RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRÊT DU 02 Juillet 2014
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/06269 (absorbant 12/06470)-MPDL
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Mars 2012 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY section commerce RG n° 07/03712
APPELANTE
Madame [Q] [S]
[Adresse 1]
[Localité 1]
comparante en personne, assistée de Me Philippe MAGNOL, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1572
INTIMEE
SOCIETE AIR FRANCE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : T03
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 Mai 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente
Madame Catherine BRUNET, Conseillère
Monsieur Thierry MONTFORT, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Monsieur Bruno REITZER, lors des débats
ARRET :
- contradictoire,
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, l'arrêt ayant été prorogé.
- signé par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, présidente et par Madame Céline BRUN, greffière, auquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LES FAITS
Madame [Q] [S] a été embauchée le 6 novembre 1978 en qualité d'hôtesse stagiaire, classe 3, échelon 1, engagement qui s'est prolongé en contrat à durée indéterminée, par la SA Air France.
Par courrier du 13 juillet 2006, la SA Air France informait Madame [Q] [S], qu'en application des dispositions de l'article L421-9 du code de l'aviation civile, elle serait appelée à cesser son activité de navigant en raison de la limite d'âge fixée à 55 ans.
Par LRAR du 23 octobre 2006, elle était convoquée à un entretien préalable fixé au 6 novembre 2006.
Par courrier recommandé avec avis de réception du 15 novembre 2006, la société lui notifiait la rupture de son contrat de travail pour atteinte de la limite d'âge.
Madame [Q] [S] saisissait alors le conseil de prud'hommes de Bobigny qui, par jugement rendu en formation de départage en date du 30 mars 2012 auquel la Cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :
- rejeté la demande de communication de pièces présentée avant dire droit par Madame [Q] [S] ainsi que la demande de sursis à statuer qui en découle,
- dit que la rupture du contrat de travail de Madame [Q] [S] par la SA AIR FRANCE à effet du 31 janvier 2007 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à cette date,
- dit que l'ensemble des préjudices allégués par Madame [Q] [S] relèvent d'un préjudice unique causé par la rupture de son contrat de travail,
- condamné en conséquence la SA AIR FRANCE à payer à Madame [Q] [S] les sommes de :
* 75 000 euros en réparation du préjudice causé par la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et serieuse,
* 956 euros au titre du solde de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 95,60 euros au titre des congés payés afférents,
-dit que, conformément à l'article 1153-1 du code civil, cette somme portera, en raison de son caractère purement indemnitaire, intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
- ordonné la capitalisation des intérêts,
- rejeté la demande indemnitaire de Madame [Q] [S] au titre du non respect de la procédure de licenciement,
- constaté que Madame [Q] [S] a perçu une indemnité ayant la même nature et le même objet que l'indemnité conventionnelle de licenciement avec laquelle elle ne peut se cumuler,
-rejeté en conséquence la demande de Madame [Q] [S] au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la présente décision,
- rejeté la demande de la SA AIR FRANCE au titre des frais irrépétibles,
- condamné la SA AIR FRANCE à payer à Madame [Q] [S] la somme de 1 500 euros en application dc l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SA AIR FRANCE à supporter les entiers dépens de l'instance.
Madame [Q] [S] a régulièrement formé le présent appel contre cette décision par déclaration parvenue au greffe de la cour le 21 juin 2012 (RG12/06269 ).
La société AIR FRANCE a relevé appel incident de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le26 juin 2012 (RG 12/06470).
