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03/07/2014 | FRANCE | N°11/08495

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 03 juillet 2014, 11/08495


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 03 Juillet 2014

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/08495



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Juin 2011 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de CRETEIL RG n° 10-00695



APPELANT

Monsieur [Q] [X]

[Adresse 3]

[Localité 4]

comparant en personne, et assisté par Me Arnaud OLIVIER, avocat au barreau de

PARIS, toque : A0476





INTIMEES

SAS NESTLE PURINA PETCARE

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Anne-bénédicte VOLOIR, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020 ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 03 Juillet 2014

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/08495

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Juin 2011 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de CRETEIL RG n° 10-00695

APPELANT

Monsieur [Q] [X]

[Adresse 3]

[Localité 4]

comparant en personne, et assisté par Me Arnaud OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0476

INTIMEES

SAS NESTLE PURINA PETCARE

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Anne-bénédicte VOLOIR, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020 substituée par Me Laure MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

CPAM 94 - VAL DE MARNE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Mme [I] en vertu d'un pouvoir général

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 2]

[Localité 1]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Mars 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président

Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller

Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Marion MELISSON, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par Monsieur [Q] [X] le 29 juillet 2011 à l'encontre du jugement prononcé le 15 juin 2011 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL dans le litige l'opposant à la SAS NESTLE PURINA PETCARE FRANCE et à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du VAL DE MARNE, la CPAM du VAL DE MARNE

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [Q] [X], salarié de la SAS NESTLE PURINA PETCARE FRANCE en qualité de Responsable du Développement Merchandising Régional, a été victime le 14 février 2008 d'un malaise sur son lieu de travail.

La déclaration complétée par le salarié le 19 avril 2008 mentionne :

«' Après 6 mois d'arrêt liés à un stress professionnel majeur j'ai repris le travail confiant puisque je pensais que mon employeur allait suivre les directives de la médecine du travail et m'éviter tout contact avec ma supérieure hiérarchique. Mes angoisses sont réapparues lorsqu'on m'a indiqué que je dépendais de la même personne. Ma reprise a été un véritable choc et a conduit à une nouvelle dégradation de mon état de santé.'»

Le siège des lésions est indiqué au niveau de l'appareil psychique.

La nature des lésions est caractérisée comme : « agression psychique avec réactivation des troubles.'» Sont cités comme témoins : «'[W] [G], délégué du personnel ainsi que l'ensemble des assistantes commerciales présentes ce jour aux bureaux du siège à [Localité 2].'». Il est indiqué que l'accident a été causé par «' Le service des Ressources Humaines de NESTLE PURINA PETCARE.'»

Le certificat médical initial établi le 15 février 2008 par le Docteur [R], psychiatre, mentionne «' un traumatisme psychologique lié à un choc émotionnel suite à la reprise du travail le 14 février 2008 et prescrit à Monsieur [X] un arrêt de travail jusqu'au 14 mars 2008.

Le 18 juillet 2008 la CPAM du VAL DE MARNE notifiait à Monsieur [X] un refus de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle.

Toutefois, le 28 août 2008, la caisse notifiait à l'intéressé une nouvelle décision portant accord de prise en charge à ce titre.

Il est constant que Monsieur [X] a perçu de la caisse au titre de cet accident le montant des prestations en espèces du 15 février au 14 août 2008, date à laquelle les troubles et lésions y afférents ont été considérés comme consolidés. A compter du 15 août 2008 Monsieur [Q] [X] a perçu une rente déterminée sur la base d'un taux d'incapacité permanente partielle fixé à 15 % en raison de « séquelles d'un choc psychologique au travail chez un homme de 31 ans sans antécédents particulier, consistant en un syndrôme dépressif réactionnel franc.'» Monsieur [X] a sollicité le bénéfice des dispositions de l'article L 452-1 et L 452-4 du code de la sécurité sociale aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de l'employeur dans la survenance de l'accident du travail dont il a été victime le 14 février 2008.

Par un jugement du 15 juin 2011 le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL:

déboutait Monsieur [X] de sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur de sa demande de dommages et intérêts au titre du retard dans la déclaration d'accident du travail

déclarait inopposable à l'employeur la reconnaissance par la CPAM du VAL DE MARNE de l'accident du travail du 14 février 2008

déclarait irrecevable la demande au titre de l'attestation des salaires.

Monsieur [X] fait plaider par son conseil les conclusions visées par le greffe social le 27 mars 2014 tendant,au vu des articles L 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale,

à l'infirmation du jugement entrepris.

Il demande :

la condamnation de la société NESTLE PURINA PETCARE FRANCE à lui régler les sommes suivantes :

10 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la non déclaration de l'accident du travail

10 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du caractère très tardif de la délivrance de l'attestation de salaires

de juger que l'accident dont il a été victime le 14 février 2008 résulte de la faute inexcusable de la société NESTLE PURINA PETCARE FRANCE

d'ordonner la majoration de la rente à son taux maximum

d'ordonner une expertise médicale en considération de la décision du Conseil Constitutionnel n° 2010-8 QPC

de surseoir à statuer sur l'indemnisation des divers postes de préjudice indemnisables dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise

de lui allouer une provision de 10 000 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices à la charge avancée d ela CPAM du VAL DE MARNE

de condamner l'employeur à lui verser une indemnité de

5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Monsieur [X] rappelle liminairement qu'il a été licencié par la société NESTLE PURINA PETCARE FRANCE pour inaptitude à la suite de cet accident, que ce licenciement a fait l'objet d'une procédure initiée par lui devant le Conseil des Prudhommes dont il s'est désisté, étant parvenu à un accord avec son ancien employeur.

Monsieur [X] fait valoir qu'il a toujours fait l'objet d'excellentes évaluations dans le cadre de son travail et a été promu cadre formateur en force de vente. Toutefois à partir du mois de juin 2007, des difficultés importantes sont apparues avec sa supérieure hiérarchique. Il indique avoir vécu un «'enfer »: modification unilatérale de son contrat de travail, reproches de management injustifiés établis par de nombreux échanges de mail, harcèlement moral visant à rechercher en permanence son point faible, contrôle inhabituel de son activité sans toutefois qu'aucun écart n'ait été constaté avec son «' reporting'».

Mis en arrêt de travail une première fois le 23 juillet 2007 pour un stress professionnel majeur, il n'a transmis cet arrêt ni à la CPAM ni à son employeur, pour ne pas voir empirer la situation. Il a finalement été contraint d'arrêter son activité à compter du 7 août 2007, a subi plusieurs contrôle médicaux et a alerté le 3 décembre 2007 son employeur de sa volonté de reprendre le travail dans de meilleurs conditions puis, le 6 février 2008, par un courrier très circonstancié dans le cadre duquel il a relaté la dégradation de ses relations de travail. Il a été déclaré inapte à son poste de travail le 14 février 2008 par le médecin du travail qui a proposé son affectation à un poste de commercial ou de responsable de secteur.

Son employeur lui a proposé un avenant à son contrat de travail le 3 mars 2008 qu'il a refusé dans la mesure où ce reclassement le plaçait toujours sous l'autorité hiérarchique de la même personne. Une lettre de licenciement lui était adressée le 30 avril 2008 après entretien préalable du 25 avril.

L'inspecteur du travail, par un courrier adressé à l'appelant le 4 juin 2008 faisait état du caractère très peu sérieux du reclassement, rappelait les obligations de l'employeur en matière de préservation de la santé des salariés et la procédure de licenciement était finalement abandonnée par l'employeur. Selon Monsieur [X], l'employeur a été alerté de la situation pathogène dès le début de l'année 2008 par les courriers adressés à la Directrice des Ressources Humaines, par l'entretien qu'il a eu avec la Directrice et en tout état de cause par l'inaptitude prononcée par le médecin du travail. L'employeur, avisé des risques encourus, n'en a pas tenu compte et n'a rien fait pour préserver la santé et la sécurité du salarié. L'employeur donc est présumé fautif par le fait des dispositions de l'article L 141-1-4 du fait du risque signalé.

