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10/09/2014 | FRANCE | N°10/14533

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 10 septembre 2014, 10/14533


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4



ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2014



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/14533



Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 22 Juin 2010 par le Tribunal de Commerce de PARIS - 7ème Chambre - RG n° 2007040598





APPELANTE :



SARL SORCIF

immatriculée au RCS de [Localité 3] sous le n° B 478.681.489


ayant son siège [Adresse 1]

[Localité 3]

prise en la personne de Me [L] [H], ès qualités de liquidateur de la société SORCIF, demeurant [Adresse 2]



représentée par: Me Alain FISSEL...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2014

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/14533

Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 22 Juin 2010 par le Tribunal de Commerce de PARIS - 7ème Chambre - RG n° 2007040598

APPELANTE :

SARL SORCIF

immatriculée au RCS de [Localité 3] sous le n° B 478.681.489

ayant son siège [Adresse 1]

[Localité 3]

prise en la personne de Me [L] [H], ès qualités de liquidateur de la société SORCIF, demeurant [Adresse 2]

représentée par: Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

assistée de : Me Charlotte BELLET plaidant pour la SCP THREAND, BOURGEON, MERESSE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0166

INTIMÉE :

SAS INTERNATIONAL ESTHETIQUE

immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 421.113.473

ayant son siège [Adresse 3]

[Localité 1]

prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par : Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GALLAND - VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

assistée de : Me Rémi DE BALMANN plaidant pour D, M & D, avocat au barreau de PARIS, toque : P0052

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Mai 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente

Madame Irène LUC, Conseillère, rédacteur

Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame [P] [F] dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,

Greffier, lors des débats : Madame Denise FINSAC

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente et par Madame Violaine PERRET, Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

******

Vu le jugement du 22 juin 2010, assorti de l'exécution provisoire, par lequel le tribunal de commerce de Paris a débouté la société Sorcif de sa demande de nullité du contrat de franchise et de ses autres demandes, prononcé la résiliation dudit contrat à la date du 26 janvier 2007, condamné la société Sorcif à payer à la société International Esthétique les sommes de 6 228 euros au titre des factures et des traites restées impayées à la date du 26 janvier 2007, outre intérêts au taux légal, 19 360 euros au titre des 22 traites restant dues, outre intérêts au taux légal et, enfin, 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté le 13 juillet 2010 par la société Sorcif et ses dernières conclusions notifiées et déposées le 5 mai 2014 par lesquelles Maître [H], liquidateur de la société Sorcif, intervenant volontaire, dans lesquels celui-ci demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, et, statuant à nouveau, de prononcer la nullité du contrat de franchise, à titre principal, replacer les parties dans l'état antérieur à la signature du contrat de franchise et ordonner la restitution par la société International Esthétique des sommes versées dans le cadre de ce contrat au profit de la société Sorcif : 15.000 € au titre du droit d'entrée, 21.111 €, au titre des redevances, 10.000 € au titre de la publicité initiale, 11.044,52 € au titre du remboursement des remises et ristournes obtenues des fournisseurs, somme forfaitaire correspondant à 20 % du montant des achats de la société Sorcif, 1.025 € au titre du logiciel spécifique et 80.000 € à titre de dommages et intérêts pour la perte d'une chance de faire un meilleur emploi de ces fonds, à titre subsidiaire, prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts et griefs exclusifs de la société International Esthétique à la date du 26 janvier 2007, date de la mise en demeure et la condamner à verser à la société Sorcif les mêmes sommes qu'indiquées plus haut, et, en tout état de cause, dire que ces condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation, valant mise en demeure, avec capitalisation des intérêts échus par application de l'article 1154 du Code Civil, à compter du jour du dépôt des conclusions en défense, soit le 7 décembre 2007, et, enfin, condamner la société International Esthétique au paiement d'une somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 22 avril 2013 par lesquelles la société International Esthétique demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Sorcif de toutes ses demandes, fins et conclusions et en ce qu'il a reconnu la société International Esthétique créancière des sommes de 6 228 € au titre des redevances impayées à la date de la résiliation et de 19 360 € au titre des traites restant dues, outre la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'infirmer pour le surplus et prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Sorcif, dire et juger la société International Esthétique créancière de la somme de 53 473 € à titre de dommages et intérêts pour manque à gagner consécutif à la résiliation du contrat de franchise, admettre la société International Esthétique au passif de la liquidation judiciaire de la société Sorcif pour la somme totale de 82 061 € et condamner Maître [H], ès qualités de liquidateur de la société Sorcif, à payer à la société International Esthétique la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE,

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

M. [M] a racheté à M. [Y] la société International Esthétique en 2003. Le réseau, qui, à l'origine, se dénommait « Epil Center », a été rebaptisé « Esthétic Center » en 2006. Le réseau comptait 48 franchisés au 1er octobre 2003,106 en 2006 et 130 en 2008.

La société Sorcif, dont la gérante était Madame [O], a conclu avec la société International Esthétique, le 27 septembre 2004, un contrat de franchise pour une durée de neuf ans, et a ouvert, sous l'enseigne du franchiseur, un centre situé [Adresse 1], à [Localité 3].

Elle a reçu un document d'information pré-contractuelle le 15 septembre 2003.

En 2005, des premiers problèmes techniques et organisationnels sont apparus. En effet, dès le mois de mai 2005, le franchisé se plaignait d'un problème de climatisation. En décembre 2005, il déclarait avoir dépassé le montant des investissements prévus par le franchiseur. Un ensemble de courriers a été échangé entre les deux parties, le franchisé ayant eu recours, en juillet, à un avocat.

Enfin, le 26 janvier 2007, la société Sorcif a notifié au franchiseur la résiliation du contrat de franchise à ses torts exclusifs. Dans ce courrier, le franchisé faisait part de malfaçons dans le local utilisé, le franchiseur s'étant constitué maître d''uvre, de dépassements d'investissements, d'un manque de rentabilité (perte de 22 000 € après 12 mois d'activité), d'un manque d'assistance du franchiseur, d'un changement fautif d'enseigne et, enfin, du manque de promotion de la marque Epil Center.

La société International Esthétique a contesté les arguments du franchisé dans un courrier du 21 février 2007 et lui a proposé le rachat de son fonds de commerce, pour la somme de 100 000 euros, le 30 mars 2007.

Le 20 avril 2007, le franchiseur International Esthétique a fait constater, par voie d'huissier, que la société Sorcif avait remplacé l'enseigne du réseau par une nouvelle enseigne indépendante, « Beauté pour toi et moi ».

Par acte du 6 juin 2007, la société International Esthétique a assigné la société Sorcif devant le tribunal de commerce de Paris, pour la voir condamner à lui payer les factures et traites laissées impayées (6228 € et 19 360 €), voir constater la résiliation du contrat à ses torts, et, enfin, l'entendre condamner à lui payer la somme de 53 473 € au titre de son manque à gagner.

Dans le jugement entrepris, le tribunal a rejeté la demande en nullité du contrat de franchise, mais a fait droit à la demande de résiliation, la prononçant toutefois aux torts partagés des deux parties. Le tribunal a relevé que la société Sorcif n'avait pas rempli ses obligations financières à l'égard du franchiseur et que la société International Esthétique avait changé le nom de la marque, au préjudice du franchisé.

La société Sorcif a poursuivi son activité, réalisant au 30 septembre 2007 un chiffre d'affaires de 189 000 € et un bénéfice de 16 000 €.

Le 8 janvier 2013, le tribunal de commerce de Montauban a ouvert une procédure de redressement à l'encontre de la société Sorcif, convertie le 19 mars 2013 en liquidation judiciaire, Maître [L] [H] étant désigné liquidateur. Le 6 mars 2013, la société Internationale Esthétique a déclaré sa créance au passif de la société Sorcif.

