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11/09/2014 | FRANCE | N°12/02970

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 11 septembre 2014, 12/02970


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 11 Septembre 2014

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/02970



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Décembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS Section Commerce RG n° 11/00199





APPELANT

Monsieur [E] [K]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne

assisté de Me Hour

ia AMARI, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS, toque : BOB103

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2012/017353 du 01/06/2012 accordée par le bureau d'aide juridict...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 11 Septembre 2014

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/02970

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Décembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS Section Commerce RG n° 11/00199

APPELANT

Monsieur [E] [K]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne

assisté de Me Houria AMARI, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS, toque : BOB103

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2012/017353 du 01/06/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

SAS HERTZ FRANCE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

en présence de Mme [P] [B], Responsable des Ressources Humaines, dûment mandatée

assisté de Me Véronique JOBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R195 substituée par Me Isabelle GRANGIE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Juin 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Patrice LABEY, Président

Monsieur Bruno BLANC, Conseiller

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Conseiller

Greffier : Madame Laëtitia CAPARROS, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Patrice LABEY, Président, et par Melle Laëtitia CAPARROS, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [E] [K] a été engagé par HERTZ FRANCE qui compte plus de onze salariés, le 18 septembre 1989, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, en qualité d'agent de préparation.

Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la convention collective des professions de l'automobile, il occupait les fonctions de chef d'équipe de préparation pour une rémunération brute moyenne de 2479,74 € (calculée sur les trois derniers mois de salaire).

M. [K] a fait l'objet le 15 octobre 2010 d'une convocation à un entretien préalable à licenciement prévu le 22 octobre 2010.

M. [K] ayant été placé en arrêt maladie à compter du 21 octobre au 9 novembre 2011 (prolongé jusqu'au 25 novembre 2011), l'employeur a reporté l'entretien préalable au 3 novembre 2010 auquel M. [K] ne s'est pas présenté avant de le licencier par lettre du 8 novembre 2010 pour cause réelle et sérieuse, en raison de la suspension de son permis de conduire.

Le 14 janvier 2011, M. [K] saisissait le Conseil de prud'hommes de PARIS aux fins de faire juger que le licenciement intervenu le 8 novembre 2010 était dénué de cause réelle et sérieuse et faire condamner la SAS HERTZ à lui payer avec intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la demande :

- 35000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 5852,04 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 585,20 € au titre des congés afférents ;

Outre l'exécution provisoire, M. [K] demandait au Conseil de prud'hommes de lui allouer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La Cour est saisie d'un appel formé par M. [K] contre le jugement du Conseil de prud'hommes de PARIS en date du 5 décembre 2011 qui l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.

Vu les conclusions du 18 juin 2014 au soutien des observations orales par lesquelles M. [K] conclut à titre principal à l'infirmation de la décision entreprise et à la condamnation de la SAS HERTZ à lui payer avec intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la demande :

- 35000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 5852,04 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 585,20 € au titre des congés afférents ;

- 1500 € sur le fondement de l'article 37 de la loi de 1991,

M. [K] sollicite en outre la remise par son employeur des documents sociaux conformes.

Vu les conclusions du 18 juin 2014 au soutien de ses observations orales au terme desquelles la SAS HERTZ conclut à la confirmation de la décision entreprise et à la condamnation de M. [K] à lui verser 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile , renvoie aux conclusions déposées et soutenues l'audience ;

MOTIFS DE LA DECISION

Pour infirmation M. [K] fait valoir que le seul fait qu'il soit en arrêt de travail quand son employeur a procédé à son licenciement a pour effet de lui ôter tout caractère réel et sérieux, qu'en outre la détention du permis de conduire, n'étant une exigence ni de son contrat ni du règlement intérieur au demeurant non transmis à l'inspection du travail, sa suspension ne peut justifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse, ses interventions sur les véhicules mis à disposition des clients ne demandant de surcroît aucune aptitude à la conduite et a fortiori la détention d'un permis de conduire.

Pour confirmation la SAS HERTZ, soutient que la mission de M. [K] était de retirer les véhicules entreposés au parking situé à 1 Km du site de préparation, de les apprêter avant de les mettre à disposition des clients, puis, une fois restitués par ces derniers, de les convoyer au même parking, de sorte que la suspension de son permis de conduire ne lui permettait plus d'exercer son activité dans des conditions normales, comme l'exigeait l'article 17 du Règlement Intérieur de l'agence.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Si, en principe, il ne peut être procédé au licenciement d'un salarié pour une cause tirée de sa vie personnelle, il en est autrement lorsque le comportement de l'intéressé, compte tenu de ses fonctions et de la finalité propre de l'entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière. Le licenciement doit reposer sur des faits matériellement établis et objectivement imputables au salarié, étant précisé qu'en application de l'article L 1222-1 du Code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et qui lie le juge est ainsi rédigée :

"En date du 1O octobre 2010, votre permis de conduire à été suspendu pour une durée non précisée, suite à « une conduite sous l'empire d'un état alcoolique », et à « l'inobservation des feux tricolores - Feu rouge fixe.

La possession d'un permis de conduire en état de validité est indispensable dans le cadre de votre fonction. Sa suspension constitue un véritable problème dans l'organisation du travail de l'agence, il constitue par ailleurs une condition essentielle de votre maintien dans l'entreprise (cf règlement Intérieur, paragraphe II.7).

L'impossibilité dans laquelle vous êtes d'exécuter vos obligations professionnelles ne vous permet pas d'effectuer votre préavis de trois mois, sans que pour autant cette situation nous soit imputable. En conséquence, il ne vous sera pas réglé."

En l'espèce, il est constant que se conformant aux dispositions du paragraphe II.7 du règlement intérieur de la SAS HERTZ, M. [K] alors en congé, a informé son employeur de la mesure de suspension de son permis de conduire pour des infractions au code de la Route.

Il est également établi que son employeur qui l'avait convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement, l'a informé par lettre du 22 octobre 2010 de la suspension de la procédure engagée en raison du placement du salarié en arrêt maladie et de l'envoi d'une nouvelle convocation lors de la reprise de son travail.

Il n'est pas contesté qu'en dépit de cette décision, la société HERTZ a à nouveau convoqué M. [K] par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 octobre 2010 à un entretien préalable à son licenciement prévu le 3 novembre 2010, soit antérieurement à la reprise initialement prévue le 9 novembre 2010.

Un tel revirement de l'employeur par rapport à la décision unilatérale de suspension de la procédure disciplinaire dont il avait informé le salarié trois jours plus tôt, constitue de sa part une mise en oeuvre déloyale d'une procédure de licenciement après 20 années d'ancienneté de M. [K] dans l'entreprise exempte de sanctions, suffisante pour ôter tout caractère réel et sérieux à la mesure prononcée à son encontre.

Au surplus, ainsi que le souligne le salarié, aucune disposition de son contrat de travail ou du descriptif de son poste, voire du règlement intérieur précité n'impose la détention du permis de conduire pour l'exercice de ses fonctions, le paragraphe II.7 prévoyant seulement que tout conducteur doit avoir l'autorisation de son supérieur pour sortir un véhicule, s'assurer détenir un permis de conduire, l'employeur se réservant la droit d'effectuer des contrôles du permis de conduire.

De surcroît, au delà de ses affirmations, la société HERTZ ne produit aucun élément démontrant concrètement en quoi la suspension du permis de conduire de M. [K] d'une durée de deux mois et 15 jours, était de nature à affecter l'organisation du travail et à affecter l'exécution de ses missions alors que ses fonctions en qualité de responsable de l'activité de préparation des véhicules, consistaient au travers de l'encadrement d'une équipe et de l'assistance du chef de parc, à vérifier le bon fonctionnement du véhicule (ceintures de sécurité, serrures, chauffage, freins, pneumatiques, direction, différents niveaux, essuie-glaces, éclairages, roue de secours, remise à niveau des carburants..) et à veiller au bon départ en location des véhicules et au blocage des véhicules destinés à retourner au constructeur, aux franchisés, aux ventes d'occasion, ou en rapatriement à l'étranger.

Le licenciement de M. [K] étant en conséquence dénué de caractère réel et sérieux, il y a lieu de réformer la décision entreprise.

Compte tenu de l'effectif du personnel de l'entreprise, du bénéfice de l'ancienneté (20 ans) dont M. [K] a été privé, de son âge (né en 1960) au moment du licenciement et de sa difficulté avérée à retrouver un emploi, ainsi que des conséquences matérielles et morales à son égard, telles qu'elles résultent des pièces produites et des débats, il lui sera alloué, en application de l'article L 1235-3 du Code du travail une somme de 35000 € € à titre de dommages-intérêts ;

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre aux indemnités compensatrice de préavis et de congés afférents pour les sommes non autrement contestées tel qu'il est dit au dispositif

Sur la remise des documents sociaux

La demande de remise de documents sociaux conformes est fondée ; qu'il y sera fait droit dans les termes du dispositif ci-dessous sans qu'il y ait lieu à astreinte ;

Sur le remboursement ASSEDIC

En vertu l'article L 1235-4 du Code du travail dont les conditions sont réunies en l'espèce, le remboursement des indemnités de chômage par la SAS HERTZ FRANCE, employeur fautif, est de droit ; que ce remboursement sera ordonné ;

Sur les frais irrépétibles

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article de l'article 37 de la loi de 1991 sur l'Aide Juridictionnelle. dans la mesure énoncée au dispositif ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

DÉCLARE recevable l'appel formé par M. [E] [K],

INFIRME le jugement entrepris,

et statuant à nouveau

DÉCLARE le licenciement de M. [E] [K] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SAS HERTZ FRANCE à payer à M. [E] [K] :

- 35000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 5852,04 €€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 585,20 € au titre des congés afférents ;

Dit que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

CONDAMNE SAS HERTZ FRANCE à remettre à M. [E] [K] un certificat de travail, une attestation destinée au Pôle Emploi et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification

CONDAMNE SAS HERTZ FRANCE à payer à M. [E] [K] 1500 € en application de l'article 37 de la loi de 1991 sur l'Aide Juridictionnelle.

DÉBOUTE la SAS HERTZ FRANCE de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

ORDONNE le remboursement par la SAS HERTZ FRANCE à l'organisme social concerné des indemnités de chômage payées à M. [K] dans les limites des six mois de l'article L 1235-4 du code du travail.

CONDAMNE la SAS HERTZ FRANCE aux entiers dépens de première instance et d'appel,

LE GREFFIER LE PRESIDENT

L. CAPARROS P. LABEY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 12/02970
Date de la décision : 11/09/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°12/02970 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-11;12.02970 ?
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