possibilité de construire sur les terrains vendus.
Par acte d'acquisition amiable du 14 mai 1971, Mme [E] a cédé à l'Etat représenté par le Préfet du Var la propriété des parcelles d'une superficie de 320 ha 65 a et 75 ca et une partie des droits à construire attachés aux parcelles conservées en toute propriété pour une superficie de 52 ha.
Par arrêté ministériel du 30 avril 1974, les terrains ainsi acquis par l'Etat ont été affectés au ministère chargé de la protection de la nature en vue de la création d'un parc national.
Le plan d'occupation des sols a été rendu public le 30 novembre 1982 et approuvé le 27 septembre 1985. Aux termes de celui-ci, l'île a été classée en zone inconstructible en raison de sa valeur environnementale.
Mme [E], Mme [F] et Mme [D] s'étant vu opposer chacune un refus de permis de construire les 29 mars 1974, 3 juin 1976 et 6 janvier 1978, la première a demandé au Préfet du Var, par lettre du 9 décembre 1980, de leur assurer que les engagements souscrits par l'Etat dans le cadre du contrat conclu pour la vente de la plus grande partie de sa propriété de l'île seraient respectés en ce qui concerne ses droits à construire sur la partie non vendue ou à défaut que la somme de 7.000.000 francs (1.067 143,12 euros) lui soit versée en réparation du préjudice subi.
Le Préfet du Var n'ayant pas répondu, Mme [E] a saisi le 9 juin 1981, le tribunal administratif de Nice d'un recours de plein contentieux dirigé contre cette décision implicite de rejet.
Le 8 juin 1983, le tribunal administratif a écarté cette demande d'annulation de la décision implicite de rejet et celle de condamnation de l'Etat au paiement de la somme de 7 millions de francs en réparation du préjudice résultant du refus de respecter ses engagements.
Par une décision du 10 mars 1989, le Conseil d'Etat a annulé le jugement en ce que celui-ci avait rejeté les conclusions indemnitaires et ce après avoir estimé que leur examen ne ressortait pas de la compétence du juge administratif. Le surplus des conclusions de la requête a été rejeté.
Le 9 décembre 1994, Mme [L] épouse [D] a assigné l'Etat en résolution de l'acte de vente signé le 4 mai 1971 à ses torts exclusifs et aux fins de le voir condamner à lui verser la somme de 12.000.000 francs (1.829.388,21 euros) à titre de dommages intérêts, d'obtenir la compensation avec la restitution du prix de vente des terrains et le paiement de la somme de 6.500.000 francs (990.918,61 euros) et en méconnaissance de l'engagement qu'il avait pris de garantir les droits résiduels à construire acquis sur les parcelles au jour de la vente. Elle a, en outre, argué d'un manquement au devoir de conseil du préfet.
Le 27 décembre 1994, Mme [C] [L] épouse [E] a également assigné l'Etat afin d'obtenir la résolution à ses torts exclusifs de l'acte de vente signé le 14 mai 1971 ainsi que sa condamnation au paiement de la somme de 21.000.000 francs (3.201.429,36 euros) à titre de dommages intérêts , d'obtenir la compensation avec la restitution du prix de vente des terrains et le paiement de la somme de 11.300.000 francs (1.722.673,89 euros) sur le fondement de la méconnaissance de l'engagement pris par l'Etat de garantir les droits résiduels à construire acquis sur les parcelles au jour de la vente.
Par jugement du 13 décembre 1999, le tribunal de grande instance de Toulon a, après avoir constaté que Mmes [D] et [E] avaient renoncé à leur demande en résolution judiciaire des actes de vente signés les 4 et 14 mai 1971, dit que ces derniers n'avaient pas eu pour effet d'accorder des droits à construire autres que ceux découlant des lois et règlements en vigueur.
Elles ont interjeté appel et la Cour d'appel d'Aix en Provence, par arrêt du 26 mai 2005, a confirmé le jugement en toutes ses dispositions.
Par arrêt du 19 novembre 2006, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a rejeté les pourvois formés par Mmes [D] et PRODOMIDES contre l'arrêt rendu le 26 mai 2005 en estimant que la Cour d'appel avait correctement jugé 'par une interprétation souveraine exclusive de dénaturation des termes des actes de vente que leur ambiguÏté rendait nécessaire et sans dénaturation de l'étude d'impact, que l'Etat avait consenti la possibilité de construire en fonction de la réglementation applicable au moment de l'échange des consentements sans garantir des droits à construire définitifs quelle que put être l'évolution ultérieure des règles d'urbanisme' ;
Les consorts [F] et [D] ont alors saisi les 24 avril et 5 juin 2007 la Cour européenne des droits de l'homme sur le fondement de l'article 34 de la convention. Les requérants ont aussi reproché à l'Etat sur le fondement de l'article 1er du protocole additionnel n°1 de ne pas avoir respecté ses engagements contractuels en ne leur garantissant pas l'exercice effectif des droits à construire sur les terrains qu'ils avaient conservés. Mme [D] a aussi invoqué l'absence de procès équitable et allégué avoir été victime de discrimination injustifiée au sens de l'article 14 du fait d'une privation du droit légitime à une information préalable et objective sur les conditions contenues dans les actes de vente conclus avec l'Etat.
Par un arrêt du 18 novembre 2010, la Cour a dit qu'il y avait eu violation de l'article 1er du protocole additionnel n°1 et a condamné l'Etat à verser la somme de 800.000 euros aux consorts [F] et celle de 700.000 euros à Mme [D] en réparation de leur préjudice matériel accordant, en outre une somme de 10.000 euros à Mme [D] et une somme de 3.000 euros à chacun des autres requérants au titre du préjudice moral.
Monsieur [J] [E] a, par acte du 13 octobre 2011, fait assigner l'Etat sur le fondement de l'article L141-1 du code de l'organisation judiciaire en indemnisation devant le tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 10 juillet 2013, a reçu l'intervention volontaire de Messieurs [S] et [W] [E] et a débouté les demandeurs de l'intégralité de leurs prétentions.
Ceux-ci ont interjeté appel et par conclusions du 27 mai 2014, ils demandent à la cour d'infirmer le jugement, de dire que l'Etat a engagé sa responsabilité à leur égard du fait du dysfonctionnement du service public de la justice et de condamner l'Etat à payer à M.[J] [E] la somme de 1.234.545 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation avec capitalisation en application de l'article 1154 du code civil outre une somme de 10.000 euros au prorata de leurs droits successifs au titre du préjudice moral et celle de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, pour le cas où le droit à indemnisation ne serait pas considéré comme faisant partie de la communauté universelle d'allouer ces sommes aux consorts [E].
L'agent judiciaire de l'Etat, par conclusions du 21 novembre 2013, sollicite la confirmation du jugement et la condamnation in solidum des appelants à lui verser la somme de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Le ministère public, par conclusions du 23 mai 2014, demande aussi à la Cour de confirmer le jugement entrepris.
SUR CE, LA COUR
Considérant que les consorts [E] allèguent l'existence d'une faute lourde dans le fonctionnement du service public de la justice eu égard à la violation de l'article 1er du protocole additionnel n°1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et estiment qu'un déni de justice a été commis au regard du temps écoulé entre la date du recours gracieux devant le Préfet du Var le 9 décembre 1980 et la décision de la Cour de cassation du 19 décembre 2006 ;
Considérant que l'agent judiciaire de l'Etat oppose à la demande la prescription quadriennale ;
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription quadriennale :
Considérant que l'article 1er de la loi n°68 -1250 de la loi du 31 décembre 1968 modifiée relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics dispose que :'Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis...';
Considérant que l'article 3 de ce même texte énonce que ' la prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure , ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement.' ;
Considérant que les appelants soutiennent d'abord que cette prescription quadriennale n'est pas conforme à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'Etat bénéficierait d'une prescription plus longue pour agir que ses créanciers ;
Considérant d'une part, les articles 1er, 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968 modifiée ont été édictés dans un but d'intérêt général en vue notamment de garantir la sécurité juridique des collectivités publiques en fixant un terme aux actions dirigées contre elles, sans préjudice des droits qu'il est loisible aux créanciers de faire valoir dans les conditions et délais fixés par ces textes ; que, par suite, ceux-ci ne peuvent être regardés comme portant atteinte au droit à un procès équitable, et notamment pas au principe de l'égalité des armes, énoncé par les stipulations du 1° de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel n'est pas absolu et peut se prêter à des limitations, notamment en ce qui concerne les délais dans lesquels les actions peuvent être engagées ;
Considérant d'autre part que si le souci d'apurer de manière prompte les dettes de l'Etat et d'éviter de surcharger son budget de dépenses imprévues ne saurait justifier, sans rompre le nécessaire équilibre devant exister entre la protection de la propriété privée et les exigences de l'intérêt général et par suite, sans méconnaître les dispositions conventionnelles susvisées, le fait que le délai de prescription opposable aux créances ordinaires de l'Etat en vertu de l'ancien article 2227 du code civil et fixé à trente ans, en matière de responsabilité contractuelle, par les dispositions de l'ancien article 2262 du même code, ait été six à sept fois supérieur au délai durant lequel les consorts [E] auraient pu faire valoir leur propre créance, il convient de relever qu'au jour où la Cour statue, le nouveau délai de prescription de cinq ans prévu à l'article 2224 du code civil instituée par la loi du 17 juin 2008 entrée en vigueur le 19 juin 2008, coexiste avec celui de la prescription quadriennale ; que la durée de ces prescriptions est quasi-identique et qu'il ne peut être soutenu dès lors que l'application à la créance des consorts [E] de cette prescription quadriennale est incompatible avec les dispositions de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il convient de rechercher le point de départ de cette prescription quadriennale pour apprécier si elle est acquise ;
Considérant que cette prescription commence à courir le premier jour suivant l'année au cours de laquelle s'est produit le fait générateur du dommage allégué ;
Considérant que les appelants déclarent avoir été victimes d'un déni de justice au regard du temps écoulé entre la date du recours gracieux devant le préfet du Var et la décision de la Cour de Cassation du 19 décembre 2006 soit 26 années ;
Considérant dès lors qu'à compter de cette décision, les consorts [E] connaissaient l'événement qui était à la source de leur dommage ; que le point de départ du délai était donc le 1er janvier 2007 et qu'il leur appartenait d'agir avant le 1er janvier 2011; qu'en assignant l'Etat le 13 octobre 2011 à raison d'un déni de justice constaté dès le 19 décembre 2006, l'action ainsi engagée était prescrite de ce chef ;
Considérant que les appelants se plaignent aussi de la faute lourde du service public de la justice qui a violé les dispositions de l'article 1er du protocole additionnel de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales;
Considérant qu'ils exposent être restés dans l'ignorance de leur créance jusqu'à l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 18 novembre 2010 disant qu'il y avait eu violation de l'article 1er du protocole additionnel de la convention et condamnant l'Etat français au paiement de sommes au profit des consorts [F] et de Mme [D] ; qu'ils considèrent que cette décision a révélé la faute lourde commise antérieurement par les juridictions françaises ;
Considérant la décision de la cour européenne ne constitue pas un fait interruptif de prescription mais le point de départ de la prescription quadriennale dès lors que les consorts [E] ne pouvaient considérer antérieurement qu'une violation de l'article 1er du protocole additionnel n°1 pouvait être retenue à l'encontre de l'Etat français ;
Considérant dès lors que l'assignation introductive d'instance datant du 13 octobre 2011 et la décision de la cour européenne étant du 18 novembre 2010, le délai de quatre ans n'était pas écoulé à compter du 1er janvier 2011 ; que l'action des consorts [E] du chef de la faute lourde n'est pas prescrite ;
Considérant que le jugement qui a, à tort, débouté les consorts [E] de leur demande du fait de la prescription de l'action alors qu'il aurait du constater l'irrecevabilité partielle de la demande, sera infirmé de ce chef ;
sur la faute lourde reprochée à l'Etat du chef du fonctionnement défectueux du service public de la justice :
Considérant qu'aux termes de l'article L 141-1 du Code de l'organisation judiciaire, seule la faute lourde du service de la justice peut permettre de retenir la responsabilité de l'Etat;
Considérant que constitue une faute lourde toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ;
Considérant que les appelants font grief à l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix en Provence d'avoir motivé sa décision en disant que l'article 1er du protocole additionnel était inapplicable en l'espèce dans la mesure où il y a eu vente de gré à gré et non expropriation par la puissance publique ; qu'ils reprochent à la Cour de cassation d'avoir aussi violé ce texte et de ne pas avoir cassé l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix en Provence ;
Considérant qu'il convient de rappeler que l'inaptitude du service public à remplir la mission de service public de la justice dont il est investi ne peut être apprécié que dans la mesure où l'exercice des voies de recours n'a pas permis de réparer le mauvais fonctionnement allégué ;
Considérant que l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix en Provence a fait l'objet d'un pourvoi devant la Cour de cassation ; que la Cour constate que la Cour de cassation a été saisi de trois moyens de cassation à l'encontre de cette décision ;
Considérant que le premier faisait grief à l'arrêt de ne pas avoir satisfait aux exigences des articles 453 et 454 du code civil, le deuxième visait une violation de l'article 1134 du code civil et le troisième contestait une disposition de l'arrêt et en demandait la cassation par voie de conséquence ;
Considérant qu'il résulte de cet examen qu'aucun des moyens soumis à la Cour de cassation n'a évoqué une violation de l'article 1er du protocole additionnel de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que la Cour de cassation qui ne répond qu'aux moyens qui sont soulevés devant elle et uniquement à ceux-ci n'a donc pas statué sur la question de cette violation ; que les appelants qui n'ont donc pas critiqué devant la juridiction suprême la décision de la Cour d'appel de ce chef et n'ont pas, de ce fait, exercé toutes les voies de recours qu'ils avaient à disposition, ne peuvent venir invoquer une faute de la Cour d'appel ou de la Cour de cassation au titre d'une telle violation ;
Considérant qu'il s'ensuit qu'aucune faute ne peut être reprochée aux juridictions françaises et a fortiori aucune faute qui pourrait être qualifiée de lourde ;
Considérant que les consorts [E] ne peuvent qu'être déboutés de leur demande d'indemnisation de ce chef ;
Considérant que l'équité commande de faire droit à la demande de l'agent judiciaire de l'Etat présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer la somme visée de ce chef au dispositif de la présente décision et au paiement de laquelle les consorts [E] sont condamnés ;
Considérant que, succombant, les appelants ne sauraient prétendre à l'allocation d'une somme au titre des frais irrépétibles et doivent supporter les entiers dépens de l'instance ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a reçu l'intervention volontaire de Messieurs [W] et [S] [E] ;
Statuant à nouveau :
Dit que l'action engagée par Messieurs [J], [W] et [S] [E] à l'encontre de l'agent judiciaire de l'Etat à raison d'un déni de justice est irrecevable comme prescrite ;
Dit que l'action engagée par Messieurs [J], [W] et [S] [E] à l'encontre de l'agent judiciaire de l'Etat à raison d'une faute lourde liée au fonctionnement défectueux du service public de la justice est recevable ;
Déboute Messieurs [J], [W] et [S] [E] de leurs demandes liées à cette action ;
Condamne in solidum Messieurs [J], [W] et [S] [E] à payer à l'agent judiciaire de l'Etat la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande de Messieurs [J], [W] et [S] [E] présentée au titre des frais irrépétibles ;
Condamne in solidum Messieurs [J], [W] et [S] [E] aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés par Maître BOURDAIS, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,