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03/09/2014 | FRANCE | N°12/05535

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 03 septembre 2014, 12/05535


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 03 Septembre 2014



(n°21 , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/05535 - TM



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 janvier 2012 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 10/14195





APPELANT

Monsieur [T] [W]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Fatoumata BROU

ARD, avocate au barreau de PARIS, G0398





INTIMÉE

SOCIÉTÉ ESPACE EXPANSION, filiale du groupe UNIBAIL RODAMCO

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Elodie EXPERT, avocate a...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 03 Septembre 2014

(n°21 , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/05535 - TM

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 janvier 2012 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 10/14195

APPELANT

Monsieur [T] [W]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Fatoumata BROUARD, avocate au barreau de PARIS, G0398

INTIMÉE

SOCIÉTÉ ESPACE EXPANSION, filiale du groupe UNIBAIL RODAMCO

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Elodie EXPERT, avocate au barreau des HAUTS-DE-SEINE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 avril 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Thierry MONTFORT, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, présidente

Madame Catherine BRUNET, conseillère

Monsieur Thierry MONTFORT, conseiller

GREFFIER : Monsieur Bruno REITZER, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, présidente et par Madame Lynda BENBELKACEM, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LES FAITS

Monsieur [T] [W] a été engagé le 23 février 1999 en qualité de Responsable de communication, statut cadre, suivant contrat à durée indéterminée, par le Groupement d'intérêt économique du Centre Commercial de [3].

Le 29 novembre 2001, il signe un contrat à durée indéterminée avec la société ESPACE EXPANSION avec reprise de son ancienneté en qualité de Responsable Marketing et Communication au sein du Centre Commercial [2].

Le 1er juillet 2003, Monsieur [T] [W] est nommé directeur du Centre Commercial de [3].

Le 1er janvier 2007, il devient directeur du Centre Commercial [1].

Le 1er février 2009, il devient Directeur Régional, ayant en charge l'animation des directeurs des centres commerciaux de sa région en vue de développer leur attractivité, leur croissance et leurs performances.

Par LRAR datée du28 octobre 2010, Monsieur [T] [W] prenait acte de la rupture de son contrat de travail, en raison de la modification de ses attributions, de l'absence de moyens matériels et humains lui permettant de mener sa mission à bien, de l'inégalité de traitement quant à sa rémunération.

Monsieur [T] [W] saisissait le conseil de prud'hommes de PARIS le 10 novembre 2010.

Celui-ci par jugement en date du 27 janvier 2012, Section Encadrement disait que la rupture du contrat de travail était imputable au salarié et devait s'analyser en une démission.

Monsieur [T] [W] a régulièrement formé le présent appel contre cette décision soutenant que la prise d'acte de rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il demande à la cour de condamner la société ESPACE EXPANSION à lui verser les sommes suivantes :

- Indemnité compensatrice de préavis : 19.935 euros ;

- Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 1.993 euros ;

- Indemnité conventionnelle de licenciement : 19.796 euros nets de CSG et CRDS ;

- Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 119.610 euros ;

- dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait des manquements dans l'exécution du

contrat de travail et des atteintes à l'égalité de traitement des salariés : 28.016 euros ;

- dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de l'irrespect du forfait jour et de son

obligation de veiller à la sécurité et à la santé du salarié : 39.870 euros ;

- rappel de salaire au titre de l'avantage en nature voiture indûment retiré : 5,330 euros

- rappel de salaire au titre de la disparité de la rémunération du salarié comparativement à

celles de postes équivalents : 69.186 euros ;

- congés payés afférents : 6.918 euros ;

- clause de non-concurrence : 39.870 euros ;

- article 700 du Code de procédure civile : 5.000 euros ;

- remise d'un certificat de travail, d'une attestation pôle emploi, de bulletins de paie conformes à la décision à intervenir.

de dire que la moyenne des douze derniers mois de salaire est de 6.645 euros bruts.

d'assortir les condamnations des intérêts au taux légal à compter de la demande,

avec capitalisation.

de condamner la société ESPACE EXPANSION aux dépens.

La société ESPACE EXPANSION demande à la cour de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes sauf à condamner l'appelant à titre reconventionnel à lui verser la somme de 19 999,98 euros pour non respect du préavis.

Elle demande également la condamnation de son ancien salarié à lui verser une indemnité de 5 000 € en application de l'article 700 du CPC.

L'entreprise compte plus de 11 salariés.

La convention collective de l'Immobilier est applicable à la relation de travail.

LES MOTIFS DE LA COUR

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la rupture du contrat de travail de Monsieur [T] [W]

La lettre de prise d'acte du 28 janvier 2010 adressée par Monsieur [T] [W] à la société ESPACE EXPANSION est rédigée comme suit :

« Je constate définitivement qu'il ne sera fait aucun cas de mes diverses demandes répétées.

Au contraire, lors du Comité Réseau de lundi 25 octobre 2010, [F] [S] m'a confirmé, une nouvelle fois, que j'avais en charge le suivi de l'intégralité des 25 Centres en France, comprenant ceux qui étaient auparavant gérés par le second Directeur Régional.

En l'état de l'organigramme 2011, valable au 1er octobre 2010, qui m'est finalement adressé par mail le 25 octobre 2010, force est de constater que vous n'entendez nullement renoncer à la réorganisation du réseau annoncée, bien au contraire puisque même les jumbos me sont attribués.

Compte tenu du maintien de l'intégralité de mes autres missions et attributions, cette modification de mon contrat de travail est inacceptable dès lors :

- Que sans augmentation de ma rémunération, elle conduirait à creuser encore l'inégalité de traitement que je n'ai de cesse de dénoncer depuis des mois,

- Que les instructions qui me sont données dans ce contexte d'avoir à intervenir seul sur

l'ensemble du territoire national, sans même un véhicule de fonction, ni aucun moyen matériel ou humain supplémentaire, apparaissent pour le moins abusives,

- Que l'entreprise me dénie tout droit à être informé précisément des contours et

modalités de mes nouvelles attributions, et de sa répartition avec celles du Directeur de Réseau, et que depuis des mois je ne parviens pas, en dépit de tous mes efforts et de toutes mes demandes à obtenir que celle-ci soit formalisée.

Au regard de l'ensemble des missions incombant aux directeurs régionaux du réseau, aujourd'hui inchangées voire même augmentées, je suis dans l'impossibilité matérielle de faire face, sans me mettre en faute, engager ma responsabilité ou mettre en risque les directeurs de centres, voire le groupe, à la mission que vous tentez de m'imposer.

Pour seul exemple, comment pourrais-je faire les évaluations des 25 directeurs de Centres commerciaux avant le 15 novembre 2010, y compris de ceux dont je ne connais pas le travail et d'accueillir et de former tous les nouveaux entrant au poste de directeurs de centres dans le même temps.

En conséquence, et faute de moyens mis à ma disposition pour mener à bien mes missions, je ne peux que de plus fort réitérer mon refus et prendre donc, par la présente, acte de la rupture de mon contrat de travail à vos seuls torts et griefs.

Mes demandes légitimes demeurant lettre morte depuis plusieurs mois, et cette mission étant littéralement impossible, je vous précise que je considère que mon contrat de travail prendra fin à réception par vos soins de la présente. »

Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

Monsieur [T] [W] invoque 4 griefs principaux à l'appui de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, qui seront examinés successivement :

-la modification de son contrat de travail

- des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité

- l'absence de mise à disposition des moyens matériels et humains lui permettant de mener à bien ses missions, avec notamment le retrait de la voiture de fonction

- une inégalité de traitement en matière de rémunération.

Sur la modification de son contrat de travail

La société ESPACE EXPANSION gère 37 centres commerciaux, répartis sur l'ensemble du territoire. Se trouvent en charge de cette gestion deux directeurs régionaux (dont l'appelant) et un directeur de réseau. En septembre 2010, à la suite du départ du second directeur régional, les centre commerciaux qu'elle gérait sont transférés à Monsieur [T] [W], qui soutient que ses attributions professionnelles ont ainsi été modifiées sans son accord.

Il gérait auparavant 12 sites, il en gère désormais 28, accomplissant le travail de 2 directeurs régionaux, sans attribution ni de moyens ni de rémunération supplémentaires.

Par différents courriers, mails et entretiens avec la Direction générale, Monsieur [T] [W] attirait l'attention de son employeur sur la dégradation de ses conditions de travail, mais ce dernier refusait d'y donner suite, pensant que le salarié souhaitait obtenir une rupture conventionnelle, rappelant que la gestion des plus importants centres commerciaux, appelés « jumbos » ne lui était pas confiée afin de ne pas alourdir sa tâche à l'excès.

La classification des cadres de la convention collective de l'Immobilier, classifiés C2 comme Monsieur [T] [W] prévoit la définition de fonctions suivante : « gère l'ensemble d'un service ou d'un département ainsi que le personnel, représente la direction auprès des mandants et prestataires de service, réalise des études ayant pour objectif de faciliter les prises de décision, organise et contrôle le suivi et la gestion de dossiers importants. Propose des plans d'action et négocie les conditions de vente auprès des clients clés. Gère un programme de construction jusqu'à sa livraison dans les délais et les coûts. Assure la gestion opérationnelle d'un actif immobilier ou mobilier dans sa globalité »

Monsieur [T] [W] ne conteste pas avoir cessé de relever de cette définition de fonctions, et ne verse aucune pièce démontrant que la nouvelle organisation des périmètres d'intervention des directeurs régionaux entraîne une modification de son contrat de travail.

Cependant le passage de 12 à 28 centres à suivre sur l'ensemble du territoire national et la charge de travail qui en découle sans allocation de moyens supplémentaires et alors que l'intéressé s'était vu privé de véhicule de service, caractérise à tout le moins une absence de bonne foi dans l'exécution du contrat de travail.

Cette absence de bonne foi est agravée par le fait que depuis 5 ans, soit son évaluation de 2005, Monsieur [T] [W] sollicitait en vain une augmentation de sa rémunération.

L'exercice du pouvoir de direction de l'employeur ne l'autorise pas à imposer une telle évolution des responsabilités d'un Directeur régional, sans réellement accepter d'en discuter.

Ce premier grief suffit à lui seul à justifier la prise d'acte de rupture, rupture qui entraîne les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

Sur des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité

Monsieur [T] [W] reproche à la société ESPACE EXPANSION de l'avoir contraint d'assumer la prise en charge de deux postes similaires à son ancienne attribution, et en conséquence ne pas avoir assuré la protection de sa santé et de sa sécurité en omettant de tenir un entretien annuel individuel portant sur sa charge de travail.

Bénéficiant de la convention de forfait des heures supplémentaires aux termes de l'article 19.9 de la convention collective de l'Immobilier, Monsieur [T] [W] aurait dû bénéficier d'un entretien individuel afin de vérifier notamment si les durées maximum de travail n'ont pas été franchies.

Cependant, le salarié n'établit pas en quoi l'absence de tenue d'un entretien annuel portant sur sa charge de travail aurait rendu impossible la poursuite de son contrat de travail, alors que par ailleurs il ne fournit aucun renseignement précis sur son temps de travail.

Ce second grief à l'encontre de l'employeur est donc inopérant.

Sur l'absence de mise à disposition des moyens matériels et humains lui permettant de mener à bien ses missions, avec notamment le retrait de la voiture de fonction

Monsieur [T] [W] demande explicitement à bénéficier d'un véhicule de service, voire récupérer celui qui lui a été repris, afin de pouvoir se rendre aisément sur les sites qu'il gère.

Il rappelle que lorsqu'il occupait les fonctions de directeur du Centre Commercial [1], un véhicule avait été mis à sa disposition.

Par erreur, cette mise a disposition a été traitée comme un avantage en nature, faisant l'objet de mentions et prélèvements sociaux légaux. En janvier 2009, la régularisation est intervenue, le véhicule en question devenant véhicule de service, un rappel de 4 664,10 euros étant versé au salarié.

La société ESPACE EXPANSION soutient que si Monsieur [T] [W] avait vraiment besoin de se déplacer sur site, il pouvait demander l'aide des directeurs de centre commerciaux qui eux avaient un besoin quotidien de véhicule de service.

Une situation apparaît toutefois ingérable et inappropriée pour un responsable des ventes des 28 centres sur l'ensemble du territoire national. Ce grief est donc fondé.

Sur une inégalité de traitement en matière de rémunération

Monsieur [T] [W] considère se trouver en décalage salarial depuis plusieurs années avec des catégories de salariés équivalentes ou inférieures.

Il expose qu'en 2009 avec son ancienneté de 10 années, son salaire annuel s'est élevé à 76 129 euros, alors que 7 directeurs de centre étaient mieux rémunérés :

Mme [M], son salaire annuel s'est élevé à 80 203 euros pour 10 ans et 4 mois d'ancienneté,

Mr [X], son salaire annuel s'est élevé à 98 785 euros pour 5 ans d'ancienneté,

Mr [R], son salaire annuel s'est élevé à 80 968 euros pour 4 ans et demi d'ancienneté,

Mme [Q], son salaire annuel s'est élevé à 80 360 euros pour 2 ans et 3 mois d'ancienneté,

Mr [G], son salaire annuel s'est élevé à 77 395 euros pour 2 ans et 3 mois d'ancienneté,

Mme [P], son salaire annuel s'est élevé à 87 181 euros pour 1 an et 7 mois d'ancienneté,

Mr [I], son salaire annuel s'est élevé à 77 615 euros pour 1 an et 6 mois d'ancienneté.

Il résulte de l'examen des pièces versées en procédure et des débats, que l'ancienneté de Monsieur [T] [W] en tant que directeur de centre est de 7 ans et non de 10 ans, qu'il s'agissait pour lui d'une première expérience en ce domaine, que les centres commerciaux étant très différenciés en fonction de leur superficie, de leur budget, de leur fréquentation, le nombre d'employés, les différents directeurs de centre ont des rémunérations proportionnellement différenciées.

La société ESPACE EXPANSION soutient que les 7 directeurs de centre cités par Monsieur [T] [W] justifient d'expériences professionnelles antérieures plus importantes que les siennes, précisant que le directeur régional que celui-ci a remplacé percevait un salaire nettement inférieur au sien.