Sur la demande en nullité du contrat de franchise pour manquement à l'obligation d'information pré-contractuelle

Considérant que la société Sorcif soutient que son consentement aurait été vicié et qu'elle n'aurait pu s'engager en toute connaissance de cause aux motifs que la société International Esthétique lui aurait remis un document d'information pré-contractuelle dans lequel elle aurait dissimulé la liquidation judiciaire personnelle dont avait fait l'objet son dirigeant ; que ce document ne comporterait aucun état du marché local ni de ses perspectives de développement et contiendrait des informations mensongères ; que le franchiseur aurait incité la société Sorcif à ouvrir un centre à [Localité 3] en lui faisant croire que le centre exploité par M. [Y] allait fermer et qu'elle allait bénéficier de sa clientèle, dans le seul but de servir la vengeance personnelle de M. [M] à l'encontre du créateur du concept et du réseau Epil Center ; qu'enfin, le franchiseur aurait occulté la faible rentabilité intrinsèque du concept ;

Considérant qu'il convient, à cet égard, de rappeler que la méconnaissance, par un franchiseur, de son obligation pré-contractuelle d'information peut être constitutive d'un dol et d'une réticence dolosive de nature à vicier le consentement du franchisé ;

Considérant que l'article L.330-3 du Code de commerce dispose que « toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause » ;

Considérant que, selon les dispositions de l'article L.330-3 du Code de commerce, le document d'information pré-contractuelle (ci-après DIP), « dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités » ; qu'en vertu du 5° de l'article R.330-1 du Code commerce, le DIP doit contenir « une présentation du réseau d'exploitants qui comporte : a) la liste des entreprises qui en font partie (...) ; b) l'adresse des entreprises établies en France (...) ; c) le nombre d'entreprises qui (...) ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document, (...) ; (...) » ;

Sur la présence d'un concurrent direct dans la zone de chalandise

Considérant que la société Sorcif prétend que, bien qu'elle ait été informée de la présence d'un concurrent direct dans la zone de chalandise, le franchiseur, M. [M], l'avait assurée qu'il allait fermer sous peu ; que l'objectif de la société International Esthétique était de nuire, par l'intermédiaire de la société Sorcif, à cet autre concurrent, qui se trouvait être le fils de l'ancien propriétaire de l'enseigne, M. [Y] ; que cette concurrence aurait privé la société Sorcif de la possibilité de réaliser le chiffre d'affaires et le résultat prévisionnels ; qu'elle n'aurait pas ouvert de centre de beauté, si elle avait eu connaissance de la réalité de la situation du marché ;

Considérant que la société International Esthétique soutient que les prétendues man'uvres relatives à une vengeance personnelle à l'encontre de M. [Y] ne sont pas avérées ; que la société Sorcif avait connaissance de l'existence d'une boutique dans la zone d'implantation du centre et qu'elle n'a jamais assuré le franchisé que la fermeture de ce centre allait intervenir prochainement ;

Considérant que si le magasin de Monsieur [Y] figurait bien sur la liste des franchisés communiquée à Madame [O], la société International Esthétique a résilié son contrat de concession, conclu en octobre 2001, le 9 avril 2004 ; que si cette résiliation a été jugée irrégulière a posteriori, par jugement du 3 juillet 2008, lors de la signature du contrat de franchise de Madame [O], en septembre 2004, ce contrat se trouvait encore résilié ; que la société Sorcif ne démontre pas de réticences dolosives du franchiseur sur ce point ;

Sur la loyauté de l'information sur le réseau et le marché local

Considérant que, selon la société Sorcif, le document d'information pré-contractuelle (ci après D.I.P.) contenait des informations incomplètes sur l'évolution de l'entreprise et du réseau d'exploitants sur les 5 dernières années ; que l'état du marché général fourni dans le D.I.P., vieux de 3 ans sur un marché concurrentiel, était obsolète et inexact ; qu'aucun état du marché local sur la ville d'implantation n'était fourni par la société International Esthétique ; que le D.I.P. ne comprenait pas, d'une part, les franchisés ayant quitté le réseau l'année précédant la signature du contrat et d'autre part, la date d'entrée des autres franchisés ; que le franchiseur International Esthétique met en avant la rentabilité d'un nouveau réseau, « Esthétique Center », différent du réseau « Epil Center » ; que le franchiseur aurait dissimulé l'état réel du réseau, notamment la liquidation judiciaire du centre pilote de [Localité 5] ;

