RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRÊT DU 04 Septembre 2014
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/05010
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Mars 2012 par le Conseil de Prud'hommes de Paris - Section activités diverses- Formation paritaire de PARIS RG n° 11/11923
APPELANTE
Association OEUVRE FALRET
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Philippe PACOTTE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0513 substitué par Me Stéphanie DAGUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0513
INTIMEE
Madame [O] [K]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par M. [U] [S] (Délégué syndical ouvrier)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Juin 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne MÉNARD, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Renaud BLANQUART, Président
Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère
Madame Anne MÉNARD, Conseillère
Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Monsieur Renaud BLANQUART, Président et par Franck TASSET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Madame [K] a été engagée par l'association OEUVRE FALRET, qui gère un foyer d'accueil d'enfants de 6 à 12 ans, en vertu d'un contrat à durée indéterminée et à temps partiel en date du 27 août 2007, en qualité d'agent de service intérieur. Plusieurs avenants ont été conclus, modifiant temporairement son temps de travail lorsqu'il était possible de lui confier un temps plein, dans le cas de remplacements de salariés absents.
Madame [K] travaillait, en dernier lieu, à temps partiel, moyennant une rémunération brute mensuelle de 906,20 euros.
Le 4 septembre 2009, elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 15 septembre 2009, et mise à pied à titre conservatoire. Elle a été licenciée pour faute grave le 20 janvier 2010, pour avoir vivement contesté une décision de réorganisation prise par l'employeur, et refusé d'exécuter les tâches qui lui étaient confiées dans ce contexte.
Elle a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris le 20 janvier 2010, afin de contester son licenciement et d'obtenir une indemnisation.
Par jugement en date du 9 mars 2012, ce Conseil a
- condamné l'association OEUVRE FALRET à payer à Madame [K] les sommes suivantes :
5.437,20 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
604,13 euros à titre de paiement de la mise à pied.
60,41 euros au titre des congés payés afférents.
407,79 euros à titre d'indemnité de licenciement.
1.812,40 euros à titre d'indemnité de préavis.
181,24 euros au titre des congés payés afférents.
- condamné l'employeur aux dépens.
Le Conseil a retenu que l'entretien des étages ne figurait pas sur la fiche de poste de la salariée, et que le refus d'une tâche ne figurant pas dans le contrat de travail n'était pas constitutif d'insubordination.
L'association OEUVRE FALRET a interjeté appel de cette décision.
Représentée par son Conseil, L'association OEUVRE FALRET a, à l'audience du 20 juin 2014 développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles, elle demande à la Cour :
- d'infirmer le jugement entrepris.
- à titre principal, de dire que le licenciement repose sur une faute grave, de débouter Madame [K] de ses demandes, et de la condamner au paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
- subsidiairement, de retenir l'existence d'une cause réelle et sérieuse et de rejeter la demande formée au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Elle expose qu'à partir du début du mois de juin 2009, une nouvelle organisation a été mise en place, modifiant la répartition des tâches, dont il était prévu qu'elle pourrait perdurer si elle s'avérait satisfaisante ; que le maintien de cette nouvelle organisation a été annoncé lors d'une réunion de travail du 3 septembre 2009, et qu'alors, Madame [K] a vivement contesté cette décision ; qu'à l'occasion d'un entretien individuel organisé le lendemain, la salariée a indiqué qu'elle entendait continuer à entretenir le réfectoire, et non les étages comme cela lui était demandé ; qu'elle s'est immédiatement attelée à la tâche qu'elle avait choisie, refusant de nettoyer les étages ; que c'est dans ces conditions qu'elle a été licenciée pour faute grave.
L'association soutient qu'il ne s'agissait que d'une modification des conditions de travail, qui ne rendait pas nécessaire l'établissement d'un avenant au contrat de travail ; que le contrat de travail précisait la possibilité, pour le chef de service, de faire évoluer les tâches, et qu'il n'existait pas de compétence spécifique pour l'une ou l'autre des tâches confiées.
Elle précise que, contrairement à ce qui est soutenu, il n' a nullement été demandé à Madame [K] de cumuler ses nouvelles tâches avec les anciennes, lesquelles ont été prises en charge par d'autres salariés, comme cela ressort de la note d'organisation du service.