Par ailleurs, du fait du refus délibéré de l'employeur de communiquer l'attestation de salaires, Monsieur [X] indique être resté un an sans salaires.

En outre, par le refus de procéder à la déclaration d'accident du travail Monsieur [X] indique avoir également subi un préjudice.

Il réclame enfin, l'évaluation par expertise de tous les préjudices reconnus en droit commun.

La SAS NESTLE PURINA PETCARE fait plaider par son conseil les conclusions visées par le greffe social le 27 mars 2014 tendant au rejet de toutes les demandes et à la confirmation du jugement entrepris.

La société demande à titre principal

de lui donner acte de ce que Monsieur [X] ne rapporte pas la preuve de la matérialité des faits à l'origine de l'accident du travail du 14 février 2008

de juger que la CPAM du VAL DE MARNE n'a pas respecté la procédure légale applicable à la clôture de l'instruction

de constater que la CPAM du VAL DE MARNE n'a pas respecté les délais impératifs fixés par les textes pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident

En conséquence

de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que l'accident du travail du 14 février 2008 est inopposable à l'employeur la société NESTLE PURINA PETCARE FRANCE tant sur le fond que sur la procédure suivie.

A titre subsidiaire

de constater que Monsieur [X] ne rapporte pas la preuve de la connaissance par la société de la conscience du danger auquel il aurait été exposé

d'acter qu'en l'absence d'une quelconque preuve sur ce terrain, la faute inexcusable ne saurait être présumée

En conséquence,

de confirmer la décision en ce qu'elle a débouté le salarié de ses demandes, fins et prétentions au titre d'une supposée faute inexcusable

de condamner Monsieur [X] à lui régler une indemnité de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles

En tout état de cause

de juger que si une faute inexcusable devait être mise à la charge de la société, les conséquences de celle-ci, compte tenu de l'inopposabilité de l'accident du travail à la société, seront elles-même inopposables à la société

de débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts en raison du caractère tardif de la déclaration d'accident du travail

de déclarer irrecevable la demande de dommages et intérêts pour délivrance tardive de l'attestation de salaires

La Société NESTLE PURINA PETCARE expose que le premier arrêt maladie de l'appelant n'avait pas un caractère professionnel et que le courrier dont la Direction des Ressources Humaines a été destinataire au mois de décembre 2008 ne donnait aucune explication à la dégradation des relations professionnelles entre l'appelant et sa supérieure hiérarchique auquel il était fait référence. De la même manière, selon l'intimée, aucune explication au stress professionnel n' a été donnée par l'avis du médecin du travail du 14 février 2008 concluant à l'inaptitude du salarié. La faute inexcusable de l'employeur doit être prouvée or, en l'espèce, à aucun moment il n'a été fait état dans l'avis d'inaptitude ou bien lors de l'une des deux visites de contrôle médical, de la dangerosité pour le salarié de son maintien dans son service de rattachement. L'employeur, par le courrier du 30 avril 2008, a notifié son licenciement à Monsieur [X] en raison de l'absence de réponse du salarié à la question posée par l'employeur concernant la nécessité de caractériser les faits de harcèlement. Le médecin du travail a confirmé l'inaptitude du salarié sans caractériser les faits de harcèlement allégués : par le courrier précité l'employeur manifestait son étonnement face au refus de Monsieur [X] de donner les raisons du rejet de sa supérieure hiérarchique et de son refus de réintégrer son poste alors que celle-ci se trouvait dans le même temps en arrêt d'activité du fait d'un congé de maternité.

Selon l'employeur, il s'agit en réalité d'une rivalité entre deux collègues d'ancienneté équivalente, dont l'un a obtenu la promotion qui aurait pu également bénéficier à l'autre.

Sur le refus d'établir la déclaration d'accident du travail, celui-ci n'est pas caractérisée dès lors que l'employeur a écrit dès le 19 mars 2008 à la CPAM pour expliquer qu'il ne disposait d'aucun élément pour l'effectuer.

