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02/10/2014 | FRANCE | N°10/04694

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 02 octobre 2014, 10/04694


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 02 Octobre 2014



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/04694



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Mars 2010 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section Encadrement - RG n° 09/00247





APPELANTE

Madame [I] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparante en personne,

assistée de Me Miche

l HENRY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0099





INTIMEE

SAS MONIER venant aux droits de la société LAFARGE COUVERTURE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Mme [A] [G] (R...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 02 Octobre 2014

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/04694

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Mars 2010 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section Encadrement - RG n° 09/00247

APPELANTE

Madame [I] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparante en personne,

assistée de Me Michel HENRY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0099

INTIMEE

SAS MONIER venant aux droits de la société LAFARGE COUVERTURE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Mme [A] [G] (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir spécial

assistée de Me Olivier JOSE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN751,

PARTIE INTERVENANTE :

DEFENSEUR DES DROITS- MISSION DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS ET POUR L'EGALITE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté par Me Ludiwine MOINAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1644

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Juillet 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Patrice LABEY, Président de chambre

Monsieur Bruno BLANC, Conseiller

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Patrice LABEY, Président, et par Melle Laëtitia CAPARROS, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS-PROCÉDURE-PRÉTENTIONS :

Madame [I] [S] est entrée au service de la Société MONIER, filiale de la société Lafarge Couverture le 4 avril 2007 en qualité de Directrice Supply Chain, statut cadre, catégorie IV de la convention collective nationale des industries de carrières et matériaux applicable. Elle était membre du Comité de Direction.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 Novembre 2008 Madame [I] [S] a été convoquée à un entretien préalable à licenciement, l'entretien

étant fixé au 14 novembre 2008.

Le 7 novembre 2008 Madame [I] [S] a adressé un courrier à son employeur lequel se concluait en ces termes : " Je prends donc d'ores et déjà par la présente, acte de la rupture illicite de mon contrat de travail, votre décision étant prise avant même le lancement de la procédure".

Le 14 novembre 2008, l'employeur a indiqué à Mme [U] qui avait poursuivi son activité, qu'en raison de sa prise d'acte de rupture, toute mesure de licenciement devenait inopérante et qu'il considérait sa prise d'acte infondée et l'assimilait donc à une démission. Il la dispensait d'exécuter la fin de son préavis par courrier du 19 novembre 2008 et réglait son salaire jusqu'au 12 février 2009.

Madame [I] [S] a saisi le conseil de prud'hommes de PARIS le 9 janvier 2009 et, dans le dernier état de la procédure, a fait les demandes suivantes :

- A titre principal :

- Salaire(s) 61 978 euros,

- Congés payés afférents 6 198 euros,

- Rappel d'indemnité de préavis 4 338,36 euros,

- Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis 433,83 euros,

- Indemnité de licenciement conventionnelle 10 833 euros,

- Dommages et intérêts pour rupture abusive et discriminatoire 200 000 euros,

- A titre subsidiaire :

- Rappel d'indemnité de préavis 4 338,36 euros,

- Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis 433,83 euros,

- Indemnité de licenciement 7 225 euros,

- Dommages et intérêts pour rupture abusive 200 000 euros,

- Article 700 du Code de Procédure Civile 3 000 euros,

- Remise des certificat de travail, bulletin(s) de paie et 'attestation d'employeur destinée au Pôle Emploi.

La cour est saisie d'un appel régulier de Madame [I] [S] du jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 3 mars 2010 qui a :

- Dit que la prise d'acte de rupture revêt les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- Condamné la SAS MONIER à verser à Madame [I] [S] les sommes suivantes :

*7225 euros à titre d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de

conciliation .

* 7225 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,

* 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Débouté Madame [I] [S] du surplus de ses demandes,

- Débouté la SAS MONIER de sa demande reconventionnelle,

- Condamne la SAS MONIER aux dépens.

Vu les conclusions d'appel de Mme [S] née [U], visées par le greffe le 03 juillet 2014, développées à l'audience au soutien de ses observations, par lesquelles elle demande à la cour de :

- Réformer le jugement du Conseil de prud'hommes de Paris;

- Dire que la salariée n'a pas pris acte de la rupture du contrat de travail ;

- Dire que la rupture du contrat de travail s'analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Dire et juger qu'elle a été victime d'une discrimination sexiste en matière de salaire ;

- Dire qu'elle aurait dû percevoir une rémunération mensuelle de 10 833 euros ;

- Condamner la Société SAS Monier à lui payer les sommes suivantes :

' 118 510 euros à titre de rappels de salaire,

' 11 851 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire,

' 14 910 euros à titre de rappel de salaires sur préavis, soit 13 jours, calculés sur la base de 21,65 jours travaillés par mois et un salaire brut mensuel de 10.833 euros,

' 1 491euros à titre de congés payés sur rappel de salaires sur préavis,

' 12 711 euros à titre d'indemnité de licenciement,

' 200.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et discriminatoire du contrat de travail,

' 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail ;

- Condamner la Société SAS Monier à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Condamner la Société SAS Monier aux entiers dépens.

Vu les conclusions de la société MONIER intimée, venant aux droits de la société Lafarge,

visées par le greffe le 03 juillet 2014, développées à l'audience au soutien de ses observations, par lesquelles elle demande à la cour de :

A titre principal :

- Confirmer le jugement rendu en ce que le Conseil de Prud'hommes a constaté que Madame [I] [S] a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 7 novembre 2008,

- Infirmer le jugement rendu pour le surplus et constater que la prise d'acte de rupture de Madame [I] [S] était infondée.

En conséquence,

- dire et juger qu'à défaut pour Madame [I] [S] de caractériser des manquements de son employeur à ses obligations contractuelles élémentaires, cette prise d'acte produit les effets d'une démission.

En conséquence,

- Débouter Madame [I] [S] l'ensemble de ses demandes,

- Condamner Madame [I] [S] à rembourser les sommes qui lui ont été versées au titre de l'exécution provisoire.

A titre subsidiaire :

- Dire et juger que Madame [I] [S] n'a pas été victime de discrimination.

En conséquence,

- Débouter cette dernière de l'ensemble de ses demandes tendant à des

rappels de salaires ainsi que sa demande de mesures avant dire droit,

A titre reconventionnel :

- Condamner Madame [I] [S] à rembourser à son ancien employeur les sommes qui lui ont été versées au titre de l'exécution provisoire soit une somme de 7687,56 euros,

- Condamner Madame [I] [S] à payer à son ancien employeur la somme de 3500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Défenseur des Droits a déposé ses observations écrites à l'audience.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs écritures visées par le greffe le 23 mai 2014, auxquelles elles se sont référées et qu'elles ont soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRÊT:

Sur la discrimination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de 1 ' article L.3221 -3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, déformation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap ;

Que selon l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27mai 2008 portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations :

- constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable,

- constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,

- que la discrimination inclut tout agissement lié à l'un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant ;

Considérant que l'article L.l 134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1 er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Qu'il s'en suit qu'il appartient à Madame [I] [S] de présenter des éléments de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination direct ou indirecte; que pour se faire la salariée se borne à alléguer une discrimination sexiste caractérisée par rapport aux membres du comité de direction dont elle faisait partie au même titre que Monsieur [C], Monsieur [L], Monsieur [T], Monsieur [W], Monsieur [J] ainsi que le fait que son salaire n'aurait pas été en conformité avec le salaire d'usage dans la profession;

Considérant, cependant, que Madame [I] [S] n'apporte aucun élément de comparaison lui permettant d'affirmer l'exécution d'un travail égal au Président de la société, ou aux autres membres du comité de direction à savoir le directeur Commercial, le directeur Administratif et Financier, le directeur des Ressources Humaines, le directeur Industriel;

Qu'en outre, arrivée au sein de la société MONIER en avril 2007, elle ne pouvait prétendre ( moins d'une année après cette arrivée ) percevoir une rémunération identique à celle des autres membres du Comité de Direction ayant une ancienneté supérieure;

Qu'il sera fait observer que le niveau de rémunération ( 85Keuros en fixe annuel + Bonus (30% de la rémunération fixe annuelle pour une réalisation à 100% des objectifs) était cohérent au regard de son parcours professionnel et académique :

niveau DEUG puis 17 ans chez 3M (agent service client pour débuter et terminer à une fonction de responsable logistique Europe), 3 ans comme Directrice projets supply chain au sein du groupe PPR, 1 an seulement en tant que directrice supply chain au Printemps et enfin 3 ans en tant que consultante indépendante;

Que Madame [I] [S] lors de sa prise de fonction chez Lafarge Couverture, ne rapporte pas la preuve qu'elle possédait une véritable expérience professionnelle sur la fonction de Directeur supply chain;

Que les conditions de son embauche, lors de son acceptation, semblaient parfaitement lui convenir ainsi que cela ressort du courriel en date du 15 mars 2007 dans lequel Madame [I] [S] accepte la proposition de contrat faite par le futur employeur;

Que le libre débat de la rémunération résulte également de la lettre d'acceptation de Madame [I] [S] en date du 15 mars 2007 dans laquelle elle indique : " Conformément à ce dont nous avons convenu, vous trouverez ci-joint la proposition d'embauche au poste de directrice Suplly Chain que vous m'avez remise hier, dûment signée et approuvée...";

Considérant que l'employeur établit que la salariée a bénéficié d'une revalorisation salariale de 2% au 1 er janvier 2008, soit seulement 9 mois après son embauche dans la société ;

Considérant que la salariée bénéficiait d'une classification conventionnelle de catégorie IV, niveau le plus haut de la classification conventionnelle alors qu'il est établi que d'autres membre du Comité de Direction comme le Directeur des Ressources Humaines et le Directeur Administratif et Financier avaient une classification Illa.

Que certains membres dudit comité étaient classifiés catégorie III (comme Messieurs [X], [L], [T] ) alors que des cadres non membres du Comité de Direction étaient classifiés en catégorie IV (comme Monsieur

VAGO, Directeur Informatique);

Qu'ainsi cette classification ne révèle aucune identité de travail, ou de responsabilités ;

Que la SAS Monier venant aux droits de la société Lafarge Couverture justifie qu'à l'arrivée de Madame [I] [S] dans l'entreprise, l'un des membres du Comité de Direction était également une femme : Madame [K] [O], directrice Administration et Finance, classée Hay 20 et que cette dernière percevait un salaire de 103 056 €, soit un salaire supérieur à plusieurs de ses homologues masculins du Comité de Direction ainsi que cela ressort des pièces comptables produites par l'employeur;

Que cette circonstance établit l'absence de volonté de la société MONIER de discriminer au regard de leur sexe ses salariés, mais également que par nature, les fonctions transversales que représentent les fonctions administratives et financières, ressources humaines, commerciales emportaient une rémunération plus importante au regard du degré de responsabilité;

Que les organigrammes communiqués par l'employeur démontrent que Madame [I] [S] avait beaucoup moins de salariés, placés sous sa responsabilité :

' Direction commerciale, [E] [W] 119

' Direction Industrielle Terre Cuite, [Z] [J] 482

' Direction Industrielle Tuile Béton, [N] [C] 291

' Direction Administrative et financière, [K] [O] puis [R] [T] : 29

' Direction Supply Chain, [I] [S] 20

' Direction RH, Denis Mineret puis [D] [L] : 17

Qu'il est également justifié par l'employeur que le prédécesseur de Madame [I] [S] ,monsieur [F], aux mêmes fonctions était classé Hay 17 et percevait une rémunération annuelle inférieure de 15000 € à celle de l'appelante;

Qu'enfin, l'appelante ne conteste pas que de tous les membres du Comité de Direction, elle était la moins diplômée, étant titulaire d'un DEUG, les autres membres du Comité de Direction affichant un niveau Bac+5;

Qu'en conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Madame [I] [S] de ses demandes de rappel de salaire et de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'exécution loyale du contrat de travail;

Sur la rupture du contrat de travail :

Considérant que les parties sont contraires en fait et en droit sur les circonstances de la rupture du contrat ;

Considérant que pour l'infirmation du jugement et la thèse de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, Madame [I] [S] soutient essentiellement :

- qu'elle n'a pas pris acte de la rupture de son contrat de travail, au sens du droit du travail;

- que dès le 31 Octobre 2008, elle avait été informée de l'intention de l'entreprise de se séparer d'elle;

- que les entretiens informels avaient pour but de déterminer le motif qui serait retenu pour une séparation en bonne intelligence, comme le lui proposait le Président Directeur Général;

- qu'à l'issue de l'entretien informel du 5 Novembre avec le DRH et le PDG de l'entreprise, considérant que la décision de la licencier était devenue irrévocable, elle a refusé de prendre le courrier de convocation à entretien préalable contre décharge et a décidé de formaliser l'irrégularité de la procédure poursuivie par son employeur;

- qu'elle précise que bien que "prise d'acte " soit formulée dans son courrier, il s'agissait d'une prise d'acte au sens commun, c'est-à-dire afin de constater l'existence de faits dont elle entendait se prévaloir par la suite;

- qu'elle a donc poursuivi l'exécution de son contrat de travail jusqu'au 25 novembre 2008,en niant fermement la décision de "prise d'acte" que l'employeur lui prêtait, date à laquelle il lui a été enjoint de quitter son poste et de restituer son matériel;

- qu'en contradiction avec le comportement de l'entreprise, le caractère immédiat de la prise d'acte de rupture par le salarié aurait dû entraîner l'absence de préavis et la remise immédiate des documents de fin de contrat ainsi que la mention sur l'attestation ASSEDIC de prise d'acte et non de démission comme il a été indiqué.

- qu'elle a été victime de discriminations en raison de son sexe et de son état de santé, en percevant une rémunération nettement inférieure à celle habituellement perçue par un Directeur SupplyChain et à ses homologues.

- qu'elle était également le seul membre du Comité de Direction classifié Hay 18, ce qui lui interdisait d'être intégrée au LBO auquel elle prétendait puisque la classification minimale nécessaire était Hay 19;

- que le fait qu'elle soit la seule femme membre du Comité de Direction et qu'elle ait été en arrêt de travail durant une période prolongée ne serait pas étranger à la décision de la licencier et peut être même dans le cas d'une réduction d'effectifs hors procédure dont elle serait la première victime.;

- que la Société a mis en 'uvre des méthodes peu scrupuleuses et rompu son contrat de travail dans des conditions particulièrement humiliantes et vexatoires ;

Considérant que, pour l'existence d'une prise d'acte produisant les effets d'une démission, la SAS Monier venant aux droits de la société Lafarge Couverture fait valoir :

- que Madame [I] [S] siégeant au comité de direction, les dirigeants de la société l'ont rencontrée le 5 novembre 2008 afin de l'informer préalablement de la convocation à entretien préalable qui allait lui parvenir;

- que la salariée a cru devoir prendre l'initiative d'une prise d'acte de la rupture de son contrat,

analysée dans le courrier du 19 novembre comme devant produire les effets d'une démission en l'absence de justification;

- que Madame [I] [S] consciente de l'erreur commise, s'est adressée par mail au personnel de la société le 27 novembre puis a envoyé le 1er décembre un courrier dénonçant des méthodes qui auraient été utilisées pour la mettre à la porte le 25 novembre; - que ces allégations ont fait l'objet d'une réponse par courrier du 4 décembre 2008 réitérant que sa prise d'acte injustifiée produisait les effets d'une démission et qu'eu égard à ses responsabilités et à son comportement, elle avait été dispensée de l'exécution du solde de son préavis à compter du 25 novembre ;

- que Madame [I] [S] a jugé utile de déposer une main courante à son encontre dans le seul but de se constituer un dossier;

- que le juge des référés a d'ailleurs tranché cette question en décidant qu'il apparaissait que qu'elle que soit l'analyse faite par les parties, il est établi que le contrat a été rompu le 08 novembre par une prise d'acte de la

rupture de son contrat de travail par Madame [I] [S] ;

- que concernant l'évaluation Hay, l'employeur précise que le Groupe Lafarge utilise cette méthode de classification dans le cadre de sa politique des postes clés et afin de déterminer les salariés qui ont le potentiel pour tenir des fonctions de dirigeants ;

- que s'agissant de la classification de Madame [I] [S] , contrairement à ses affirmations, la situation du DRH est comparable à la sienne et que sa participation au LBO n'a pas été contractualisée dans la mesure où les modalités du Management equity Plan n'étaient pas encore fixées ;

Considérant que lorsque qu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifiaient, soit dans le cas contraire d'une démission;

Que le contrat étant rompu par la prise d'acte du salarié, l'initiative prise ensuite par l'employeur de licencier le salarié est non avenue ;

Considérant que le courrier de Madame [I] [S] du 07 novembre 2008 est dépourvu de toute équivoque; que l'évocation de l'entretien informel tenu le 5 novembre 2008 n'établit pas qu'une décision de licenciement ait été prise avant l'engagement de la procédure disciplinaire;

Que l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, ne fixe pas les limites du litige ; que dès lors le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit ;

Considérant que la discrimination alléguée par Madame [I] [S] n'est pas établie pour les motifs ci-dessus énoncés; que la salariée qui invoque également ensemble le comportement déloyal de l'employeur consistant dans des conditions de travail dégradées une manoeuvre déloyale qui l'empêchait de participer au plan LBO ou encore un licenciement dans des conditions vexatoires ne verse aux débats aucune pièce permettant d'imputer à la SAS Monier venant aux droits de la société Lafarge Couverture des comportements de nature à dégrader les conditions de travail; qu'il sera également observé que, s'agissant du plan LBO, Madame [I] [S] ne peut soutenir qu'elle aurait été trompée lors de son engagement par la promesse d'une souscription au dit plan, cet élément n'ayant jamais été contractualisé;

Considérant que le courrier en date du 07 novembre 2008 produira les effets d'une démission; qu'en conséquence, le jugement déféré sera infirmé et Madame [I] [S] sera déboutée de ses demandes de complément d'indemnité de préavis , d'indemnité de licenciement et de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive et discriminatoire du contrat de travail;

Considérant que, sur la demande de restitution des sommes versées en exécution du jugement entrepris, il sera constaté que le présent arrêt en ce qu'il infirme la décision de première instance, constitue un titre suffisant pour obtenir le remboursement des sommes indûment perçues par Madame [I] [S] ;

Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable que chaque partie conserve la charge de ses frais irrépétibles;

PAR CES MOTIFS :

Déclare recevable l'appel interjeté par Madame [I] [S] ;

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté Madame [I] [S] de ses demandes de rappel de salaire et des congés payés afférents en l'absence de toute discrimination salariale à caractère sexiste;

INFIRME le jugement déféré pour le surplus;

Statuant à nouveau :

DIT que le courrier en date du 07 novembre 2008 produit les effets d'une démission ;

RAPELLE que le présent arrêt constitue, pour la SAS MONIER venant aux droits de la société LAFARGE COUVERTURE , un titre suffisant pour obtenir restitution par Madame [I] [S] de toutes les sommes perçues en exécution du jugement infirmé,

DÉBOUTE Madame [I] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et discriminatoire du contrat de travail;

DÉBOUTE Madame [I] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [I] [S] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

L. CAPARROS P. LABEY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 10/04694
Date de la décision : 02/10/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°10/04694 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-02;10.04694 ?
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