Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRÊT DU 03 SEPTEMBRE 2014
(n° 226 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/11595
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Novembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de MELUN - RG n° 10/03971
APPELANTE
Madame [H] [F]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Me Mélanie SPANIER, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU
INTIMÉ
Monsieur [M] [Q]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représenté par Me Frédéric GUERREAU de la SCP BOUAZIZ - GUERREAU - SERRA - AYALA, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU
Assisté de Me Clothilde CHALUT-NATAL, de la SCP BOUAZIZ - GUERREAU - SERRA - AYALA, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 mai 2014 en audience publique, après qu'il ait été fait rapport par Madame Françoise COCCHIELLO, Président, chargée d'instruire l'affaire, conformément aux dispositions de l'article 785 du Code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Madame Françoise COCCHIELLO, Président, rédacteur
Madame Irène LUC, Conseiller,
Madame Claudette NICOLETIS, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Denise FINSAC
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Françoise COCCHIELLO, Président et par Madame Violaine PERRET, Greffier auquel la minute du présent arrêt lui a été remise par le magistrat signataire.
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Rappel des faits et de la procédure
Faisant suite à une annonce publiée sur internet décrivant une «jument ayant de très gros moyens, très bien mise et prête pour les épreuves» et à un compte-rendu d'expertise certifiant que la jument «était apte à l'usage du cheval de sport», M. [Q] a acquis auprès de [H] [F] le cheval «Pensy du vieil or» moyennant un prix de 15 000 euros payé le 30 octobre 2009.
M. [Q] a estimé que le cheval ne présentait pas les aptitudes sportives attendues et a engagé des frais vétérinaires.
Soutenant que la consultation vétérinaire du 10 décembre 2009 a révélé que le cheval présentait des anomalies constituant un obstacle à sa commercialisation, le pronostic sportif étant réservé pour envisager une carrière sportive au niveau souhaité, il a fait connaître à [H] [F] son souhait d'annuler la vente et de restituer le cheval ; [H] [F] a d'abord accepté d'annuler la vente puis a refusé en raison des frais annexes que monsieur [Q] lui demandait de prendre en charge.
M. [Q] a assigné, par acte du 14 septembre 2010, [H] [F] devant le tribunal de grande instance de Melun pour demander la résolution de la vente du cheval «Pensy du vieil or» pour défaut de conformité et ordonner la restitution du cheval aux frais de [H] [F].
Par jugement du 22 novembre 2011, le tribunal de grande instance de Melun a :
- déclaré irrecevables les pièces et conclusions de [H] [F],
- déclaré irrecevables les conclusions de [M] [Q] signifiées le 29 septembre 2011 en tant qu'elles ne concernent pas les débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, ainsi que les pièces numérotées 23 à 28,
- annulé le contrat de vente du cheval « Pensy du vieil or » conclu entre les parties,
- ordonné la restitution à [H] [F] du cheval «Pensy du vieil or » et, en tant que de besoin, condamné [M] [Q] à cette restitution, le tout aux frais de [H] [F], - ordonné la restitution à [M] [Q] de la somme de quinze mille euros (15 000 €) et, en tant que de besoin, condamné [H] [F] au paiement de ladite somme, productive d'intérêts calculés au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,
- condamné [H] [F] à payer à [M] [Q] la somme de onze mille cent six euros et quatre-vingt-huit centimes (11 106,88 €),
- condamné [H] [F] à payer à [M] [Q] la somme de mille euros (1 000 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Le 22 juin 2012, [H] [F] a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions du 28 avril 2014, [H] [F] demande à la Cour de :
- juger recevable son appel,
- infirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Melun en date du 22 novembre
2011,
- écarter et dire mal fondé tout autre fondement juridique soulevé en vue de l'annulation ou de la résolution de la vente,
- condamner Monsieur [Q] au paiement de la somme de 4 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire,
- condamner Monsieur [Q] au paiement de la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
[H] [F] soutient que les premiers juges auraient dû débouter M. [Q] de sa demande en annulation de la vente sur le fondement de l'erreur sur les qualités substantielles et en résolution sur le fondement des vices cachés car la présence des anomalies radiographiques ne permet pas de retenir l'erreur sur la qualités substantielles, mais le cas échéant, un défaut qui pourrait rendre le cheval impropre à sa destination.
Elle rappelle que pour agir sur le terrain des vices du consentement, M. [Q] doit rapporter la preuve d'une erreur sur les qualités substantielles du cheval au moment de la formation du contrat. Elle expose qu'en l'espèce, les anomalies décelées lors de l'examen vétérinaire du 10 décembre 2009 étaient distinctes de celles relevées en septembre 2009 et que le compte rendu établi non contradictoirement ne permettait pas de déterminer si elles existaient au jour de la vente.