Sur le refus de transmettre l'attestation de salaires, cette demande ressort de la compétence du Conseil des Prudhommes or Monsieur [X] est irrecevable à solliciter réparation de ce chef faute de l'avoir demandé devant la juridiction prudhommale.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie du VAL DE MARNE a développé par la voix de sa représentante les conclusions visées par le greffe social le 27 mars 2014 tendant :

à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle s'en rapporte sur le mérite de la demande en reconnaissance de la faute inexcusable

dans le cas où cette faute serait reconnue, à ce qu'il lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte d'une part sur le montant de la majoration de la rente et d'autre part sur le principe de la demande en réparation des différents préjudices prévus par l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale

à ce qu'il lui soit donné acte de ses réserves quant aux sommes qui pourraient être mises à sa charge

dans le cas où la Cour reconnaîtrait la faute inexcusable, à la condamnation de l'employeur à supporter l'ensemble des conséquences financières liées à cette faute en permettant à la caisse d'exercer son action récursoire à l'encontre de l'employeur pour les sommes qu'elle aura versées de ce chef ;

La CPAM du VAL DE MARNE ne conteste pas l'inopposabilité de la procédure ayant conduit à la prise en charge de l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels mais souligne que le non respect du principe du contradictoire ne saurait conduire à exonérer l'employeur de la charge financière de la faute qui lui est imputable et à laquelle la caisse est étrangère. Cette idée a d'ailleurs désormais été consacrée par le législateur dans les nouvelles dispositions de l'article L 452-3-1 du code de la sécurité sociale.

SUR QUOI

SUR LA FAUTE INEXCUSABLE DE L'EMPLOYEUR

Considérant les dispositions de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale selon lesquelles lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur, la victime a droit a une indemnisation complémentaire ;

Qu'en vertu de ce texte, il incombe à la victime de rapporter la preuve que l'employeur avait conscience du danger auquel elle était exposée et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;

Considérant que l'obligation qui incombe à l'employeur d'évaluer les risques psychosociaux résulte plus particulièrement des dispositions de l'article L 4121-1 du code du travail pour les risques causés par l'activité professionnelle devant faire l'objet, selon les articles

R 4121-1 et R 4121-3 du code du travail, d'un document unique transmis au CHSCT en vu de la prévention des risques au travail ;

Considérant qu'en l'espèce il est reproché à l'employeur sa désinvolture dans le respect de son obligation d'assurer l'effectivité de la protection de la santé et de la sécurité au travail;

Qu'à cet égard par un courrier du 3 décembre 2007 Monsieur [X] écrivait à son employeur, la SAS NESTLE PURINA PETCARE FRANCE: «'Actuellement en arrêt de travail je me permets de vous solliciter afin d'envisager ensemble les mesures qui me permettraient de reprendre le travail dans de meilleurs conditions. En effet, même si ce repos s'avérait nécessaire, je souhaite reprendre mon activité professionnelle au sein de NESTLE au plus vite et envisager de nouvelles perspectives professionnelles. C'est dans cette optique que je vous sollicite pour un entretien au cours duquel nous pourrons en discuter.'»

Que ce courrier, qui ne fait pas état d'aucun risque particulier, doit être situé dans son contexte professionnel à savoir la reprise de son travail par un salarié dont le dernier entretien annuel d'évaluation, effectué le 26 janvier 2007 par la supérieure hiérarchique dont Monsieur [X] indique redouter la direction, révèle toute la satisfaction qu'il donne à l'employeur dans l'exercice des différentes responsabilités qui lui sont confiées ;

Considérant que Monsieur [X] fait par ailleurs état d'un courriel adressée à cette supérieure hiérarchique, en date du 20 juillet 2007 en ces termes : « J'ai bien compris que tu souhaites me voir partir ( à force de le répéter le message est bien passé ) mais je te réaffirme que j'aime mon travail et ne souhaite pas quitter NESTLE.'» Que ce message conforte la réalité d'un conflit entre deux collaborateurs mais ne suffit pas à caractériser des faits de harcèlement imputables à la dite supérieure hiérachique ;

Considérant que Monsieur [X] reproduit les termes d'un courrier du 6 février 2008 adressée à la Direction des Ressources Humaines ainsi : «'Depuis la nomination de mon nouveau N+1 au poste de responsable du service information, mes conditions de travail se sont dégradées et son comportement à mon égard a des conséquences préjudiciables pour ma santé. Cette dernière a mis en oeuvre un véritable processus de harcèlement professionnel afin de me pousser à démissionner de mon poste puisqu'elle m'a déclaré : je ne te veux plus dans mon équipe, cherche ailleurs car tu n'as plus aucun avenir chez NESTLE. (') Je vous ai également informé de mes craintes pour ma santé quant à une réintégration dans le même service.'»

Que ce courrier caractérise pour la première fois le risque lié au harcèlement moral mais qu'il convient d'observer que Monsieur [X], interrogé par la Directrice des Ressources Humaines sur les éléments constitutifs du harcèlement, a refusé de donner des précisions «' pour ne pas mettre en difficulté sa supérieure hiérarchique'» s'exposant ainsi à se voir opposer à juste titre par son employeur le fait, incontestable, que la matérialité du harcèlement ne résulte que de ses seules déclarations ;

Considérant que pour contrer cette affirmation Monsieur [X] produit une attestation de Monsieur [Z], délégué du personnel, en date du 8 mai 2008, qui fait état d'un «'Appel de Monsieur [X] un soir de juillet 2007 déstabilisé et angoissé (') avoir assisté à un contrôle téléphonique de l'activité de Monsieur [X] par appel des vendeurs avec lesquels il avait tourné les jours précédents pour connaître les heures d'arrivée et de départ, les contrôler et les comparer à son planning. C'est la première fois que j'assistais à cette procédure inhabituelle chez nous.'»

Que le témoin évoque également l'envoi par Mademoiselle [M] à Monsieur [X] d'un mail notifiant à Monsieur [X] son secteur modifié sans concertation et sa demande d'explication qui s'est heurté à une position fermée, agressive et péremptoire»;

Qu'il conclut : «'Melle [M] pratique un management infantilisant, humiliant et très déstabilisant. La recherche permanente du point faible et son exploitation amène les gens au stress et au doute.'»

Que force est néanmoins de constater que Monsieur [Z] relate les déclarations de Monsieur [X] et fait état de son impression personnelle quant au management de la supérieure hiérarchique sans toutefois avoir été témoin d'un comportement caractéristique d'un harcèlement imputable à celle-ci ;

Que le courriel du délégué du personnel Monsieur [Z] au conseil de l'appelant le 30 janvier 2011 : «'Nous avons à plusieurs reprises mis en garde Mme [O] des risques potentiels pour votre santé et abordé plusieurs fois votre dossier durant votre premier arrêt ainsi qu'à la suite de la proposition de reclassement... Nous avons d'autre part, sur la réunion des délégués du personnel d'avril 2008, proposé de faire un rendez-vous de 'conciliation'entre les deux parties pour trouver une issue convenable au litige et par mesure de prévention suggéré de revoir une proposition vous mettant à l'écart de votre responsable hiérarchique. Une fin de non recevoir nous est parvenue sur cette demande de Madame [O]. Monsieur [V] a également été informé de ce dossier par les délégués du personnel en décembre 2007 et avril 2008 lors d'un rendez-vous informel.'»

Que cette lettre caractérise un litige avec la supérieure hiérarchique de Monsieur [X] pour la résolution duquel une conciliation a été sollicitée auprès de la Directrice des Ressources Humaines par le délégué du personnel, conciliation qui a été refusée ;

Que toutefois si un litige renvoie à un désaccord, voire un conflit, ni l'un ni l'autre ne caractérisent en eux-même un risque identifiable pour la santé ou la sécurité d'un travailleur;

Considérant qu'au vu de ces éléments le refus de la direction d'organiser une conciliation ne peut être assimilé à une faute dans la mesure où par le fait même du refus du salarié de donner les éléments permettant de caractériser l'attitude de harcèlement invoquée, il ne peut lui être reproché de n'avoir pas pris les mesures nécessaires pour protéger le salarié d'un risque qui n'était ni identifié ni identifiable mais de surcroît démenti par le contexte professionnel ;

Considérant que la fiche du médecin du travail du 14 février 2008 mentionne :

«'A la suite du premier examen du 31 janvier 2008, de l'étude de poste réalisée le 7 février 2008 et après avis spécialisé, Monsieur [X] est inapte au poste de responsable développement merchandising régional. Monsieur [X] pourrait être affecté à un poste de commercial ou de responsable de secteur » ;

Que ces constatations ne permettent pas non plus d'identifier un risque consécutif au harcèlement moral qui serait imputable à un collègue de travail et qu'il s'en suit que les dispositions relatives à la présomption de faute inexcusable de l'employeur auquel a été signalé un risque qui s'est matérialisé, issues des dispositions de l'article L 4131-4 du code du travail, ne sont pas applicables ;

Considérant que Monsieur [X] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que la SAS NESTLE PURINA PETCARE FRANCE ait pu avoir conscience d'un danger le concernant, ce danger n'étant ni identifié ni identifiable, et qu'il s'en suit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen tiré de l'absence de mesure nécessaire pour préserver la santé du salarié, ce moyen étant sans objet au regard de l'absence de conscience du danger qui fait défaut en l'espèce;

Qu'il s'en suit que Monsieur [X] sera débouté de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable imputable à l'employeur et que le jugement sera confirmé de ce chef ;

SUR LE REFUS DELIBERE D'ETABLIR LA DECLARATION D'ACCIDENT DU TRAVAIL

Considérant qu'au vu de l'absence de précisions imputable à Monsieur [X] concernant la matérialité des faits de harcèlement invoqués, l'employeur était fondé à solliciter de plus amples informations pour l'établissement de la déclaration d'accident du travail ;

Qu' en tout état de cause, si tant est que l'employeur ait tardé à effectuer cette déclaration, ce qui n'est pas établi en l'espèce, Monsieur [X], ainsi que la loi le prévoit, a établi lui-même cette déclaration auprès de la caisse et n'invoque aucun préjudice concernant la prise en charge dont il a effectivement bénéficié pour toute la période concernée ;

Qu' ainsi Monsieur [X] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts ;

SUR LA RESISTANCE ABUSIVE DE LA SOCIETE NESTLE A DELIVRER L'ATTESTATION DE SALAIRE DESTINEE A LA CPAM

Considérant qu'une telle demande ressort de la compétence du Conseil des Prudhommes et que Monsieur [X], qui s'est désisté de la procédure introduite devant cette juridiction en conséquence de l'accord intervenu avec son employeur, est irrecevable à en saisir la présente juridiction ;

SUR L'INOPPOSABILITE DE LA PRISE EN CHARGE ET LES CONSEQUENCES FINANCIERES DE CELLE-CI

Considérant que le principe de l'inopposabilité de la procédure de prise en charge est reconnu par la caisse à l'égard de l'employeur ;

Que toutefois les conséquences de cette inopposabilité doivent être appréciées au regard des dispositions antérieures à la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, entrée en vigueur postérieurement aux faits litigieux et elles emportent pour la caisse, la privation de son droit à exercer son action récursoire à l'encontre de l'employeur du fait de l'inopposabilité à ce dernier de la procédure de prise en charge ;

Qu'il s'en suit que la CPAM du VAL DE MARNE doit être déboutée de ce chef ;

SUR LES FRAIS IRREPETIBLES

Considérant qu'en équité chacune des parties supportera la charge des frais irrépetibles exposés à l'occasion de la présente instance ;

PAR CES MOTIFS

Déclare Monsieur [Q] [X] recevable mais mal fondé en son appel ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 11/08495
Date de la décision : 03/07/2014

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°11/08495 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-07-03;11.08495 ?
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