Madame [Q] [S] demande notamment à la cour de :
- constater par arrêt avant dire droit la carence de la SA AIR FRANCE à produire les pièces qu'elle sollicitait et ordonner la production de celles-ci dans le délai d'un mois : registre d'entrée et sortie du personnel de la SA AIR FRANCE, registre d'entrée et sortie du personnel de l'ensemble des sociétés du groupe à compter du 1er mai 2006, liste de l'ensemble des postes proposés au sol sur le site intranet de l'entreprise ou sur tout autre support depuis le 1er mai 2006, tout document concernant le flux sortant du personnel navigant commercial et le nombre d'agents navigant reclassés au sol depuis 2006, le tout sous astreinte de 500 € par jour et par document avec faculté pour la cour de liquider l'astreinte,
En tout état de cause,
A titre principal,
- requalifier la rupture de son contrat de travail en licenciement,
- dire nulle et de nul effet la rupture intervenue
- fixer la moyenne des 12 derniers mois de salaire à la somme de 4 100 euros brut
- condamner la SA AIR FRANCE à payer à Madame [Q] [S] :
* 371 555 euros de dommages et intérêts pour rattrapage de tous les avantages financiers au moins égaux à ceux qu'ils étaient avant son licenciement ce jusqu'au prononcé de l'arrêt soit 150 869 euros déduction faite des revenus de remplacement,
* 4 100 euros X 2 soit 8 200 euros d'indemnité compensatrice de préavis, la rupture étant intervenue avant l'âge de 55 ans, avec 10 % de congés payés en sus ;
* à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement:
' à titre principal, 82 512,50 euros,
' à titre subsidiaire, 27 369,27 euros,
* 400 000 euros de dommages et intérêts réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement,
* 242 600 euros au titre du préjudice retraite complémentaire et CNAVTS,
à titre subsidiaire :
- confirmer que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- confirmer la condamnation de la SA AIR FRANCE à payer à Madame [Q] [S] la somme de 75 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Y ajoutant,
- condamner la société AIR FRANCE à payer à Madame [Q] [S] les sommes suivantes :
* 400.000,00 € à titre de complément d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour violation de l'obligation de reclassement,
* 4 100 € à titre de dommages-intéréts pour non-respect de la procédure de licenciement,
* indemnité compensatrice de préavis : 4 100 € x 2, soit 8 200 € et 820 € de congés payés afférents, la rupture étant intervenue avant l'âge de 55 ans,
* 82 512,50 €, à titre principal, au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 27 369,27 €, à titre subsidiaire, à titre de rappel d'indemnité conventionnelle,
(article 3.2.1.2 de l'accord collectif du personnel navigant commercial), cette somme portant intéréts au taux légal à compter du 31 mars 2007,
* 242.600,00 € à titre de dommages-intéréts liés au préjudice afférent à l'incidence de la rupture sur le montant de la pension retraite,
- condamner en cause d'appel la société AIR FRANCE à payer à Madame [Q] [S] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du CPC,
- condamner la société AIR FRANCE aux frais d'exécution éventuels.
La société AIR FRANCE demande à la cour de :
A titre principal,
- dire et juger qu'elle a régulièrement appliqué les dispositions du code de l'aviation civile,
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- débouter Madame [Q] [S] de ses demandes;
A titre subsidiaire,
- confirmer le jugement entrepris,
- confirmer le quantum des condamnations,
- débouter Madame [Q] [S] du surplus de ses demandes,
En tout état de cause,
- condamner Madame [Q] [S] au paiement de la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- laisser les dépens à sa charge.
L'entreprise compte plus de 11 salariés.
La convention collective applicable est celle du personnel navigant commercial.
LES MOTIFS DE LA COUR
Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.
Sur la jonction des procédures
Par application des dispositions de l'article 367 du code de procédure civile, le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.
En l'espèce, il s'agit d'un même litige de sorte qu'il y a lieu de joindre la procédure RG 12/06269 et la procédure RG 12/06470 dans l'intérêt d'une bonne justice.
Sur la demande de communication de pièces formée par la salariée
Par sommation, la salariée a sollicité la production par la société AIR FRANCE d'un certain nombre de pièces permettant d'établir ou non l'embauche pendant la période litigieuse de personnels au sol, alors que, selon elle, le personnel, navigant commercial n'était jamais reclassé au sol.
L'employeur ayant résisté à produire l'ensemble des pièces sollicitées alors que celles-ci ont un intérêt incontestable au regard du débat sur le respect de l'obligation de reclassement, obligation de moyens qui pesait sur la société AIR FRANCE, le conseil de prud'hommes, a toutefois débouté Madame [Q] [S] de sa demande de communication au motif que le juge était suffisamment informé pour trancher le litige notamment en tirant les conséquences juridiques qu'impose la carence probatoire.
La cour relève que , depuis l'origine du litige et en dépit de la sommation de communiquer, la société AIR FRANCE s'est toujours abstenue de produire les pièces sollicitées qui ont pourtant, de manière évidente, un intérêt essentiel pour statuer sur la question de reclassement. En cause d'appel, l'employeur n'a pas, d'initiative, davantage produit les pièces permettant à la cour d'être éclairée sur les possibilités de reclassement, pièces pourtant à nouveau réclamées par la salariée dans ses conclusions, mais s'est borné à produire une liste des embauches pour la seule SA AIR FRANCE.
La cour tirera toutes conséquences utiles de cette abstention, abstention qui ne permet pas à l'employeur de contester sérieusement les chiffres avancés par Madame [Q] [S] concernant les embauches en CDI et en CDD, personnel au sol, pour les années 2006, 2007 et 2008, chiffres que la salariée tire notamment des bilans sociaux de la SA AIR FRANCE des mêmes années qu'elle produit.
Il ne sera donc pas ordonné de présenter ces pièces, ni sursis à statuer.
Sur la rupture du contrat de travail de Madame [Q] [S]
Le contrat de travail de Madame [Q] [S] a été rompu par lettre recommandée du 15 novembre 2006 en application des articles L421-9 et D421-10 du code de l'aviation civile, qui interdisaient l'exercice des fonctions de navigant commercial après l'âge de 55 ans.
Le décret ayant modifié la rédaction de l'article D421-10, qui fixait pour les personnels navigants commerciaux, la limite d'âge à 55 ans, est entré en vigueur le 1er mai 2006.
Il constituait donc le cadre applicable lors de la rupture du contrat de travail de Madame [Q] [S] .
Dans le cadre de leurs conclusions les parties développent un débat sur le fait de savoir s'il s'agit dans le cas d'espèce d'un licenciement ou d'une rupture du contrat de travail « qui ne saurait être regardée comme étant un licenciement au sens des articles L 1232-1 et suivants du code du travail ».
Aux yeux de la cour, cette rupture, à l'initiative de l'employeur, qui n'est pas conventionnelle, repose effectivement sur des motifs « autonomes » expressément prévus par les dispositions applicables du code de l'aviation civile et distinctes de la faute, de l'insuffisance professionnelle, ou du motif économique, mais se traduit nécessairement par un licenciement, ce qui ne change rien quant au pouvoir du juge d'apprécier la régularité de ce licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués à l'appui de cette rupture et donc le caractère fondé ou non de ce licenciement .
La cour relève d'ailleurs que l'employeur qui a mis en oeuvre cette rupture a , spontanément et scrupuleusement, suivi les dispositions législatives applicables en cas de procédure de licenciement. Cette rupture vaut donc licenciement
Or, l'article L421-9 du code de l'aviation civile, dans sa version en vigueur au 15 novembre 2006, date de la rupture du contrat de travail, précisait que « le contrat de travail du navigant n'est pas rompu du seul fait que cette limite d'âge est atteinte, sauf impossibilité pour l'entreprise de proposer un reclassement dans un emploi au sol ou refus de l'intéressé d'accepter l'emploi qui lui est offert».
L'employeur, ne pouvait donc rompre ce contrat de travail qu'en l'absence de reclassement possible.
À défaut de dispositions spécifiques précisées par la réglementation en vigueur, les règles prévues dans le code du travail relatives aux autres cas d'obligation de reclassement doivent nécessairement inspirer, dans la limite de leur compatibilité, la recherche de reclassement par l'employeur dans cette hypothèse de rupture du contrat de travail pour atteinte d'une limite d'âge, étant par ailleurs rappelé qu'aucune inaptitude personnelle au plan de la santé, n'est établie ni même invoquée à l'encontre du salarié.
C'est donc à juste titre que la société AIR FRANCE rappelle que cette obligation n'est qu'une obligation de moyens. Il appartient toutefois à l'employeur, pour qui cette préoccupation doit être centrale, de procéder, suffisamment en amont de la rupture et avec loyauté à une recherche personnalisée de reclassement eu égard aux aspirations et aux capacités de l'intéressée.
Les efforts mis à la charge de l'employeur s'apprécient compte tenu de la taille de l'entreprise ou du groupe y compris dans sa dimension internationale, et de son effectif.