Par ailleurs, elle relève qu'en l'absence de document contractuel, il était impossible de connaître les attentes de l'acquéreur. Seuls le prix de vente de la jument, son activité de concours et celle de M. [Q] tendent à considérer que ce dernier recherchait une jument pour réaliser des compétitions de saut d'obstacles. Elle ajoute qu'aucun des critères mentionnés dans l'annonce ne fait défaut au jour de la vente : jument de six ans ayant fait l'objet d'une visite d'achat de moins de deux mois et apte aux concours de saut d'obstacles.
Elle considère que M. [Q] n'est pas non plus fondé à demander la résolution de la vente pour vice de conformité puisqu'elle n'a pas la qualité de vendeur professionnel de chevaux et que le cheval vendu ne présente aucun défaut de conformité par rapport à l'usage attendu par l'acquéreur.
De même, elle allègue que l'action de M. [Q] au titre de la garantie des vices cachés n'est pas fondée puisque les défauts physiques de la jument relevés par la clinique vétérinaire en décembre 2010 ne font pas partie de liste limitative de l'article R. 213-1 du code rural et que M. [Q] ne prouve pas l'existence d'un quelconque vice caché antérieur à la vente qui rendrait la jument impropre à sa destination.
Par conclusions du 22 novembre 2012, M. [Q] demande à la Cour de :
- juger recevable [H] [F] en son appel mais mal fondée,
- la débouter de toutes ses demandes,
- voir Monsieur [Q] en son appel incident quant à l'actualisation de son préjudice,
Y faisant droit,
- confirmer le jugement entrepris du Tribunal de grande instance de Melun en date du 22 novembre 2011 en ce qu'il a annulé la vente intervenue entre les parties concernant le cheval «Pensy du vieil or» dans ses autres dispositions,
Y ajoutant sur l'appel incident,
- condamner [H] [F] en cause d'appel à payer à Monsieur [Q], à titre de dommages et intérêts complémentaires, à raison des frais vétérinaires et pension exposés par Monsieur [Q] postérieurement au premier mai 2011, les sommes complémentaires de 9,470 euros et 2 442,18 euros,
- condamner [H] [F] au paiement de la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [Q] prétend être bien fondé à se prévaloir des dispositions du code de la consommation au motif que les capacités sportives du cheval ne correspondaient pas à celles auxquelles il pouvait s'attendre au vu des éléments fournis au moment de la vente et notamment en référence à l'expertise vétérinaire réalisée. Il ajoute que la visite de contrôle opérée auprès de l'Ecole Nationale Vétérinaire de [Localité 3] établissait des conclusions contraires à celles qui lui avaient été présentées au moment de la vente. Il en a résulté que la jument était inapte à terme à la pratique sportive à laquelle elle était destinée ainsi quà l'usage affiché par la venderesse de cheval de sport.
Il affirme, au surplus, que les pièces versées aux débats attestent de la parfaite mauvaise foi de [H] [F] qui avait connaissance de la situation réelle de la jument au moment de la vente et dont elle ne pouvait méconnaître compte tenu de sa qualité de vendeur professionnel.
Dès lors, il considère que [H] [F] a manqué à son obligation de délivrance en ce que le cheval ne présentait pas les caractéristiques qui ont déterminé son engagement (cheval à vocation sportive apte aux compétitions). Il expose d'autre part que les parties s'étaient accordées contractuellement sur les qualités escomptées du cheval dès lors que [H] [F] avait accepté, dans un premier temps, de procéder à l'annulation de la vente à raison des défauts révélés de la jument.
Enfin, il fait valoir que [H] [F] a commis une faute extracontractuelle d'imprudence en produisant antérieurement à la vente un compte rendu d'expertise vétérinaire partiellement erroné, afin de parvenir à la vente du 30 octobre 2009 pour le prix de 15 000 euros d'un animal qui avait été acquis le 29 décembre 2008 au prix de 4 500 euros.