Considérant que le franchiseur répond que certains franchisés auraient ouvert plusieurs centres, preuve de l'attrait du concept et de sa rentabilité ; que le seul institut pilote existant au moment du rachat de la société International Esthétique est resté bénéficiaire ; que plusieurs centres de l'enseigne ouverts en même temps que celui de la société Sorcif ont dégagé, dès leur première année d'exploitation, des résultats satisfaisants, confirmant le succès de la franchise Epil Center ;

Considérant que selon les dispositions de l'article L.330-3 du code de commerce, le document d'information pré-contractuelle doit préciser, notamment, «  l'état et les perspectives de développement du marché concerné » ; qu'en vertu de l'article R 330-1 du même code, « [Les informations mentionnées à l'alinéa précédent] doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché » ;

Considérant que, s'il appartient au franchisé, sur la base des éléments communiqués par le franchiseur, de réaliser lui-même une analyse d'implantation précise, encore faut-il que les éléments essentiels fournis par celui-ci pour éclairer son cocontractant soient exacts et lui permettent de se déterminer en toute connaissance de cause ; que la présentation sincère du marché local constitue une obligation déterminante et essentielle du franchiseur ;

Considérant que n'a été communiquée au franchisé qu'une étude de 2000 du marché général, soit vieille de trois ans ; qu'aucun état du marché local n'a été communiqué ; que la seule présentation, par la société International Esthétique, d'un budget sur trois ans, qui, comme il sera vu plus loin, s'est avéré totalement irréaliste, ne saurait donner, au franchisé une appréciation sincère du marché local ; que le document d'information pré contractuelle ne contient aucune mention relative au dépôt de bilan du site pilote de [Localité 4] le 12 novembre 2003, pourtant mentionné dans la liste des franchisés ; que le document d'information pré-contractuelle comportait la liste des 36 franchisés, mais ne mentionnait pas le nom des franchisés qui avaient quitté le réseau dans les 12 derniers mois ;

Sur les chiffres prévisionnels

Considérant que la société Sorcif prétend que les chiffres prévisionnels sont irréalistes et ont déterminé son consentement ; que les chiffres étaient remis à tout candidat à la franchise, quelle que soit sa future implantation, alors que ces derniers auraient dus être fondés sur des analyses réelles ; que le chiffre d'affaires de la première année du franchisé a été bien inférieur à celui prévu par le franchiseur ; que les informations promettant un concept « avec rentabilité exceptionnelle et un retour rapide sur investissement » ne sont pas sincères au regard des résultats du réseau ;

Considérant que le franchiseur relève que le budget prévisionnel n'a pas été dépassé ; que le franchisé verse au débat le seul budget d'aménagement, alors que l'agencement du local était aussi compris dans les travaux et le budget ; que le plan de financement prévisionnel prévoyait un apport personnel de Mme [O], dirigeante de la société Sorcif, mais le financement réalisé a été inférieur à celui prévu et le franchiseur a dû combler la différence ; que la société International Esthétique a alors consenti à la société Sorcif un échéancier de mensualités payables par traites acceptées par la société Sorcif lors de l'ouverture de l'institut pour suppléer la carence de son apport personnel ; que cet arrangement a été respecté pendant plusieurs années, avant de cesser en janvier 2007 ;

Considérant que la société International Esthétique soutient encore que le résultat prévisionnel prenait en compte les charges spécifiques du centre et était différent du prévisionnel standard ; que le franchiseur relève par ailleurs la présence de charges injustifiées, notamment de déplacement, ou de charges mal imputées, qui sont venues minorer le résultat, qui, sans elles, aurait abouti à un quasi équilibre d'exploitation dès la première année ; que les difficultés ayant résulté de certains travaux d'installation ne sont pas imputables à la société International Esthétique, y compris les problèmes de climatisation pour lesquels le franchiseur a pris à sa charge les frais de réparation ; que le franchiseur souligne encore que le franchisé ne démontre pas que ses résultats aient été catastrophiques par rapport aux résultats prévisionnels, les décisions contentieuses citées à l'appui de sa demande en nullité par la société Sorcif répondant à un écart de rentabilité entre les prévisions et la réalité bien plus important que celui de l'espèce et elle ne démontre pas que ses problèmes financiers aient pour origine les informations contenues dans le D.I.P.;

Considérant que si le franchiseur  n'est pas tenu de remettre un compte d'exploitation prévisionnel au candidat à la franchise, aux termes du 6° de l'article R.330-1 du Code de commerce, le document d'information pré-contractuelle doit contenir « la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation » ; que si le franchiseur communique un prévisionnel, il ne doit pas être de nature à tromper le futur franchisé, auquel il appartiendra, ensuite, d'établir son propre compte prévisionnel à partir de ces données ; qu'en l'espèce, aucune de ces informations n'a été communiquée par le franchiseur ;

Considérant que les comptes d'exploitation prévisionnels sur trois ans communiqués au franchisé sont exactement identiques aux comptes d'exploitation qui avaient été communiqués aux franchisés de [Localité 5], [Localité 2], La Teste, ainsi qu'il ressort des jugements et arrêts communiqués par les parties, relatifs au réseau Epil Center ; que le caractère identique de ces comptes, concernant des villes à la population très différente (rapport de un à cinq entre la population de [Localité 5] 300 000 et la population de [Localité 2] 60 000) et concernant des marchés très différents, illustre bien le caractère très approximatif de ces comptes, l'absence de prévisions sérieuses réalisées par le franchiseur, qui auraient été de nature à éclairer le cocontractant ; que le franchiseur n'explique à aucun moment l'identité de ces chiffres, qui concernent des villes dont la taille et la zone de chalandise sont très différentes ;

Considérant au surplus, que le budget d'aménagement prévisionnel figurant dans le D.I.P s'élève à 58 303 € ; que les factures adressées au franchisé concernant les travaux d'aménagement du local, effectués par le franchiseur lui-même, s'élèvent à respectivement 50 661,46 € et 63 317,87, soit le double par rapport aux prévisions ; que si la société International Esthétique verse aux débats un document intitulé « plan de financement prévisionnel », s'élevant à 112 300 € hors-taxes, elle ne démontre pas avoir communiqué ce plan au franchisé lors de la remise du DIP ; que le montant des investissements à réaliser constitue un élément d'information crucial pour un opérateur économique désirant se lancer dans une activité ;

Considérant, en définitive, que d'une part, la présentation du marché général et local est gravement lacunaire ; que, d'autre part, les chiffres prévisionnels fournis par le franchiseur, sont, s'agissant des comptes, exagérément optimistes et très approximatifs, au regard de l'écart très important qu'ils présentent avec les chiffres d'affaires réalisés par la société Sorcif, à laquelle il n'est reproché aucune faute de gestion ; que s'agissant des investissements à réaliser, les chiffres communiqués sont très inférieurs à la réalité ; que ces données fausses et ces omissions portent sur la substance même du contrat de franchise, pour lequel l'espérance de gain est déterminante ; que Madame [O] n'avait aucune expérience de ce secteur ; que son consentement a donc été vicié et qu'il y a lieu de prononcer l'annulation du contrat ;

Sur l'occultation de la mesure de faillite personnelle

Considérant que le franchisé reproche au D.I.P. de décrire le franchiseur M. [M] comme spécialiste de la franchise, alors que ce dernier ne disposait que d'une expérience dans le développement d'un réseau de franchise alimentaire, sans rapport avec les faits de l'espèce ; que lors de la conclusion du contrat, il ne lui a pas été indiqué que Monsieur [M] avait fait l'objet d'une mesure de faillite personnelle et d'une interdiction de gérer pendant cinq ans, alors que celle-ci ayant pris fin en 1999 pour cette activité, il était tenu d'en informer ses cocontractants jusqu'au 14 décembre 2004 ; que cette information, si elle avait été portée à sa connaissance, l'aurait dissuadé de conclure le contrat de franchise ;

Considérant que si la condamnation est intervenue 10 ans avant la signature du contrat de franchise de la société Sorcif et si M. [M] a fait ses preuves, depuis la reprise du réseau Epil Center, notamment par certaines améliorations du concept depuis 2004, il aurait dû indiquer qu'il était sous l'empire d'une interdiction de gérer, en 1999, soit dans les cinq ans précédant le DIP ; qu'il n'a par ailleurs pas indiqué que son expérience de franchiseur avait été réalisée dans un secteur économique très différent, à savoir celui des pizzas ;

Considérant que, rapprochée des autres erreurs, approximations et lacunes du DIP, cette omission n'a pu que tromper encore davantage la société Sorcif et vicier son consentement ; considérant qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris et de déclarer nul le contrat de franchise ;

Sur la demande en nullité pour absence de cause

Considérant que la société Sorcif soutient également que le contrat de franchise encourt la nullité pour défaut de cause, dès lors que le savoir faire du franchiseur ne répond pas aux critères de substantialité, d'originalité et de confidentialité ; que la société International Esthétique se serait contentée de reprendre les règles basiques du métier d'esthéticienne, déjà connues du franchisé, le concept « sans rendez-vous » ayant par ailleurs été créé par une autre société ;

Mais considérant que le règlement n° 330/2010 du 20 avr. 2010, relatif aux restrictions verticales le définit ainsi (art. 1er, g) : "le savoir-faire signifie un ensemble secret, substantiel et identifié d'informations pratiques non brevetées, résultant de l'expérience du fournisseur et testées par celui-ci » ;

Considérant que ce savoir-faire est ici matérialisé par les formations du franchiseur, destinées à la transmission aux franchisés du savoir-faire nécessaire à l'exploitation de leurs boutiques et par l'ensemble des documents contenant la description et le fonctionnement du réseau remis aux franchisés ; que la société Sorcif ne démontre pas l'absence de savoir-faire du franchiseur, qu'elle n'a d'ailleurs jamais mis en cause durant les presque trois années d'exécution du contrat ; que cette demande sera donc rejetée ;

Sur la demande en résiliation du contrat de franchise

Considérant que la société Sorcif demande à la cour de prononcer la résiliation du contrat de franchise et de juger que la société International Esthétique a violé son obligation de conseil, de formation et d'assistance ainsi que son obligation d'exécution loyale du contrat de franchise ;

Mais considérant que cette demande est sans objet, le contrat ayant été annulé ;

Sur les restitutions

Considérant que la société Sorcif demande à être replacée dans l'état antérieur à la signature du contrat de franchise et que lui soient restituées les sommes de 15 000 € versés au titre du droit d'entrée, 21 111 € au titre des redevances de franchise, 10 000 € au titre de la publicité initiale, 11 044,52 € au titre du remboursement des remises et ristournes obtenues des fournisseurs, 1 000 € au titre du logiciel spécifique et, enfin, 80 000 € à titre de dommages-intérêts pour la perte d'une chance de faire un meilleur emploi de ses fonds ; qu'elle demande que lesdites sommes portent intérêts au taux légal à compter de l'assignation, avec capitalisation conformément à l'article 1154 du code civil ;

Considérant que le franchiseur soutient qu'il ne saurait être fait droit aux demandes de réparation de la société Sorcif dès lors que leur quantum est sans fondement, comprenant, au-delà du remboursement des droits d'entrée et des redevances, la réparation d'un préjudice inexistant et le remboursement des investissement initiaux ; que la société Sorcif poursuit son activité depuis 2004, démontrant que son implantation était judicieuse et son activité rentable ; qu'au surplus, l'annulation d'un contrat de franchise, si prononcée, ne saurait avoir pour effet que la remise des parties dans l'état où elles se seraient trouvées sans le contrat et non de procurer un enrichissement sans cause ;

Considérant qu'il y a lieu de condamner la société International Esthétique à payer à la société Sorcif les sommes de 15 000 euros et de 21 111 euros, sommes déboursées par elle au profit du franchiseur ;

Considérant, en revanche, que sa demande tendant à obtenir le remboursement des frais de publicité sera rejetée, la société Sorcif ayant bénéficié de ces frais, dans le cadre de l'exercice de son activité ; qu'il en est de même du logiciel ; que la demande de remboursement des remises et ristournes n'est étayée d'aucun document probant et sera également rejetée ;

Considérant, enfin, que la société Sorcif ne saurait bénéficier d'une indemnité compensant la perte qui aurait, selon elle, résulté de l'emploi de ses fonds dans une activité insuffisamment rentable ; qu'en effet, elle a exercé son activité pendant presque trois années sous la franchise litigieuse, dans des conditions non déficitaires, même si la rentablité promise a été loin d'être atteinte ; qu'elle exerce toujours son activité sous une autre enseigne, démontrant par là avoir profité de son activité passée de franchisée pour développer sa clientèle ; que cette demande sera donc également rejetée ;

Considérant qu'il y a lieu de condamner la société International Esthetique à payer à Maître [H], ès qualités de liquidateur de la société Sorcif, la somme de 36 111 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2007 ; que ces intérêts seront capitalisés selon les dispositions de l'article 1154 du code civil ;

Sur la demande reconventionnelle de la société International Esthétique

Considérant que la société International Esthétique soutient que ses demandes relatives aux redevances et traites pour les travaux d'agencement et d'aménagement restées impayées sont bien fondées ; que le prêt pour la réalisation des travaux est indépendant du contrat de franchise et qu'elle souhaite voir inscrire ces créances au passif de la liquidation judiciaire de la société Sorcif ; que la société International Esthétique émet aussi une demande d'indemnisation pour résiliation fautive du contrat de franchise et soutient qu'une créance pour manque à gagner doit aussi être inscrite au passif de la liquidation judiciaire ;

Considérant que la société Sorcif fait valoir que les sommes réclamées par la société International Esthétique au titre des factures impayées ne sauraient être accordées, dès lors, d'une part, que la preuve de ces créances n'est pas rapportée et d'autre part, au regard de l'absence des contreparties contractuelles du versement des redevances du franchiseur ; qu'il en serait de même pour la demande de paiement des traites impayées et pour la demande d'indemnisation pour résiliation, dès lors que le franchiseur a été défaillant dans l'accomplissement de ses obligations contractuelles ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu à remboursement des redevances impayées par le franchisé, celles-ci étant couvertes par les restitutions consécutives à l'annulation du contrat ; que la demande de la société International Esthétique tendant à être dédommagée pour résiliation abusive sera également rejetée, faute de reconnaissance d'un tel abus ;

Considérant en revanche, qu'il résulte des pièces du dossier que le franchiseur a prêté des fonds au franchisé pour l'aménagement de son fonds de commerce ; que les travaux ont permis d'améliorer le magasin et ont bénéficié au franchisé ; que le franchisé doit donc rembourser les traites impayées, qui s'élèvent à la somme de 19 360 euros ; que cette somme sera inscrite au passif de la société Sorcif ;

PAR CES MOTIFS

-Infirme le jugement entrepris,

-Prononce la nullité du contrat de franchise,

-Condamne la société International Esthetique à payer à Maître [H], ès qualités de liquidateur de la société Sorcif, la somme de 36 111 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2007, lesdits intérêts capitalisés selon les dispositions de l'article 1154 du code civil ;

- Fixe à la somme de 19 360 euros la créance de la société International Esthetique au passif de la société Sorcif,

-Condamne la société International Esthetique aux dépens de première instance et d'appel,

- La condamne à payer à Maître [H], ès qualités, la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

V.PERRET F.COCCHIELLO


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 10/14533
Date de la décision : 10/09/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°10/14533 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-10;10.14533 ?
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