Il sera enfin relevé que le salaire de Monsieur [T] [W] s'élevait à 40 238 en 2002, pour atteindre 80 000 euros en 2010, ce qui correspond à une évolution de carrière pour le moins financièrement réussie.

Ce quatrième grief ne sera pas non plus retenu à l'encontre de l'employeur.

Monsieur [T] [W] au vu des deux griefs retenus justifie donc que sa prise d'acte de rupture s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La décision du conseil de prud'hommes sera donc infirmée et la cour allouera à ce titre pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse une indemnité de 100 000 euros.

Sur les indemnités de préavis avec congés payés et l'indemnité conventionnelle de licenciement

La cour fera droit aux sommes sollicitées par Monsieur [T] [W], justifiées et non contestées dans leur quantum par l'employeur.

Sur l'indemnité pour clause de non concurrence illicite

Le contrat de travail stipule : « Monsieur [T] [W] s'engage à la cessation de son contrat de travail pour quelque motif que ce soit, à na pas exercer directement ou indirectement une activité se rapportant à la location ou à des études de marketing dans l'intérêt d'un bailleur ou d'un exploitant, d'espaces de vente dans les centres commerciaux et les galeries marchandes. »

Cette clause, qui apporte une restriction à la liberté de travail de Monsieur [T] [W] et qui lui interdit d'exercer une activité concurrente à celle de son ancien employeur est une clause de non-concurrence.

En application du principe fondamental du libre exercice d'une activité professionnelle et des dispositions de l'article L.1121-1 du code du travail, une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière sérieuse, ces conditions étant cumulatives.

A défaut de limite et/ou de contrepartie financière, la clause stipulée entre les parties est illicite et le salarié doit être indemnisé du préjudice que le respect de cette clause illicite lui a nécessairement causé.

La contrepartie financière à l'obligation de non-concurrence a la nature d'une indemnité compensatrice de salaire et ouvre droit à congés payés.

Toutefois, lorsqu'elle porte sur douze mois consécutifs, elle inclut la période annuelle de congés payés et il n'y a pas lieu à paiement de congés payés en sus.

Après avoir démontré qu'il a retrouvé un emploi en agence immobilière lui permettant de respecter les termes de cette clause, Monsieur [T] [W] sollicite de ce chef le versement de dommages et intérêts d'un montant de 39 870 euros, soit 50% de sa rémunération annuelle antérieure.

L'employeur prétend sans être démenti qu'il travaille dans une agence ORPI à caractère familial, projet qu'il aurait caressé de longue date.

Dans ces conditions, sa demande devant être réduite à de plus justes proportions, donnera lieu au versement de la somme de 15 000 euros, en réparation du préjudice nécessairement subi.

Sur la suppression d'un avantage en nature (voiture)

Le véhicule initialement pris en compte, par erreur selon l'employeur, comme un véhicule de fonction a été ensuite requalifié en 'véhicule de service', avant d'être supprimé, concernant Monsieur [W].

Il n'y a donc pas lieu à rappel de salaire à ce titre, l'employeur ayant procédé à la régularisation des sommes indûment prélevées à titre de cotisations sur cet avantage en nature, sur le bulletin de salaire de février 2009.

Monsieur [W] sera donc débouté de ses demandes.

Sur les dépens et la demande de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du CPC

La société ESPACE EXPANSION qui succombe supportera la charge des dépens.

La Cour considère que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable de faire application de l'article 700 du CPC au bénéfice de Monsieur [T] [W], à qui il sera alloué 3 000 €.

DÉCISION DE LA COUR

En conséquence, la Cour,

INFIRME partiellement la décision du Conseil de prud'hommes de PARIS en date du 27 janvier 2012,

Et statuant à nouveau et y ajoutant :

DIT que la prise d'acte de rupture de Monsieur [T] [W] par courrier recommandé du 28 octobre 2010 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DIT que la moyenne des salaires sur les 12 derniers mois s'élève à 6 645 € brut ;

CONDAMNE la société ESPACE EXPANSION à verser à Monsieur [T] [W] les sommes suivantes :

- indemnité compensatrice de préavis : 19 935 € bruts

- indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 1 993 € bruts

- indemnité conventionnelle de licenciement : 19 796 € nets de CSG et CRDS

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 100 000 €

- clause de non concurrence : 15 000 € bruts

- Article 700 du code de procédure civile : 3 000 €

ORDONNE la remise d'un certificat de travail, d'une attestation pôle emploi, de bulletins de paie conformes à la décision.

DÉBOUTE les parties de leurs demandes complémentaires ou contraires.

CONDAMNE Monsieur [T] [W] aux entiers dépens de l'instance.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 12/05535
Date de la décision : 03/09/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°12/05535 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-03;12.05535 ?
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