RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRÊT DU 03 Septembre 2014
(n° 31, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/10932 - TM
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 05 mai 2009 par le conseil de prud'hommes de MEAUX - section commerce - RG n° 06/01087
APPELANT
Monsieur [B] [H]
Chez Madame [D] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 1]
comparant en personne, assisté de Me Pascal RIGAULT, avocat au barreau de MEAUX
INTIMÉE
S.A. MOTUL
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Laurent JAMMET, avocat au barreau de PARIS, K0168 substitué par Me Aurélien WULVERYCK, avocat au barreau de PARIS, C16
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Mars 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Thierry MONTFORT, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, présidente
Madame Catherine BRUNET, conseillère
Monsieur Thierry MONTFORT, conseiller
GREFFIER : Monsieur Bruno REITZER, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, présidente et par Madame Lynda BENBELKACEM, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LES FAITS
Monsieur [B] [H] a été engagé le 11 décembre 2000 en qualité d'opérateur de conditionnement, suivant contrat à durée déterminée, par la SA MOTUL.
Le 29 janvier 2001, Monsieur [B] [H] a conclu un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'opérateur polyvalent de conditionnement, au coefficient 170.
En dernier lieu, il exerçait les fonctions d'ouvrier de conditionnement lubrifiant, au coefficient de 185.
Par LRAR datée du 7 février 2006 il était licencié pour motif réel et sérieux.
Monsieur [B] [H] saisissait alors le conseil de prud'hommes de MEAUX le 10 août 2006.
Celui-ci par jugement en date du 5 mai 2009, Section Commerce, déboutait Monsieur [B] [H] de ses demandes.
Monsieur [B] [H] a régulièrement formé le présent appel contre cette décision soutenant que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Il demande à la cour de condamner la SA MOTUL à lui verser une indemnité de licenciement abusif d'un montant de 36 000 euros ainsi que la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du CPC.
La SA MOTUL demande à la cour de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes.
Elle demande également la condamnation de son ancien salarié à lui verser une indemnité de 2 000 € en application de l'article 700 du CPC.
L'entreprise compte plus de 11 salariés.
Le salaire brut moyen mensuel de Monsieur [B] [H] s'élève à 1 544,26euros pour 151,67 heures de travail.
La convention collective des Industries du Pétrole est applicable à la relation de travail.
LES MOTIFS DE LA COUR
Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.
Sur la rupture du contrat de travail de Monsieur [B] [H]
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, adressée à Monsieur [B] [H] est rédigée comme suit : « Pour les motifs qui vous ont été exposés lors de notre entretien du vendredi 3 février 2006 et pour lesquels vous n'avez pu fournir d'explications satisfaisantes, nous entendons par la présente vous notifier votre licenciement.
Nous avons reçu un courrier de plainte à votre égard d'un des vigiles de la société de gardiennage du site de Vaires sur Marne et vous avons convoqué en vous indiquant que nous envisagions à votre encontre une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.
Les faits reprochés sont les suivants :
Le Gardien effectue sur le site une première ronde de surveillance de 20 heures 30 à 21 heures. Il repart ensuite vérifier d'autres éléments, barbelés éclairages, etc., ... Le 19 janvier 2006, le Gardien est revenu de cette ronde complémentaire à l'accueil à 21 heures 23. Il vous trouve en train d'essayer d'ouvrir le portillon pour entrer. Le Gardien ressort de l'accueil pour vous indiquer que le portillon sera ouvert à 21 heures 35. comme le prévoient les consignes.
En réponse, vous auriez crié à l'attention du Gardien "tu te magnes d'ouvrir cette porte, connard ! Ne fais pas chier !" ainsi que d'autres déclarations du même type que le Gardien a préféré passer sous silence, car particulièrement désagréables à entendre.
Le Gardien ne peut accepter d'être traité de cette façon. Il demande à ce que ses
interlocuteurs respectent toutes les formes de la politesse requise. 11 considère qu'il fait son travail sans "focaliser sur aucune personne". Il déclare ne pas faire de différence de traitement entre les collaborateurs de [F] et n'avoir comme objectif que de faire respecter les règles.
Confronté aux termes du courrier du Gardien vous avez nié avoir proféré des injures à son égard. Vous avez même affirmé que le Gardien vous aurait menacé de porter plainte contre vous. Vous avez indiqué avoir déposé une main-courante à la police relatant ces faits.
Nous devons maintenant arbitrer entre le témoignage du Gardien et le vôtre. Nous
pensons que le Gardien n'ayant aucun intérêt à vous nuire, n'a pas pu inventer de toutes pièces l'altercation qu'il relate avec précision.
