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09/09/2014 | FRANCE | N°11/12759

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 09 septembre 2014, 11/12759


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 09 Septembre 2014

(n° , 06 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/12759



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Novembre 2011 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS section encadrement RG n° 09/00660







APPELANT

Monsieur [G] [C]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne>
assisté de Me Frédéric ZUNZ, avocat au barreau de PARIS, toque : J153







INTIMEE

SA IFF BOURSE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Antoine SAPPIN, avocat au barreau de PARIS, t...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 09 Septembre 2014

(n° , 06 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/12759

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Novembre 2011 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS section encadrement RG n° 09/00660

APPELANT

Monsieur [G] [C]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne

assisté de Me Frédéric ZUNZ, avocat au barreau de PARIS, toque : J153

INTIMEE

SA IFF BOURSE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Antoine SAPPIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Mai 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Claudine PORCHER, présidente

Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller

Madame Aline BATOZ, vice présidente placée faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 17 mars 2014

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Claudine PORCHER, présidente et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [G] [C] a été engagé par la société IFF BOURSE selon contrat à durée indéterminée en date du 15 juin 1995, à effet au 1er juillet 1995, en qualité d'agent chargé d'une fonction commerciale, statut cadre, et également en qualité de directeur général non mandataire social, «dont le détail sera déterminé par l'assemblée générale des associés dès l'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés.»

Monsieur [C] a été licencié pour faute grave par lettre recommandée en date du 23 juin 1997.

Contestant le bien fondé de son licenciement, il a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 31 juillet 1997 qui, par jugement en date du 9 février 1998, a sursis à statuer jusqu'à la remise du rapport de la Commission des opérations de bourse, devenue l'Autorité des marchés financiers.

Une information judiciaire a été ouverte des chefs d'abus de confiance aggravé, de faux et usage de faux, à l'issue de laquelle Monsieur [C] a bénéficié d'une ordonnance de non-lieu du juge d'instruction en date du 29 août 2007.

L'affaire a été réenrôlée le 29 décembre 2008 devant le conseil de prud'hommes de Paris.

Par jugement en date du 25 novembre 2011, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Monsieur [C] de l'intégralité de ses demandes, et l'a condamné aux dépens ainsi qu'à verser à la société IFF BOURSE la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [C] a interjeté appel le 21 décembre 2011. Il demande à la cour de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et de condamner la société IFF BOURSE à lui verser les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et anatocisme :

57.830,77 euros à titre d'indemnité de préavis

5.783,15 euros au titre des congés payés y afférents

14.822,92 euros à titre d'indemnité de licenciement

2.000.000 d'euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive

19.276,92 euros à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement.

Monsieur [C] demande en outre qu'il soit fait injonction à la société IFF BOURSE de lui remettre un certificat de travail rectifié ainsi qu'une attestation rectifiée pour Pôle Emploi, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et que la société IFF BOURSE soit condamnée aux dépens, ainsi qu'à lui verser la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sollicite à titre subsidiaire la fixation de la moyenne de ses trois derniers mois de salaire à la somme de 19.276,92 euros.

La société IFF BOURSE demande à la cour de confirmer le jugement du 25 novembre 2011 en toutes ses dispositions, de débouter Monsieur [C] de l'intégralité de ses demandes, et de le condamner aux dépens ainsi qu'à verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de dire que le licenciement de Monsieur [C] repose sur une cause réelle et sérieuse, avec toutes les conséquences de droit sur la base d'une rémunération mensuelle moyenne de 15.246 euros bruts.

A titre infiniment subsidiaire, elle sollicite la limitation de l'indemnisation de Monsieur [C] à une somme comprise entre 15.246 euros et 76.230 euros, compte tenu de son ancienneté qui ne lui permet de prétendre qu'à l'application des dispositions de l'article L.1235-5 du code du travail.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées lors de l'audience des débats.

SUR CE, LA COUR

Sur le licenciement

Monsieur [C] soutient que les trois griefs visés dans la lettre de licenciement sont inexistants, et que les reproches sont formulés à son encontre en sa qualité de directeur général.

Il soutient que, contrairement aux prévisions de sa lettre d'embauche, ses fonctions de directeur général n'ont jamais été définies par l'assemblée générale et qu'en conséquence, il ne lui appartenait pas de mettre en place les procédures de règles de contrôle et de reporting, ni les règles fixant les « stop-loss ».

