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03/09/2014 | FRANCE | N°12/20639

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 2, 03 septembre 2014, 12/20639


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 2



ARRÊT DU 03 SEPTEMBRE 2014



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/20639



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Octobre 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/16037





APPELANTE



SOCIETE NATIONALE DES POUDRES ET EXPLOSIFS - SNPE - agissant poursuites et diligences de son

Directeur Général domicilié en cette qualité audit siège sis

[Adresse 1]

[Localité 1]



représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barre...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 2

ARRÊT DU 03 SEPTEMBRE 2014

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/20639

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Octobre 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/16037

APPELANTE

SOCIETE NATIONALE DES POUDRES ET EXPLOSIFS - SNPE - agissant poursuites et diligences de son Directeur Général domicilié en cette qualité audit siège sis

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

assistée de Me Françoise LABROUSSE de la Partnership JONES DAY, avocat au barreau de PARIS, toque : J001

INTIMÉ

SYNDICAT MIXTE DES EAUX RÉGION RHÔNE VENTOUX - SMERRV, pris en la personne de son Président, ayant son siège social

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Laurent FILMONT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1677

assisté de Me Sylvie LARIDAN, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Mai 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Dominique DOS REIS, Président, chargée du rapport

Madame Denise JAFFUEL, Conseiller

Madame Claudine ROYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique DOS REIS, Président et par Madame Emilie POMPON, Greffier présent lors du prononcé.

***

Le Syndicat Mixte des Eaux Région Rhône Ventoux, dit SMERRV, a pour objet l'organisation et la gestion du service public de l'eau potable et de l'assainissement dans 35 communes du [Localité 4] ; il assure la distribution de l'eau, via son fermier SDEI, selon contrat d'affermage conclu en 2005. Sa ressource principale est la nappe alluviale du Rhône qui est exploitée sur deux sites comprenant trois champs captants, soit :

- la rive gauche sur la commune de [Localité 3] (site de la Jouve),

- la rive droite subdivisée en deux sites, celui de l'île de la Motte (exploité depuis 1978) et celui de l'île de la Barthelassse (exploité depuis 2005).

A partir de 1993, les analyses pratiquées par le laboratoire départemental de la Drôme ont mis en évidence une contamination aux pesticides du champ captant de la rive gauche à des niveaux supérieurs aux limites de potabilité admises (0,1µ/l) et le SMERRV a obtenu la désignation d'un expert à l'effet de rechercher la source de pollution. Dans son rapport déposé le 15 novembre 1995, l'expert désigné par ordonnance de référé du 17 février 1994 a conclu à l'existence d'une pollution d'origine industrielle résultant de la présence, en quantité supérieure au seuil de prévention, de deux molécules herbicides (dinosebe et dinoterbe) commercialisées par la société Rhône-Poulenc et fabriquées par la Société Nationale des Poudres et Explosifs, dite SNPE.

Par jugement du 4 avril 2002, confirmé par arrêt de cette Cour du 21 novembre 2003, le tribunal de grande instance de Paris a dit la SNE entièrement responsable du trouble anormal de voisinage subi par le SMERRV ensuite de la pollution de la nappe phréatique constituant la ressource en eau exploitée et l'a condamnée à payer à ce dernier la somme de 526.608,07 € au titre des frais exposés, outre celle de 504.544 € à la société SDEI au titre du surcoût d'exploitation.

Par la suite, le SMERRV et la SDEI ont fermé cinq des huit puits affectés par la pollution sur le site de la Jouve et ont mis en place une barrière hydraulique destinée à limiter l'afflux des contaminants. Le SMERRV a également augmenté les pompages sur l'île de la Motte et a recherché un nouveau site de production sur l'île de la Barthelasse, sur laquelle il a mis en service quatre nouveaux puits de captage en 2005.

Dès 2006, un des puits de la Barthelasse (P3) s'est révélé contaminé par les pesticides, entraînant une réduction de 40 % de l'exhaure de ce champ. Le BET SOGREAH a conclu, dans un rapport de février 2009, à l'existence de zones polluées toujours présentes sur le site du SMERRV et à la diffusion de la pollution ; la présence de dinosebe a été détectée dans des forages privés situés sur l'île de la Barthelasse à des concentrations variant de 0,60 à 1,17 microgrammes/litre et, lors d'une réunion tenue à l'instigation du préfet du [Localité 4], le SMERRV a proposé, à l'effet de maintenir la qualité des eaux captées et distribuées, la mise en place d'une usine à charbon actif dont la construction a été décidée par délibération du 20 juin 2009, pour un montant estimé à 10.000.000 € HT.

C'est dans ces conditions que, suivant acte extra-judiciaire du 15 octobre 2009, le SMERRV a assigné la SNPE à l'effet de la voir condamner au paiement de la somme de 7.948.709 € HT assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation, au titre des coûts de construction des puits de Barthelasse et de l'usine à charbon actif, aux frais d'analyse, d'études, d'AOM et de maîtrise d''uvre associés, outre la somme annuelle de 248.569 € avec intérêts au taux légal à compter du jugement, jusqu'au constat par arrêté préfectoral de l'efficacité des mesures de dépollution, au titre du coût d'exploitation annuel de la station à charbon actif.

Par jugement du 25 octobre 2012, le tribunal de grande instance de Paris a :

- dit irrecevable la demande d'indemnisation à hauteur de 3.070.459 € au titre du surcoût engendré par la réalisation des puits de Barthelasse,

- dit que la SNPE avait créé au SMERRV un trouble anormal de voisinage,

- condamné la SNPE à payer au SMERRV la somme de 1.581.475 € en réparation du préjudice subi,

- débouté le SMERRV du surplus de ses demandes,

- condamné la SNPE à payer au le SMERRV la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

La SNPE a relevé appel de ce jugement dont elle poursuit l'infirmation, demandant à la Cour, par dernières conclusions signifiées le 23 avril 2014, de :

* au visa de l'article L. 112-6 du code de la construction et de l'habitation,

- débouter le SMERRV de ses demandes et de son appel incident,

- le condamner au remboursement de la somme de 1.592.448,65 € réglée en vertu du jugement, avec intérêts au taux légal à compter de son règlement,

- condamner le SMERRV au paiement de la somme de 30.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.

Formant appel incident, le SMERRV prie la Cour, par dernières conclusions signifiées le 5 novembre 2013, de :

*vu la théorie des troubles anormaux de voisinage et l'article L. 110-1-2 du code de l'environnement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SNPE à lui payer la somme de 1.581.475 € en réparation du préjudice subi,

- actualiser la somme de 190.000 € correspondant au montant de la condamnation prononcée au titre des frais d'analyse pour la période de septembre 2011 au jour du présent arrêt,

- condamner, à ce titre, la SNPE au paiement de la somme de 53.013,10 € pour la période de septembre 2010 à août 2013,

- condamner la SNPE à lui payer 30 % du coût de fonctionnement de l'usine à charbon actif, soit la somme de 75.249 € par an à compter du démarrage et jusqu'à constat, par arrêté préfectoral, de l'efficacité des mesures de dépollution à la suite des essais,

- ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

- condamner la SNPE au paiement de la somme de 30.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.

SUR QUOI, LA COUR

Au soutien de son appel, la SNPE développe, pour l'essentiel, l'argumentation suivante :

' son activité n'est à l'origine d'aucun trouble anormal de voisinage justifiant la prise en charge, même partielle, du coût de construction de l'usine de traitement à charbon actif du SMERRV, dès lors que la qualité des eaux prélevées à partir des captages respecte les seuils réglementaires et que les seules traces de pesticides détectées en deçà des seuils réglementaires ne provoquent pas des contraintes anormales d'exploitation pour le SMERRV,

' l'antériorité de son activité par rapport aux captages mis en place, l'absence de modification des conditions d'exploitation depuis l'arrêt de production des pesticides et le respect des arrêtés préfectoraux applicables sur le site l'exonèrent de toute responsabilité en lien avec la fabrication des pesticides,

- les fautes commises par le SMERRV, parfaitement informé des risques de migration des pesticides avant la mise en place d'un nouveau captage sur l'île de la Barthelasse, et qui a manqué de respecter son obligation d'installer le forage de piégeage prescrit par son autorisation d'exploiter (DUP) alors que cette obligation conditionnait son autorisation, conduisent de même à le débouter de sa demande indemnitaire,

- sa condamnation à prendre en charge, même partiellement, le coût de construction ou de fonctionnement de l'usine de traitement à charbon actif et des analyses pratiquées est injustifiée, en l'absence de tout lien de causalité entre ladite usine, inutile, et les concentrations très faibles de dinosèbe et de dinoterbe inférieures aux limites applicables, et alors que cette condamnation enrichit injustement le SMERRV à ses dépens, et revêt un caractère futur et incertain,

- le préjudice invoqué par le SMERRV est purement éventuel en l'absence de démonstration de son incapacité de prélever et de distribuer de l'eau conforme aux limites réglementaires,

- des solutions alternatives beaucoup moins coûteuses et plus proportionnées aux difficultés alléguées auraient pu être mises en place ;

La SNPE indique qu'à la suite des mesures de confinement hydraulique mises en 'uvre postérieurement à l'arrêt de cette Cour du 21 novembre 2003, les concentrations des eaux souterraines au droit du site par les pesticides ont notablement diminué selon les rapports d'Artelia (anciennement Sogreah), les dernières analyses disponibles sur les 24 derniers mois mettant en évidence des concentrations historiquement basses, notamment en moyenne de dinosèbe de 0,05 µ/l et fait observer que le SMERRV a délibérément choisi en 2002 d'implanter un nouveau captage d'eau potable sur l'Île de la Barthelasse en négligeant le risque de migration des pesticides, en dépit des alertes, du rapport de l'expert [V] et des décisions judiciaires intervenues ; qu'en toute hypothèse, les concentrations découvertes en 2005 dans l'un seul des quatre puits installés dans l'île, le P3, sont très largement inférieures aux limites de qualité des eaux brutes de potabilisation et, par ailleurs, reproche au SMERRV de n'avoir pas mis en place le forage de piégeage conditionnant l'autorisation de captage concédée par arrêté préfectoral du 15 octobre 2002 pour un volume maximal de 16.000 m3 par jour ; enfin, selon elle, la dilution des eaux dans la canalisation de transfert au site de la Jouve contribue à diminuer la concentration des pesticides ;

Le SMERRV réfute cette argumentation et affirme que l'activité de la SNPE caractérise un trouble anormal de voisinage dès lors qu'il se trouve, du fait de la présence dans les eaux captées, de polluants, dans l'incapacité d'utiliser l'intégralité des droits issus des autorisations de pompage, dans l'obligation de procéder systématiquement à des analyses excédant les obligations réglementaires, de réaliser maintes études et essais, de mélanger l'eau provenant des différents puits en amont de la distribution et non en aval comme le prétend la SNPE ; il fait valoir que la construction d'une usine à charbon actif est consécutive à la pollution avérée du site et est nécessaire pour pallier les inconvénients liés à cette pollution de champs captants structurants, qui migre des sites pollués vers d'autres sites à l'origine intacts, alors que la SNPE ne respecte pas les prescriptions des arrêtés préfectoraux lui imposant de confiner la pollution au doit de son site ; il conteste l'antériorité de l'activité de la SNPE par rapport aux captages des rives gauche et droite (sites de la Jouve et Île de la Motte) et conteste également avoir commis quelque infraction que ce fût aux autorisations ou conditions de captage, notamment, par une surexploitation de la nappe phréatique et l'installation de nouveaux puits de captage sur l'île de la Barthelasse ; enfin, il soutient que la solution préconisée par la SOGREAH de piégeage des agents polluants avec le P3 et de rejet dans le Rhône constituerait une solution à moindre coût négligeant l'impact des rejets sur l'environnement alors que l'utilisation du charbon actif a l'avantage de capter la pollution et de l'éliminer par incinération, cette solution ayant été retenue à l'issue d'une étude comparative des différentes options ;

Il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et arguments ;

*

Dans le cadre de sa mission de service public, le SMERRV pompe dans la nappe phréatique, à partir de divers sites de captage, des eaux « brutes » ou « lourdes » qui sont ensuite traitées, chimiquement ou par dilution, afin d'être transformées en eaux potables, lesquelles, conformément aux articles R.1321-2 et suivants du code de la santé publique doivent respecter des limites de qualité prescrites par l'arrêté ministériel du 11 janvier 2007, soit ne pas contenir des pesticides à une concentration supérieure à 2 µ/l pour les eaux brutes et à 0,1 µ/l pour les eaux potables, par substance individuelle ;

En droit, si la présence de pesticides dans les eaux captées, à une concentration variant entre les concentrations autorisées et celles les excédant, constitue un trouble de voisinage, il convient de rechercher si ce trouble est anormal eu égard aux circonstances et surtout au regard des contraintes majorées d'exploitation qu'il induirait pour le voisin, étant rappelé que l'anormalité d'un trouble lié à une pollution de sol ne peut se déduire du seul constat d'un taux d'agents polluants supérieur aux normes admises ;

Il ressort des documents, études et rapports d'analyse produits aux débats que le bureau d'études Sogreah, mandaté par le SMERRV, a constaté en 2009 une pollution toujours présente en raison de l'inefficacité partielle des barrières de confinement en cas de forte pluviométrie et de la diffusion de la pollution, le dinosèbe se trouvant présent dans certains forages de l'île de la Barthelasse à des concentrations variant entre 0,60 et 1,17 µ/l ; ces mêmes études (des BET Sogreah et Safège) mettent en évidence que les modifications des conditions hydrauliques au voisinage du site, imputables aux pompages des puits mis en place dans l'île de la Barthelasse, ont contribué, sinon entraîné, la migration de pesticides dans les puits de captage, ainsi les simulations effectuées par le BET Safege soulignent que l'accroissement des prélèvements en rive droite du Rhône (nouveaux captages de la Barthelasse) augmentent le risque de migration des contaminants en provenance de la rive gauche, dès lors que la zone d'appel du champ captant de la Barthelasse couvre non seulement le Rhône et le centre et l'Est de l'île du même nom mais s'étend également en rive gauche du Rhône, du Sud de la zone des lagunes SNPE, au Sud du Pontet ; le BET Sogreah corrobore ces analyses en indiquant « Ce sont les nouveaux prélèvements effectués à partir de la Barthelasse qui ont favorisé la migration de pesticides depuis la rive gauche et qui ont abouti à la présence de pesticides au niveau de la Barthelassse là où il n'y en avait pas avant la création du champ captant. Dans la mesure où les premières barrières hydrauliques étaient dimensionnées par rapport aux niveaux des pompages prévus dans des DUP du le SMERRV avant la Barthelasse (champs captants de la Jouve et de la Motte uniquement), c'est la création du captage de la Barthelassse qui a pour une large part nécessité les travaux de mise à jour et d'amélioration des barrières hydrauliques mises en place par la SNPE/Eurenco ;

De plus, la Cour constate, d'une part, que :

- le SMERRV s'est installée sur le site de [Localité 3] en 1919, ayant été créée par l'État pour l'exploitation d'une usine de poudres et explosifs, puis une activité de fabrication de pesticides a été exploitée sur le même site, toujours par l'État, puis par la SNPE, entre 1962 et 2003 (pour le dinosèbe) ; il s'agit d'un site relevant de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement ; de son côté, le SMERRV a mis en service, via son fermier SDEI, plusieurs captages en 1948 (captage de la Jouve), en 1978 (captage de la Motte) et en 2005 (captage de la Barthelasse) ; de ce fait, la SNPE est fondée à se prévaloir de l'antériorité de sa présence sur le site, conformément aux dispositions de l'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation disposant « Les dommages causés aux occupants d'un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, commerciales... n'entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ' postérieurement à l'existence des activités les occasionnant, dès lors que ces activités s'exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementairement en vigueur et qu'elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions », alors qu'aucune modification de ses conditions d'exploitation n'est avérée et que cette modification ne saurait être inférée de la survenance d'une pollution prévisible en rapport avec la production de pesticides à proximité du site depuis 1962, non plus que de l'arrêt de la production de dinoterbe en 1994 et de celle du dinosèbe en 2003, tandis que les puits de la Barthelasse n'ont été ouverts qu'en 2005,

- le SMERRV ne pouvait ignorer les inconvénients liés à la pollution ancienne du site de [Localité 3], notamment sur l'île de la Barthelasse, compte tenu des risques de migration de la pollution par suite de nouveaux prélèvements opérés dans la nappe phréatique, risques décelés par de nombreux spécialistes, bureau d'études Safège, hydrogéologue, avis des administrations consultées, qui, tous, l'avaient alerté sur la possibilité de migration de pesticides,

- les faibles concentrations en pesticides relevées lors des analyses ne caractérisent pas un trouble anormal de voisinage alors que les limites de qualité fixées par l'arrêté ministériel du 11 janvier 2007, soit 0,1 µ/l ne sont pas opposables aux industriels exploitant des installations classées mais aux seuls producteurs d'eau potable et, ainsi que le fait exactement observer la SNPE, il ne peut lui être imposé, en sa qualité d'ancien exploitant d'installation classée, de respecter les limites de qualité des eaux potables sortant de son site, ce qui a été rappelé par l'inspecteur des Installations Classées dans son rapport du 8 juillet 2009 : « le respect des normes de potabilité (0,1 µ/l pour les pesticides) à l'aval immédiat du site n'est pas une mesure réglementairement imposable et la rédaction proposée par SNPE correspond tout à fait à l'esprit de la réglementation sur les sites et sols pollués » ; le compte rendu de la réunion en préfecture du 3 décembre 2013 indique encore « l'arrêté préfectoral complémentaire de juillet 2009 prévoyait la mise en place de servitudes d'utilité publique au cas où la pollution ne pourrait être confinée au droit du site et où les concentrations en limite du site seraient supérieures aux limites de qualité des eaux destinées à la consommation humaine du code de la santé publique. Au vu des résultats de concentration en DNBP et DNTB dans la nappe phréatique, l'inspection des installations classées considère qu'il n'y a pas lieu de mettre en place des servitudes limitant les usages de l'eau »,

- si une expertise menée à l'initiative du SMERRV a indiqué qu'au cas où la barrière draînante mise en place présenterait une fuite de 1%, soit trois jours d'arrêt des pompages par an, cela conduirait à une pollution du site interdisant toute distribution de l'eau, cette éventualité ne peut être prise en considération du fait de son caractère purement hypothétique et non vérifié,

- la thèse soutenue par le SMERRV revient à transférer la charge de ses obligations de dépollution sur la SNPE, alors qu'il incombe seulement à celle-ci, conformément à l'arrêté du 21 juillet 2009, de prendre « toutes dispositions pour que les pollutions des eaux souterraines dont ses activités présentes ou passées seraient à l'origine, soit soient traitées à la source, soit soient confinées au droit du site, de telle sorte que les concentrations en polluants dans les eaux souterraines à l'extérieur du site ne dépassent pas les limite de qualité du code de la santé publique au regard des usages constatés selon la méthodologie définie dans les deux circulaires » : le recours en annulation déposé par le SMERRV à l'encontre de cet arrêté a été retiré au vu du mémoire en défense du Préfet rappelant que l'arrêté [du 11 janvier 2007 sur la potabilité] n'avait pas pour objet d'imposer des exigences de qualité aux effluents industriels mais s'appliquait à l'eau destinée à la consommation humaine,

- les analyses mises en 'uvre par le SMERRV n'ont pas détecté dans les eaux prélevées (eaux lourdes) une concentration de pesticides supérieure à la nome réglementaire de 2 µ/l et l'Agence Régionale de Santé du [Localité 4] confirme la bonne qualité des eaux captées à [Localité 3] en les classant dans les captages exempts de pesticides ; de même, le rapport [M], expert du SMERRV, établi en mai 2009, confirme l'absence de pesticides à des concentrations supérieures aux limites de qualité des eaux brutes ; selon les analyses pratiquées par la SDEI depuis 2009, le mélange d'eaux prélevées sur les quatre puits de Barthelassse est exempt de dinoterbe et ne comporte que des teneurs très faibles en dinosèbe, seules 5 valeurs sur 75 analyses dépassant la quantité de 0,1 µ/l, limite de qualité des eaux potables, valeurs restant inférieures à la quantité de 0,18 µ/l autorisée à titre dérogatoire par l'ANSES,

tous éléments dont il résulte que les taux de pollution relevés ne caractérisent pas un trouble anormal de voisinage ;

La Cour relève, d'autre part, que le SMERRV ne justifie pas subir du fait de la pollution des eaux de captage des contraintes d'exploitation majorées par rapport à celles qu'il devrait normalement assumer pour remplir sa mission de service public, alors qu'il lui incombe, dans le cadre de cette mission, de diluer les eaux captées dans les différents puits avant de les distribuer et qu'il n'établit pas que cette obligation de dilution serait en lien direct de causalité avec les taux de pesticide relevés et ne procéderait pas plutôt d'un principe de précaution destiné également à diluer les concentrations en plomb provenant des puits de la Jouve gauche ou de la nécessité d'équilibrer les quantités captées en amont de la station de la Jouve ; de même, le SMERRV ne démontre pas que les taux de pesticides constatés auraient pour conséquence de limiter les volumes captés alors qu'en compensation de la fermeture des cinq puits de la Jouve, produisant 12.000 m3 par jour, il a obtenu l'autorisation de capter 30.000 m3 par jour sur les sites de la Motte et de la Barthelasse et que les volumes captés quotidiennement varient selon les besoins en eau saisonniers et la politique économique interne de ce syndicat dont les tenants et aboutissants répondent à des impératifs de rentabilité étrangers au litige : l'allégation du SMERRV selon laquelle la présence de pesticides le contraindraient à limiter ses captages à hauteur de 40 % des volumes autorisés apparaît donc hasardeuse et peu crédible au regard des réserves d'eau souterraine non polluées et non exploitées dans le champ captant de la Motte ; pas davantage le SMERRV ne prouve t'il que les analyses pratiquées excéderaient celles imposées par la législation alors qu'elle relèvent de sa mission d'assurer au jour le jour la potabilité de l'eau distribuée ;

Le SMERRV n'est donc pas fondé à reprocher à la SNPE ses difficultés d'exploitation des ressources en eau des champs captants de l'île de la Barthelasse dans des conditions normales, eu égard à la pollution ancienne du site, à l'extension des champs captants en dépit des risques identifiés de migration des pesticides, à l'impossibilité pour la SNPE de dépolluer les lagunes infestées de résidus explosifs, à la faiblesse des taux de pesticides relevés, également au fait qu'il a déjà perçu en 2003 d'importantes sommes ainsi que son fermier SDEI pour compenser la pollution des champs captants de la rive gauche du Rhône (soit les sommes respectives de 526.608,07 €, 504.544 € et 14.035,52 €) et la fermeture de six puits sur la rive gauche, mais a néanmoins mis en service quatre puits de captage en 2005 sur l'île de la Barthelasse en négligeant le risque de pollution prévisible du fait des nouveaux prélèvements opérés dans la nappe phréatique ; n'ayant pas de droit acquis à prélever des eaux exemptes de pollution sur le site dont s'agit, il doit subir les contraintes d'exploitation inhérentes aux inconvénients indissociables de ce site, étant observé que les champs captants de la Barthelasse étaient indemnes de pollution avant que les captages du SMERRV ne provoquent la migration de la pollution par les pesticides, ainsi qu'il a été démontré plus haut par les études réalisées et qu'il le reconnaît en page 33 de ses écritures en indiquant que la diminution des pompages sur le site de la SNPE a pour corollaire l'attraction des polluants par ses propres pompages ;

En ce qui concerne l'usine à charbon actif construite sur le site, il n'est pas non plus démontré que sa construction répondrait à des impératifs liés à la pollution du site de la [Localité 3] par les pesticides et qui ne pourraient être assurés par le système de confinement mis en place ou les barrières hydrauliques installés par la SNPE sur injonction préfectorale et, également, par le forage de piégeage et les trois piézomètres qu'il aurait dû installer en exécution de l'arrêté préfectoral de 2002 afin de pallier toute pollution du Rhône et migration de pesticides, mais qui n'est toujours pas mis en place à ce jour ; il apparaît plutôt que la construction de cette usine, superfétatoire au regard des taux faibles de pollution par les pesticides relevés, répond aux normes et exigences environnementales les plus récentes, satisfait à un objectif général de rentabilité, de prévention et de sécurisation des eaux contre toute sorte de pollution, actuelle ou future, et permettra à le SMERRV d'optimiser la production, la filtration et la distribution de l'eau, surtout lui assurera, comme il le reconnaît, une « marge de sécurité » au regard des besoins actuels et à venir des usagers, l'usine ayant vocation à traiter des volumes très importants (46.000 m3 par jour) captés sur les sites de la Barthelasse et de la Jouve ; le BET Artelia remarque à cet égard que la mise en place d'une usine de traitement au charbon actif en grains ne paraît pas injustifiée mais qu'il est à noter que les risques de pollution ne sont pas liés à la présence de DNBP et DNTBP dans la nappe ;

Il s'ensuit que la construction de l'usine est sans lien avéré de causalité avec une pollution actuelle excédant les normes réglementaires, le SMERRV admettant à cet égard que les barrières hydrauliques mises en place sont efficaces et remplissent leur rôle depuis l'année 2013, tandis que la lettre adressée par le Préfet au SMERRV le 10 mars 2009 corrobore le caractère essentiellement préventif d'équipements destiné à pallier des transferts de flux de la nappe phréatique possibles sous l'Ouvèze sur la barrière nord vers le champ captant de la Jouve et au sud sous la barrière sud vers le Rhône et donc vers le champ captant de l'île de la Barthelasse et les forages privés. L'efficacité de la barrière drainant sur la partie sud du site ne pourrait cependant être effectivement mesurée qu'au printemps 2010 ;

Il ne serait donc nullement justifié d'imposer à la SNPE, sauf à enrichir sans cause le SMERRV, de participer financièrement à des dépenses d'analyses et à un investissement lourd, déjà partiellement financé par l'Agence de l'Eau, agence étatique, et dont le coût de fonctionnement sera par ailleurs répercuté dans ses amortissements comptables et sur les usagers ;

En conséquence, le jugement dont appel sera infirmé en toutes ses dispositions et le SMERRV débouté de ses demandes ;

Il sera rappelé que le présent infirmatif emporte restitution de toutes sommes perçues en vertu de l'exécution provisoire assortissant le jugement, assorties des intérêts au taux légal à compter de sa signification, en sorte que la demande de condamnation formée par la SNPE sur ce point est sans objet et sera rejetée, par application de la règle selon laquelle « titre sur titre ne vaut » ;

En équité, le SMERRV sera condamné à payer à la SNPE la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement dont appel

Statuant à nouveau,

Déboute le SMERRV de ses demandes,

Rappelle que le présent infirmatif emporte restitution de toutes sommes perçues en vertu de l'exécution provisoire assortissant le jugement, assorties des intérêts au taux légal à compter de sa signification,

Condamne le SMERRV à payer à la SNPE la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Condamne le SMERRV aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 12/20639
Date de la décision : 03/09/2014

Références :

Cour d'appel de Paris G2, arrêt n°12/20639 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-03;12.20639 ?
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