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25/09/2014 | FRANCE | N°13/13105

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 25 septembre 2014, 13/13105


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2014



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/13105



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 25 Avril 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 201207262





APPELANTE



SA VIEL ET COMPAGNIE

immatricultée au RCS de PARIS sous le numéro B.622.035.749 agissant en la personne de

ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau ...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2014

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/13105

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 25 Avril 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 201207262

APPELANTE

SA VIEL ET COMPAGNIE

immatricultée au RCS de PARIS sous le numéro B.622.035.749 agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée de Me Christophe INGRAIN de l'AARPI DARROIS VILLEY MAILLOT BROCHIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R170

INTIMEE

SA KEPLER CAPITAL MARKETS (KCM)

Agissant poursuites et diligences de son Président ou tout autre représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Assistée de Me Bénédicte CHENESLONG, avocat au barreau de PARIS, toque : T01

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Juin 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Frédéric CHARLON, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Frédéric CHARLON, président

Madame Evelyne LOUYS, conseillère

Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Sonia DAIRAIN

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Frédéric CHARLON, président et par Mme Sonia DAIRAIN, greffier.

Par ordonnance en date du 15 octobre 2012, rendue à la requête de la société Viel & Compagnie, le président du tribunal de commerce de Paris a désigné maître [H], huissier de justice, avec pour mission de se rendre au siège social de la société Kepler Capital Markets ci-après KCM, de rechercher et de se faire remettre les documents permettant à la société Viel & Compagnie de faire valoir ses droits contre la société KCM et de conserver ces documents sous séquestre.

Maître [H] s'est rendu au siège social de la société KCM, a pris copie des dits documents et les a placés sous séquestre.

Le 22 décembre 2012, la société Viel & Compagnie a assigné en référé la société KCM devant le président du tribunal de commerce aux fins d'obtenir la communication des documents séquestrés.

L'audience de levée du séquestre s'est tenue le 25 avril 2013. Lors de cette audience, le président du tribunal de commerce a interdit à l'avocat de la société Viel & Compagnie de prendre connaissance des documents séquestrés et par ordonnance rendue le même jour a':

- donné acte à la société Kepler Capital Markets de ce qu'elle accepte de communiquer à la société Viel et Cie les éléments réunis sur le cd-rom mention 'oui',

- donné au Conseil de la société Viel et Cie l'acte requis et en ce qui concerne le cd-rom mention 'non', nous disons relativement à la communication à la société Viel et Cie des éléments qu'il contient ; Boîte [G], mot clef Chevreux : e-mail 'international communication at 5:30 pm today'oui, e-mail 're thémis - vdr[152].msg' oui ; mot clef économie finance et stratégie : e-mail 'blackFin[1211].msg, oui, e-mail Untitled[1249].msg, oui ; mot clef Viel : Oui à tous les éléments contenus ; mot clef EFS : non à tous les éléments contenus ; mot clef [Z] : non à tous les éléments contenus ; Boîte [E] : non à tous les éléments contenus exceptés 2 e-mails sur le mot clé Viel. Boîte [N] : non à tous les éléments contenus. Boîte réseau : oui seulement à l'e-mail 'staff letter' sur le mot clé Chevreux.

- dit relativement à la communication à la société Viel et Cie, en ce qui concerne le cd-rom 'discutable', des éléments qu'il contient : Boîte [G], mot clef Chevreux : oui pour les 9 e-mails contenus. Mot clef économie et finance : oui seulement pour l'e-mail 'communication Kepler Capital market [1212]. Mot clef EFS : oui pour tous les éléments contenus. Boîte [E] : non à tous les éléments contenus. Boîte [N], mot clef Chevreux : oui à tous les éléments contenus sauf l'e-mail 'Themis efs de langage'. Mot clef économie finance et stratégie : oui à tous les éléments contenus. Mot clef EFS : oui à tous les éléments contenus. Mot clef [Z] : oui à tous les éléments contenus. Mot clef Viel : oui à tous les éléments contenus,

- autorisé la Scp Van Kemmel à communiquer à la société Viel et Cie les éléments listés ci-avant,

- fait injonction à KCM de produire les e-mails, au nombre de 57 qui porteraient la mention 'archivé' dans l'ordonnance précédente du 1er mars 2013, selon fichier laissé lors de la dernière intervention de l'huissier et de l'expert, sur le bureau virtuel de M. [E],

- autorisé, parmi ces mails, la Scp Van Kemmel à communiquer ceux qui sont imprimés et annexés à la présente ordonnance,

- renvoyé la cause au 25 juin 2013 14h30,

- réservé les dépens.

La société Viel et Cie a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions signifiées en date du 17 juin 2014 auxquelles il convient de se reporter, elle demande à la Cour de :

- annuler l'ordonnance rendue le 25 avril 2013 par le président du tribunal de commerce de Paris afin que son avocat soit autorisé à prendre connaissance des documents séquestrés par maître [H] pour débattre équitablement et contradictoirement de leur communication, et ce, afin de lui permettre de conserver les preuves lui permettant de faire valoir ses droits en application de l'article 145 du code de procédure civile,

- fixer une nouvelle audience, en présence des avocats des parties et de maître [H], qui aura pour objet l'examen contradictoire des documents séquestrés par ce dernier,

- lui déclarer acquis les documents dont la communication a été ordonnée par le président du tribunal de commerce le 25 avril 2013,

- condamner Kepler Capital Markets à payer 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- réserver les dépens.

Par conclusions signifiées en date du 11 juin 2014 auxquelles il convient de se reporter, la société Kepler Capital Markets demande à la Cour de :

- dire qu'il n'a été porté aucune atteinte au principe du contradictoire lors de l'audience du 25 avril 2013 et que pas plus la société Viel et Cie que son avocat ne pouvaient avoir accès aux pièces placées sous séquestre avant que la levée de ce séquestre ne soit ordonnée,

- dire mal fondée en son appel la société Viel et Cie et la débouter de toutes ses fins et demandes,

- condamner cette dernière à payer 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 juin 2014.

SUR CE, LA COUR,

Considérant que la société Viel & Compagnie fait valoir que l'audience du 25 avril 2013 s'est tenue en violation des principes fondamentaux de l'égalité des armes et du contradictoire' reconnus par les articles 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme et 16 du code de procédure civile ; que le président du tribunal de commerce a fait interdiction à son avocat de prendre connaissance des documents séquestrés, le privant de toute possibilité de débattre équitablement et contradictoirement de leur communication'; qu'il ne peut être valablement allégué que cette interdiction se justifiait par la nécessité de préserver la confidentialité desdits documents'; que la seule solution permettant de concilier les intérêts des parties est d'autoriser leurs avocats, tenus au secret professionnel, à prendre connaissance des documents saisis afin de concilier le droit de la preuve, le secret des affaires, le principe du contradictoire et l'égalité des armes comme c'est le cas en matière de saisie-contrefaçon';

Considérant que la société KCM réplique qu'il importe de préserver la confidentialité des pièces collectées lors du constat, certaines pouvant être couvertes par le secret professionnel ou le secret des affaires'; que l'ordonnance du 29 novembre 2012 a permis aux parties de débattre contradictoirement du périmètre de la mesure d'instruction'; que le principe du contradictoire n'a pas été violé, rien n'interdisait à la société Viel & Compagnie de faire valoir son point de vue sur la pré-sélection qu'elle avait réalisée auprès du juge chargé de se prononcer sur leur communication'; que la solution préconisée par l'appelante, consistant à permettre aux seuls avocats d'avoir communication des pièces à l'exclusion des parties n'est pas cohérente et opère une véritable discrimination lorsque comme en l'espèce, la représentation par avocat n'est pas obligatoire'; que par ailleurs, le secret professionnel de l'avocat ne saurait être présenté comme une garantie suffisante dès lors que pour représenter utilement son client, ce professionnel doit pouvoir discuter préalablement avec ce dernier du contenu des pièces examinées ce qui implique de lui révéler le contenu des documents'; qu'enfin, la référence à la procédure de saisie-contrefaçon est inopérante s'agissant d'une procédure dérogatoire au droit commun de la preuve et parce qu'elle relève du tribunal de grande instance où la représentation est obligatoire';

Considérant que la société Viel & Compagnie ne conteste ni le principe de la mise sous séquestre des documents saisis ni la tenue d'une audience ayant pour objet de statuer sur la communication des documents séquestrés';

Considérant qu'au visa des articles 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme et 16 du code de procédure civile, la haute juridiction affirme que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement'et que cette exigence implique que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance et de discuter de toute pièce ou observation présentée au juge en vue d'influencer sa décision';

Considérant que l'audience du 25 avril 2013 avait pour objet de vérifier si les éléments séquestrés présentaient un intérêt probatoire pour la société appelante'; que l'examen des documents séquestrés a été réalisé sur la base d'un tri préalablement effectué par la société KCM non contradictoirement et lors de l'audience, le président du tribunal de commerce a interdit à l'avocat de la société Viel & Compagnie de prendre connaissance des pièces concernées lui donnant acte de ce que «'l''examen des pièces se fait sans que ces pièces lui soient communiquées et sans qu'il ait la possibilité de présenter des observations'»';

Considérant que la sélection opérée par le président du tribunal de commerce avec le seul concours de la société KCM dans les documents collectés par l'huissier a privé la société Viel & Compagnie de la possibilité de discuter des critères de sélection et de présenter ses observations'; qu'il s'ensuit que le principe du contradictoire et le principe de l'égalité des chances ont manifestement été méconnus';

Considérant que la société KCM ne peut valablement soutenir que le contradictoire a été respecté lors de l'audience du 29 novembre 2012 dès lors que ce principe doit être observé à tous les stades de la procédure';

Qu'elle ne peut davantage se retrancher derrière la nécessité de préserver la confidentialité des documents collectés';

Considérant en effet que la confidentialité des pièces est manifestement assurée lorsque lors de l'audience de levée du séquestre des éléments collectés dans le cadre d'une expertise ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, seuls les avocats des parties peuvent prendre connaissance des documents séquestrés hors la présence des parties';

Considérant que les objections de la société KCM pour prétendre que tel ne serait pas le cas, ne sont pas pertinentes'; qu'elle fait valoir, tout d'abord, que réserver la consultation des documents aux seuls avocats des parties est contraire à l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme en ce qu'elle créerait une disparité dans le traitement réservé aux justiciables selon qu'ils sont assistés ou non d'un avocat';

Mais considérant que la cour européenne a décidé, en matière pénale, dans un arrêt du 14 juin 2005, que la limitation de l'accès à un dossier aux seuls avocats des parties découle de la nécessité de préserver le secret de l'instruction'et que la restriction apportée aux droits du requérant n'a pas apporté une atteinte excessive à son droit à un procès équitable'; qu'aucune disparité dans le traitement des justiciables n'a donc été retenue par cette juridiction'; qu'il s'agit, en l'espèce, de préserver la confidentialité des pièces et le secret des affaires'; que dès lors le fait de réserver la consultation des documents séquestrés aux seuls avocats des parties pour leur permettre de débattre contradictoirement de leur communication ne saurait donc être considéré comme contraire à l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, même si la représentation n'est pas obligatoire devant le tribunal de commerce';

Considérant en second lieu, que l'avocat, est tenu au secret professionnel à l'égard de son client mais également à l'égard de toutes personnes lui confiant une information à caractère secret, en connaissance et en raison de sa qualité d'avocat'; que le respect des principes de loyauté et de délicatesse s'oppose encore à ce qu'un avocat utilise au profit de son client des éléments qui lui ont été transmis en confiance et le cas échéant imprudemment par l'adversaire qui n'a pas forcément mesuré les conséquences des informations transmises'; que le secret professionnel constitue ainsi une garantie suffisante permettant d'écarter le risque de révélation par l'avocat du contenu des pièces séquestrées' à son client ;

Considérant qu'il ne peut pas davantage être valablement opposé par la société KCM que, selon le code de procédure civile le principe du contradictoire doit être respecté à l'égard des parties, dans la mesure où l'avocat agit au nom de son client qu'il représente';

Considérant enfin, que la jurisprudence invoquée par l'appelante sur la procédure suivie en matière de saisis-contrefaçon consistant à faire le tri des documents obtenus en présence des seuls avocats des parties, peut être appliquée à la procédure de l'article 145 du code de procédure civile, des documents confidentiels sans lien avec la contrefaçon alléguée pouvant être appréhendés lors des opérations de saisie';

Considérant qu'il s'infère de tous ces éléments, que la conciliation du principe du contradictoire et de la protection due au secret des affaires est assurée en réservant aux seuls avocats des parties la consultation des documents séquestrés afin de leur permettre de débattre équitablement de leur communication';

Considérant, dès lors, que l'ordonnance déférée ayant manifestement méconnu le principe de l'égalité des armes et le principe du contradictoire doit être annulée';

Considérant qu'il ne peut être fait droit à la demande de la société Viel & compagnie tendant à voir déclarer acquis les documents dont la communication a été ordonnée par l'ordonnance annulée';

PAR CES MOTIFS

ANNULE l'ordonnance rendue le 25 avril 2013 par le président du tribunal de commerce de Paris.

DIT que l'avocat de la société Viel & Compagnie doit être autorisé à prendre connaissance des documents séquestrés par maître [H], huissier de justice, pour débattre équitablement de leur communication.

DIT que devra être fixée une nouvelle audience devant le tribunal de commerce de Paris en présence des avocats des parties et de maître [H] ayant pour objet l'examen contradictoire des documents séquestrés par ce dernier en vue de leur communication à la société Viel & Compagnie.

REJETTE la demande de la société Viel & Compagnie tendant à voir déclarer acquis les documents dont la communication a été ordonnée par l'ordonnance annulée.

CONDAMNE la société KCM à payer à la société Viel & Compagnie la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la société KCM aux dépens.

LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 13/13105
Date de la décision : 25/09/2014
Sens de l'arrêt : Annulation

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°13/13105 : Annule la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-25;13.13105 ?
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