S'il est évident que, comme le soutient l'employeur, l'obligation de reclassement de l'article L421-9 du code de navigation civile ne s'entend pas comme l'obligation de proposer tout poste disponible dans l'entreprise, en revanche, une exécution de bonne foi de l'obligation de recherche de reclassement s'exerce de manière personnalisée eu égard au profil de l'intéressé, et s'accompagne, si nécessaire, des efforts de formation et d'adaptation nécessaires pour que l'intéressée puisse être reclassée sur un emploi approprié au regard de celui qu'elle occupait ou à défaut, et sous réserve de son accord exprès, sur un emploi d'une catégorie inférieure.
Les offres éventuelles de reclassement doivent être écrites et précises.
Dans le cas présent, force est de relever :
- qu'aucun bilan professionnel n'a été proposé en amont de la rupture qui aurait permis de mieux cibler la recherche de poste de reclassement et de mieux faire valoir auprès d'éventuels preneurs la candidature de Madame [Q] [S],
- l'employeur ne rapporte la preuve d'aucune proposition de reclassement en interne, ni en externe , alors qu'il n'est pas sérieusement discuté que la structure de mobilité emploi n'a jamais pris contact avec Madame [Q] [S] que ce soit par écrit ou par tout autre moyen, et ne justifiant d'aucune recherche active, notamment au niveau de l'ensemble du groupe AIR FRANCE.
Pourtant, il ressort des bilans sociaux produits par le salarié, qu'en 2006, 2007 et 2008 l'employeur, qui connaissait son obligation de recherches de reclassement pour l'ensemble des personnels navigants atteints par la limite d'âge, et qui ne discute pas de manière efficace l'assertion de la salariée selon laquelle il n'a en réalité pas reclassé ces personnels, a cependant chaque année procédé à l'époque au recrutement de plusieurs centaines d'employés, en contrat à durée indéterminée et déterminée, dans la catégorie « personnel au sol ».
S'agissant des autres structures appartenant au groupe AIR FRANCE, l'employeur ne fournit aucun document confortant l'absence d'embauche appropriée; quant aux autres sociétés appartenant au groupe qui n'ont manifestement pas été sollicitées, aucun élément sur leurs éventuelles possibilités d'accueillir Madame [Q] [S] en reclassement n'est produit.
La cour considère en conséquence que l'employeur ne justifie pas avoir satisfait, avec sérieux et bonne foi, à son obligation de recherches de reclassement.
Cette circonstance prive en tout état de cause le licenciement de Madame [Q] [S]de cause réelle et sérieuse.
Mais au-delà, c'est à juste titre que le salarié soutient que, faute pour l'employeur d'avoir établi son impossibilité de la reclasser, le seul motif de rupture sur lequel repose ce licenciement est en définitive l'atteinte de la limite d'âge de 55 ans.
L'employeur soutient que cette interdiction en fonction de l'âge est fondée sur des motifs objectifs, légitimes et appropriés et n'apporte pas une atteinte excessive aux intérêts des travailleurs, qui lui enlèveraient son caractère discriminatoire.
En l'espèce, l'employeur soutient que cette limite d'âge a, notamment, pour objectif légitime le bon fonctionnement de la navigation aérienne et la sécurité de ses utilisateurs comme de ceux qui y travaillent.
Il convient dès lors d'examiner si la disposition de l'article L421-9 du code de l'aviation civile, relative à l'âge du pilote ou du copilote, qui a justifié le licenciement de la salariée, peut être considérée comme discriminatoire, peu important le fait qu'elle ne constitue pas, à elle seule, le motif de la rupture.
Or, si la fixation d'un âge limite pour certaines professions, par exemple pour les pilotes de l'aviation civile peut-être légitimée au regard des nécessités de la sécurité des passagers , un tel 'principe de précaution' est plus difficile à justifier s'agissant de personnel navigant commercial, tel une hôtesse, la mesure prise n'apparaissant, de par son caractère général, ni nécessaire, ni proportionnée alors que les conséquences de l'âge sont très différentes d'un individu à l'autre et que des obligations individuelles de contrôle médical régulier, permettraient de satisfaire, de manière plus appropriée, à l'objectif de sécurité.
D'autre part, l'employeur qui invoque également comme objectif légitime, pour justifier un départ en retraite anticipée, la politique de l'emploi et du marché du travail, ne développe pas de manière appropriée et suffisante cet argument.
D'ailleurs, la cour rappellera, que cette limite âge a été repoussée, sous certaines conditions, jusqu'à 65 ans, par décret du 17 décembre 2008 applicable au 1er janvier 2009.
Or, par application des articles L 1132-1et L 1132-4 du code du travail, sont nuls comme discriminatoires, toute disposition ou tout acte, et notamment tout licenciement, pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance de ces dispositions, notamment, en raison de l'âge de celui-ci.
La rupture du contrat de travail de Madame [Q] [S], qui s'analyse comme un licenciement, sans que l'employeur n'ait procédé de manière satisfaisante à la recherche de reclassement qui lui incombait, est donc frappée de nullité, comme étant intervenue au regard du seul critère d'âge qui n'est pas sérieusement justifié, ce qui rend ce licenciement discriminatoire.
La décision des premiers juges sera infirmée en ce qu'ils n'ont pas considéré que le licenciement était nul mais que la rupture produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes formulées par Madame [Q] [S]
Au titre des salaires et des avantages financiers
La salariée fait valoir que si elle n'avait pas été licenciée de manière illicite, elle aurait perçu au titre de la période entre la rupture et le présent arrêt des salaires assortis d'avantages qu'elle sollicite.
La société soutient que, dans la mesure où elle ne sollicite pas de réintégration, elle ne peut prétendre tout au plus qu'aux indemnités de rupture et à l'indemnisation de son préjudice.
En effet, Madame [Q] [S] ne sollicitant pas sa réintégration, la cour considère qu'elle peut prétendre uniquement aux indemnités de rupture et à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L 1235-3 du code du travail.
Madame [Q] [S] sera donc déboutée de sa demande à ce titre.
La décision des premiers juges sera donc confirmée sur ce chef de demande.
Au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
Madame [Q] [S] soutient qu'elle aurait dû percevoir l'indemnité conventionnelle de licenciement dans la mesure où elle a été licenciée pour un autre motif qu'une faute grave.
La société fait valoir que la salariée a perçu l'indemnité exclusive de départ disposée par l'article L 421-9, qu'elle ne peut en outre percevoir l'indemnité conventionnelle ce d'autant que celle-ci ne doit être payée qu'en cas d'absence de droit à pension CRPN à jouissance immédiate.
Il résulte de la combinaison des articles L 423-1 et R 423-1 du code de l'aviation civile que l'indemnité de licenciement est allouée sauf en cas de faute grave au personnel licencié sans droit à pension à jouissance immédiate et de l'article 3.4.4 du chapitre 7 de la convention d'entreprise du personnel navigant commercial versée aux débats par Madame [Q] [S], que si la personne licenciée a droit immédiatement à une pension CRPN, elle doit percevoir une indemnité de licenciement conforme aux dispositions du code du travail et dont le montant ne peut être inférieur au montant fixé à l'article 5.2 de la convention.
En l'espèce, il est établi par les bulletins de pension mensuelle de la CRPN versés aux débats par Madame [Q] [S], qu'elle a bénéficié de cette pension de manière immédiate.
Il résulte de la combinaison de l'article R 122-2 du code du travail dans sa version antérieure que l'indemnité légale est calculée à raison d'1/10ème de mois par année d'ancienneté auquel s'ajoute 1/15ème de mois au-delà. Il résulte de l'article 5.2 du chapitre 7 de la convention d'entreprise du personnel navigant commercial que l'indemnité de licenciement est égale à 4/27ème de mois par année de service. Enfin, l'indemnité spécifique de rupture qui a été versée à madame [S] est calculée sur la base d'un mois de salaire par année d'ancienneté, l'employeur pouvant ne pas aller au-delà de 12 mois.
Il convient de vérifier que madame [S] a perçu au titre de la rupture de la relation contractuelle analysée par la cour en un licenciement, une indemnité au moins égale à l'indemnité de licenciement à laquelle elle avait droit par application combinée des articles 3.4.4 et 5.2 du chapitre 7 de la convention d'entreprise du personnel navigant commercial.
Au moment de la rupture, elle avait acquis 28 ans, 2 mois et 25 jours d'ancienneté, préavis compris.
Elle a perçu une indemnité de rupture de 54.048,81 Euros.
Par application du code du travail, elle aurait perçu la somme de 16 561,27 euros et sur la base de l'article 5.2 de la convention d'entreprise, elle aurait perçu, même en comptant la dernière année en son entier, la somme de 17 614,81 euros.
Elle a donc perçu une somme supérieure à celle prévue par la convention d'entreprise de sorte qu'aucune somme ne lui est due à ce titre.
Dès lors, elle sera déboutée de cette demande et la décision des premiers juges sera confirmée.
Au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
Cette indemnité est due lorsque le licenciement est nul ce qui est le cas en l'espèce.
La société sera condamnée à payer à Madame [Q] [S] la somme de 8.200 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 820 euros à titre de congés payés afférents.
La décision des premiers juges sera donc infirmée en ce qu'il a été alloué à madame [S] à ce titre la somme de 956 euros outre les congés payés afférents.
Au titre de la retraite
Madame [Q] [S] fait valoir qu'elle subit du fait de son licenciement un préjudice au titre de sa retraite caractérisé par une minoration du salaire pris en compte pour le calcul du salaire annuel moyen (SAM).
Ainsi, elle rappelle que si la période de chômage est prise en compte au titre de 4 trimestres maximum pour la durée d'activité, les prestations chômages versées ne sont pas incluses dans l'assiette de calcul du SAM, de sorte que la pension de retraite se trouve minorée d'autant. Elle considère qu'elle dispose d'une espérance de vie de 30 ans et effectue le calcul en en tenant compte de celle-ci.
La société fait valoir que la CRPN est perçue dès que la salariée ne peut plus naviguer soit, dès 55 ans de sorte que la mise à la retraite à cet âge ne crée à la salariée aucun préjudice quant au montant de cette retraite.
Elle fait valoir que Madame [Q] [S] n'était pas affiliée à l'AGIRC et à l'ARRCO comme le démontrent les bulletins de paie. Enfin, elle rappelle que la durée du chômage est prise en compte dans le calcul de la pension de retraite de base.
Madame [Q] [S] affirme avoir été affiliée à l'AGIRC et à l'ARRCO mais ne produit aucun élément le démontrant alors que cette affiliation est contestée par l'employeur et ses bulletins ne portent pas mention de cotisations à ce titre.
Cependant, au titre de la retraite de base, d'une part, la prise en compte pour le calcul du nombre de trimestres de la période de chômage est limitée à 4 trimestres et, d'autre part, les prestations chômage perçues ne donnent pas lieu à un report de salaire sur le compte de l'assuré dans la mesure où elles ne sont pas soumises à une cotisation d'assurance vieillesse. Il en résulte à l'évidence, une minoration pour Madame [Q] [S] du salaire annuel moyen et donc de la prestation retraite.
Ce préjudice spécifique sera pris en compte dans l'évaluation de l'indemnité réparant le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement.
Sur le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement
Madame [Q] [S] avait acquis 28 ans d'ancienneté et percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle brute de 4.100 euros.
La cour dispose des éléments suffisants pour fixer à 297.260 euros le montant de l'indemnité de nature à l'indemniser de son entier préjudice résultant de la rupture illicite de son contrat de travail.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du CPC
La Cour considère que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il apparaît inéquitable de faire supporter par Madame [Q] [S] la totalité des frais de procédure qu'elle a été contrainte d'exposer. Il sera donc alloué une somme de 3000 euros, à ce titre pour l'ensemble de la procédure.
DECISION DE LA COUR :
En conséquence, la Cour,
Ordonne la jonction des procédures RG 12/06269 et RG 12/06470,
Confirme la décision du Conseil de prud'hommes en ce qui concerne l'indemnité conventionnelle de licenciement et la demande au titre des salaires et des avantages financiers,
L'infirme pour le surplus,
et statuant à nouveau et y ajoutant :
Déclare la rupture du contrat de travail de Madame [Q] [S] illicite et son licenciement nul,
Condamne la SA AIR FRANCE à payer Madame [Q] [S] les sommes suivantes :
- 8.200 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, congés payés de 10 % en sus,
avec intérêts au taux légal et capitalisation à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes,
- 297.260 € toutes causes confondues, à titre d'indemnisation du licenciement nul et de l'ensemble de ses conséquences, notamment financières, avec intérêts au taux légal et capitalisation à compter de la présente décision,
Déboute les parties de leurs demandes complémentaires ou contraires,
Condamne la SA AIR FRANCE à régler à Madame [Q] [S] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure.
La condamne aux entiers dépens de l'instance.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,