En ce qui concerne le second grief, Monsieur [C] conteste avoir masqué des pertes importantes pour quatorze clients au gérant et au contrôleur, soutenant que, d'après leurs propres déclarations dans le cadre de la procédure pénale, le gérant avait connaissance de la situation tous les matins, et le contrôleur pouvait connaître chaque jour le montant exact du solde des comptes de chaque client. Il soulève en conséquence la prescription de ce grief.

Monsieur [C] conteste également tout manquement déontologique ayant conduit les autorités de tutelle à des remontrances l'encontre de la société. Il fait valoir que les seules remontrances faites par les autorités de tutelle résultent d'un rapport daté du 22 décembre 1996. Il souligne en outre que l'employeur ne donne aucune indication quant à la date à laquelle il aurait pris connaissance des faits reprochés, privant la cour de la possibilité de vérifier si ces faits sont prescrits.

Monsieur [C] fait valoir enfin que la procédure pénale l'a blanchi de tous les griefs formulés à son encontre.

La société IFF BOURSE soutient que l'absence de mise en place par Monsieur [C] des procédures de contrôle et de reporting a eu des conséquences graves sur les avoirs confiés par la clientèle.

Elle affirme que Monsieur [C] a eu connaissance des pertes réalisées sur les comptes des clients suite aux actions spéculatives menées par ses subordonnés, bien supérieures à la limite des spéculations autorisées, et qu'il a tenté de dissimuler sa responsabilité en le niant à l'occasion de l'entretien préalable.

La société IFF BOURSE fait valoir que les pratiques litigieuses de Monsieur [C] ou de ses subordonnés sous sa responsabilité ont d'abord attiré l'attention de la Société des Bourses Françaises (SBF) qui a remis un rapport le 12 novembre 1996, et a saisi le Conseil des Marchés Financiers (CMF). Celui-ci a adressé un courrier à la société le 17 février 1997, mettant en évidence les manquements relevés et lui a ordonné de mettre en place les procédures (de contrôle, de reporting et de stop-loss) nécessaires à la régulation de son activité. Elle souligne que la Commission des Opérations de Bourse, saisie sur plainte d'un client, a conclu dans son rapport que Monsieur [C] ne pouvait ignorer les pertes importantes engendrées par les opérations spéculatives réalisées.

L'employeur relève que les différents rapports des autorités de tutelle ont conduit à la mise en 'uvre d'une expertise judiciaire sur les activités de la société, qui a conclu à la responsabilité de Monsieur [C], ce qui a été confirmé par le rapport d'enquête interne.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

L'article L.1332-4 du code du travail dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement que trois griefs sont reprochés à Monsieur [C] :

- l'absence de mise en place, dans le cadre de ses fonctions de directeur général, des procédures et règles de contrôle et de reporting, ainsi que des règles fixant des «stop-loss»

- l'absence d'information du gérant et du contrôleur général de la société des pertes concernant 14 clients, supérieures à 25% de leur mise de fonds initiale

- de graves manquements déontologiques ayant conduit les autorités de tutelle à des remontrances extrêmement lourdes à l'encontre de la société.

Il ressort des termes de la lettre de licenciement que le premier grief constitue un reproche adressé à Monsieur [C] en sa qualité de directeur général.

Aux termes de la lettre d'embauche de Monsieur [C], il apparaît qu'il a été engagé à la fois comme agent chargé d'une fonction commerciale, et comme directeur général, dont le détail des fonctions devait être déterminé par l'assemblée générale.

Il n'est pas contesté qu'aucune assemblée générale ne s'est tenue pour définir ce poste.

Il n'est donc pas établi qu'il appartenait à Monsieur [C] de mettre en place les procédures de contrôle et de reporting, ainsi que les règles fixant les «stop-loss».

En conséquence, le premier grief n'est pas caractérisé.

En ce qui concerne le second grief, Monsieur [C] ne conteste pas avoir adressé le 3 décembre 1996 des courriers aux clients du bureau de [Localité 3] ayant subi des pertes supérieures à 25% de leur mise de fonds initiale. Il savait donc nécessairement à cette date que les stratégies adoptées par Monsieur [D], chargé de la gestion de portefeuille et plus particulièrement des comptes spéculatifs au sein de l'établissement de [Localité 3], avaient conduit à des pertes importantes pour ces clients.

Si Monsieur [C] prétend que Monsieur [L], contrôleur général, et Monsieur [J], gérant, étaient informés de l'état des comptes litigieux, il ne verse aux débats aucune pièce susceptible de remettre en cause les déclarations de Monsieur [L] dans le cadre de la procédure pénale, selon lesquelles il n'en a eu connaissance qu'à son retour de vacances le 6 janvier 1997.

Monsieur [C], dans sa lettre du 25 juin 1997, précise à cet égard que ce n'est qu'au mois de janvier 1997 que les positions des clients gérées par Monsieur [D] se sont fortement dégradées, et que Monsieur [L] a alors été tenu informé de cette évolution, ce qui laisse entendre qu'il l'ignorait auparavant.

Monsieur [L] a également précisé que l'agence de [Localité 3] ne disposait d'aucune autonomie et que les comptes de ses clients étaient contrôlés d'abord par Monsieur [E], Madame [Q] et Monsieur [V], puis par ses soins, et qu'à compter du mois de novembre 1996, [G] [C] faisait l'interface.

Il convient de relever que Monsieur [C] n'a pas contesté ce point.

Il ressort des pièces versées aux débats que Monsieur [L] a adressé le 12 février 1997 un courrier à Monsieur [D] avec copie à Messieurs [C] et [J], faisant état des moins values considérables qu'il avait constatées sur des comptes gérés au sein de la structure de [Localité 3].

Monsieur [L] a alors diligenté une enquête interne dont le rapport a été adressé le 28 février 1997, notamment à Messieurs [J] et [C]. Ce document fait état d'erreurs de gestion importantes commises par Monsieur [D] et de ce qu'il ne transmettait pas à sa hiérarchie (à savoir Monsieur [C]) les performances de la gestion.

Il convient de relever que Monsieur [C], à l'occasion de ce rapport, n'a jamais précisé qu'il avait été informé de la situation des comptes litigieux, ni qu'il avait adressé des courriers circulaires aux clients concernés au mois de décembre 1996.

Dans le cadre de la procédure de licenciement de Monsieur [D], celui-ci a indiqué, par courrier du 26 mars 1997 puis du 12 juin 1997 qu'il avait tenu Monsieur [C] informé de l'ensemble du déroulement des opérations de [Localité 3], sur tous les comptes gérés.

C'est dans ce contexte que Monsieur [L] a diligenté une seconde enquête interne, qui a permis d'établir que Monsieur [C] était parfaitement informé de la situation des comptes gérés à [Localité 3] dès lors qu'il avait exprimé le souhait de superviser en direct l'activité sur place, demandé à ses subordonnés de rester en-dehors de ce dossier, et signé les lettres de contre performances à -25% prévues dans tous les contrats de gestion, dès le mois d'octobre 1996, sans en référer à qui que ce soit.

Le rapport d'enquête a été déposé le 20 mai 1997.

Il n'est pas démontré que Messieurs [L] et [J] ont su avant cette date le degré d'implication de Monsieur [C], en ce qu'il s'était abstenu de les informer, alors même qu'il en avait connaissance, de la situation des comptes litigieux à [Localité 3].

En conséquence, ce n'est qu'à compter du 20 mai 1997 que l'employeur a eu connaissance des faits reprochés à Monsieur [C] constituant le second grief.

Celui-ci ayant été convoqué par courrier du 6 juin 1997 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, et licencié le 23 juin 1997, les faits n'étaient pas prescrits.

Monsieur [C] qui, bien qu'informé au plus tard le 3 décembre 1996, d'une part des pertes importantes des sommes investies résultant de la stratégie de Monsieur [D], et d'autre part des risques que recélait cette stratégie pour l'avenir, n'en a averti ni le gérant, ni le contrôleur de la société IFF BOURSE, privant ainsi sa hiérarchie de la possibilité de réagir entre le 3 décembre 1996 et le 6 janvier 1997. Cette dissimulation a entraîné un retard de plus d'un mois qui aurait pu être mis à profit pour prendre toute disposition afin de sauvegarder les intérêts tant de la société que des clients.

Ce grief revêt un caractère de gravité tel qu'il était impossible de maintenir Monsieur [C] au sein de la société IFF BOURSE et que son licenciement apparaît justifié.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur [C] de ses demandes au titre des indemnités de licenciement, de préavis, de congés payés sur préavis, et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que de sa demande de remise de documents sociaux conformes.

Sur la demande d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement

Monsieur [C] sollicite la somme de 19.276,92 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement.

Il convient de relever qu'il ne développe aucun argument et ne verse aux débats aucune pièce au soutien de cette demande, qui sera en conséquence rejetée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions

Y ajoutant

Déboute Monsieur [C] de sa demande d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement

Condamne Monsieur [C] aux dépens

Déboute Monsieur [C] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile

Condamne Monsieur [C] à verser à la société IFF BOURSE la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 11/12759
Date de la décision : 09/09/2014

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°11/12759 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-09;11.12759 ?
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