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18/09/2014 | FRANCE | N°13/07874

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 18 septembre 2014, 13/07874


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ARRÊT DU 18 Septembre 2014



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/07874



Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 26 Juillet 2013 par le Conseil de prud'hommes de MEAUX - RG n° 13/00029





APPELANTE

SAS EISMANN

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Luc MASSON, avocat au barreau de ROUEN






INTIME

Monsieur [M] [F]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Nathalie BAUDIN-VERVAECKE, avocat au barreau de MEAUX





PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE

UNION DE...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 18 Septembre 2014

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/07874

Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 26 Juillet 2013 par le Conseil de prud'hommes de MEAUX - RG n° 13/00029

APPELANTE

SAS EISMANN

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Luc MASSON, avocat au barreau de ROUEN

INTIME

Monsieur [M] [F]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Nathalie BAUDIN-VERVAECKE, avocat au barreau de MEAUX

PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE

UNION DEPARTEMENTALE CGT DE SEINE ET MARNE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Nathalie BAUDIN-VERVAECKE, avocat au barreau de MEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 juin 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Nicolas BONNAL, Président

Madame Martine CANTAT, Conseiller

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Nicolas BONNAL, Président et par Madame FOULON, Greffier .

Statuant sur l'appel formé par la SAS EISMANN à l'encontre d'une ordonnance de départage rendue, le 26 juillet 2013, par le conseil de prud'hommes de Meaux, en sa formation de référé, qui a invité les parties à se pourvoir au principal, mais par provision, vu l'urgence, a':

-condamné la SAS EISMANN au paiement à Monsieur [M] [F] des sommes de':

-1.101,65 euros, au titre de ses heures de délégation pour l'exercice de son mandat de délégué syndical,

-300 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la SAS EISMANN à la remise à Monsieur [M] [F] d'un bulletin de paye conforme à l'ordonnance, sous astreinte de 15 euros par jour de retard et par document,

-débouté Monsieur [M] [F] du surplus de ses demandes,

-condamné la SAS EISMANN aux dépens';

Vu les dernières écritures et observations orales à la barre, en date du 17 juin 2014, de la SAS EISMANN qui demande à la Cour de':

-infirmer l'ordonnance pour toutes les condamnations prononcées à son encontre et la confirmer pour le surplus,

-débouter Monsieur [M] [F] de l'ensemble de ses demandes,

-condamner Monsieur [M] [F] au paiement de la somme de 2.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-déclarer irrecevable l'intervention volontaire de l'Union départementale CGT de [Localité 1],

-débouter l'Union départementale CGT de [Localité 1] de l'ensemble de ses demandes';

Vu les dernières écritures et observations orales à la barre, en date du 17 juin 2014, de Monsieur [M] [F] qui demande à la Cour de':

-rejeter des débats le rapport de filature produit par la SAS EISMANN, au motif que cette filature réalisée à son insu porte atteinte à sa vie privée,

-confirmer l'ordonnance, en ce qu'elle a condamné la SAS EISMANN au paiement des sommes de'1.101,65 euros, au titre de ses heures de délégation, et de 300 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et l'infirmer pour le surplus,

-condamner, en plus, la SAS EISMANN au paiement des sommes provisionnelles suivantes':

-2.088,55 euros, au titre des heures supplémentaires,

-208,85 euros, au titre des congés payés y afférents,

-5.000 euros, à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale et conditions de travail anormales,

-3.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-dire que les condamnations prononcées porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement et que ceux-ci seront majorés selon l'article L.313-3 du code monétaire et financier,

-ordonner la capitalisation des intérêts, conformément à l'article 1154 du code civil';

Vu les dernières écritures et observations orales à la barre, en date du 17 juin 2014, de l'Union départementale CGT de [Localité 1] qui demande à la Cour de':

-recevoir son intervention volontaire,

-condamner la SAS EISMANN au paiement d'un euro symbolique compte tenu de la discrimination subie par Monsieur [M] [F] et de l'entrave exercée à ses mandats de représentation';

SUR CE, LA COUR

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [M] [F] a été engagé par contrat à durée indéterminée du 17 septembre 2004, en qualité de'chauffeur-livreur, par la SAS EISMANN qui exerce une activité de négoce de détail de produits surgelés.

En 2006, il a été désigné par le syndicat CGT délégué syndical.

Il a saisi, le 25 janvier 2013, le conseil de prud'hommes de Meaux en référé, afin d'obtenir le paiement d'heures de délégation effectuées dans le cadre de son mandat, d'heures supplémentaires, de dommages et intérêts pour sanction abusive et conditions de travail anormales, ainsi que la remise des bulletins de paye conformes.

Le conseil de prud'hommes'a condamné la SAS EISMANN au paiement de la somme de'1.101,65 euros, au titre de ses heures de délégation pour l'exercice de son mandat de délégué syndical, et à la remise d'un bulletin de paye conforme à l'ordonnance sous astreinte de 15 euros.

La SAS EISMANN a interjeté appel de la décision rendue.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de l'Union départementale CGT de [Localité 1]

Considérant que la SAS EISMANN soutient que cette intervention volontaire est irrecevable aux motifs':

-qu'il n'est pas justifié de l'habilitation de Madame [V], secrétaire, pour ester en justice au nom de l'Union départementale CGT de [Localité 1],

-qu'il n'est pas justifié de l'intérêt du syndicat à intervenir dans le litige qui a trait au paiement d'heures supplémentaires,

-que l'article 554 du code de procédure civile ne permet pas à un intervenant, en cause d'appel, de soumettre un litige nouveau et de demander des condamnations personnelles';

Considérant que Madame [V] ne justifiant d'aucun pouvoir, il y a lieu de déclarer irrecevable l'intervention volontaire de l'Union départementale CGT de [Localité 1]';

Sur le retrait d'une pièce des débats

Considérant que Monsieur [M] [F] demande à la Cour dans le cadre de la plaidoirie sur le fond, sans l'avoir préalablement mentionné dans le dispositif de ses conclusions, d'écarter des débats le rapport de filature, en date du 14 décembre 2012, réalisé par un enquêteur privé, produit par la SAS EISMANN, au motif que la filature, qui a été réalisée à son insu, porte atteinte à sa vie privée';

Considérant que ce moyen, relatif au caractère illicite dudit rapport, dont Monsieur [M] [F] demande qu'il soit écarté des débats, constitue une défense au fond et non une exception de procédure, conformément à l'article 71 du code de procédure civile';

Qu'en conséquence, Monsieur [M] [F] n'avait pas à soulever ce moyen avant toute défense au fond, mais pouvait formuler sa prétention en cours d'audience, la procédure prud'homale étant orale ;

Que, par ailleurs, cette pièce a fait l'objet d'un débat contradictoire';

Considérant que l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que «'toute personne a droit au respect de sa vie privée'»'; qu'il en est de même de l'article 9 du code civil qui dispose que «'chacun a droit au respect de sa vie privée'»';

Qu'en l'espèce, l'enquêteur a, à la demande de la SAS EISMANN qui l'avait saisi aux fins de définir l'emploi du temps de Monsieur [M] [F],'suivi ce dernier':

-chaque jour, du mardi 2 au mardi 16 octobre 2012, du mardi 23 au mercredi 31 octobre 2012 et du lundi 5 au vendredi 9 novembre 2012,

-le matin, de sa sortie des locaux de l'entreprise jusqu'à 13h30, alors qu'il effectuait les livraisons chez les clients avec un véhicule de l'entreprise, puis rentrait à son domicile pour sa pause de la mi-journée,

-l'après-midi, à partir de 17h30, de la sortie de son domicile jusqu'à son retour dans des locaux de l'entreprise, en fin de journée, alors qu'il avait effectué la dernière livraison et revenait avec le véhicule de l'entreprise';

Que le rapport des filatures réalisées par l'enquêteur mentionne':

-les adresses et les horaires de chaque arrêt du véhicule de l'entreprise conduit par Monsieur [M] [F], pour effectuer des livraisons ou prendre de l'essence,

-les horaires auxquels Monsieur [M] [F] arrivait et repartait de son domicile en milieu de journée,

-les horaires auxquels Monsieur [M] [F] a été vu à bord d'un autre véhicule que celui de l'entreprise, en précisant la marque, le numéro d'immatriculation et la couleur de ce véhicule, ainsi que le nombre d'enfants qui l'accompagnaient (mardi 2 et lundi 8 octobre),

-l'emploi du temps de Monsieur [M] [F] de l'après-midi du lundi 8 octobre, alors que la société avait indiqué à l'enquêteur qu'il avait pris une journée au titre de ses heures de délégation,

-une description des habitations qui jouxtent le domicile de Monsieur [M] [F] (lundi 8 octobre),

-la marque, le numéro d'immatriculation et la couleur des véhicules garés aux abords du domicile de Monsieur [M] [F], avec leur photo prise le lundi 8 octobre entre 20h30 et 21h00, heure à laquelle «'la surveillance'» des lieux a cessé';

Que l'employeur a ainsi organisé une filature qui a abouti, d'une part, à un contrôle des activités professionnelles, mais aussi syndicales du salarié, alors que celui-ci l'avait averti qu'il utilisait ses heures de délégation, et, d'autre part, à une surveillance clandestine et déloyale du salarié dans le cadre de sa vie privée et familiale, alors qu'il se trouvait à son domicile'ou dans un véhicule n'appartenant pas à la société ;

Qu'ainsi, l'employeur a manifestement porté atteinte à la vie privée du salarié dans des conditions insusceptibles d'être justifiées, eu égard au caractère disproportionné de l'atteinte, par les intérêts légitimes de l'employeur';

Qu'il y a lieu, en conséquence, d'écarter ledit rapport des débats, au motif que cette preuve est illicite';

Sur les heures de délégation et les heures supplémentaires

Considérant que l'article R.1455-5 du code du travail prévoit, dans tous les cas d'urgence, que la formation de référé peut, dans la limite de la compétence du conseil de prud'hommes ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend, l'article R.1455-7 précisant que dans le cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire';

Que l'article R.1455-6 prévoit, par ailleurs, que la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite';

- les heures de délégation

Considérant que Monsieur [M] [F] sollicite la condamnation de la SAS EISMANN au paiement de la somme de 1.101,65 euros, au titre de ses heures de délégation afférentes à l'exercice de son mandat de délégué syndical CGT';

Que la SAS EISMANN reconnaît, dans ses écritures, que Monsieur [M] [F] a exercé un mandat de délégué syndical CGT de novembre 2009 à novembre 2013';

Qu'en conséquence, Monsieur [M] [F] a bénéficié, pendant toute cette période d'heures de délégation';

Considérant que l'article L.2143-17 du code du travail dispose que «'les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail et payées à l'échéance normale'» et que «'l'employeur qui entend contester l'utilisation faite des heures de délégation saisit le juge judiciaire'»';

Que cette présomption de bonne utilisation, qui ne disparaît que lorsque des heures sont prises au-delà du quota d'heures prévu par les textes, subsiste lorsque des heures de délégation sont prises en dehors des heures habituelles de travail';

Qu'il n'est pas contesté que la SAS EISMANN n'a pas saisi le juge du fond d'une quelconque contestation relative à l'utilisation par Monsieur [M] [F] de ses heures de délégation, ce juge étant seul compétent pour apprécier si ce dernier justifie, ou non, les avoir prises en dehors de son horaire de travail en raison des nécessités de son mandat'et pour écarter la présomption légale de bonne utilisation des heures de délégation prises en dehors des heures habituelles de travail';

Qu'en conséquence, la SAS EISMANN ne peut refuser, de sa propre initiative, de les payer au salarié, qui bénéficie toujours de ladite présomption légale';

Considérant que Monsieur [M] [F] produit'un tableau qui fait apparaître, jour par jour, entre le 10 mai 2012 et le 30 janvier 2013, le nombre total, les plages horaires et le taux horaire des heures de délégation dont il sollicite le paiement, pour un montant global de 1.101,65 euros';

Que la SAS EISMANN produit'des tableaux relatifs aux heures de délégation dont a bénéficié Monsieur [M] [F], en 2011 et 2012, mais ne justifie pas du paiement des heures de délégation dont ce dernier sollicite le paiement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'existe aucune contestation sérieuse sur l'absence de paiement des heures de délégation dues à Monsieur [M] [F] à hauteur de 1.101,65 euros ;

Qu'ainsi, le juge des référés, conformément aux dispositions des articles précités, est compétent pour ordonner la mesure'sollicitée par le salarié ;

Qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance sur ce point,'en précisant que cette somme est due avec intérêts au taux légal, à compter du prononcé du jugement, majorés selon l'article L.313-3 du code monétaire et financier, et capitalisation des intérêts, conformément à l'article 1154 du code civil';

-les heures supplémentaires

Considérant que Monsieur [M] [F] sollicite la condamnation de la SAS EISMANN au paiement des sommes de 2.088,55 euros, au titre des heures supplémentaires, et de 208,85 euros, au titre des congés payés y afférents';

Considérant qu'aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié'; que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles';

Qu'ainsi, si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande';

Considérant que Monsieur [M] [F] produit':

-différents courriers recommandés envoyés à l'employeur, soit par lui-même, soit par le syndicat CGT, pour l'informer, du nombre et des plages horaires des heures de délégation d'heures utilisées par Monsieur [M] [F]'en dehors de son temps de travail ;

-un courrier de réponse de la SAS EISMANN, en date du 13 janvier 2012, rappelant que, sauf «'circonstances exceptionnelles nécessitant le recours à des heures supplémentaires, effectuées à la demande et/ou avec l'accord exprès'» de son supérieur hiérarchique, Monsieur [M] [F] devait appliquer l'horaire collectif de l'entreprise qui est de 35 heures par semaine réparties comme suit': 9h30-13h30 et 18h00-21h00,

-un courrier de réponse de la SAS EISMANN, en date du 2 janvier 2013, contestant la totalité des heures supplémentaires invoquées, aux motifs que le salarié n'avait pas fait de demande préalable et que les heures de délégation prises en dehors du temps de travail ne sont valables que si les nécessités du mandat le justifient, ce qui n'était pas le cas en ce qui le concerne,

-des tableaux qui font apparaître, jour par jour, entre le 10 mai 2012 et le 31 janvier 2013, le nombre total et les plages horaires de ses heures supplémentaires effectuées dans le cadre de son mandat, ainsi que leur taux horaire,

-des factures de clients auxquels il a livré des produits et les tickets d'encaissement de leur carte de paiement, qui mentionnent le jour et l'heure exacte des débits, notamment en dehors des horaires collectifs indiqués par l'employeur,

-un courrier de l'inspectrice du travail, en date du 20 novembre 2012':

-qui mentionne que, suite à sa visite effectuée le 12 novembre 2012 dans les locaux de l'établissement de [Localité 2], il lui est apparu que les salariés, qui exercent des activités de livraison, n'étaient pas employés selon un horaire collectif au sens de l'article D.3171-1 du code du travail,

-qui demande «'à nouveau'» à la SAS EISMANN d'établir des documents de contrôle de la durée du travail des salariés et de maintenir ces documents à la disposition de l'inspection du travail,

-qui précise que le décompte doit être opéré selon les modalités suivantes': quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures de travail accomplies, et, hebdomadairement, par récapitulation selon tous moyens du nombre d'heures de travail accomplies par chaque salarié (article D.3171-8 du code du travail),

-qui rappelle que le responsable du site lui a indiqué le jour de la visite que les salariés poursuivaient leur tournée sur leur temps de coupure,

-qui relève que les feuilles de route mentionnent des horaires de disponibilité du client (ex. 16h/19h) qui portent, pour partie, sur le temps de pause des salariés,

-un courrier de l'inspecteur du travail, en date du 17 janvier 2013,'qui met en exergue les différences qu'il a constatées entre les relevés d'horaires réalisés par le chef du site de [Localité 2] et les reçus de carte bleue produits par Monsieur [M] [F],

-des attestations de chauffeurs-livreurs de la SAS EISMANN qui déclarent qu'ils'passent entre 20 et 30 minutes chaque matin pour charger le camion qui est à une température d'environ 30° en y rangeant les colis par ordre de livraison';

Considérant que la SAS EISMANN produit':

-des tableaux qui font apparaître les horaires du début de livraison, la distance et le temps du trajet entre le site de [Localité 2] et les lieux de livraison, le nombre de livraisons, les heures de visite du premier client et du dernier client le matin et l'après-midi, uniquement pour la période allant du 12 novembre au 17 décembre 2012,

-le rapport de filature, en date du 14 décembre 2012, réalisé à sa demande par un enquêteur privé, qui est écarté des débats';

Que les décomptes de l'employeur, établis sur une très courte période, prennent essentiellement en compte les seules heures de livraison, et non les autres activités exercées par les salariés, notamment':

-le chargement du camion effectué par le chauffeur-livreur avant chaque départ en tournée de livraison,

-l'entretien du véhicule, alors que le contrat de travail prévoit que le chauffeur-livreur doit nettoyer l'intérieur et l'extérieur, au minimum une fois par semaine, et doit assurer le bon fonctionnement du véhicule avant de l'utiliser': «'niveau d'huile moteur, niveau d'huile direction, niveau liquide de frein, niveau de liquide de refroidissement, usure et état des pneus, présence de la roue de secours, fréquence des vidanges (selon les indications dans le manuel d'entretien), vérification de l'éclairage'»';

Considérant que l'examen des pièces communiquées de part et d'autre, à l'exception du rapport de filature, confirme'que la SAS EISMANN':

-ne prend pas en compte l'intégralité des tâches accomplies par Monsieur [M] [F], dont celles qui sont listées dans son contrat de travail, pour le rémunérer,

-n'établit pas les documents de contrôle de la durée du travail de ses salariés demandés par l'inspection du travail, notamment, par l'enregistrement des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures de travail accomplies,

-n'apporte aux débats aucun élément justifiant de la durée exacte des activités professionnelles de Monsieur [M] [F]';'

Qu'ainsi, il n'existe aucune contestation sérieuse sur la demande du salarié relative au paiement d'heures supplémentaires';

Que le juge des référés, conformément aux dispositions des articles précités, est donc compétent pour ordonner la mesure'sollicitée par le salarié ;

Que la cour retient, après examen des pièces produites, que le salarié peut prétendre au paiement de la somme de 2.088,55 euros, au titre des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été payées';

Qu'il y a lieu d'infirmer la décision entreprise et de condamner la SAS EISMANN au paiement, à Monsieur [M] [F], des sommes provisionnelles de 2.088,55 euros, au titre des heures supplémentaires, et de 208,85 euros, au titre des congés payés y afférents, avec intérêts au taux légal, à compter du prononcé de l'arrêt, majorés selon l'article L.313-3 du code monétaire et financier, et capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil';

Sur les dommages et intérêts pour discrimination syndicale et conditions de travail anormales

Considérant que Monsieur [M] [F] demande la condamnation de son employeur au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale et conditions de travail anormales';

Considérant que les griefs que le salarié invoque découlent, essentiellement, des faits afférents aux rapports conflictuels qui existent entre les parties depuis plusieurs années et ne sont pas en rapport direct avec les deux demandes en paiement des heures de délégation et des heures supplémentaires';

Que l'octroi de dommages et intérêts, même à titre provisionnel, nécessite en l'espèce un débat au fond';

Qu'il existe, ainsi, une contestation sérieuse ;

Qu'il y a lieu de débouter Monsieur [M] [F] de sa demande et de confirmer l'ordonnance sur ce point';

Sur la remise des documents sociaux

Considérant que Monsieur [M] [F] demande, dans ses conclusions, la confirmation de l'ordonnance, en ce qu'elle a condamné la SAS EISMANN au paiement des sommes de'1.101,65 euros, au titre de ses heures de délégation, et de 300 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et son infirmation pour le surplus, ce qui implique qu'il sollicite l'infirmation de cette décision en ce qu'elle a condamné la SAS EISMANN à la remise d'un bulletin de paye conforme à l'ordonnance, sous astreinte de 15 euros par jour de retard et par document';

Que la SAS EISMANN demande également, dans ses conclusions, l'infirmation de l'ordonnance pour toutes les condamnations prononcées à son encontre';

Que la question de la remise de bulletins de paye conformes n'a pas été débattue lors de l'audience';

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné la SAS EISMANN à la remise d'un bulletin de paye conforme à l'ordonnance, sous astreinte';

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Considérant qu'il y a lieu de condamner la SAS EISMANN, qui succombe en ses prétentions, au paiement à Monsieur [M] [F] des sommes de 300 euros, pour la procédure de première instance et de 2.700 euros, pour la procédure d'appel, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, l'ordonnance entreprise étant donc confirmée en ce qu'elle a statué sur les frais irrépétibles et les dépens ;

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevable l'intervention volontaire de l'Union départementale CGT de [Localité 1],

Ecarte des débats le rapport de filature, en date du 14 décembre 2012, réalisé par un enquêteur privé, produit par la SAS EISMANN,

Confirme l'ordonnance,

-sauf à préciser que la condamnation de la SAS EISMANN au paiement à Monsieur [M] [F] de la somme de 1.101,65 euros, au titre des heures de délégation, est due avec intérêts au taux légal, à compter du prononcé du jugement, majorés selon l'article L.313-3 du code monétaire et financier, et capitalisation des intérêts, conformément à l'article 1154 du code civil,

-sauf en ce qu'elle a':

-débouté Monsieur [M] [F] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires,

-condamné la SAS EISMANN à la remise d'un bulletin de paye conforme à l'ordonnance, sous astreinte,'

La réformant de ces chefs et y ajoutant,

Condamne la SAS EISMANN au paiement à Monsieur [M] [F] des sommes provisionnelles de 2.088,55 euros, au titre des heures supplémentaires, et de 208,85 euros, au titre des congés payés y afférents, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt, majorés selon l'article L.313-3 du code monétaire et financier, et capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil,

Condamne la SAS EISMANN au paiement à Monsieur [M] [F] de la somme de 2.700 euros au titre de la procédure d'appel, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes les autres demandes,

Condamne la SAS EISMANN aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 13/07874
Date de la décision : 18/09/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°13/07874 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-18;13.07874 ?
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