Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRET DU 30 SEPTEMBRE 2014
(n° 529 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/03799
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Janvier 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2013/56261
DEMANDEUR AU CONTREDIT
SARL H & M HENNES & MAURITZ agissant poursuites et diligences en la personne de ses co-gérants
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Mbaye DIAGNE substituant Me Gilles HITTINGER ROUX de la SCP H. B & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0497
DEFENDEUR AU CONTREDIT
SARL [Adresse 3] agissant poursuites et diligences en la personne de ses co-gérants
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Adeline TISON, plaidant pour l'Association ROOM AVOCATS avocat au barreau de PARIS, toque : J152
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juillet 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Nicole GIRERD, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Nicole GIRERD, Présidente de chambre
Madame Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère
Madame Odette-Luce BOUVIER, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Nicole GIRERD, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier
Invoquant une rupture fautive des négociations relatives au renouvellement de son bail, la sarl à associé unique H&M Hennes&Mauritz ( ci-après société H&M) a assigné son bailleur, la sarl à associé unique [Adresse 3] devant le tribunal de commerce de Paris en réparation de son préjudice.
Par jugement en date du 27 janvier 2014, le tribunal de commerce, retenant essentiellement que le litige porte sur le comportement prétendument fautif de DEKA lors des négociations concernant le renouvellement d'un bail commercial, , relevant spécifiquement de la matière des baux commerciaux, de la compétence exclusive du tribunal de grande instance :
- a dit que l'exception d'incompétence est bien fondée
- s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris,
- a condamné la sarl H&M Hennes&Mauritz à payer à la société [Adresse 3] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par déclaration déposée le 10 février 2014, la société H&M a formé un contredit, dont elle a développé oralement à l'audience la motivation, faisant valoir que le tribunal de commerce de Paris est compétent pour statuer d'une part sur la rupture abusive de pourparlers entre personnes commerçantes, d'autre part, sur la tentative de soumission d'un partenaire contractuel à un déséquilibre significatif lorsque les deux parties ont la qualité de commerçants.
Par conclusions soutenues oralement à l'audience, la société [Adresse 3] a conclu au 'rejet' du contredit, à la 'confirmation 'du jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 27 janvier 2014, à voir dire en conséquence le tribunal de grande instance de Paris compétent pour connaître du litige , renvoyer la cause et les parties devant cette juridiction, et condamner la société H&M à lui verser 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
SUR CE, LA COUR
Considérant que la société H&M soutient :
- sur la question du déséquilibre significatif dans les relations commerciales, visé par les dispositions de l'article L 442-6 du code de commerce, que la compétence partagée entre la juridiction civile et la juridiction commerciale ne permet pas de faire abstraction de la qualité de commerçants des parties, que le comportement incriminé sur ce fondement n'est appréhendé par aucune disposition statutaire des baux commerciaux, de telle sorte qu'au regard des dispositions légales particulières et du statut de commerçant des deux parties, il appartient au tribunal de commerce exclusivement de statuer quand bien même le tribunal de grande instance est déjà saisi des questions relevant de sa compétence exclusive en matière de baux commerciaux ,
- que la faute dans la rupture des pourparlers relève du droit commun de la responsabilité délictuelle en l'absence de contrat organisant les modalités de la négociation entre les parties, que sa demande ne relève nullement des baux commerciaux, de telle sorte qu'il appartient au tribunal de commerce , juge naturel des commerçants, de connaître de cette demande ;
Que la société DEKA répond :
- que dans le cadre du litige sur le renouvellement du bail passé avec la société H&M, le tribunal de grande instance de Paris est déjà saisi de la fixation de l'indemnité d'éviction et du montant de l'indemnité d'occupation, ainsi que de la nullité du droit d'option exercé par le bailleur ;
- que le tribunal de grande instance a une compétence exclusive en matière de baux commerciaux, ce qui englobe l'ensemble des contentieux afférents au bail commercial, sauf celui des loyers ; qu'il a donc compétence pour statuer sur la prétendue rupture abusive de pourparlers dans le cadre du renouvellement d'un bail commercial ;
- qu'en matière de pratique restrictive, il est prévu une compétence partagée entre le tribunal de grande instance et le tribunal de commerce spécialement désignés par les articles D 442-3 et 4 du code de commerce ;
- qu'en tout état de cause, les demandes de la société H&M se fondent sur des moyens relevant du statut des baux commerciaux ;
Considérant qu'aux termes de l'article R 211-4-11° du code de l'organisation judiciaire, le tribunal de grande instance a compétence exclusive pour statuer en matière de baux commerciaux à l'exception des contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé ;
Considérant que, par acte du 28 juin 2013, la société H&M a saisi le tribunal de commerce de demandes tendant à voir, essentiellement,
- dire que DEKA a rompu fautivement la négociation relativement au renouvellement de son bail et condamner celle-ci à lui verser 335.000 € à titre de réparation,
- dire que DEKA a tenté de soumettre H&M à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et condamner celle-ci à lui verser 11.700.000 € en réparation de son préjudice ;
Qu'elle invoque par conséquent tant la violation des dispositions légales sur les pratiques restrictives de concurrence que le comportement fautif de son bailleur à l'occasion des négociations sur le renouvellement du bail commercial qui les liait, mettant en cause en particulier les conditions du refus de renouvellement ;
Considérant qu 'il ressort du III de l'article L 442-6 , incriminant les pratiques restrictives de concurrence dénoncées par la société H&M , que l'action peut être introduite en cette matière devant la juridiction civile ou devant la juridiction commerciale; qu'aucune exclusivité de la juridiction commerciale n'est donc instituée ; que la prétendue violation de ces dispositions concerne les négociations des parties en vue du renouvellement d'un bail commercial ;
Considérant que le moyen tiré de la rupture fautive de ces négociations dont la société H&M soutient qu'elles ont été déloyales, requiert de la juridiction saisie l'appréciation des conditions dans lesquelles a été refusé ce renouvellement, et partant, du respect du statut des baux commerciaux ;
Qu'ainsi, le litige impliquant de se référer au statut des baux commerciaux pour en vérifier la bonne application, et les dispositions spéciales du code de commerce invoquées prévoyant une compétence partagée entre les juridictions civiles et commerciales, le caractère exclusif de la compétence du tribunal de grande instance en matière de baux commerciaux implique de lui renvoyer l'examen d'un litige relatif aux conditions du renouvellement d'un bail commercial, peu important dès lors la qualité de commerçants des deux parties ;
Que c'est par conséquent à bon droit que le tribunal de commerce a renvoyé l'affaire pour être jugée devant le tribunal de grande instance de Paris, en soulignant de surcroît avec pertinence que ce tribunal a été saisi par la société H&M quelques jours après l'assignation introductive de la présente instance devant le tribunal de commerce d'une demande tendant à faire juger que le droit d'option exercé par la société DEKA l'a été de mauvaise foi, développant à ce titre des moyens proches de ceux qu'elle soulève dans la présente procédure ;
Considérant que seule la compétence matérielle de la juridiction saisie est contestée, les parties s'accordant sur la compétence territoriale des juridictions parisiennes ;
Qu'il suit de là que le contredit formé par la société H&M est mal fondé ; qu'il y a lieu de rappeler qu'il n'appartient pas à la cour saisie d'un contredit de confirmer ou d'infirmer la décision critiquée ;
Considérant que la société H&M, partie perdante, devra supporter la charge des frais du contredit.
PAR CES MOTIFS
Déclare le contredit mal fondé,
Dit que la société H&M Hennes Mauritz supportera les frais du contredit.
LE GREFFIER LE PRESIDENT