Nous sommes dans l'obligation de rapprocher ces faits de ceux qui vous ont valu en juin 2005 un avertissement. Dans cette affaire, nous avions le témoignage de 3 salariés de l'entreprise, dont celui d'un Directeur, et nous avions suivi leurs témoignages. Dans la lettre de notification de la sanction, nous vous indiquions que nous souhaitions que vous vous adressiez à vos interlocuteurs "poliment, sans familiarité et sans agressivité".
Il semble que, cette fois encore, vous aviez adopté un comportement inadéquat, que
malheureusement, vous ne parvenez pas à corriger.
Après une sanction le 4 mars 2005 pour un dysfonctionnement, après une sanction le 22 juin 2005 pour une attitude totalement inadéquate, nous nous trouvons à nouveau confrontés à des difficultés comportementales de votre part.
Votre attitude lors de l'entretien, niant les faits contre toute vraisemblance, estimant
que tous les torts étaient du côté du Gardien, nous oblige à tirer des conséquences définitives.
Nous vous notifions donc par le présent courrier votre licenciement.
Votre préavis de 2 mois, que nous vous dispensons d'effectuer, débutera à la première présentation de cette lettre.
Votre salaire sera versé mois par mois et votre solde de tout compte, votre certificat de travail ainsi que votre attestation Assedic vous seront adressés au terme de votre contrat de travail. »
Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Le juge doit tenir compte du passé disciplinaire du salarié pour apprécier la gravité des faits qui lui sont reprochés.
Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
Depuis son embauche, Monsieur [B] [H] a fait l'objet de cinq sanctions disciplinaires, deux rappels à l'ordre et trois avertissements.
En l'espèce, Monsieur [B] [H] ne reconnaît pas avoir insulté le gardien,
Mr [G], qui refusait de lui ouvrir la porte avec 10 minutes d'avance, par une soirée de grand froid (3° Celsius).
Pourtant, Mr [G] a écrit une lettre parfaitement circonstanciée à la direction (pièce 20) pour rendre compte de l'incident.
En l'absence de témoin direct des faits, la conviction de l'employeur relative à la véracité des faits dénoncés s'est basée d'une part sur la considération que le Gardien n'avait aucune raison personnelle de chercher à nuire à Monsieur [B] [H], d'autre part sur la procédure disciplinaire du mois de mai-juin 2005.
En effet, le 22 juin 2005, la société MOTUL avait déjà adressé un avertissement à Monsieur [B] [H] pour son comportement irrespectueux envers des collègues de travail, survenu le 24 mai 2005.
Les attestations des victimes des faits, notamment celle émanant de Mr [L], témoignent de la violence du comportement du salarié.
La direction invitait alors Monsieur [B] [H] à changer de comportement, devant « veiller à l'avenir à respecter ses collègues de travail, en s'adressant poliment, sans familiarité et sans agressivité ».
Paradoxalement, Monsieur [B] [H] tente de justifier son comportement en faisant état des excès d'autoritarisme du gardien, et le fait que les insultes sont le propre du langage d'usine. Il dénonce également une complicité entre le gardien et la Direction, cette dernière l'ayant chargé de surveiller le personnel outre les locaux.
Il résulte cependant des pièces versées en procédure que le gardien est salarié d'une entreprise de gardiennage, et ne se trouve pas soumis à la subordination de la Direction de la société MOTUL, que le prétendu autoritarisme du gardien ne repose sur aucun élément tangible, alors que même un « langage d'usine » ne saurait permettre irrespect, violence et agressivité.
Il résulte de l'ensemble de ces considérations que les faits reprochés à Monsieur [B] [H] sont avérés, et constitutifs d'une faute.
En effet, si une incorrection occasionnelle, telles des paroles déplacées tenues par un salarié à l'encontre de collègue peut ne pas constituer une faute disciplinaire, au contraire des injures grossières réitérées relèvent de l'insubordination et caractérisent pour le moins une faute simple.
La cour considère que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, et confirmera le jugement entrepris.
Sur les dépens et la demande de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du CPC
Monsieur [B] [H] qui succombe supportera la charge des dépens.
La Cour considère que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable de ne pas faire application de l'article 700 du CPC.
DÉCISION DE LA COUR
En conséquence, la Cour,
CONFIRME la décision du Conseil de prud'hommes,
DÉBOUTE Monsieur [B] [H] de l'intégralité de ses demandes,
DÉBOUTE la société MOTUL de sa demande au titre de l'article 700 du CPC,
CONDAMNE Monsieur [B] [H] aux entiers dépens de l'instance.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE