Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2014
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/10043
Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 09 Mai 2012 -par le Tribunal de Commerce de PARIS - 1ère Chambre A - RG n° 2010048015
APPELANTE :
SAS BEKO FRANCE
immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le n° 347.688.046
ayant son siège [Adresse 2]
[Localité 2]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par : Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998
ayant pour avocat plaidant : Me Paul-Mathieu DE LA FOATA, plaidant pour la SELAS LANDWELL &Associés, avocat au barreau de NANTERRE, toque : N 172
INTIMÉE :
SA ECO-EMBALLAGES
immatriculée au RCS de PARIS sous le n° B 388.380.073
ayant son siège [Adresse 1]
[Localité 1]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par : Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
ayant pour avocat plaidant : Me Didier THEOPHILE de l'AARPI DARROIS-VILLEY-MAILLOT-BROCHIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R170 ; substitué par : Me Matthieu BROCHIER de l'AARPI DARROIS-VILLEY-MAILLOT-BROCHIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R170
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 04 juin 2014 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente, rédacteur
Madame Irène LUC, Conseillère
Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame [V] [J] dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,
Greffier, lors des débats : Madame Denise FINSAC
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente et par Madame Violaine PERRET, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
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La société anonyme Beko France commercialise en France les produits électroménagers et de télévision de sa marque par les enseignes de la grande distribution et de la distribution spécialisée.
La SA Eco-Emballages créée en 1992 et sa filiale la SA Adelphe sont des sociétés agréées dans le cadre de la législation de 1992, pour organiser le système collectif de tri, de collecte et de valorisation des déchets et d'emballages ménagers.
Depuis 1992, en application des dispositions règlementaires du code de l'environnement, les producteurs, importateurs ou distributeurs de produits vendus dans des emballages «servant à commercialiser les produits consommés ou utilisés par les ménages» sont tenus, soit d'assurer individuellement la récupération des déchets de ces emballages, soit de faire prendre en charge l'élimination de ceux-ci par un organisme spécifique auquel ils versent une contribution financière dont une partie est reversée aux collectivités territoriales qui assurent la charge de la collecte sélective, du tri et du recyclage des emballages dans le cadre de la filière publique d'élimination des déchets.
En 1997, la société Beko France a adhéré au système conclu par Eco-Emballages et, depuis 2003, verse à celle-ci une contribution dont l'assiette est la totalité des emballages des produits vendus par les distributeurs.
Les parties sont en désaccord sur l'interprétation de la définition réglementaire de l'assiette de la contribution financière versée aux sociétés agréées et, partant, sur le montant des contributions financières contractuelles effectivement dues par la société Beko France au titre des exercices 2003 à 2008.
En 2009 et suite aux remarques formulées par la société Beko France quant à l'interprétation des textes, la société Eco-Emballages a, par l'intermédiaire de son Directeur Régional Ile-de-France, émis un avoir pour régulariser la contribution due au titre de l'année 2008, sur la base de l'interprétation de la société Beko France. D'autres avoirs devaient être établis pour les années 2003 à 2009.
La société Eco-Emballages est toutefois revenue sur cette interprétation et a annulé l'avoir émis.
Le désaccord persistant, la société Beko France a, par acte extrajudiciaire en date du 22 juin 2010, assigné la société Eco-Emballages devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir le paiement de la somme de 782 240 Euros au titre de la répétition du trop versé de contribution entre 2003 et 2008.
Par jugement assorti de l'exécution provisoire en date du 9 mai 2012, le tribunal de commerce de Paris a :
-dit la société Beko France mal fondée en sa demande de remboursement de la somme de 782.829 € et l'en a déboutée ;
-dit sans cause et nuls les avoirs émis par la société Eco-Emballages les 17 et 28 septembre 2009 ;
-liquidé, à titre de provision, la contribution financière contractuelle due par la société Beko France à la société Eco-Emballages à la somme de 701.312,81 € ;
-condamné, à titre de provision, la société Beko France à verser à la société Eco-Emballages la somme de 701.312,81 € majorée des intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2012 ;
-enjoint à la société Beko France de produire à la société Eco-Emballages dans un délai de 90 jours de la signification du présent jugement les déclarations contractuelles de chiffre d'affaires pour les exercices 2009, 2010 et 2011 aux fins de liquidation réelle des contributions financières dues contractuellement à la société Eco-Emballages au titre de ces exercices ;
-condamné la société Beko France à payer à la société Eco-Emballages la somme de 30.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 1er juin 2012, la société Beko France a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions signifiées le 12 mai 2014, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des moyens, la SA BEKO France demande à la cour de déclarer la société Beko France recevable et bien fondée en son appel ; infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ; statuant à nouveau, condamner la société Eco-Emballages à reverser à la société Beko France la somme en principal de 885.577 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2009 ; débouter la société Eco-Emballages de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles ; condamner la société Eco-Emballages à restituer à la société Beko France les sommes dont cette dernière s'est acquittée dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement dont appel ; condamner la société Eco-Emballages à verser à la société Beko France la somme de 30.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions signifiées le 15 avril 2014, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des moyens, la société Eco-Emballages demande à la cour de confirmer le jugement dont appel du tribunal de commerce de Paris du 9 mai 2012 et en conséquence, de débouter la société Beko France de toutes ses demandes ; de condamner la société Beko France à verser la somme provisionnelle totale de 1.089.852,66 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2012; de condamner la société Beko France à fournir à Eco-Emballages des déclarations rectificatives réintégrant tous les emballages ménagers de ses produits qui seraient conservés par un distributeur, pour 2008 à 2013 inclus, aux fins de liquidation des contributions financières dues au titre de ces exercices ; de réserver à la société Eco-Emballages le droit d'ajouter à ses demandes ou de les modifier selon l'exécution par la société Beko France du jugement dont appel, assorti de l'exécution provisoire ; de condamner la société Beko France à payer à la société Eco-Emballages la somme de 30.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE,
Sur la notion d'emballage ménager et ses conséquences :
Considérant que la société Beko France précise que la synthèse des textes applicables permet de conclure que seul l'ensemble des emballages qui aboutissent aux mains du consommateur et qui seront séparés du produit et abandonnés par celui-ci pour leur utilisation et pour leur consommation donne lieu à l'obligation de contribuer financièrement à leur enlèvement collectif ou de pourvoir à leur élimination et qu'il ne s'agit donc pas de l'ensemble des emballages servant à la commercialisation des produits ; que la société Beko France estime en effet que les déchets servant à la commercialisation des produits commercialisés par un producteur sont directement retraités par la filiale professionnelle de sorte que faire rentrer de tels déchets dans l'assiette de l'éco-contribution constituerait nécessairement une double contribution à leur élimination ; qu'elle ajoute que cette définition a été acceptée en 2009 par la société Eco-Emballages qui a accepté une décote sur l'ensemble des emballages que ses concurrents conservent lors des ventes de produits aux clients finaux et qui se livre alors à une pratique discriminatoire en la refusant à la société Beko,
Considérant que la société Eco-Emballages souligne que la société Beko France ne rapporte pas la preuve de l'exécution de ses obligations légales en ce qu'elle ne démontre pas avoir assumé la gestion des déchets qu'elle estime devoir exclure de l'assiette de l'éco-contribution ; que la définition de l'emballage ménager ne peut être celle avancée par la société Beko France : que les déchets ménagers constituent l'ensemble des emballages servant à commercialiser un produit destiné à être consommé ou utilisé par les ménages et qu'aucune disposition ne prévoit que la qualification de déchet d'emballage puisse dépendre de la filière de gestion qui le prend en charge ; qu'elle relève que la définition de l'emballage ménager retenue par la société Beko France est contraire à son cahier des charges dans la mesure où il est fait référence à l'ensemble des emballages des produits à destination des ménages, indépendamment du lieu où l'emballage a été abandonné ou du lieu de sa livraison, que la société Eco-Emballages oppose le même argument avec la définition contractuelle de l'emballage ménager, en ce sens qu'il ressort du contrat que la société Beko France est tenue de verser la contribution financière pour la totalité des emballages ménagers des produits qu'elle met sur le marché ;
Considérant qu' il a été fait obligation aux entreprises responsables de la mise sur le marché des emballages servant à commercialiser les produits consommés ou utilisés par les ménages, de contribuer à l'élimination de leurs déchets d'emballages en recourant aux services d'une entreprise agréée ou de pourvoir à leur élimination en organisant une collecte séparée ou une gestion par consignation ;
Considérant qu'il ressort notamment des articles 1 et 2 du décret n°92-377 du 1er avril 1992, codifiés dans les articles R.543-53, R 543-54 du code de l'environnement sous le titre « Sous-section 2: Déchets d'emballages dont les détenteurs finaux sont les ménages » dans leur rédaction applicable à la période litigieuse, soit de 2003 à 2008, que :
- ces dispositions sont applicables à tous les emballages dont les détenteurs finaux sont les ménages,
- le «détenteur final d'un emballage» est défini comme quiconque séparant le produit de l'emballage qui l'accompagnait afin d'utiliser ou de consommer ledit produit,
considérant que si l'article premier du décret du premier avril 1992 devenu l'article R 543-53 du code de l'environnement semble limiter le champ d'application aux emballages dont les détenteurs sont les ménages, la définition du détenteur final de l'emballage montre que c'est bien la consommation du produit séparé de son emballage qui importe au sens du texte, quel que soit le comportement du consommateur et qu'il y ait reprise ou non de l'emballage par le fabricant ou le distributeur,
Considérant que l'article R 543-55 du code de l'environnement, le décret n°94-609 du 13 juillet 1994, codifié aux articles R.543-66 et suivants du code de l'environnement sous le titre « Sous-Section 3: Déchets d'emballages dont les détenteurs finaux ne sont pas les ménages», la circulaire d'application de ce décret du 13 avril 1995 ne permettent pas une autre interprétation ; que ces textes ne contiennent aucune référence permettant de soutenir que la qualification d'un déchet d'emballages est faite en fonction de la filière de gestion qui le prend en charge ; que ces dispositions ne créent pas à la charge des producteurs et distributeurs une double contribution à la fois dans le cadre de l'élimination des déchets ménagers et dans le cadre de l'élimination des déchets d'activités économiques (déchets industriels banals),
considérant en outre que le cahier des charges d'Eco-Emballages précise que cette société a pour mission de solliciter une contribution financière pour l'ensemble des emballages des produits à destination des ménages, indépendamment du lieu où l'emballage est abandonné ou de sa livraison ;
considérant de surcroît que les contrats signés par les parties en 1997 et 2005 sont sans ambiguïté : que la contribution est due pour l'ensemble des produits mis sur le marché par le cocontractant, qui sont destinés aux ménages, utilisés par eux ou susceptibles de l'être,
considérant que l'exécution du contrat pendant de nombreuses années par les parties a été conforme à cette interprétation,
considérant enfin que Beko France fait état d'une décote que la société Eco-Emballages aurait acceptée pour le calcul de la contribution de la société Miele ; que toutefois, rien ne permet de vérifier que la société Miele est concernée par cette contribution pour les emballages de produits ménagers dont elle n'est pas le distributeur en relation avec les ménages et que par ailleurs, la société Eco-Emballages aurait finalement permis la mise en 'uvre de la décote, tout comme dans un premier temps, elle avait pu confirmer l'analyse de Beko France avant de se déterminer différemment,
considérant que la demande formée par Beko France au titre de la répétition de l'indu doit être rejetée,
considérant que les avoirs des 17 et 28 septembre 2009 ont été émis alors que l'obligation de la société Eco-Emballages n'avait pas de cause ; qu'il y a lieu de prononcer la nullité de ces avoirs émis pour les sommes de 181 454 et 72 337,40 Euros,
sur la demande reconventionnelle de la société Eco-Emballages :
Considérant que la société Eco-Emballages rappelle que la société Beko France a cessé unilatéralement de verser les contributions dues au titre des dispositions du code de l'environnement pour les périodes couvrant les trois derniers trimestres de l'année 2009, les quatre trimestres des années 2010 et 2011 et les trois premiers trimestres de l'année 2012 alors qu'elle ne justifie pas avoir mis en place un système de gestion individuelle des déchets ; que par ailleurs, elle produit des déclarations partielles de ses ventes de produits, ampute ses déclarations des emballages conservés par le distributeur, faisant fi de la décision du tribunal de commerce de sorte que la somme de globale de 1 089 852, 66 Euros est déterminée à partir de sa dernière déclaration valide et ne peut être que provisionnelle,
considérant que la société Beko France soutient qu'elle a réglé 701 312, 81 Euros en novembre 2012 en exécution du jugement, la somme de 59 244, 63 Euros correspondant à 75 % de la condamnation provisionnelle pour l'année 2012, qu'elle indique avoir produit ses déclarations pour les années 2008 à 2011,
considérant que selon le décompte établi par Eco-Emballages dans ses écritures, il est fait état du versement de ces diverses sommes et qu'il reste du la somme de 388 539, 85 Euros ; qu'il apparaît que la somme totale demandée établie selon la méthode indiquée par Eco-Emballages est justifiée ;
considérant par ailleurs que s'agissant d'une somme déterminée provisoirement, et alors qu'il apparaît que les chiffres déclarés de ses ventes de produits par Beko France en 2009, 2010 et 2011 sont largement en deça de ce qu'ils étaient les années précédentes et que l'appelante ne s'explique pas sur une telle baisse, que la condamnation à paiement sera prononcée à titre provisionnel et la société Beko france sera condamnée à produire les déclarations rectificatives,
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement sur le montant de la condamnation provisionnelle de la société Beko pour les contributions pour les exercices 2009, 2010, 2011, 2012 et 2013 et sur les déclarations à produire,
Statuant à nouveau,
Condamne la société Beko France à payer à la société Eco-Emballages la somme provisionnelle de 1 089 852, 66 Euros dont il conviendra de soustraire les sommes versées depuis le jugement par Beko, outre les intérêts au taux légal depuis le 12 janvier 2012,
Condamne la société Beko France à adresser à la société Eco-Emballages un état récapitulatif de ses ventes de produits pour les années 2012 et 2013,
Confirme le jugement pour le surplus,
Condamne la société Beko France à payer à la société Eco-Emballages la somme de 10 000 Euros au titre de l'indemnité pour les frais irrépétibles d'appel,
Condamne la société Beko France aux entiers dépens qui seront recouvrés, pour ceux d'appel, avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
V. PERRET F. COCCHIELLO