Représentée par M. [U] [S] (Délégué syndical ouvrier), Madame [K] a, à l'audience du 20 Juin 2014 développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles, elle demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner l'employeur au paiement d'une somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle expose que la fiche de poste qui lui a été remise stipulait qu'elle nettoyait la salle à manger, la cuisine, les sanitaires et vestiaires du personnel, le couloir et la lingerie ; que ces tâches ne correspondent pas à celles que l'employeur voulait lui imposer ; qu'elle a accepté le changement d'organisation mis en place le 2 juin, eu égard aux dispenses d'effectuer différentes tâches antérieures qui lui étaient accordées ; que lors de la réunion du 3 septembre, elle s'est opposée à la surcharge de travail qui allait lui être opposée, en contradiction avec sa fiche de poste ; que c'est dans ces conditions qu'elle a indiqué qu'elle n'effectuerait les nouvelles tâches qui lui étaient confiées que lorsqu'elle aurait terminé celles qui figuraient sur sa fiche de poste.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère aux dernières écritures des parties, visées par le greffier, et réitérées oralement à l'audience.
DISCUSSION
En vertu des dispositions de l'article L 1232-1 du Code du travail, tout licenciement motivé dans les conditions prévues par ce Code doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis ; l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
En vertu des dispositions de l'article L 1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
En l'espèce, la lettre de licenciement est motivée de la manière suivante :
'Lors de la réunion du jeudi 3 septembre, j'ai présenté la nouvelle organisation des services généraux et vous ai officiellement annoncé que vous étiez désormais chargée de l'entretien des 1er et 2ème étages. Vous avez vivement contesté ma décision et avez ouvertement annoncé que vous refusiez ma demande. Vous n'avez pas effectué les tâches vous incombant ce jour là.
Le samedi 5 septembre, lors de votre prise de fonction à 9h30, vous m'avez annoncé que vous refusiez d'effectuer l'entretien des deux étages et que vous décidiez, unilatéralement, d'effecteur l'entretien du réfectoire, tâches relevant de vos anciennes attributions.
Bien que je vous ai rappelé mes instructions, vous avez commencé l'entretien du réfectoire suite à notre entrevue.
Lors de l'entretien préalable, vous avez confirmé votre position.
En refusant catégoriquement d'exécuter l'entretien des deux étages, tâches relevant de votre fonction d'agent de service intérieur, et en décidant unilatéralement d'en effectuer d'autres, vous avez fait preuve d'insubordination et avez désorganisé le fonctionnement des services généraux'.
Madame [K] ne conteste pas avoir refusé d'exécuter les tâches qui lui ont été confiées par sa supérieure hiérarchique à l'occasion de la réunion du 3 septembre 2009, et d'avoir décidé de continuer à effectuer les tâches qui figuraient sur sa fiche de poste contractuelle.
Le contrat de travail stipule au chapitre 'fonctions' : 'Vous exercerez vos fonctions sous l'autorité de Madame [R], Directrice, ou de toute autre personne qui pourrait lui être substituée.
Les conditions d'exercice de votre mission sont définies par votre supérieur hiérarchique dans une fiche de poste qui vous est communiquée.
Il est convenu par ailleurs que vos fonctions pourront évoluer selon les nécessités du service'.
La possibilité de modifier les fonctions confiées à la salariée était donc prévue dans le contrat. En tout état de cause, le fait de confier à une salariée des tâches différentes de cette qu'elle effectuait précédemment, dès lors qu'elles relèvent de la même qualification, ne constitue pas une modification du contrat de travail, et il relève du pouvoir de direction de l'employeur de modifier les conditions de travail.
Par ailleurs, la note d'information du 2 juin, établie lors de la mise en place, dans un premier temps à titre provisoire, de la nouvelle organisation, permet de constater que Madame [K] était bien déchargée de ses tâches antérieures, de sorte qu'il ne s'agissait pas de tâches qui se surajoutaient à ses fonctions habituelles.
Le refus par un salarié d'accepter un changement de ses conditions de travail constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, mais ne constitue pas une faute grave, dès lors qu'elle ne rend pas nécessaire la rupture immédiate du contrat de travail.
Le jugement sera, donc, confirmé en ce qu'il a alloué à Madame [K] la rémunération de sa période de mise à pied, une indemnité de préavis, et une indemnité de licenciement, mais sera infirmé en ce qu'il lui a alloué une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L'équité commande en l'espèce de laisser à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement en ce qu'il a
- condamné l'association OEUVRE FALRET à payer à Madame [K] les sommes suivantes :
604,13 euros à titre de paiement de la mise à pied.
60,41 euros au titre des congés payés afférents.
407,79 euros à titre d'indemnité de licenciement.
1.812,40 euros à titre d'indemnité de préavis.
181,24 euros au titre des congés payés afférents.
- condamné l'employeur aux dépens de première instance.
Infirme le jugement en ce qu'il a alloué à Madame [K] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et statuant à nouveau la déboute de ce chef de demande.
Ajoutant au jugement,
Condamne Madame [K] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT