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18/09/2014 | FRANCE | N°12/06504

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 18 septembre 2014, 12/06504


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 18 Septembre 2014

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/06504

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Mai 2012 par le Conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 10/00968





APPELANTE

SNC BNP PARIBAS ARBITRAGE

[Adresse 1]

représentée par Me Jean-louis MAGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0372 substitué par Me

Aurélie FOURNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C2338







INTIME

Monsieur [O] [S]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Florence LAUSSUCQ-CASTON, avoca...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 18 Septembre 2014

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/06504

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Mai 2012 par le Conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 10/00968

APPELANTE

SNC BNP PARIBAS ARBITRAGE

[Adresse 1]

représentée par Me Jean-louis MAGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0372 substitué par Me Aurélie FOURNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C2338

INTIME

Monsieur [O] [S]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Florence LAUSSUCQ-CASTON, avocat au barreau de PARIS, toque : E2034

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Juin 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président

Madame Evelyne GIL, Conseillère

Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Evelyne GIL, conseillère faisant fonction de Présidente et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'appel régulièrement interjeté par la S.N.C. BNP PARIBAS ARBITRAGE à l'encontre d'un jugement prononcé le 30 mai 2012 par le conseil de prud'hommes de PARIS ayant statué dans le litige qui l'oppose à Monsieur [O] [S] sur la demande de ce dernier en paiement de rappels de salaire.

Vu le jugement déféré qui a condamné la S.N.C. BNP PARIBAS ARBITRAGE à payer à Monsieur [O] [S] les sommes suivantes :

- 9 190,50 € à titre de rappel de salaires en vertu du plan KCIP 2008,

- 1 525 677,03 € à titre de rappel de salaires en vertu du plan CMIP 2009 B,

- 1 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :

La S.N.C. BNP PARIBAS ARBITRAGE, appelante, requiert le débouté des demandes de Monsieur [O] [S] et sa condamnation à lui payer la somme de 5 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [O] [S], intimé, demande à titre principal la confirmation du jugement, le rappel de salaire pour le plan CMIP 2009 B étant toutefois ramené à 1 452 073,58 € au regard de la variation de l'action BNP PARIBAS sur laquelle il est indexé ; subsidiairement, le paiement de la somme de 1 461 264,08 € à titre de dommages-intérêts pour perte de rémunération variable, et, en tout état de cause, une indemnité de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CELA ÉTANT EXPOSÉ

Par contrat écrit à durée indéterminée en date du 8 avril 2004 ayant pris effet le 17 avril 2004, Monsieur [O] [S] a été engagé par la S.N.C. BNP PARIBAS ARBITRAGE en qualité d'assistant trader moyennant une rémunération mensuelle fixée en dernier lieu à la somme de 4 331,01 €, outre un bonus discrétionnaire qui s'est élevé en 2008 au titre de l'année 2007 à la somme de 286 950 €.

En 2008, Monsieur [O] [S] a été déclaré éligible à un plan de rémunération réservé aux salariés considérés comme des contributeurs clés aux résultats du groupe BNP PARIBAS, le Key Contributors Incentive Plan (KCIP 2008) ; il en a été de même en 2009, cette fois au titre du Capital Markets Incentive Plan 2009 B (CMIP 2009 B).

En juin 2009, lui a été versée une échéance de chacun de ces plans.

Par lettre du 29 juin 2009, Monsieur [O] [S] a démissionné de ses fonctions.

Le 22 janvier 2010, il a saisi le conseil de prud'hommes en paiement des sommes totales devant lui revenir au titre de chacun des plans KCIP 2008 et CMIP 2009 B.

SUR CE

Sur la demande en paiement.

Monsieur [O] [S] demande le paiement des échéances postérieures à sa démission telles qu'elles sont organisées par les plans KCIP 2008 et CMIP 2009 B en faisant valoir que si l'ouverture du droit à un élément de rémunération afférent à une période travaillée peut être soumis à une condition de présence à la date de son échéance, il ne peut en être de même du droit à rémunération acquis au titre d'une période entièrement travaillée, toute exigence de présence à une date différée de versement portant nécessairement atteinte au principe de la liberté du travail.

Or en l'espèce les échéances futures des plans KCIP 2008 et CMIP 2009 B organisent, selon lui, le versement d'une rémunération définitivement acquise au titre d'exercices antérieurs mais dont le paiement est différé et elles représentent une fraction du bonus qui lui a été attribué pour chaque année considérée.

Toutefois cette analyse ne peut être retenue en ce que, d'une part, elle procède d'un amalgame entre le bonus annuel prévu dans le contrat de travail de Monsieur [O] [S] et le bénéfice des plans KCIP 2008 et CMIP 2009 B, d'autre part elle confond la notion d'acquisition du droit avec celle d'exécution de ce droit.

Le contrat de travail de Monsieur [O] [S] prévoit une rémunération annuelle fixe payable en douze fractions égales le dernier jour de chaque mois et un "bonus discrétionnaire, décidé par la direction et versé lors du paiement des bonus sous les conditions appliquées, et soumis à l'application de tout plan de rémunération différée en vigueur". Ce bonus a été perçu tous les ans par Monsieur [O] [S] l'année N en fonction de ses résultats de l'année N-1, ce en quoi il constitue une rémunération différée.

Il ne se confond pas avec les plans KCIP 2008 ou CMIP 2009 B, qui au demeurant n'existaient alors pas en tant que tels. Les plans KCIP 2008 et CMIP 2009 B sont représentatifs d'un avantage supplémentaire décidé unilatéralement par le groupe BNP PARIBAS (et donc non pas, en l'occurrence, par l'employeur de Monsieur [O] [S]) au profit de salariés qu'il détermine librement et faisant l'objet de règles spécifiques, propres à chacun d'eux. C'est ainsi que pour l'année 2007, Monsieur [O] [S] s'est vu attribuer le 19 février 2008 une rémunération variable d'un montant de 286 950 € qui lui a été versée immédiatement et, par ailleurs, a été déclaré éligible au KCIP 2008 en tant que collaborateur "dont la performance au cours de l'exercice passé présente un caractère stratégique et mérite un encouragement en vue d'être poursuivie et accrue sur les années futures".

Rien ne permet donc de confondre dans leur principe les deux dispositifs et de faire du second un paiement fractionné et différé du premier, lequel a en réalité été intégralement et immédiatement acquitté. Le rapport entre les deux tient au fait que le critère d'admission au second repose sur le montant du premier - "les collaborateurs du groupe dont le bonus individuel au titre de l'année 2007 est supérieur à 200 000 € entrent dans la catégorie 'Key Contributors' et bénéficient du KCIP 2008" - et que la valeur d'attribution revenant à chaque bénéficiaire est calculée sur la base d'un pourcentage progressif de la part du bonus individuel excédant 200 000 € ("15 % de la fraction du bonus individuel comprise entre 200 000 € et 350 000 €, plus (...), plus 70 % de la fraction du bonus individuel supérieure à 2 500 000 €"). Des dispositions de même nature réglementent le plan CMIP 2009 B. Ces modalités démontrent bien que les plans KCIP 2008 et CMIP 2009 B viennent s'ajouter au bonus ordinaire de salariés particulièrement méritants sans constituer une rémunération spécifique au titre d'une année déterminée et ne forment pas avec le bonus annuel un tout indistinct obéissant nécessairement à un régime commun.

Et de fait, le régime des plans KCIP 2008 et CMIP 2009 B, tel qu'organisé par le groupe BNP PARIBAS et tel qu'accepté par Monsieur [O] [S], diffère de celui du bonus prévu au contrat de travail de ce dernier, notamment en ce qu'il prévoit que l'acquisition définitive du droit qu'il instaure est différée dans le temps et soumise à une condition de présence du bénéficiaire dans le groupe à des échéances préalablement définies.

C'est ainsi que le KCIP 2008 prévoit "Bénéficiaires : sont éligibles (...)", "le critère objectif requis pour être éligible (...)". De même la lettre de notification du 15 février 2008 indique : "Nous avons le plaisir de vous confirmer que vous êtes éligible au KCIP 2008". Des termes identiques se retrouvent dans le plan CMIP 2009 B et la notification du 20 février 2009. Or, sauf à dénaturer le sens des mots, éligibilité n'est pas élection.

Le fait d'être éligible signifie naturellement ici la possibilité de bénéficier effectivement du plan sans que ce bénéfice soit d'ores et déjà acquis. Dès lors, l'éligibilité au droit peut se perdre, et c'est ce que prévoit l'article 3.d du KCIP 2008 : "L'éligibilité du bénéficiaire au KCIP 2008 cesse dès lors que le collaborateur n'a pas été, depuis la mise en place du présent plan KCIP et jusqu'aux dates de paiement, sous contrat de travail ou mandataire social au sein du groupe" (disposition similaire inscrite à l'article 4.1 du plan CMIP 2009 B).

Monsieur [O] [S] cherche à tirer argument du fait que les plans mentionnent les dates de paiement, ce qui impliquerait que le différé porte non pas sur l'existence d'un droit acquis par le salarié mais bien sur la seule exécution par l'employeur de l'obligation qu'il a souscrite. Cette interprétation est manifestement erronée en ce qu'elle est contraire à l'économie générale du dispositif - dont l'objectif est à l'évidence de fidéliser les collaborateurs de qualité comme en attestent nombre de tournures utilisées telles que "développement", "poursuivre", "accroître leur contribution", "dans les années futures", "dont le niveau d'engagement au cours des prochaines années est essentiel" - et en ce que les mots ainsi relevés par le salarié ne constituent qu'une facilité de rédaction pour renvoyer aux étapes de l'échéancier prévues à l'article 3.a.2 du plan KCIP 2008 ou 2.2 du plan CMIP 2009 B.

Les dispositions des plans KCIP 2008 et CMIP 2009 B, qui sont ainsi non pas afférentes à la rémunération d'une année de travail entièrement accomplie, et de fait déjà payée en totalité, mais cherchent à accroître l'attractivité du groupe BNP PARIBAS auprès de certains salariés dont il souhaite s'assurer la collaboration dans la durée, sont parfaitement admissibles et ne contreviennent pas au principe de la liberté du travail invoqué par Monsieur [O] [S].

Par ailleurs elles ne peuvent être qualifiées de discriminatoires, aucun cas de discrimination illicite n'étant d'ailleurs invoqué, ou de contraire au principe "à travail égal, salaire égal", Monsieur [O] [S] ne démontrant pas que des salariés placés dans une situation identique à la sienne ont été soumis à un traitement différent et ne remettant pas en cause tant le montant de ses bonus annuels successifs que les conditions d'éligibilité, parfaitement objectives, des plans KCIP 2008 et CMIP 2009 B.

Enfin Monsieur [O] [S] ne saurait utilement dénoncer un vice de ces plans en ce qu'ils prévoient la possibilité d'un paiement anticipé, formant dès lors une exception à la condition de présence aux dates d'échéance. En effet les cas prévus - départ à la retraite, rupture du contrat de travail pour incapacité médicale, licenciement pour suppression d'emploi, sortie de la société employeur du groupe BNP PARIBAS, décès - relèvent de circonstances où la cessation de la collaboration du salarié au groupe est indépendante de sa volonté, ce qui corrobore l'objectif de fidélisation sous-tendant les dispositions des plans et ce qui introduit de la souplesse et de l'équité dans des cas de figure bien spécifiques sans dénaturer le dispositif. Il en est de même pour des démissions dans des cas particuliers prévus par le plan KCIP 2008.

Il n'est pas contesté que pour sa part Monsieur [O] [S] a purement et simplement démissionné pour reprendre une activité dans le secteur des services bancaires ou financiers. Il a ainsi définitivement perdu ses droits sur les parts KCIP 2008 et CMIP 2009 B pour les dates non échues, ayant été en revanche rempli de ses droits au titre de l'échéance de juin 2009.

Il convient dès lors de le débouter de sa demande en paiement d'un rappel de salaire.

Sur la demande de dommages-intérêts.

Monsieur [O] [S] soutient que la S.N.C. BNP PARIBAS ARBITRAGE a exécuté le contrat de travail de manière déloyale. La déloyauté alléguée ne saurait toutefois résulter du non paiement d'une somme à laquelle Monsieur [O] [S] n'a pas droit, ni de la mise en oeuvre régulière d'un dispositif conforme à la loi et édictant des règles claires acceptées par lui en toute connaissance de cause.

Monsieur [O] [S] doit donc être débouté également de sa demande en paiement de dommages-intérêts.

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens.

Succombant au principal, Monsieur [O] [S] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'il a exposés.

Il y a lieu, en équité, de laisser à la S.N.C. BNP PARIBAS ARBITRAGE la charge de ses frais non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Déboute Monsieur [O] [S] de ses demandes.

Condamne Monsieur [O] [S] aux dépens de première instance et d'appel.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la S.N.C. BNP PARIBAS ARBITRAGE.

Le Greffier,P/Le Président empêché,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 12/06504
Date de la décision : 18/09/2014

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°12/06504 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-18;12.06504 ?
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