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18/09/2014 | FRANCE | N°12/11142

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 18 septembre 2014, 12/11142


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 18 septembre 2014



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/11142



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 juillet 2012 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 10-04926





APPELANTE

SAS LE BISTROT DU SOMMELIER

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Xavier LOUBEYRE, avocat au

barreau de PARIS, toque : R196





INTIMEE

URSSAF ILE DE FRANCE

Division des Recours amiables et judiciaires

[Adresse 3]

[Localité 3]

représentée par Mme [J] en vertu d'un pouvoir s...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 18 septembre 2014

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/11142

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 juillet 2012 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 10-04926

APPELANTE

SAS LE BISTROT DU SOMMELIER

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Xavier LOUBEYRE, avocat au barreau de PARIS, toque : R196

INTIMEE

URSSAF ILE DE FRANCE

Division des Recours amiables et judiciaires

[Adresse 3]

[Localité 3]

représentée par Mme [J] en vertu d'un pouvoir spécial

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 1]

[Localité 2]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 mai 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président

Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller

Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Marion MELISSON, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Marion MELISSON, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

A l'occasion d'un contrôle d'assiette opéré au sein de la SAS Bistrot du Sommelier, exploitant un fonds de commerce de restaurant à [Localité 4] sur la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008, l'inspecteur du recouvrement a procédé à un redressement portant sur les chefs suivants :

- évaluation des avantages en nature concernant les repas des mandataires sociaux à savoir M. et Mme [K] [L], respectivement président et directrice générale de la société.

- indemnité compensatrice de nourriture et de la réduction des cotisations.

- évaluation des avantages en nature véhicule.

L'organisme du recouvrement a adressé à la SAS Bistrot du Sommelier, une lettre d'observations en date du 23 avril 2009, suivie d'une mise en demeure en date du 13 juillet 2009 pour paiement d'une somme de 29.079 euros en cotisations et 3.594 euros au titre des majorations de retard .

Saisie d'une contestation relative aux deux premiers chefs de redressement, la commission de recours amiable a fait droit à la requête à hauteur de 786 euros sur la réduction forfaitaire des cotisations mais maintenu le redressement au titre des avantages en nature nourriture des mandataires sociaux de sorte que le recouvrement a été chiffré à hauteur de 28. 293 euros de cotisations et 3 594 euros de majorations.

C'est dans ces conditions que la société a introduit un recours devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale pour contester le chef de redressement ainsi maintenu .

Par jugement en date du 27 juillet 2012 cette juridiction :

- a rejeté sa demande de sursis à statuer fondée sur l'exception d'illégalité de l'arrêté du 10 décembre 2002,

- l'a déboutée de sa demande en annulation du redressement,

- et condamnée à payer la somme de 28 293 € à titre de cotisations pour la période du 01/01/2006 au 31/12/2008 et 3 594 € au titre de majorations de retard.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SAS Bistrot du Sommelier demande à la cour principalement de:

- juger que le principe d'égalité et de non-discrimination constitue un principe fondamental de valeur constitutionnelle, qu'aucun dispositif, raison, justification ou motif ne légitime un traitement différent du principe d'évaluation des avantages en nature des mandataires sociaux et des salariés des établissements relevant de la convention collective des hôtels-restaurants,

- dire que l'exception d'illégalité de l'article 5 alinéa 2 de l'arrêté du 10 décembre 2002 présentant un caractère sérieux et portant sur la question dont la solution est nécessaire au règlement du présent litige, il convient par application de l'article 378 du Code de procédure civile d'ordonner un sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive des juridictions administratives saisies d'une question préjudicielle sur l'illégalité de l'arrêté,

- dire et juger que l'autorité administrative sera saisie aux fins d'abrogation des dispositions précitées de l'arrêté dans le mois de la décision définitive à intervenir et ce par la partie la plus diligente,

- juger que les précédents contrôles opérés par l'URSSAF constituent un accord implicite des avantages en nature déclarés, dans les mêmes conditions et selon les mêmes méthodes par les mandataires sociaux,

- à titre subsidiaire, dire que l'évaluation de l'avantage en nature à la valeur réelle ne doit pas être excessive mais réaliste,

- en conséquence, annuler le redressement basé sur l'avantage en nature « nourriture » pour les mandataires sociaux de la société pour la période du Ier janvier 2006 au 31 décembre 2008,

L'Urssaf de [Localité 4]-région parisienne devenue l'Urssaf d'Ile de France conclut à confirmation du jugement pour les motifs entrepris , y ajoutant une demande de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir en substance que le moyen tiré de l'illégalité n'est pas sérieux,que la demande de sursis à statuer devra être rejetée, que l'employeur ne démontre pas l'identité entre la période contrôlée, objet du précédent contrôle et le dernier contrôle ; enfin que sur la méthode d'évaluation , que celle ci tient compte de la valeur réelle de l'avantage repas.

Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les conclusions des parties régulièrement communiquées, oralement soutenues et visées par le greffe à l'audience du 16 mai 2014, conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de leurs demandes, moyens et arguments.

SUR CE,LA COUR

Considérant qu'il résulte de l'article 5 alinéa 2 du décret du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature, que s'agissant notamment des présidents et dirigeants des sociétés par actions simplifiées, les avantages nourriture et logement sont déterminés d'après la valeur réelle ;

Que relevant au cours de son contrôle que M. et Mme [K] [L], respectivement président et directrice général de la SAS Bistrot du Sommelier, bénéficiaient de la nourriture gratuite et que cet avantage en nature avait été évalué non d'après sa valeur réelle, mais sur la base forfaitaire égale à une fois le minimum garanti par repas (1 MG), comme pour tous les salariés employés au restaurant, l'inspecteur du recouvrement a procédé à sa réintégration dans l'assiette des cotisations sur la base réelle correspondant au menu le moins cher de l'établissement, soit 32 € par repas et par dirigeant.

Considérant que l'employeur invoque plusieurs moyens :

- l'exception d'illégalité de l'arrêté du 10 décembre 2002

Considérant que la SAS Bistrot du Sommelier, sur le fondement des principes conventionnels et constitutionnels d'égalité devant la loi, fait valoir qu'il y a incontestablement une différence de traitement entre les catégories de personnes salariés et dirigeants, que cette différence ne résulte d'aucune conséquence nécessaire de la loi ,que les dispositions de l'article 5 alinéa 2 de l'arrêté du 10 décembre 2002 sont contraires au principe d'égalité et constitutives d'une discrimination injustifiée en défaveur du mandataire social, de sorte que la juridiction administrative doit être saisie d'une question préjudicielle;

Considérant que la juridiction de l'ordre judiciaire, à qui est opposée une exception d'illégalité d'un texte réglementaire, n'est tenue de surseoir à statuer que si cette exception a un caractère sérieux et porte sur une question dont la solution est nécessaire au règlement au fond du litige ;

Et considérant que c'est aux termes d'une motivation pertinente adoptée par la cour, que le tribunal des affaires de la sécurité sociale a dit que l'exception soulevée ne présentait aucun caractère sérieux en relevant :

- d'une part, que les avantages en nature étaient des biens ou services fournis par l'employeur au salarié gratuitement ou moyennant rémunération retenus dans la base du calcul des cotisations pour leur valeur réelle sauf exception; que tel était le cas de l'avantage en nature nourriture dont bénéficie le personnel des hôtels cafés et restaurants auxquels l'employeur doit fournir gratuitement la nourriture en vertu des usages et de la convention collective et qui, quel que soit le niveau de rémunération des salariés de l'entreprise est inclus dans l'assiette des cotisations pour la valeur égale à une fois le minimum garanti par repas,

- d'autre part, que ce dispositif spécifique s'explique par les conditions et contraintes particulières de travail des salariés de ces établissements de sorte que ceux ci ne se trouvent pas dans la même situation que le mandataire social en termes de fonctions , responsabilités, autonomie, niveau de rémunération,

- enfin, que les mandataires sociaux, bien qu'assujettis au régime général de la sécurité sociale par les articles L 311-3-11 et L 311-3-12, ne sont pas pour autant des salariés au sens du code du travail et ne peuvent donc bénéficier en cette seule qualité de mandataire social, des mesures d'exonération totale ou partielle de cotisations applicables aux salariés sauf s'ils cumulent leur mandat social avec un contrat de travail pour lequel ils relèvent du régime géré par pole emploi;

Que force est de constater que si M et Mme [K] [L] bénéficient d'un contrat de travail, ils ne relèvent pas de l'assurance chômage;

Qu'il s'en déduit que les mandataires sociaux de la SAS Bistrot du Sommelier, comme l'a retenu le tribunal des affaires de la sécurité sociale, ne sont pas dans une situation identique à celles des salariés de nature à sous tendre la discrimination invoquée ;

Qu'en conséquence, les éléments ainsi développés ne conférant pas un caractère sérieux à l' exception d'illégalité de l' arrêté soulevée par la société, c'est à bon droit que le tribunal des affaires de la sécurité sociale a rejeté la demande de sursis à statuer présentée ;

- sur l'accord implicite

Considérant que les premiers juges rappellent, à bon droit, les dispositions de l'article R243-59 du code de la sécurité sociale alors applicables qui stipulent que l'absence d'observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l'organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause ; qu'ils indiquent aussi avec pertinence qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve d'une décision non équivoque de l'organisme du recouvrement approuvant la pratique antérieure,

Et considérant en l'espèce que si la société a fait l'objet de contrôles antérieurs s'échelonnant entre 1987 et 2003 , elle ne démontrait toutefois ni que le mode d'évaluation des avantages en nature des mandataires sociaux était identique lors des précédents contrôles opérés au sein successivement à l'époque de la SARL puis la SA Bistrot du Sommelier , ni que l'Urssaf ait approuvé la pratique litigieuse ; que les 4 extraits lapidaires de contrôle qu'elle produit aux débats ne suffisent pas à caractériser la preuve qui lui incombe ;

Que dès lors, c'est avec justesse que le tribunal des affaires de la sécurité sociale a rejeté ce moyen ;

- sur l'évaluation de l'avantage en nature

Considérant que l'inspecteur du recouvrement a évalué l'avantage en nature nourriture en estimant que pour un mandataire social, la valeur réelle devait correspondre au prix public, celui-ci englobant le prix de revient ainsi que toutes les charges annexes relatives à l'élaboration, la préparation et la cuisson, les frais de personnel de cuisine; qu'il a ainsi retenu le prix le plus bas pratiqué dans l'établissement, soit 32 euros;

Que la SAS Bistrot du Sommelier critique cette évaluation et soutient qu'il convenait de déduire du prix de repas de 32 euros, la marge commerciale de 78 % de sorte que l'évaluation devait être calculée sur la base par repas de 7,04 euros ;

Et considérant que c'est à raison que le tribunal des affaires de la sécurité sociale a confirmé le calcul opéré par l'inspecteur du recouvrement dans la mesure où la valeur réelle d'un avantage en nature s'entend non du prix de revient pour l'employeur mais de sa valeur réelle pour le bénéficiaire, c'est à dire l'économie que celle ci lui permet de réaliser ; que cette évaluation inclut le prix intrinsèque du produit à savoir la matière première mais également toutes les charges annexes relatives à l'élaboration, la préparation et la cuisson, les frais de personnel de cuisine supportés par l'employeur ;

Que l'employeur qui se retranche derrière le seul prix de revient du repas, ne rapporte pas la preuve que la valeur retenue par l'inspecteur du recouvrement serait excessive par rapport au repas vendus dans son établissement pas plus qu'il ne démontre la valeur exacte des coûts de réalisation entrant dans le prix d'un repas ;

Que dès lors le jugement, pris pour de justes motifs adoptés, sera confirmé en toutes ses dispositions, la SAS Bistrot du Sommelier étant déboutée de ses demandes et condamnée à verser à l'Urssaf une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Déboute la SAS Bistrot du Sommelier de ses demandes,

Alloue à l'Urssaf de Paris-région parisienne devenue l'Urssaf d'Ile de France une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Fixe le droit d'appel prévu par l'article R 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale à la charge de l'appelante qui succombe au 10ème du montant mensuel du plafond prévu à l'article L241-3 du code de la sécurité sociale et la condamne au paiement de ce droit ainsi fixé à la somme de 312,90 € (trois cent douze euros et quatre vingt dix centimes).

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 12/11142
Date de la décision : 18/09/2014

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°12/11142 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-18;12.11142 ?
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