SUR CE :
Considérant que M.[Q] vise les articles L 211-1 et suivant du Code de la consommation ainsi que les articles 1110 et suivant du Code civil dans le dispositif de ses conclusions et demande la confirmation du jugement en ce qu'il a annulé la vente, tout en l'infirmant en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour frais vétérinaires et pensions qu'il a exposés ;
Considérant dès lors que la discussion sur l'application de l'article L 213-1 du Code rural qu'il avait invoqué en première instance n'a pas d'objet devant la cour, étant toutefois observé que le premier juge a parfaitement jugé sur ce point ;
Sur la demande de monsieur [Q] en application des dispositions du code de la consommation :
Considérant que monsieur [Q] invoque l'application des les articles L 211-4, L211-5, L211-7, L211-10, L211-11, L211-12 et L211-13 du Code de la consommation ;
Qu'il lui appartient d'établir la qualité de professionnelle de la venderesse ; que les pièces versées aux débats rapportent parfaitement que Madame [F] est la directrice du Haras des Mages qui propose «pension, compétition, promenades, transport, achat/vente» ; qu' elle se présente comme la personne «à contacter» sur des documents publicitaires de ce haras ;
Considérant selon les termes de l'article L 211-5 du Code de consommation, que monsieur [Q] doit préciser quelle description du cheval a été donnée par le vendeur, quelles sont les qualités qu'il a présentées ; que l'annonce indiquait que la jument était «prête pour faire les 7 ans et épreuves 135 m», et qu'un compte-rendu d' expertise de la jument précisait que le «cheval était apte à l'usage de cheval de sport», les examens comportant la mention «normal» et un pronostic favorable ; que dès lors, il apparaît que ces éléments sont entrés dans le champ contractuel des parties, que Madame [F] ne peut soutenir qu' «il était impossible de connaître les attentes de l'acquéreur», alors que ce sont les éléments insérés dans cette annonce qu' il recherche en acquérant cette jument ;
Qu'en application de l'article L 211-7 du code de la consommation, monsieur [Q] doit rapporter l'existence du défaut de conformité dans le délai de six mois de la vente pour bénéficier de la présomption de l'existence du vice lors de la vente, que les conclusions de la consultation qu'il a fait réaliser à l'Ecole Nationale Vétérinaire de [Localité 3] le 10 décembre 2009, soit dix jours après la vente, sont les suivantes : «Jument présentant des anomalies radiographiques constituant un obstacle majeur à la commercialisation. L'exploitation sportive de Pensy nécessitera une attention particulière relativement à la ferrure, la nature des sols, et l'adaptation au type de travail ( limiter les voltes)», que le pronostic clinique était «réservé à plutôt favorable», le pronostic lésionnel «réservé», le pronostic sportif «réservé pour envisager une carrière sportive au niveau souhaité. A moduler en fonction de la réponse de la jument à la ferrure proposée», que des suggestions sur la conduite à tenir étaient données tant au vétérinaire traitant qu'au maréchal- ferrant, les conseils d'utilisation étaient proposés à l'utilisateur ;
Considérant que l'examen vétérinaire révèle un pronostic sportif «réservé» en fonction de la ferrure du cheval, ce qui n'établit pas un défaut de conformité ; que, par ailleurs, Madame [F] verse aux débats, les engagements et résultats de Pensy Viel Or sur les années 2009 , 2010, 2011 et 2012, qu'il apparaît que sur la période de six mois à compter de la vente intervenue le 30 Octobre 2009, au cours du mois d'avril 2010, monsieur [Q] a participé à cinq compétitions «amateurs», ce qui dément le défaut de conformité de la jument invoqué par monsieur [Q] ;
Considérant que monsieur [Q] ne fournit aucun autre document pour établir le défaut de conformité révélé dans le délai de six mois, que sur le fondement des textes du Code de la consommation, monsieur [Q] doit être débouté de sa demande ;
Sur l'annulation en application de l'article 1110 du code civil pour erreur sur les qualités substantielles :
Considérant, comme il a été précédemment indiqué, l'examen vétérinaire de la jument Pensy Vieil Or que monsieur [Q] verse aux débats fait état d'un pronostic réservé mais n'interdit nullement la participation de la jument à des compétitions amateurs, comme monsieur [Q] en a fait ;
Considérant ici encore que de tels éléments ne permettent pas de soutenir que monsieur [Q] a commis une erreur sur les qualités substantielles de la jument acquise, dès lors que les anomalies révélées sur les radiographies dont il fait état n'altèrent pas les qualités physiques et d'aptitude du cheval à l'équitation sportive telle qu'il la pratique et alors que rien ne permet de soutenir qu'en acceptant d'annuler la vente, [H] [F] avait ainsi reconnu que monsieur [Q] avait commis une erreur substantielle ;
Considérant qu'il sera débouté de sa demande de nullité de la vente pour ce motif ;
Considérant que Madame [F] ne justifie pas que monsieur [Q] a engagé une action manifestement vouée à l'échec dans l'intention de lui porter préjudice, que sa demande de dommages-intérêts sera rejetée ;
PAR CES MOTIFS :
Infirmant le jugement,
Déboute Monsieur [Q] de ses demandes,
Déboute Madame [F] de sa demande de dommages-intérêts ,
Condamne Monsieur [Q] à payer à Madame [F] la somme de 3000 Euros pour indemnité de frais irrépétibles,
Condamne Monsieur [Q] aux entiers dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT