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25/09/2014 | FRANCE | N°10/24580

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 25 septembre 2014, 10/24580


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9



ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2014



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/24580



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Juin 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - 16ème chambre - RG n° 2002057081





APPELANTE :



SA MORY,

ès qualités d'ayant droit à titre universel des sociétés MORY GROUP et FINANCI

ERE MORY

ayant son siège [Adresse 4]

[Localité 5]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par : Me Alain FISSELIER de l...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2014

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/24580

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Juin 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - 16ème chambre - RG n° 2002057081

APPELANTE :

SA MORY,

ès qualités d'ayant droit à titre universel des sociétés MORY GROUP et FINANCIERE MORY

ayant son siège [Adresse 4]

[Localité 5]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par : Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

assistée de : Me Jean-pierre THUILLANT (DS AVOCAT), avocat au barreau de PARIS, toque : T0700

INTIMEE :

S.A.S EUROPA HOLDING

ayant son siège [Adresse 1]

[Localité 1]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par : Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151 assistée de : Me Philippe FORTUIT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0176

INTIMEE :

SA KPMG

ayant son siège [Adresse 5]

[Localité 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par : Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753 assistée de : Me Jean-claude GOFARD de l'AARPI CAA JURIS EUROPAE, avocat au barreau de PARIS, toque : R094

INTERVENANT VOLONTAIRE :

Me Bertrand JEANNE

ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société MORY SA

demeurant [Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par : Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

assisté de : Me Jean-pierre THUILLANT (DS AVOCAT), avocat au barreau de PARIS, toque : T0700

INTERVENANTE VOLONTAIRE :

SCP MOYRAND BALLY

ès qualités de liquidateur à la liquidation de la société MORY SA

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 3]

prise en la personne de Me [A] [N], y domicilié

représentée par : Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

assistée de : Me Jean-pierre THUILLANT (DS AVOCAT), avocat au barreau de PARIS, toque : T0700

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Juillet 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François FRANCHI, Président de chambre, chargéedu rapport et Madame Michèle PICARD, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur François FRANCHI, Président de chambre

Madame Michèle PICARD, Conseillère

Monsieur Joël BOYER, Conseiller appelé d'une autre chambre afin de compléter la Cour en application de l'article R.312-3 du Code de l'Organisation Judiciaire

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Violaine PERRET

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François FRANCHI, président et par Monsieur Xavier FLANDIN-BLETY, greffier présent lors du prononcé.

La société EUROPA UK WORLDWIDE ANGLETERRE détenait le contrôle de EUROPA SCA EXPRESS et l'a cédé en 1999 à Monsieur [L] qui a constitué la société EUROPA HOLDING SAS qu'il s'est substitué (Pièce n°3). Le prix de la cession était de 8 Millions de Francs payable au moyen d'un crédit-vendeur.

Monsieur [J] [C] [L] a exercé des fonctions de direction depuis le 1er juillet 1974 dans cette entreprise de transport express de marchandises en Europe (Pièce n°2).

A la fin de l'année 2000, la société EUROPA SCA EXPRESS a dû procéder au remplacement d'un système informatique devenu obsolète par un nouveau système dont l'apprentissage a généré de très graves difficultés, particulièrement pour l'enregistrement des opérations comptables de l'entreprise et, partant, de son chiffre d'affaires mais aussi des tensions de trésorerie ayant conduit Monsieur [L] à engager un plan de cession d'actifs et une réduction de son salaire de 45.500 Francs brut par mois à 20 000 Francs par mois (Pièce n°19).

Il était ainsi prévu la cession de l'immeuble que l'entreprise possédait à [Localité 7] et Monsieur [L] avait également donné divers mandats de vente à des professionnels concernant un deuxième immeuble à ROISSY dont le prix de cession était, à lui seul, estimé à 20 MF et aurait à l'entreprise donné la trésorerie dont elle avait besoin.

En outre, la société a engagé une procédure de scission dans laquelle une partie de son fonds de commerce serait apporté à la société GROUP TRANSPORT EXPRESS SARL et une partie des actifs à la société TRANSLINE SARL.

Les délais de vente des immeubles s'étant allongés et les difficultés persistantes de

trésorerie n'ayant pas permis de mener à terme cette restructuration, la banque BNP, le 26 avril 2001, informait Monsieur [L] qu'elle mettait fin avec un préavis d'usage de 90 jours aux lignes de crédit, exigeant le remboursement d'un compte courant de 8 Millions de Francs.

Pour préserver les emplois (220 salariés), Monsieur [L] autorisait la banque BNP à rechercher un repreneur et la société FINANCIERE MORY lui était présentée quelques mois après soit le 14 juin 2001.

*

Aux termes d'un protocole d'accord en date du 23 juillet 2001, la société MORY SA (MORY) a acquis 100% des actions et droits de vote de la société EUROPA SCA EXPRESS SA, dont les titres étaient alors détenus par :

- EUROPA HOLDING SAS..............................................................................24.993 actions

- Monsieur [K]. [U].................................................................................................1 action

- Monsieur M. [M]........................................................................................1 action

- Monsieur [H]. [O]....................................................................................................1 action

- Monsieur A. [L]..........................................................................................2 actions

- Monsieur [H]. [R].................................................................................................1 action

- Monsieur [F] [T].............................................................................................1 action

La société EUROPA SCA EXPRESS SA détenait elle-même des titres de participation dans les sociétés FRANCE LINE SARL et GROUP TRANSPORT EXPRESS SARL, titres de participation également été cédés dans le cadre du protocole d'accord du 23 juillet 2001.

Le prix d'acquisition a été fixé à la somme de 13.000.000 de Francs , soit 1.981.837 €.

Ce prix a été estimé en considération :

- des capitaux propres figurant au bilan arrêté au 31 décembre 2000, tel qu'il est annexé au rapport du commissaire aux comptes statuant sur l'exercice clos au 31 décembre 2000 lequel faisait apparaître des capitaux propres positifs d'un montant de 7.688.471 Francs (1.172.100 €) (pièce n° 2) ;

- des déclarations faites par le cédant relatives aux plus-values latentes immobilières estimées à environ 9.000.000 Francs (1.372.041 €).

L'article 4.4 du Protocole prévoyait une variation du prix de cession selon les modalités suivantes :

- à la baisse uniquement s'il devait résulter que les plus values latentes immobilières constatées étaient inférieures à 9.000.000 Francs ;

- à la hausse ou à la baisse :

. selon la différence existant entre le montant des capitaux propres tel qu'il figurait dans le bilan arrêté au 31 décembre 2000 (soit 7.688.471 Francs ) et le montant des capitaux propres tel qu'il figure dans le Bilan d'acquisition arrêté au 30 septembre 2001 et ;

. selon la valeur des titres de participations dans les filiales France LINE SARL et GROUP TRANSPORT EXPRESS SARL.

Le Protocole prévoyait initialement que le Bilan d'acquisition serait établi par le cabinet KPMG, expert comptable qui assurait le commissariat aux comptes de la société EUROPA SCA EXPRESS.

Ce dernier ayant indiqué être soumis à une incompatibilité l'empêchant d'établir le bilan d'acquisition, il a été convenu entre les parties, dans une lettre cosignée le 22 octobre 2001 (Pièce adverse n°7), que le bilan d'acquisition serait établi selon les termes suivants :

- le bilan au 30 septembre 2001 préparé par la société EUROPA SCA EXPRESS SA sous la responsabilité de la direction de la société ;

- un rapport de la société KPMG consistant, sur la base de son audit, à décrire l'étendue et les résultats de ses travaux relatifs aux différents postes du bilan arrêté au 30 septembre 2001.

Sous réserve de variations ultérieures, à la hausse comme à la baisse, et prévues par le Protocole, le prix de cession de 13.000.000 Francs devait être payé en trois fois.

- Une première partie, à hauteur de 2.000.000 Francs, représentant 304.898,03 €, au comptant au jour de la signature des ordres de mouvement.

- Une deuxième partie, à hauteur de 6.000.000 Francs , représentant 914.694,10 €, payable au cédant par le cessionnaire après l'établissement du bilan d'acquisition.

- La troisième partie, soit 5.000.000 Francs , représentant 762.245,09 €, devait être conservée à titre de gage, pendant la durée de la garantie d'actif et de passif consentie par le cédant au cessionnaire, cette somme étant par ailleurs productive d'intérêts au taux de 5% par an.

Le jour de la cession, la totalité des anciens administrateurs était remplacée par de nouveaux administrateurs et un nouveau Président du Conseil d'administration était désigné en remplacement de Monsieur [L], en la personne de Monsieur [H].[W].

KPMG SA était le Commissaire aux Comptes de la société EUROPA SCA EXPRESS

*

Ultérieurement, MORY disant constater qu'une série d'opérations comptables ne trouvaient pas de justification et que la situation de trésorerie et les pertes apparues récemment étaient de nature à compromettre la continuité de l'exploitation de la société EUROPA SCA EXPRESS, un rendez-vous se tenait le 26 septembre 2001 entre le dirigeant de la société EUROPA SCA EXPRESS et le cabinet KPMG.

Compte tenu des faits constatés par la société EUROPA SCA EXPRESS, KPMG, commissaire aux comptes initiait le 27 septembre 2001 une procédure d'alerte de niveau 1 conformément aux dispositions de l'article L 234-1 du Code de commerce).

Par courrier en date du 25 octobre 2001, la société EUROPA SCA EXPRESS indiquait au commissaire aux comptes que, compte tenu de la situation de la société, elle avait du prendre des mesures d'urgence et notamment :

- mise en place d'une convention de trésorerie de 16.398.925 Francs (2.500.000 €) afin notamment de régler les arriérés dus antérieurement à la cession par la société à ses fournisseurs ;

- détachement d'une équipe de 15 personnes du groupe MORY afin de traiter les 200 dossiers litiges en cours, comptabiliser les factures en retard sur plusieurs mois et relancer les clients ;

- mise en place d'un nouveau contrat de factoring pour la mise en place d'un financement de 1,5 Million d'euros ;

- examen des conditions de rentabilité de certains contrats conclus au début de l'année 2001 (contrat Compaq notamment) ;

- changement complet du système informatique ;

- licenciement du directeur du site de Roissy, du Directeur financier, du chef comptable et du secrétaire général (Pièce n°27).

La société EUROPA SCA EXPRESS informait la société KPMG que :

- les anomalies constatées conduisaient la société à estimer que les provisions pour risques et charges avaient été sous-estimées pour un montant d'au moins 17.054.882 Francs (2.600.000 €) dont une partie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2000 ;

- la société EUROPA HOLDING, société cédante détenue intégralement par Monsieur [L], avait un compte courant débiteur de 478.000 Francs (72.871 €) et bénéficiait par ailleurs d'une avance de la part de sa filiale d'un montant de 630.000 Francs, soit (96.043 €) non documentée et non rémunérée (Pièce n°25 ).

Parallèlement, conformément aux stipulations du Protocole concernant l'évaluation des plus-values latentes immobilières, le cessionnaire a communiqué le 29 novembre 2001 à la société EUROPA HOLDING représentée par Monsieur [L], le rapport établi par Monsieur [P] [X], expert agréé près la Cour de cassation, qui concluait à l'existence de plus-values latentes à hauteur de 9.104.073 Francs , soit 1.387.907 €, de sorte que, conformément aux stipulations de l'article 4.2 du Protocole, le cessionnaire ne demandait à ce que le prix de cession soit revu à la baisse sur ce fondement.

En revanche, compte tenu des anomalies et dysfonctionnements comptables importants constatés lors de sa prise de possession, MORY a indiqué qu'elle anticipait pour EUROPA SCA EXPRESS une perte de l'ordre de 22.000.000 de Francs ( soit 3.353.878 €) pour le projet de Bilan d'acquisition arrêté au 30 septembre 2001, et ce bien évidemment sous réserve de l'audit du cabinet KPMG (Pièce n°6).

Par lettre en date du 27 décembre 2001, la société EUROPA HOLDING représentée par Monsieur [L] a indiqué qu'elle contestait la perte constatée de 22.000.000 de Francs sans davantage d'explication

*

La société EUROPA HOLDING, cédante a, le 15 janvier 2002, demandé à la société KPMG agissant en qualité d'auditeur du Bilan d'acquisition, de vérifier une liste de points par rapport aux ' méthodes comptables ' en vigueur chez EUROPA SCA EXPRESS avant sa cession.

Par courrier en date du 25 janvier 2002, la société MORY a demandé à Monsieur [L] en sa qualité d'ancien dirigeant de la société EUROPA HOLDING de lui fournir des explications sur les nombreuses anomalies comptables constatées (pièce n°7) et qui aurait pu, si elles avaient trouvé une explication cohérente, influer sur les capitaux propres.

Au regard de la réponse adressée, la société MORY portait plainte contre X avec constitution de partie civile concernant 12 séries de faits (Pièce n°8) entre les mains du doyen des juges d'instruction de [Localité 6] et pour lesquels Monsieur [L] en sa qualité d'ancien dirigeant était condamné par un jugement du 9 novembre 2006 le déclarant coupable d'abus de biens sociaux concernant l'encaissement sur son compte personnel du prix de vente d'un véhicule de société d'un montant de 57.000 Francs et le condamnant à payer aux sociétés EUROPA SCA EXPRESS et MORY GROUP parties civiles la somme de 8.690 € à titre de dommages et intérêts, étant précisé qu'un arrêt du 20 février 2008 a infirmé et confirmé partiellement le jugement.

Le 1er février 2002, le cabinet KPMG agissant en qualité d'auditeur du bilan d'acquisition a confirmé les irrégularités comptables commises par les anciens dirigeants et mis en avant une situation nette allant entre (23.310.000) Francs / Francs (3.553.587) Francs et (10.863.000) Francs / (1.656.054) € (contre 7.688.471 Francs ou 1.172.100 € au 31 décembre 2000).

Le 4 février suivant, le conseil d'administration d'EUROPA SCA EXPRESS a arrêté les comptes de la société au 30 septembre 2001 (Pièce n°18).

La société MORY mettait en demeure la société EUROPA HOLDING représentée par Monsieur [L] de lui restituer l'acompte de 2.000.000 Francs versé lors de la signature de l'acte

Puis le 14 février 2002, elle a notifié le Bilan d'acquisition audité par KPMG à Monsieur [L] et lui a indiqué que :

- les capitaux propres de la société EUROPA SCA EXPRESS et de ses filiales au 30 septembre 2001 étaient négatifs à hauteur de (9.995.000) Francs ou (1.523.728) € ;

- conformément aux stipulations de l'article 4.4.1 du Protocole, la variation de prix, à la hausse ou à la baisse, serait égale à la différence entre le montant des capitaux propres au 30 décembre 2000 et le montant des capitaux propres tels que résultant du Bilan d'acquisition audité par le cabinet KPMG et ;

- compte tenu de la situation des capitaux propres au 30 septembre 2001, il ressortait une variation négative de (17.683.471) Francs ou (2.695.828) €, de telle sorte que la valeur des actions d'EUROPA SCA EXPRESS était en réalité négative.

Par courrier en date du 27 février 2002, la société KPMG a fait savoir à Monsieur [W], président directeur général de la société EUROPA SCA EXPRESS, que l'audit de la situation comptable au 30 septembre 2001 avait mis en évidence et confirmé un certain nombre d'irrégularités importantes commises par les anciens dirigeants.

Conformément à ses obligations légales, le commissaire aux comptes exposait qu'il avait révélé ces irrégularités au procureur de la république, par un courrier en date du 28 janvier 2002

*

Le 1er août 2002, la société EUROPA HOLDING faisait délivrer à la société EUROPA SCA EXPRESS et au cabinet KPMG une assignation à comparaître à bref délai devant le Tribunal de commerce de Paris afin de faire consigner par MORY la somme de 1.676.939,18 € et de faire désigner un expert qui établirait un nouveau Bilan d'acquisition et déterminerait le prix de cession.

Compte tenu des investigations pénales en cours et de leurs incidences sur le prix de cession de la société EUROPA SCA EXPRESS, par jugement en date du 10 décembre 2002, le Tribunal de commerce de Paris a rendu une décision de sursis à statuer jusqu'à ce qu'une décision pénale définitive intervienne.

*

La société EUROPA HOLDING a pris des conclusions de reprise d'instance le 9 avril 2008 après l'arrêt d'appel rendu sur la plainte pénale.

Et par jugement en date du 29 juin 2010, le Tribunal de commerce de Paris a notamment :

- dit la société FINANCIERE MORY recevable et bien fondée à agir en qualité d'ayant droit à titre universel de la société MORY GROUP ;

- mis hors de cause la société KPMG compte tenu de la prescription des faits et rejeté toutes les demandes de la société EUROPA HOLDING à son encontre ;

- condamné la société FINANCIERE MORY à payer à la société EUROPA HOLDING la somme de 1.501.474 € majorée des intérêts contractuels à compter du 1er août 2002 ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration en date du 9 juillet 2010, la société FINANCIERE MORY a interjeté appel.

La société EUROPA HOLDING a assigné aux fins d'appel provoqué la société KPMG le 13 avril 2011.

Compte tenu des conséquences manifestement excessives de l'exécution provisoire si le jugement entrepris venait à être réformé, la société MORY SA (venant aux droits de la société FINANCIERE MORY à la suite de l'absorption de cette dernière le 26 décembre 2009) a sollicité sa suspension. Celle-ci a été ordonnée par Monsieur le Premier Président par ordonnance en date du 21 septembre 2010.

*

Par arrêt du 15 septembre 2011, la Cour a désigné Monsieur [Z] [I], expert judiciaire avec pour mission de donner à la Cour tous éléments utiles permettant de déterminer le prix de cession définitif des actions de la société EUROPA SCA EXPRESS conformément au protocole d'accord du 23 juillet 2001.

Cependant, l'expertise s'est trouvée suspendue à plusieurs reprises (26 juin 2012, 19 novembre 2012, 3 avril 2013 et 20 juin 2013) :

- des incidents introduits par EUROPA HOLDING ayant pour conséquence de retarder le déroulement des opérations d'expertise ;

- en outre, Le 10 juillet 2012, une procédure de liquidation judiciaire était ouverte à l'encontre de la société SA MORY puis à l'encontre d'EUROPA SCA EXPRESS par jugement en date du 2 octobre 2012.

Par ordonnance du 21 février 2013, le conseiller de la mise en état, après avoir entendu les parties, a confirmé la désignation de l'expert. La société EUROPA HOLDING a toutefois ressaisi la Cour du même incident. Par ordonnance du 24 avril 2013, la Cour a joint l'incident au fond et ordonné la poursuite des opérations d'expertise.

Dans le cadre des travaux d'expertise, KPMG SA a donné suite à la demande de communication de pièces formée par l'expert le 6 janvier 2014 (Pièce 18 : rapport de l'expert judiciaire III.12) et lui a transmis son dossier de travail relativement à la situation auditée en 2002 (Pièce 18 : rapport de l'expert judiciaire IV.13).

L'expert avait également demandé à la société MORY de lui communiquer les comptes détaillés sur 3 exercices de la société EUROPA SCA EXPRESS, demande relayée par ordonnance sur incident du 13 février 2014. Mais la société MORY n'a pas donné suite à cette demande de communication, et la Cour par ordonnance du 27 mars 2014 a mis fin aux opérations d'expertise et ordonné le dépôt du rapport en l'état.

C'est dans ces conditions que l'Expert judiciaire a transmis aux parties le 30 avril 2014 son rapport en l'état (Pièce 18) c'est à dire retraçant seulement ses diligences dans le cadre de cette affaire.

*

C'est dans ces conditions que la procédure revient devant la cour.

*****

La société MORY SA demande à la cour de :

In limine litis et en tant que de besoin

- lui donner acte de ce qu'elle vient aux droits des sociétés MORY GROUP et FINANCIERE MORY ès qualité d'ayant droit à titre universel

A titre principal,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 29 juin 2010 sauf en ce qu'il a débouté EUROPA HOLDING de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de MORY.

Et statuant à nouveau

- constater l'accord des parties sur l'absence de variation du prix de cession au titre de la condition de réalisation de l'audit des plus-values latentes immobilières posée par l'article 4.2 du protocole d'acquisition d'actions du 23 juillet 2001 ;

- constater que KPMG s'étant déporté pour établir le montant des capitaux propres au 30 septembre 2001 les parties sont convenues de les faire établir par les services comptables d'EUROPA SCA EXPRESS SA et de les faire auditer par KPMG ;

- constater que ainsi établis les comptes dit d'acquisition arrêtés au 30 septembre 2001 ont révélé des pertes abyssales rendant négatifs les capitaux propres de la société EUROPA SCA EXPRESS SA de près de 10 000 000 de Francs de sorte que la société cédée SCA EUROPA EXPRESS avait une valeur négative ;

- dire et juger que le cessionnaire, aux droits duquel intervient désormais la société MORY SA ès qualités, était bien fondé à ne pas verser le solde du prix de cession d'un montant de 1.676.939,19 € ;

Eu égard à la valeur négative de la société cédée SCA EUROPA EXPRESS lors de la cession,

- condamner la société EUROPA HOLDING SAS à restituer à la société MORY SA es qualité le prix indûment versé à hauteur de 304.898,03 € avec intérêt au taux légal à compter du 14 février 2002 ;

- débouter la société EUROPA HOLDING SAS de l'ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire et, si par impossible la Cour annulait la cession des titres de la société SCA EUROPA EXPRESS

- dire et juger que le prix de cession qui doit être restitué à la société MORY SA ès qualités doit être amélioré de la plus-value de la valeur de la société cédée ;

- constater en effet que le Cessionnaire a exposé, sauf à parfaire, la somme de 6.022.000 € pour permettre à la société reprise SCA EUROPA EXPRESS de poursuivre son activité conformément aux règles notamment comptables y applicables ;

- ordonner en conséquence le versement par la société EUROPA HOLDING SAS à la société MORY SA ès qualités de la somme, sauf à parfaire, de 6.022.000 €, en sus du remboursement du prix de cession ;

En tout état de cause,

- reformer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 29 juin 2010 en ce qu'il a condamné la société FINANCIERE MORY (aux droits de laquelle vient la société MORY SA) à payer 5.000 € à la société EUROPA HOLDING au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société EUROPA HOLDING SAS à payer à la société MORY SA es qualité la somme de 150.000 € à titre de dommages et intérêts ;

- condamner la société EUROPA HOLDING SAS à payer à la société MORY SA la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et assortir cette condamnation de l'exécution provisoire ;

- condamner la société EUROPA HOLDING SAS aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP AFG, Avocat au Barreau de PARIS, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La société MORY SA soutient que:

Sur la mise en 'uvre de la clause de variation de prix

En application de l'article 4.4. du Protocole, le prix de cession a donc varié à la baisse de la différence existant entre ce montant de 7.680.471 Francs et celui, négatif, des capitaux propres tels qu'ils figurent dans le Bilan d'acquisition arrêté au 30 septembre 2001 9.995.000 Francs . Et cette différence des capitaux propres faisant état d'une variation négative à hauteur de 17.675.471 Francs , le prix réel des actions d'EUROPA SCA EXPRESS SA doit être ramené à 0 Franc dans la mesure où la variation est supérieure au prix de cession.

En effet, non seulement la procédure pénale a mis en évidence et qualifié pénalement plusieurs agissements de Monsieur [L] mais des litiges non provisionnés dans les comptes annuels au 31 décembre 2000 ont été détectés et ont donné lieu à la passation de provisions ou impacté de manière négative le résultat de l'exercice 2001 pour un montant de 11.151.269 Francs soit 1.700.000 €. Et ce ne sont pas, contrairement aux affirmations de la société EUROPA HOLDING, les mesures de restructuration initiées par elle, qui ont eu un effet négatif sur la situation financière de la société EUROPA SCA EXPRESS SA.

Dès lors, toutes les conséquences n'ont donc pas été tirées par le Tribunal de Commerce de Paris des multiples condamnations pénales de Monsieur [L] et il ne peut pas être jugé que les irrégularités comptables 'substantielles et dont toute l'étendue n'a pas pu être appréciée en raison même des fraudes de Monsieur [L]' n'auraient pas impacté le prix de cession convenu dans le protocole ; de même, si la société MORY avait connu l'organisation d'une fraude par le dirigeant de la société EUROPA SCA EXPRESS, elle aurait négocié différemment.

Enfin, La société MORY, compte tenu de l'absence de comptabilité fiable existante chez la société SCA EUROPA EXPRESS et en raison de son appartenance au groupe MORY, a dû procédé à l'établissement d'un bilan d'ouverture arrêté au 31 décembre 2001, répondant aux exigences comptables requises pour l'intégration notamment fiscale de la société au groupe ; et ces comptes, régulièrement approuvés (Pièce n°21), certifiés par le commissaire aux comptes KPMG (Pièce n°16, font état d'une situation des capitaux propres au 31 décembre 2001 d'un montant négatif de 4.536.743 €.

Sur les préjudices de la société EUROPA HOLDING

La société EUROPA HOLDING allègue plusieurs préjudices sans en justifier aucun.

- Ainsi, elle prétend que la production du rapport d'audit de KPMG lui a causé un préjudice mais ne parvient pas à préciser de quoi il s'agit.

- Par ailleurs, EUROPA HOLDING allègue, en dépit de la décision du Tribunal, qu'elle subit depuis plus de sept années un préjudice moral et d'image considérable causé par les man'uvres des défendeurs et par l'allégation calomnieuse et mensongère selon laquelle les comptes de la société EUROPA SCA EXPRESS avaient pu être affectés d'escroquerie. Mais, pas davantage la société EUROPA SCA EXPRESS ne démontre en quoi les griefs formulés par le Cessionnaire seraient calomnieux.

- En outre, elle ne motive pas sa demande d'indemnisation d'une prétendue perte de chance.

Enfin, les montants réclamés au titre de l'indemnisation de ces préjudices, particulièrement élevés (soit 300.000 € au titre de l'indemnisation du préjudice moral et d'image et 1.500.000 € à titre de dommages et intérêts complémentaires pour réparer la perte d'une chance) ne sont nullement justifiés.

La société EUROPA HOLDING devra dès lors être déboutée de ses demandes infondées au chiffrage qui plus est démesuré.

***

La société EUROPA HOLDING demande à la cour de :

- dire la société EUROPA HOLDING SAS recevable et bien fondée.

- dire recevable la mise en cause forcée de la société KPMG et dire que cette entité ne saurait faire état d'aucune prescription au regard des faits qui lui sont reprochés.

- débouter les sociétés MORY SA et KPMG de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

A titre principal. Dans le sens de l'exécution du contrat de vente :

- confirmer partiellement le jugement déféré et ainsi :

- dire que la société MORY SA a commis une faute d'une particulière gravité en décidant de mesures exceptionnelles ayant gravement perturbé la détermination du bilan de cession, en refusant de faire participer le cédant à l'élaboration du prix de cession et de l'associer aux mesures de correction du nouveau système informatique, en procédant à l'élaboration d'un bilan de cession omettant d'appliquer les règles comptables prévues au protocole d'accord, en divulguant, en violation d'une obligation de secret, un projet de rapport d'audit de KPMG, en faisant obstacle à la poursuite de la mission d'audit, et à l'exécution de bonne foi du protocole d'accord du 23 juillet 2001 par le dépôt notamment d'une plainte pénale, en demandant le sursis à statuer jugé sans objet par la Cour d'Appel de Paris, en s'abstenant de justifier d'aucune mesure conservatoire prises afin, précisément, de pouvoir établir et contrôler le bilan de cession.

- dire que la société KPMG a commis une faute d'une particulière gravité en acceptant une mission d'audit d'une société dont elle exerçait la mission de commissaire aux comptes, en adoptant un comportement partial et en violant ainsi ses obligations d'indépendance et d'impartialité par l'acception d'une mission qui la plaçait dans une situation de conflit d'intérêt, en commettant encore de multiples fautes dans l'exercice inachevé, approximatif et 'à charge' de sa mission d'audit en entérinant les violations des dispositions contractuelles de la clause de prix pratiquées par le cessionnaire, en s'abstenant d'alerter sur le caractère provisoire de son projet de rapport confidentiel alors que celui-ci avait été fautivement divulgué par la société MORY SA et en s'abstenant de reprocher à cette entité la violation de cette obligation de confidentialité, en s'associant à la demande de sursis à statuer présentée par MORY SA jugée sans objet par la Cour d'Appel de Paris.

- condamner solidairement les sociétés MORY SA et KPMG à verser à la société EUROPA HOLDING SAS une somme de 1.501.447 € correspondant aux deuxième et troisième parties du prix, majorée des intérêts capitalisés au taux contractuel de 5% l'an calculés à compter du 1°' août 2002.

- condamner solidairement les sociétés MORY SA et KPMG à verser à la société EUROPA HOLDING SAS une somme de 300.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et d'image.

A titre subsidiaire. En cas d'annulation du contrat de vente :

- dire que les sociétés MORY SA et KPMG sont solidairement responsables de l'impossibilité d'établir le prix de vente de la société EUROPA SCA EXPRESS et prononcer en conséquence l'annulation de la vente à leurs torts exclusifs.

- dire qu'il n'y a pas lieu à restitution des titres cédés par la société MORY SA à la société EUROPA HOLDING SAS.

- dire que la société EUROPA HOLDING pourra conserver, à titre de dommages et intérêts, la somme de 2.000.000 de francs, soit 304.898 € versée par la société MORY SA à la signature du protocole d'accord du 23 juillet 2001.

- condamner solidairement les sociétés MORY SA et KPMG à verser à la société EUROPA HOLDING SAS sur le fondement de la réparation de la perte d'une chance une somme de 2.800.000 € à titre de dommages et intérêts.

En toutes hypothèses,

- condamner solidairement la société MORY SA et la société KPMG à verser chacune à la société EUROPA HOLDING SAS une somme de 100.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens

Sur la clause de révision de prix

La société EUROPA HOLDING soutient que :

1 - Monsieur [L] avait dûment informé la FINANCIERE MORY des difficultés d'enregistrement des opérations comptables liées au nouveau système informatique destiné à remplacer un précédent outil informatique, vieux de 15 ans (article 5 du protocole d'acquisition d'actions) :

'article 5 -informatique et comptabilité de la société

Le Cessionnaire reconnaît avoir été informé par le Cédant des difficultés informatiques actuellement rencontrées par la Société, qui lui interdisent temporairement de disposer d'une comptabilité à jour et conforme à ses besoins et l'empêchent d'assurer un suivi constant des aspects actifs et passifs de ses opérations, en particulier de sa facturation, du recouvrement de ses créances, du paiement de ses factures et de sa trésorerie.

Les parties conviennent de prendre toutes les dispositions en leur pouvoir pour remédier à cette situation dans les meilleurs délais à compter de la date des présentes.'

Cela interdisait de disposer d'une comptabilité fiable et la société FINANCIERE MORY s'était elle-même engagée à prendre toutes les dispositions en son pouvoir pour remédier à cette situation dans les meilleurs délais.

2 - Dès après sa prise de possession de la société EUROPA SCA EXPRESS pour une somme 'réduite' de 2 millions de Francs, la société FINANCIERE MORY a fait procéder à un licenciement massif du personnel de direction et personnel clef :

- Directeur Logistique

- Adjoint au Directeur Logistique

- Manager Logistiques international

- Directeur financier

- Chef Comptable

- Secrétaire Général/ responsable Juridique

- Directeur de l'exploitation.

et de salariés et ces licenciements ont eu pour effet d'ébranler la direction de l'entreprise, de déstabiliser le personnel restant et de provoquer une perte de confiance au sein de la clientèle (Pièce n°23).

Et face à une situation aussi catastrophique, certains membres du personnel encore en place ont préféré quitter volontairement la société sans attendre d'être licenciés (Pièce n°22).

Au surplus, les licenciements pratiqués ont entraîné l'engagement de diverses procédures prud'homales à l'initiative des salariés qui obtinrent la réparation des préjudices qui leur avaient été occasionnés.

Le résultat obtenu par la société FINANCIERE MORY fut une importante instabilité interne et la perte de certains clients importants de longue date, et encore et par voie de conséquence de perturber gravement le processus de fixation du prix de vente qui reposait sur l'élaboration d'un bilan de la société cédée au 30 septembre 2001.

3 - Le bilan d'acquisition et donc le prix n'ont pu être déterminés à ce jour.

Si l'audit des plus-values immobilières n'a pas donné lieu à des difficultés particulières et, conformément aux termes du protocole, un premier rapport a été réalisé en date du 25 septembre 2001 par un Expert, Monsieur [P] [X], missionné par la société FINANCIERE MORY, la préparation, par l'acheteur, du bilan d'acquisition de la société EUROPA SCA EXPRESS a, par contre, donné lieu à d'importantes difficultés.

La société FINANCIERE MORY a en effet entendu, 'sans détour', mettre à profit sa situation dans la place afin de réduire au maximum le prix de cession qu'EUROPA HOLDING SAS restait devoir percevoir. En effet, le bilan d'acquisition des comptes au 30 septembre 2001 n'a jamais été établi de manière contradictoire, la société MORY refusant l'accès à la comptabilité de la société cédée.

Quant à la procédure pénale invoquée pour dénoncer les turpitudes de M. [L], il y a lieu de rappeler qu'il a été relaxé de la poursuite principale pour escroquerie et condamné pour des chefs prévention non significatifs et insusceptibles d'influer sur le prix de cession.

Et le premier juge a justement considéré que, quand bien même des postes du bilan de la société EUROPA SCA EXPRESS auraient été artificiellement gonflés, la preuve n'est pas faite de ce que ces surévaluations ont déterminé l'acquisition litigieuse, ni même influé sur le prix de cette acquisition ; d'ailleurs, au regard du chiffre d'affaires réalisé par la société EUROPA SCA EXPRESS, la surfacturation invoquée n'apparaît pas significative.

Le jugement sera donc confirmé.

Sur l'intervention volontaire de la société MORY S.A

La société EUROPA HOLDING SAS rappelle que la société MORY SA explique avoir procédé à l'absorption de la société MORY GROUP, radiée le 1er novembre 2007 et venir en conséquence aux droits et obligations de cette dernière, tout en reprochant 'sans vergogne' à la société EUROPA HOLDING SAS de n'avoir pas elle-même informé le Tribunal de cette situation, alors que l'action de la société EUROPA HOLDING SAS a été correctement dirigée à l'encontre de la société cessionnaire et signataire du contrat de vente, et qu'il convient de préciser que, par l'effet de la fusion, la société absorbante est de plein droit substituée aux obligations de la société absorbée.

Sur la responsabilité de la société KPMG

La société EUROPA HOLDING SAS soutient que les sociétés MORY SA et KPMG doivent être déclarées solidairement responsables de l'absence d'établissement du bilan de cession du 31 septembre 2001 car :

- les décisions de gestion de sa filiale par la société MORY SA ont directement perturbé l'établissement du bilan de cession au 30 septembre 2001,

- la société MORY SA a systématiquement refusé tout échange contradictoire à la société EUROPA HOLDING SAS qui aurait permis de débattre du 'bilan' au 31 septembre 2001 présenté par le cessionnaire en vue de rechercher un accord sur le prix de la cession.

- la société MORY SA a fautivement modifié les méthodes comptables

- la société MORY SA a fautivement comptabilisé des mesures exceptionnelles prises après la cession de la nouvelle direction.

Et, si la société KPMG a gravement failli à ses obligations légales, réglementaires et contractuelles, la société KPMG :

- ne pouvait en sa qualité de commissaire aux comptes de la société cédée accepter de participer aux opérations de détermination du prix de cession via la réalisation d'un audit

- a adopté un comportement partial par omission révélant un conflit d'intérêt et constituant un manquement à ses obligations d'impartialité et d'indépendance,

- a procédé à de simples sondages inefficaces et incompatibles avec le volume et la complexité de la comptabilité de la société EUROPA SCA EXPRESS:

- a pris en considération des changements de méthode comptables en violation des dispositions du protocole d'accord

Et à titre subsidiaire, les sociétés MORY SA ET KPMG doivent être déclarées responsables de l'impossibilité de fixer le prix et doivent indemniser la société EUROPA HOLDING SAS des dommages en résultant.

***

La société KPMG demandé à la Cour d'appel de PARIS de :

A titre principal :

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit recevable et bien fondée l'exception d'irrecevabilité pour prescription soulevée par KPMG SA, et mis hors de cause KPMG,

- débouté la société EUROPA HOLDING de l'ensemble des demandes formées à l'encontre de KPMG SA

- condamné la société EUROPA HOLDING à payer à la société KPMG la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Réformer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de KPMG SA ;

Par conséquent :

- condamner EUROPA HOLDING SAS à payer à KPMG SA la somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive

En tout état de cause et ajoutant au jugement déféré :

- débouter la société EUROPA HOLDING de l'ensemble des demandes formées à l'encontre de KPMG SA ;

- condamner solidairement EUROPA HOLDING SAS et la société MORY à payer à la société KPMG SA la somme de 46.057,34 € HT, soit 55.097,86 € TTC, au titre de l'article 700 du code de procédure civile sous réserve d'actualisation au jour des plaidoiries ;

- condamner EUROPA HOLDING SAS aux entiers dépens dont recouvrement au profit de Maître Olivier BERNABE en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Sur les demandes formées contre elle

1 - La société KPMG expose qu'elle a été informé de la réalisation de la transaction qu'après la signature du Protocole d'acquisition. Elle rappelle ne pas avoir participé aux négociations entre les parties ni avoir été partie prenante lors de la rédaction du protocole d'accord et donc dans le processus de fixation du prix de cession des titres et des modalités de paiement du prix. Prenant connaissance de cette stipulation, elle a refusé la mission définie dans la convention en ce qu'elle était incompatible avec sa mission de Commissaire aux Comptes de EUROPA SCA EXPRESS. (Pièce 2 : Lettre de KPMG du 27 septembre 2001)

La société EUROPA SCA EXPRESS a alors proposé à KPMG de réaliser un audit de la situation intermédiaire préparée en interne par l'entreprise au 30 septembre 2001, mission compatible avec la fonction de Commissaire aux comptes de KPMG.

Dans sa lettre de mission en date du 22 octobre 2001 adressée à sa cliente et acceptée par cette dernière, Europa SCA EXPRESS SA, KPMG a notamment précisé comme le voulaient les règles professionnelles le contexte et l'objet de son intervention. Cette lettre est sans équivoque sur ce point et précise notamment :

- 'Notre rôle consistera, sur la base de notre audit, à émettre un rapport qui décrira l'étendue et les résultats de nos travaux relatifs aux différents postes du bilan arrêté au 30 septembre 2001'

- 'Notre rapport sera adressé au Président du Conseil d'Administration de Europa SCA Express S.A.' : (Pièce 5 : Lettre de mission du 22 octobre 2001)

Le bilan au 30 septembre 2001 a donc été établi en interne par EUROPA SCA EXPRESS

2 - La société KPMG observe que dans son assignation et ses conclusions de reprise d'instance signifiées en avril 2008, la société EUROPA HOLDING n'a formulé aucune demande à son encontre, ce qui l'a conduit à déposer à l'audience du 24 septembre 2008 des conclusions tendant à sa mise hors de cause, aucune demande n'étant formée à son encontre par l'une ou l'autre des parties (Pièce 15).

KPMG demandait toutefois au Tribunal de lui donner acte de ce qu'elle accepterait de participer en qualité de sachant aux opérations d'expertise dans l'hypothèse où l'expert désigné par le Tribunal estimait son audition nécessaire.

Ce n'est que par conclusions du 3 décembre 2008 que la société EUROPA HOLDING a formé pour la première fois des demandes à l'encontre de KPMG sollicitant, à titre principal, sa condamnation solidaire avec la société MORY à lui payer une somme de 1.501.447 € et 300.000 € de dommages-intérêts. Et ces demandes sont ainsi prescrites.

La prestation critiquée de KPMG est couverte par la prescription depuis le 2 février 2005 puisque l'action en responsabilité à l'encontre d'un commissaire aux comptes se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il, a été dissimulé, de sa révélation. Et en l'espèce, et ainsi qu'il résulte des conclusions du 3 décembre 2008 de la société EUROPA HOLDING, le fait dommageable serait l'établissement par KPMG SA d'un rapport provisoire d'audit de la situation intermédiaire de la société EUROPA SCA EXPRESS au 1er février 2002.

La société KPMG considère en effet que :

- l'article L.822-18 du code de commerce vise de façon générale 'les actions en responsabilité'(formule qui figurait également à l'article 235 de la loi du 24 juillet 1966) quelle que soit la mission accomplie par le commissaire aux comptes et ne fait aucune distinction entre les actions en responsabilité susceptibles d'être engagées à l'encontre d'un commissaire aux comptes. Et cet article figure d'ailleurs dans le Livre VIII, Titre II, Chapitre II du Code de commerce ' Du statut des commissaires aux comptes' et non pas dans le Chapitre III 'De l'exercice du contrôle légal'.

- la 'mission légale' du commissaire aux comptes s'entend non seulement de la mission de certification mais également des diligences directement liées à la mission de commissaire aux comptes, expressément visées à l'article L822-11 du code de commerce.

- et l'assignation délivrée par EUROPA HOLDING à KPMG SA le 1er août 2002 n'était pas interruptive de prescription, au sens de l'article 2244 du Code civil, cet article requerant pour qu'une assignation soit interruptive de prescription, qu'elle manifeste la volonté du demandeur de mettre en jeu la responsabilité de celui qu'il veut empêcher de prescrire et d'obtenir réparation de son préjudice.

En l'espèce, l'assignation délivrée par la société EUROPA à KPMG SA en 2002 ne comprenait aucune prétention à l'encontre de KPMG SA, incompatible avec la prescription commencée, puisqu'elle se bornait à demander que la désignation d'un expert judiciaire soit opposable à KPMG SA.

3 -La société KPMG se considère comme un tiers dans cette affaire. Elle a dans le cadre de ses fonctions de commissaire aux comptes, conformément à la mission qui lui avait été confiée par sa cliente, réalisé un audit de la situation intermédiaire de la société EUROPA SCA EXPRESS au 30 septembre 2001 et ce après que la société EUROPA SCA EXPRESS ait elle-même arrêté son bilan au 30 septembre 2001 dont les chiffres sont contestés par la société EUROPA HOLDING. Cet audit a mis en évidence un certain nombre d'incertitudes qui, n'ayant pu être levées par KPMG lors de la réalisation de sa mission, ont été exposées dans un rapport provisoire détaillé. Le rapport définitif n'a pas pu être établi.

4 - EUROPA HOLDING reproche à KPMG SA d'avoir failli à ses obligations légales, réglementaires et contractuelles. Elle n'apporte toutefois aucune preuve de ses allégations.

Au surplus,

la réalisation d'un audit de situation intermédiaire par un commissaire aux comptes est expressément prévue par les normes de la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes

elle a réalisé la mission d'audit de la situation comptable au 30 septembre 2001 en toute indépendance et dans un souci d'impartialité totale. Le projet de rapport détaillé en date du 1er février 2002, établi par KPMG de manière volontairement descriptive et factuelle, reprend les constats relevés lors des travaux. Dans un souci d'objectivité. Les montants d'incertitudes et d'ajustements positifs relevés par KPMG et présentés dans son rapport s'élèvent respectivement à 8,6 M€ et 3,9M€. Ces montants sont significatifs au regard de la situation de la société mais dans la lettre d'accompagnement KPMG a également rappelé les limitations et le caractère provisoire des travaux. En outre, KPMG a proposé dans son rapport d'audit provisoire un certain nombre d'ajustements directement à l'avantage de la société EUROPA HOLDING

si KPMG SA s'était émue de la transmission de son rapport provisoire par EUROPA SCA EXPRESS, nonobstant son caractère confidentiel, EUROPA HOLDING n'aurait évidemment pas à en être informée puisque les correspondances entre un commissaire aux comptes et son client, en l'espèce EUROPA SCA EXPRESS, sont couvertes par le secret professionnel.

5 - Il ne peut exister aucun lien de causalité entre l'émission par KPMG SA d'un rapport intermédiaire, qui ne peut en aucun cas être fautif puisqu'il reste intermédiaire, et le fait que la société MORY ait contesté les modalités de cession des parts sociales de la société EUROPA SCA EXPRESS.

6 - le règlement de ce prix de cession, à supposer qu'il soit confirmé par la Cour d'Appel, ne saurait être mis à la charge solidairement de KPMG car on voit mal à quel titre un commissaire aux comptes pourrait se voir mettre à sa charge le paiement de parts sociales

7 - le versement à EUROPA HOLDING SAS d'une somme de 300.000 € au titre du préjudice moral et d'image qu'elle subirait depuis 7 ans est une demande au caractère exorbitant et ne repose sur aucun justificatif de nature à l'étayer, en l'absence de lien de causalité entre la faute alléguée de KPMG (selon le demandeur le fait que KPMG n'ait pas achevé la mission) et une atteinte à son image.

Sur sa demande reconventionnelle

La société KPMG considérant qu'il a été démontré que les demandes formées par EUROPA HOLDING à son encontre étaient :

- abusives en ce que ce n'est que 6 ans après le début de l'instance et alors même que KPMG SA venait de conclure à sa mise hors de cause, que la société EUROPA HOLDING a pour la première fois formé des demandes à l'encontre de KPMG SA. De plus alors que la société MORY avait interjeté appel du jugement déféré le 9 juillet 2010, la société EUROPA HOLDING a attendu le 13 avril 2011 pour former à l'encontre de KPMG SA un appel provoqué, et ce moins de 15 jours avant la date du prononcé de l'ordonnance de clôture.

- 'absolument pas sérieuses' puisque EUROPA HOLDING n'hésite pas à demander à KPMG, assignée en sa qualité de commissaire aux comptes de la société EUROPA SCA EXPRESS, à lui payer le prix de cession des titres de la société EUROPA SCA EXPRESS.

Elle soutient que cette 'désinvolture' démontre à l'évidence que les demandes de la société EUROPA HOLDING ne sont pas sérieuses car si tel avait été le cas elle n'aurait pas 'omis' de mettre en cause KPMG SA dès le début de la procédure d'appel.

Au surplus, la société EUROPA HOLDING ayant sollicité et obtenu devant la cour d'appel la désignation d'un expert avec pour mission de donner tous éléments permettant de déterminer le prix de cession définitif des actions de la société EUROPA SCA EXPRESS, KPMG SA s'est donc trouvée attrait à cette procédure d'expertise et a communiqué les dossiers de travail réclamés par l'expert judiciaire. A l'inverse la société EUROPA HOLDING a tout fait pour faire échouer cette procédure d'expertise en formant successivement deux incidents afin de solliciter le remplacement de l'expert judiciaire désigné, ce qui a eu pour effet de retarder pendant deux ans les opérations d'expertise.

Les parties se retrouvent désormais dans la même situation que celle qui était la leur en septembre 2011 lorsqu'un expert avait été désigné par la Cour.

Un tel comportement traduit un véritable abus d'agir en justice que la Cour ne manquera pas de sanctionner.

Par conséquent, la Cour réformant le jugement déféré condamnera la société EUROPA HOLDING à payer à KPMG SA la somme de 20.000 € pour procédure abusive.

Sur les frais irrépétibles

Enfin KPMG a dû engager pour sa défense des frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge car la conduite désinvolte de la société EUROPA HOLDING et également de la société MORY ont contraint KPMG SA à engager des frais considérable afin de :

- présenter sa défense devant la Cour, défense qu'elle avait dû organiser en urgence compte tenu de sa mise en cause tardive ;

- assister aux opérations d'expertise,

- répondre aux demandes de communication de pièces faites par l'expert judiciaire.

- conclure,

- et assister aux audiences d'incident devant la Cour,

- présenter sa défense devant la Cour.

De ce fait, KPMG SA est fondée à demander la condamnation solidaire de la société EUROPA HOLDING et de la société MORY à prendre en charge l'intégralité des honoraires facturés et payés par le cabinet KPMG au cabinet CAA JURIS EUROPAE pour leur défense dans le cadre de ce dossier, soit la somme de 46.057,34 € HT, sous réserve d'actualisation (Pièce 19 :Honoraires réglés par KPMG SA à CAA JURIS EUROPAE).

***

SUR CE,

Sur l'intervention volontaire de la société FINANCIERE MORY S.A

La cour rappelle que la société FINANCIERE MORY, devenue MORY SA. a procédé à l'absorption de la société MORY GROUP, radiée le 1er novembre 2007 et qu'elle vient en conséquence aux droits et obligations de cette dernière, et par l'effet de la fusion, la société absorbante est de plein droit substituée aux obligations de la société absorbée.

D'ailleurs, la société EUROPA HOLDING SAS a pris acte de l'intervention volontaire de la société FINANCIERE MORY, devenue MORY SA, dont il résulte, que ses demandes présentées régulièrement à l'encontre de la société MORY GROUP sont désormais dirigées à l'encontre de son ayant droit à titre universel, la société FINANCIERE MORY, devenue MORY SA.

Sur la nullité de la cession

La société MORY SA demande à voir constater, à titre subsidiaire, la nullité de la vente pour indétermination du prix, pour mauvaise foi de la société EUROPA HOLDING SAS et une comptabilité de la société cédée qui ne serait pas fiable.

Et la société EUROPA HOLDING SAS entend demander subsidiairement à la Cour, en cas d'annulation de la vente, de dire qu'elle sera prononcée aux torts exclusifs des sociétés MORY SA et KPMG, de dire qu'il n'y a pas lieu à la restitution des titres cédés par la société EUROPA HOLDING SAS à la société MORY SA et de voir condamner solidairement ces dernières à verser des dommages et intérêts à la société EUROPA HOLDING SAS.

La cour ne trouve dans les arguments développés aucun élément de nature à faire droit à ces demandes, les modalités de fixation du prix étant parfaitement claires comme cela sera rappelé ci-après d'une part, la mauvaise foi non véritablement caractérisée d'autre part et l'état de la comptabilité parfaitement connu du cessionnaire au moment de la cession.

Sur la fixation du prix

La cour rappelle que le but de l'action diligentée par la société EUROPA HOLDING consistait à faire fixer à dire d'expert le prix de cession des parts de la société EUROPA SCA EXPRESS, qu'elle avait cédées quelques mois avant à la société MORY, un désaccord sur le prix définitif desdites parts étant apparu entre les parties et que la société MORY ne s'est finalement pas opposé à cette demande devant la cour.

La mission d'expertise visait ainsi à évaluer les actions de la société EUROPA SCA EXPRESS au 30 septembre 2001, selon le protocole d'accord signé entre les parties le 23 juillet 2001.

En effet,

S'agissant du mode de détermination du prix de cession

Le prix de la cession des titres de la société EUROPE SCA EXPRESS par EUROPA HOLDING SAS à MARY SA est déterminé par le protocole d'accord en date du 23 juillet 2001 qui le fixé à 13 millions de francs (1981.837 €) sous réserve d'une clause de révision à la hausse ou à la baisse selon l'éventuelle différence relevée entre le montant des capitaux propres figurant dans le bilan arrêté au 31 décembre 2000 et celui figurant dans le bilan d'acquisition arrêté au 30 septembre 2001 à établir par KPMG, commissaire aux comptes de la société cédée.

Le protocole d'accord prévoyait que le bilan d'acquisition serait la situation comptable arrêtée au 30 septembre 2001 établie par un tiers, le cabinet KPMG commissaire aux de la société EUROPA SCA EXPRESS depuis de nombreuses années, mais par lettre en date du 22 octobre 2001 éditée sur le papier à en-tête de KPMG et co-signée par les parties, il a été arrêté entre les parties que la situation bilantielle au 30 septembre 2001 sera préparé par Europa SCA Express SA sous la responsabilité de la Direction de la société, et non par KPMG comme indiqué dans le protocole d'acquisition et que la société KPMG, sur la base de notre audit, émettra un rapport qui décrira l'étendue et les résultats de ses travaux relatifs aux différents postes du bilan arrêté au 30 septembre 2001.

Autrement dit,

- le commissaire aux comptes de la société EUROPA SCA EXPRESS SA a accepté une mission d'audit devant permettre d'avaliser la situation bilantielle établie par EUROPA SCA EXPRESS permettant de déterminer le prix de cession.

- le bilan a donc été établi en interne par EUROPA SCA EXPRESS.

S'agissant du règlement du prix de cession

Une première partie du prix de cession, à hauteur de 2.000.000 de Francs , représentant 304.898,03 €, devait être versés le jour de la cession et elle a été payée comptant au cédant par le cessionnaire, le jour de la signature des ordres de mouvement.

Une deuxième partie de ce prix, à hauteur de 6.000.000 de Francs , représentant 914.694,10 €, devait être payée au cédant par le cessionnaire après l'établissement du Bilan d'acquisition.

La troisième partie de ce prix, soit 5.000.000 de Francs , représentant 762.245,09 €, devait être conservée à titre de gage, pendant la durée de la garantie d'actif et de passif consentie par le cédant au cessionnaire.

Et l'audit des plus-values immobilières n'a pas donné lieu à des difficultés particulières.

S'agissant de la clause de révision de prix

Le bilan d'acquisition a été établi unilatéralement par la société FINANCIERE MORY comme prévu mais il n'a pas été audité par la société KPMG et a été contesté par le cédant.

Il ressort en effet des éléments procéduraux que la société KPMG a procédé à ses travaux et établi le 1er février 2002 un rapport préliminaire dans lequel elle indiquait présenter ' une synthèse de nos observations préliminaires sur la situation comptable de la société EUROPA SCA EXPRESS au 30 septembre 2001.' (Pièce 7 : Rapport d'audit provisoire de KPMG SA)

Sur ces éléments, le premier juge a condamné MORY à payer à HOLDING le solde du prix de cession, soit la somme de 1. 501.44 7 € majorée des intérêts au taux contractuel de 5% à compter du 1er août 2002 et ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 code civil.

En l'absence de rapport d'expertise, c'est sur cette base, la société EUROPA HOLDING SAS entend demander à la Cour, et dans le sens de l'exécution du contrat de vente, à titre principal de confirmer le jugement entrepris et de fixer le prix à la somme de 1.501.474 € majorée des intérêts capitalisés au taux de 5% l'an à compter du 1er août 2002 et de condamner solidairement la société MORY SA et la société KPMG à verser le prix à la société EUROPA HOLDING SAS et à réparer les préjudices subis par la société EUROPA HOLDING SAS.

A titre subsidiaire, soit en cas d'annulation de la cession, la société EUROPA HOLDING SAS demande à la Cour de ne pas ordonner la restitution des titres cédés et de lui allouer des dommages et intérêts.

Quant à la société MORY, elle soutient que les clauses contractuelles d'évaluation du prix de cession sont valables et qu'elle serait fondée, compte tenu de la situation négative des capitaux propres de la société EUROPA SCA EXPRESS. Elle demande donc à la cour d'avaliser son 'bilan'

Elle expose avoir réuni les documents suivants, demandés par l'expert :

- pour le 31/12/2000 : dossiers de travail d'arrêté des comptes,

- pour le 30/09/2001 : une partie des balances et grands livres,

- pour le 21/12/2001 : l'ensemble des balances et grands livres,

et soutient que l'ouverture des procédures collectives à l'égard des sociétés MORY et EUROPA SCA EXPRESS a perturbé l'accès aux documents comptables de ces sociétés, les dirigeants étant dessaisis de leurs fonctions.

Si la cour considère qu'il était logique et prévu que, licenciement ou pas des principaux cadres d'EUROPA SCA EXPRESS, ce soient les collaborateurs de la société MORY qui, sous l'autorité des dirigeants de celle-ci, préparent la situation intermédiaire, elle observe que cette dernière n' a pas satisfait au processus prévu contractuellement puisque :

- elle n'a pas permis à la société KPMG d'établir un audit définitif de la situation au 30 septembre 2001,

- elle n'a pas communiqué la comptabilité de la société cédée, pour permettre à l'expert de faire le travail permettant l'évaluation de la clause de révision, le contraignant à déposer le 30 avril 2014 un rapport de carence. Et celui-ci précise : 'Dans ces circonstances, et en l'absence de l'information comptable de base pour cette évaluation (Comptabilité de la société EUROPA SCA EXPRESS dont les titres sont à évaluer), il m'a été impossible de remplir ma mission et d'évaluer les actions de ladite société à la date du 30 septembre 2001'.

Si le 14 février 2002, la société MORY a notifié le Bilan d'acquisition audité provisoirement par KPMG à Monsieur [L] en lui indiquant que :

- les capitaux propres de la société EUROPA SCA EXPRESS et de ses filiales au 30 septembre 2001 étant négatifs à hauteur de 9.995.000 de Francs ou 1.523.728 d'€,

- la variation de prix à la baisse jouerait conformément aux stipulations de l'article 4.4.1 du Protocole et serait égale à la différence entre le montant des capitaux propres au 30 décembre 2000 et le montant des capitaux propres tels que résultant du Bilan d'acquisition (variation négative de 17.683.471 Francs ou 2.695.828 €, de telle sorte que la valeur des actions d'EUROPA SCA EXPRESS était en réalité négative).

le premier juge a justement observé que :

- la lettre de transmission du rapport KPMG du 1° février 2002, indique qu'il ne s'agit que 'd'une synthèse de ses observations préliminaires, qu'à ce stade de 'notre' mission, il est possible que les points mentionnés dans ce rapport préliminaire ou leur évaluation soient incomplets, que par ailleurs les commentaires de l'ancienne direction sur les faits relevés n'ont pas pu être pris en compte',

- dans son point 1.3, KPMG indique 'le rapport donne une synthèse provisoire' ;

- au point 1.5, KPMG énumère un grand nombre de procédures d'audit non terminées à ce jour ; qu'au point 2.4 elle recense une longue série d'incertitudes en indiquant qu'elles correspondent à une information disponible insuffisante, à l'impossibilité d'analyser certains comptes et à un recul insuffisant pour évaluer l'impact réel du risque identifié ;

Et la société KPMG, dans ces conclusions, confirme qu'elle n'avait pas pu achever ses travaux et qu'elle n'a pas été en mesure d'établir un rapport définitif ; que cette situation l'a conduit à indiquer au conseil d'administration d'EUROPA SCA EXPRESS du 4 février 2002 qu'il ne lui était pas possible de procéder à une certification telle que prévue dans sa lettre de mission ;

La cour considère ainsi que la société MORY ne peut contourner sa carence en se prévalant de l'état de la comptabilité de la société acquise et des agissements frauduleux de son dirigeants alors que :

- elle connaissait parfaitement l'état de la comptabilité au moment de la reprise et donc la difficulté qu'il y aurait à procéder à un audit permettant au commissaire aux comptes de certifier le bilan d'acquisition arrêté au 30 septembre 2010,

- les agissements dénoncés, partiellement fondés, ont donné lieu par ailleurs à des dommages intérêts à son profit.

Elle rappelle par ailleurs que :

- si le 29 novembre 2001, la société FINANCIERE MORY adressait à la société EUROPA HOLDING SAS une lettre faisant état d'une situation nette provisoire au 30 septembre 2001 négative de 22 millions de Francs (Pièce n°10), celle-ci contestait cette position dès le 27 décembre 2001 en constatant qu'elle se voyait refuser de pouvoir participer au contrôle des opérations (Pièce n°11) et refusé l'accès aux documents sociaux, ce qui enlève tout contradictoire à une opération conduisant la société MORY à éviter d'avoir à payer le solde du prix de vente et ce, sans mettre en 'uvre la garantie d'actif et de passif.

- si la société MORY dit s'être basée sur le dernier bilan arrêté et mis à disposition de la société EUROPA SCA et sur les affirmations de Monsieur [L], ès qualités de dirigeant, pour apprécier de la valeur de la société, elle ne permet pas de le vérifier.

Certes, dans son rapport du 1er février 2002 (Pièce n°4) la société KPMG a mis en évidence plusieurs éléments impactant la situation nette de la société au 30 septembre 2001 et fait certaines observations permettant de fixer la situation nette au 30 septembre 2001 entre 23.310.000 Francs soit 3.554.000 € et 10 963.000 Francs , soit 1.671.000 €.

Et le conseil d'administration de la société EUROPA SCA EXPRESS du 4 février 2002 a arrêté les comptes établis au 30 septembre 2001 comportant notamment pour la société EUROPA SCA EXPRESS un résultat négatif de 30.239.060 Francs soit 4.609.915 € et des capitaux propres négatifs de 23.309.589 Francs soit 3.553.524 € (Pièce n°18). Mais la cour ne peut que relever une fois de plus que ces documents n'ont pas été soumis l'expert ni à la contradiction.

En conséquence, la cour ne pourra que tirer les conséquences de la désignation vaine, 10 ans après les faits, d'un expert et constatera que la clause de révision ne peut être appliquée, faute de la production par la société MORY d'un rapport d'audit définitif.

La décision du Tribunal sera donc confirmée.

Sur la demande de dommage intérêts de la société EUROPA HOLDING SAS pour violation des obligations contractuelles

S'agissant de la condamnation solidaire des sociétés MORY et KPMG

La société Europa holding SAS soutient que tant les sociétés MORY SA que KPMG ont gravement failli à leurs obligations contractuelles et légales pour demander leur condamnation solidaire à des dommages intérêts :

- la société MORY SA a adopté un comportement déloyal constitutif d'une faute lourde dans l'exécution du protocole de cession car 'les décisions de gestion de sa filiale EUROPA SCA EXPRESS par la société MORY SA ont directement perturbé l'établissement du bilan de cession au 30 septembre 2001 (recours à du personnel intérimaire et du personnel de la société MORY' qui ne possédait d'évidence ni les connaissances suffisantes sur la comptabilité de la société EUROPA SCA EXPRESS, ni, pour le personnel de la société MORY, l'objectivité et l'impartialité nécessaires à la réalisation d'un tel travail)

- La société MORY SA a systématiquement refusé tout échange contradictoire à la société EUROPA HOLDING SAS qui aurait permis de débattre du 'bilan' au 31 septembre 2001 présenté par le cessionnaire en vue de rechercher un accord sur le prix de la cession alors que la lecture du 'projet d 'audit' de la société KPMG souligne à plusieurs reprises qu'il lui était nécessaire de rencontrer l'ancienne direction de la société cédée, ce qui ne s'est jamais produit (Pièce n°21) et fait état, à de nombreuses reprises, des incertitudes, spécialement sur l'exhaustivité du chiffre d'affaires, dues aux problèmes informatiques.

- le commissaire aux comptes a eu une attitude partiale en :

.'acceptant de participer aux opérations de détermination du prix de cession via la réalisation d'un audit quand bien même la société KPMG a pu ne pas accepter de fixer le prix de la cession dès lors qu'elle ne pouvait éviter un conflit d'intérêt ni conserver son indépendance,

.'acceptant une provision sur la seule base des affirmations de la nouvelle direction.

S'agissant du comportement fautif de la société MORY

La cour observe que les difficultés de la tenue de la comptabilité et de l'établissement des comptes étaient connues du cédant qui avait délégué à l'acquéreur le soin de rétablir les choses et d'établir la situation bilantielle au 30 septembre 2001 et que celui-ci avait choisi d'entrer dans une démarche de cession ne garantissant pas correctement ses droits pour l'évaluation de la clause de révision de pix; il ne saurait donc parler d'abus.

S'agissant du comportement fautif du commissaire aux comptes

La société KPMG soutient que l'action en responsabilité à son encontre est prescrite au motif que :

- il conviendrait de faire application à la présente action en responsabilité des articles L.225-254 et L.822-18 du code de commerce relatifs à la responsabilité des commissaires aux comptes prévoyant une prescription triennale à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation ;

- le fait dommageable serait constitué uniquement par le rapport d'audit de la société KPMG du 1er février 2002 ;

- l'assignation a été signifiée le 1er août 2002 et aucune demande n'a été formée à son encontre avant le 3 décembre 2008.

La société EUROPA HOLDING répond que :

- en acceptant de réaliser un audit conformément à une lettre de mission signée le 22 octobre 2001, la société KPMG décidait d'exercer une mission conventionnelle mais en aucun cas une mission légale. En conséquence, le régime dérogatoire de prescription applicable aux commissaires aux comptes ne saurait pouvoir être invoqué en l'espèce et ce sont donc les règles de droit commun de la prescription à une action en responsabilité qu'il convient d'appliquer, à savoir :

. pour les délais : l'assignation ayant été introduite avant l'adoption de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 relative à la prescription, le délai de prescription est celui applicable avant l'entrée en loi, soit 10 ans en matière de cession de contrôle ;

. pour le point de départ de la prescription, non modifié par la loi du 17 juin 2008 : il s'agit du jour où le dommage s'est manifesté et non du jour où la faute qui a entraîné celui-ci a été commise. Or, le dommage s'est manifesté de manière continue depuis la signature de la lettre de mission jusqu'à ce jour de sorte que le délai de prescription n'a pu commencer à courir.

- la prescription, de droit commun ou triennale, a été interrompue par la citation en justice en date du 1er août 2002 à l'égard de l'ensemble des parties adverses puis par la décision de sursis à statuer prononcée le 10 décembre 2002 par le Tribunal de Commerce de Paris et jusqu'à l'issue de la procédure pénale, devenue définitive à la date du désistement par Monsieur [L] du pourvoi qu'il avait déposé, soit le 23 avril 2008.

La société KPMG soutient par ailleurs que la 'mission légale' du commissaire aux comptes s'entend non seulement de la mission de certification mais également des diligences directement liées à la mission de commissaire aux comptes, expressément visées à l'article L822-11 du code de commerce, l'article L822-17 du Code de commerce disposant que les commissaires aux comptes sont responsables des conséquences dommageables des fautes et négligences commises par eux 'dans l'exercice de leurs fonctions', sans aucune distinction entre les missions des commissaires aux comptes.

La mission d'audit telle que réalisée par KPMG pour le compte de la société EUROPA SCA EXPRESS fait donc partie des diligences directement liées à la mission de commissaires aux comptes et elle est d'ailleurs désormais définie par les normes d'exercice professionnel NEP 9010 et NEP 9070 dûment homologuées par arrêtés de mars et d'août 2008. (Pièce 12 : Normes d'exercice professionnel 9010 et 9070)

La cour rappelle que l'article 234 de la loi du 24 juillet 1966 applicable à l'époque des faits dispose : 'Les commissaires aux comptes sont responsables tant à l'égard de la société que des tiers des conséquences dommageables des fautes et négligences par eux commises dans l'exercice de leurs fonctions', sans aucune distinction entre les missions des commissaires aux comptes.

Elle considère que :

Sur la mission confiée

La mission d'audit telle que réalisée par KPMG pour le compte de la société EUROPA SCA EXPRESS ne fait pas partie des diligences directement liées à la mission légale de commissaires aux comptes et le fait que ce type de mission soit désormais définie par les normes d'exercice professionnel NEP 9010 et NEP 9070 dûment homologuées par arrêtés de mars et d'août 2008.(Pièce 12 : Normes d'exercice professionnel 9010 et 9070) ne change rien à la chose, le commissaire aux comptes ayant la possibilité d'accomplir des tâches annexes, normées par la profession, relevant d'ailleurs d'une lettre de mission spécifique puisque ne rentrant pas dans la mission générale.

La norme d'exercice professionnel 9070 parle d'ailleurs de diligences de cession : Une entité peut avoir besoin, lorsqu'elle envisage de céder une entreprise, de travaux spécifiques portant sur les informations de cette entreprise. Elle peut demander à son commissaire aux comptes de réaliser ces travaux qualifiés de 'diligences de cession'. (')

Le commissaire aux comptes est autorisé à réaliser à la demande l'entité, sur les comptes et l'information financière de l'entreprise ou sur les données qui les sous-tendent (') :

- un audit au sens de la norme relative à l'audit entrant dans le cadre de diligences directement liées à la mission de commissaire aux comptes ou un examen limité au sens de la norme relative à l'examen limité entrant dans le cadre de diligences directement liées à la mission de commissaire aux comptes.

Et elle rappelle que la réglementation applicable au commissaire aux comptes prohibe clairement toute hypothèse dans laquelle celui-ci pourrait compromettre l'objectivité attendue, non d'un auditeur, mais d'un commissaire aux comptes, soulignant que l'absence de mission légale des auditeurs anglo-saxons se trouve contrebalancée par une gestion forte de la notion de conflit d'intérêt.

La société KPMG reconnaît d'ailleurs que la possibilité pour le commissaire aux comptes de participer à la détermination du prix de la société cédée dont il est commissaire aux comptes est prohibée et la cour relève que si la société KPMG conteste qu'elle aurait eu connaissance qu'elle participait, par son audit, à la fixation du prix de la cession, elle reconnaît que :

- elle venait de refuser de fixer elle-même le prix,

- la lettre de mission a été rédigée sur son papier à en-tête et rappelait très expressément que l'audit intervenait dans le but de fixer le prix de cession.

elle poursuivait parallèlement sa mission de certification des comptes de l'entreprise cédée laquelle est une mission permanente et, après avoir exposée que son audit était provisoire en ce qu'il n'était pas soumis au contradictoire du gestionnaire précédent dans le cadre d'une désorganisation comptable connue de tous, elle devait confirmer, en quelques sorte son audit provisoire en reprenant dans la certification des comptes en fin d'exercice (31 décembre) les mêmes éléments de base que ceux relevés au 30 septembre précédent tout en indiquant au conseil d'administration d'EUROPA SCA EXPRESS du 4 février 2002 qu'il ne lui était pas possible de procéder à une certification ' telle que prévue dans sa lettre de mission.

Ainsi, la réalisation d'un audit sur des comptes intermédiaires rentre dans les missions que peut remplir un commissaire aux comptes mais pas dans sa mission légale et cette strict opération n'implique pas la détermination du prix de cession de la société en cause, même si elle en est le support, sauf à établir que le commissaire aux comptes savait que c'était le but de l'opération, ce qui est le cas, et en a tenu compte dans le cadre de son évaluation, ce qui est le cas.

Sur la prescription

Le délai de prescription de trois ans prévu aux articles 235 et 247 de la loi du 24 juillet 1966 dans leur rédaction alors applicable, devenus les articles L822-18 et L225-254 du Code de commerce régit les actions engagées à l'encontre des commissaires aux comptes à l'occasion de toute mission légale de contrôle, mais seulement celles-là. Le délai de prescription est de 10 ans et non de trois ans.

Et le point de départ de la prescription est le jour où le fait dommageable a eu lieu soit la communication par KPMG à la société EUROPA SCA EXPRESS de son rapport provisoire. La date de remise par KPMG SA de son rapport étant le 1er février 2002, la prescription n'est pas acquise dès lors que les demandes formées pour la première fois par EUROPA HOLDING à l'encontre de KPMG SA figurent dans ses conclusions du 3 février 2008.

Autrement dit, la cour considère que :

- à tout le moins la société KPMG participait indirectement à la fixation du prix des titres de la société contrôle en violation des règles légales et si sa partialité subjective n'est pas établie, sa partialité objective est en jeu.

- la prescription dérogatoire s'applique aux seules diligences que le commissaire aux comptes effectue à l'occasion de ses missions légales de contrôle et que l'action à l'encontre de la société KPMG est recevable.

Sur le préjudice

Au surplus, la cour rappelle que :

- il appartient au demandeur d'apporter la preuve de l'existence d'une faute imputable au commissaire aux comptes, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute alléguée et le dommage,

- l'assignation délivrée par la société EUROPA à KPMG SA en 2002 ne comprenait aucune prétention à l'encontre de KPMG SA,

- lorsqu'il est demandé au commissaire aux comptes d'émettre un rapport d'audit sur une situation intermédiaire, il fait application des normes relatives à la mission d'audit en prenant en considération dans sa démarche les aspects spécifiques relatifs à l'établissement de comptes intermédiaires, et n'est tenu que d'une obligation de moyens,

- Le projet de rapport en date du 1er février 2002 détaille de manière volontairement descriptive et factuelle les constats relevés lors des travaux, présentant en section 1.4 les difficultés de mise en 'uvre de la mission et rappelé le fait que les commentaires de l'ancienne direction sur les faits relevés n'avaient pas pu être pris en compte ; présenté comme des incertitudes et non des différences d'audit objectives les observations sur lesquelles il n'était pas possible de conclure ; présenté à la fois les incertitudes positives et négatives identifiées ; précisé les points en suspens à la date d'émission du rapport. Il fait état de montants d'incertitudes et d'ajustements positifs s'élèvent respectivement à 8,6 M€ et 3,9M€, montants significatifs au regard de la situation de la société.

- la société KPMG n'a pas pu achever ses travaux et qu'elle n'a pas été en mesure d'établir un rapport définitif et elle n'est donc pas intervenue dans le refus de la société MORY SA de verser le solde du prix de cession.

La cour ajoute, s'agissant de la demande de solidarité entre les sociétés MORY SA et KPMG que la société EUROPA HOLDING SAS ne démontre pas même l'existence de fautes commises par le cessionnaire et la société KPMG indissociables ou qui auraient produit un dommage unique et indivisible.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral de la société EUROPA HOLDING SAS

La société EUROPA HOLDING SAS demande à la Cour, réformant sur ce point le jugement entrepris, de condamner solidairement les sociétés MORY SA ET KPMG à lui verser une somme de 300.000 € à titre de réparation de son préjudice moral.

Elle soutient que non seulement pendant près de dix années, la société MORY SA n'a jamais fourni la moindre justification que les comptes pouvaient encore être établis et tenter de justifier le non versement du prix de cession mais lui a causé un préjudice moral et d'image considérable par ses man'uvres et l'allégation calomnieuse et mensongère selon laquelle les comptes de la société EUROPA SCA EXPRESS auraient pu être affectés d'escroquerie, allégation ayant fait l'objet d'un démenti de la Cour d'appel de Paris.

Le premier juge a justement observé que le demandeur ne démontre pas qu'elle ait subi un préjudice distinct de celui réparé par l'allocation des intérêts contractuels par ailleurs réclamé.

Sur la demande de restitution de la partie déjà versée du prix de cession

La demande de la société MORY à voir condamner la société EUROPA HOLDING SAS à lui restituer la partie du prix versé à hauteur de 304.898,03 € avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 2002 sera rejetée en conséquence des motifs précédents.

Sur le versement par la société EUROPA HOLDING SAS à la société MORY SA ès qualités de la somme, sauf à parfaire, de 6.022.000 €, correspondant à une augmentation de capital du 4 octobre 2002 de 5.900.000 € et à 122.000 € correspondants à des frais de personnel , en sus du remboursement du prix de cession.

Cette demande sera pour le même motif rejetée.

Sur la réparation de la perte de chance de percevoir le prix de la cession des titres

La demande sera rejetée au regard des motifs retenus ci-avant.

Sur la demande de dommages intérêts de la société KPMG

La demande de condamnation de la société EUROPA HOLDING SAS à payer à KPMG SA la somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive sera reçue, dès lors que :

- ce n'est que 6 ans après le début de l'instance et alors même que KPMG SA venait de conclure à sa mise hors de cause, que la société EUROPA HOLDING a pour la première fois formé des demandes à l'encontre de KPMG SA.

- alors que la société MORY avait interjeté appel du jugement déféré le 9 juillet 2010, la société EUROPA HOLDING a attendu le 13 avril 2011 pour former à l'encontre de KPMG SA un appel provoqué, et ce moins de 15 jours avant la date du prononcé de l'ordonnance de clôture.

- la société EUROPA HOLDING a retardé l'expertise par une demande de remplacement de l'expert à raison de ses liens avec la société KPMG.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

1- La société EUROPA HOLDING SAS sollicite la condamnation solidaire de la société MORY SA et de la société KPMG à lui verser chacune une de somme de 100.000 € au titre de l'article 700 du C.[H].C, outre les entiers dépens.

La cour rappelle que :

- dans son arrêt du 20 février 2008 la Cour d'Appel de Paris a reconnu coupable Monsieur [L] d'avoir mis en place un système de remboursement en espèces de fausses factures ITC, Monsieur [L] reconnaissant lui-même que 'compte tenu des services qu'Europa offrait à sa clientèle (rapidité), de la convention des 35 heures et de la loi sur les heures supplémentaires, il fallait de temps en temps quand les cas se présentaient, payer en espèces le personnel d'Europa'

- le 13 juin 2012, soit neuf mois après la nomination de Monsieur [Z] [I], la SAS EUROPA HOLDING a sollicité le changement d'expert et que la désignation de l'expert n'a été confirmée définitivement que par ordonnance du 21 février 2013.

2- La société MORY SA demande à voir la société EUROPA HOLDING SAS condamnée à lui verser la somme de 15.000 € au titre l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens de la présente instance et demande la réformation du jugement du 29 juin 2010 en ce qu'il a condamné la société FINANCIERE MORY (aux droits de laquelle vient la société MORY SA) à payer à la société EUROPA HOLDING la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La cour rappelle que l'échec d'évaluation de la clause de révision de prix lui incombe.

3- La société KPMG demande la condamnation solidaire de la société EUROPA HOLDING et de la société MORY à prendre en charge l'intégralité des honoraires facturés et payés par le cabinet KPMG au cabinet CAA JURIS EUROPAE pour leur défense dans le cadre de ce dossier, soit la somme de 46.057,34 € HT, sous réserve d'actualisation (Pièce 19 : Honoraires réglés par KPMG SA à CAA JURIS EUROPAE).

La cour rappelle retenir que la société KPMG n'a pas respecté les obligations professionnelles en participant à l'audit de al situation intermédiaire devant servir à la mise en jeu de la clause de révision de prix de cession.

Dès lors, la cour considère que l'équité commande de ne pas allouer des indemnités au titre des frais irrépétibles et les demandes en ce sens ne seront donc pas accueillies.

Quant aux dépens, ils seront mis à la charge de la société MORY SA, en ce compris les frais d'expertise.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en date du 29 juin 2010 rendu par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :

- dit la société FINANCIERE MORY recevable et bien fondée à agir en qualité d'ayant droit à titre universel de la société MORY GROUP ;

- condamné la société FINANCIERE MORY à payer à la société EUROPA HOLDING la somme de 1.501.474 € majorée des intérêts contractuels à compter du 1er août 2002 ;

- ordonné la capitalisation des intérêts à la même date.

L'infirme pour le surplus

Statuant à nouveau

- dit recevable la mise en cause forcée de la société KPMG

- déboute la société EUROPA HOLDING SAS de l'ensemble des demandes formées à l'encontre de KPMG SA

Y ajoutant

- déboute la société EUROPA HOLDING SAS de ses autres demandes de condamnation solidaire des sociétés MORY SA et KPMG

- déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires, y compris celles formées au titre de l'article 700 code de procédure civile

- met les dépens à charge de la société MORY SA, en ce compris les frais d'expertise et dit qu'ils seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

X. FLANDIN-BLETY F. FRANCHI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 10/24580
Date de la décision : 25/09/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°10/24580 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-25;10.24580 ?
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